SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N°69
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BD HARDUIN d’AMERVAL n°1 à 63
Illustration BD : ODILON page 2
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PATRICK MERIC
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HUMOUR-PATOIS
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Mon Rêve au doux visage
page 3
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Lindsay POTENCIER |
Pinson de peine page 3
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Benoit BRIDET |
Mon rêve page 3
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Alexy MASSY |
Ech’
confinement
page 6
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Jean-Luc MENET |
In creut toudis page 6
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Léonce BAJART |
Pensée page 3-6-9
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ADULTES |
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La Nature aux pattes page 4
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Jean-François SAUTIERE |
Le Chemin page 4
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MARTINE |
L’Ange roux page 4
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Julien BURY |
Temps pluvieux page 5
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Maxence LARDJANE |
Les belles paroles page 5
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GUIZMO |
Un coq et une poule page 7
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Patrick VENTURE |
Un Foulard Page 7
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PLUIES NEUVES |
Après la moisson Page 8 |
Gérard
ROSSI |
Où êtes-vous – La Pâleur page 8 |
HERTIA-MAY |
L’eau claire page 8 |
Gérard
LAVOISIER |
Fleurs page 8 |
Henri LACHEZE |
Les
Anges page
9 |
Thérèse LEROY |
27
Avril 2018
page 9 |
Thérèse LEROY |
Amours interdites page 10 |
Bernard
SIMON |
L’hirondelle - Solitude page 10 |
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Un Cosmos page 13 |
PLUIES NEUVES |
La
Statue page 15 |
PASCAL |
Le Printemps page 15 |
Reine DELHAYE |
De la terre à la lune page 22 |
Robert BRETON |
NOUVELLES
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Bonne Chair page 11/12/13 |
Franck DEFOSSEZ |
Dommages Collatéraux page 14-15 |
PASCAL |
Paranormal sisters page 16-17 |
Martine GRASSARD-HOLLEMAERT |
Le Tunnel du temps page 18-19 |
HERTIA-MAY |
L’Antichambre page 20/21/22 |
Hector MELON D'AUBIER |
Martin et Martine page 23&24 |
CHARLES DEULIN |
DIVERS
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Michel JADIN 3°de
couverture |
Auteur |
* Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire |
MON REVE AU DOUX VISAGE |
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Je vous observais au loin ; Vous aviez un regard si lointain. Vous étiez comme perdue Avec tant de vertu. Vos yeux humides de tristesse, Vos larmes prêtes à tomber avec délicatesse. Le nez rouge, causé sûrement Par du froid que dégage le vent. De jolies joues rosées Sans le désirer. Rien qu’en vous admirant, Je vis votre air ravissant, Vos épaules dénudées Avec un air frais. Vos sourcils légèrement inclinés, Prêts à se rencontrer. Votre coiffure faite de bon matin Avec sans aucun doute beaucoup de chagrin. Vous vous demandez sûrement qui je suis : Considérez-moi comme un bon ami. Je vous redonnerai le sourire Jusqu’à vous en faire rire. Une rencontre ne vient jamais par hasard Mais elle apparaît en un seul regard. Lindsay |
PINSON DE PEINE |
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Des rails de ta phrase pinson Son train de métal clair luisant Qui n’entend la brisure par-delà la clarté Qui n’entend la question et la plainte Le double microphone par où coule la voix Qui ne devine le masque l’abri Oiseau de peine La cime de la grive Le promontoire du merle L’espace ouvert te les refuse Te limite l’entre-deux végétal Parti droit pour l’azur Tenu du houpier bleu du cèdre Pinson fébrile j’écoute Epelle frère notre commune condition Loin des yeux Loin des sommets revendiqués Soulève le couvercle de l’oracle Accueille ma misère Dans le panier de ton refrain Oiseau de peine j’écoute Jusqu’à l’éclair de la sauvagerie Remâche mille fois ton blues bouseux Pinson de peine j’écoute. Benoît Bridet Saint-Quentin (02 |
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MON REVE |
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Je voudrais que mon rêve soit réel, me transporter dans le besoin d’être écouté, que les gens que j’apprécie ne soient pas éloignés, peu importe la situation, mais dans la réalité, ça ne se fait pas, on m’éloigne, on m’évite. Alors je me dis que je ne suis pas une très bonne personne, que je ne suis pas capable de m’assumer. Je me compare au Joker, c’est un personnage qui se met dans la peau d’une personne, qui fait des blagues, son show, son spectacle. À l’intérieur de lui, il se sent mal, il s’invente une autre vie, il se déguise, se maquille en vert et rouge, les cheveux verts pour faire rire les gens, mais le Joker, au fond de lui, est une personne handicapée. Alexy Massy |
ECH’ CONFIN’MINT |
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Eun jour, ech’ présidint a bafié dins l’lucarne Pou
déclarer la guerre à un sorte ed’ tiot vier Qu’in appellot l’ Covid’. L’avot
pas l’air bin fier : I
r’sannot aux soldats d’el’ batale
ed’ la Marne. J’allos éteind’ el’ post’ et final’mint, j’m’acharne A
l’acouter parler d’eun confin’mint amer, Qu’in
peut pu boire eun cop, ni daler
à la mer, Qu’ej’ veros pu personn’ sauf em’ finme, cet’ vieil’ carne. Heureus’mint in avot l’drot d’aller s’pourméner, Si
ch’atot moins d’eune
heur’. Mais in pouvot biner, Arpiquer des salad’s tout in
buvant eun’ chope, Hiercher ou bin fouir, ou jeuer
du ratiau… Alors,
v’là l’résultat : depuis qué j’sus tout tiot, Min
gardin, nom des os, n’a jamais té
si prop’. Jean-Luc Menet – Verchain-Maugré |
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IN CREUT TOUDIS |
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In creut toudis qu’ailleurs ça va miux qu’à s’mason Qu’in a tous les tourmints, qu’el z’eutt’s i n’ont qu’ d’el chince Mais aussitôt qu’in fait in tour dins l’ z’invirons In veut qu’à tous l’ z’indreuts, c’est pa tous côtés Frince. Hinri ia trop d’tinsian, sin frère i fait au lit Et si l’fill’ mo luronne al a l’foie qui gonfelle El pu viux mo l’indoulle ia sin couair qui fonflit Tindis qu’ Batisse à drisse i n’va pu à la selle. El monne iest fait comm’ ça qu’in invie sin visin Ses plaisis, ses quat’ sous et pi même ess n’ouvroche Çou qui lui iéblouit mais in mieux ravisint In apprind qu’à s’mason… el cat iest dins l’orloche. Puss’ èqu’ souvint su terre ia orneuc dins no qu’min Et qu’si in a l’catarrhe el z’eutt’s iont d’el niflète Pourquau cacher l’bonheur à l’ porte ed sin visin Qu’in
such’ tiot, qu’in such’ grind… tertout’s in a s’planète. MORALITE : Du qui n’pleut pas… i broulle ! Léonce Bajart |
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LA NATURE AUX PATTES |
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La nature aux pattes, papillons et chenilles, Court entre les troncs et les branches en guenilles. L’air est lourd d’odeurs à la besace du rêve Et les bruits mûrs seront pour le jour qui s’achève. Plumes Sergent-Major oisives aux plumiers Fixez la poésie aux marges des cahiers Et sans attendre l’éclat de quelque trompette Trempez-vous corps et biens dans l’encre violette. Dites les talus bleus qui se parent de fleurs, Les chemins de poussière en route vers l’ailleurs, Les feux de camp volés à la source lumière Et l’éternel azur qui cligne les paupières. Faites rimer entre eux les mots encore à naître : Les crayons de la lune entrouvrent la fenêtre Et la nuit a choisi le suave jasmin. Le soleil s’est couché et reviendra demain. Jean-François Sautière – 24 décembre 2022 |
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PENSEE |
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Pouquo qu’in dit queu t’es un surdoueu, ti-zaute ! Pace queu euj sus in prématureu ! Et alorse,
quo cha y fé, qu’té in prématureu ! Et bin, jé éteu mi in couveus’ à 6
mos ! Cheulle-chi à la quéhu
en pinne, é ché mi qu’y l’a répareu ! Traduction :
Pourquoi dit-on que tu es un surdoué, toi ! Parce que je suis un
prématuré ! Et alors, qu’est-ce que ça fait que tu es un
prématuré ! Eh bien, j’ai été mis en couveuse à 6 mois ! Celle-ci
est tombée en panne, et c’est moi qui l’ai réparée ! Aveuc ché
déclaratians dé ministes,
in s’dminde si qu’y nos prennent nan pou dé
babaches ! mi y a longtimps qu’min thermotat y lé à 19°. Eum n’io kaute pou l’douche et l’io freude pou l’tolette. Mé queu
qu’y creute, euj mé inn couette pou ravisseu eul télévisian ! Y n’ont nan connu eus z’hiveur eud nivimpe à march, é quind sin fioul y gélot, o bé
qu’eul chaudieure all quéot in pin-ne. In attindot tros jors pou qu’eul réparateu y vianne é pindint eus timps là, in s’rékoffot come in pouvot !
dé fos sos l’couette si
vos véyés sou qu’euch veus dire ! Si j’pinse in tiot peu à çou qu’y pourrot m’appart’nir total’min, y n’y a pon grind cosse ! L’argint ? bin nan, pisque
dès qu’eus j’s’rè mort cha
ira à mé z’héritieux. Min
corps à mi qu’y lé mi-in, é bé nan puss ? vu
qu’a s’ra es zasticot obé
ché flimmes qu’y in s‘ront ché usufruitieux !
inn banne ideu, pon puss ? Y n’in aura toudis in ti-z’aute qu’y s’in impar’ra po li-minme ! Alorse quo ? é bin y a qu’eum
pinseu nan dite qu’y s’ra toudis
à mi-z’aute et rin qu’à
mi-z’aute ! pin-se zi, tiot ! Traduction :
Si je pense un peu à ce qui pourrait m’appartenir totalement, il n’y a
pas grand-chose ! L’argent ? eh bien non, puisque dès que je serai
mort ça ira à mes héritiers ! Mon corps à moi qui est le mien, eh
bien non plus ? Vu que ça sera les asticots ou les flammes qui ont
seront les usufruitiers ! Une bonne idée, non plus ? il y en aura
toujours un qui s’en emparera pour lui même ! Alors quoi ? eh bien
il n’y a qu’une pensée non dite qui sera toujours à moi et rien qu’à
moi ! Penses-y ! HMA |
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LE CHEMIN |
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Le chemin des joncs La rivière Passe sous les ponts De naguère. Le chemin qui fuit Ses arrières Le chemin de bruit Et de fer. Le chemin qui crâne Et qui croit Conduire un infâme A la Croix Le chemin qui flâne Dans les bois Le chemin des Dames Et des Rois. Le chemin qui bosse Monts et vaux Tire le carrosse Au château. Le chemin qui marche Pèlerin Dont la cloche arrache Des grelins. Le chemin qui sue Les armées Le chemin qui tue Sans arrêt. Le chemin qui croise Le chemin La route sournoise N’est pas loin. Le chemin qui meurt En chemin Le chemin du cœur De chacun. Martine |
L'Ange Roux |
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Sans contrefaçon Tu nous dis que petite on te disait Que tu étais très jolie pour un garçon Cette personne disait vrai Ta chevelure flamboyante Une femme si fragile Nous, fans, nous comblerons tes attentes Tu nous offres des Ainsi soit-il ! Tu te dis Libertine Nous venons te voir par milliers Aucun pays ne fait mine Face à ton grand succès Le culte de toi-même t'est difficile Tu es si mystérieuse Nous on attend, sans toi ce n'est pas facile Mais tu nous montres une mine radieuse Tu nous dis que tu nous aimes Dès qu'on te voit, on devient fou Les jours sans toi ne sont pas les mêmes On t'aime notre Ange Roux. Julien
BURY |
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TEMPS PLUVIEUX EN BORD DE
SCARPE
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LES BELLES PAROLES |
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Maintenant, je ressens les belles paroles, vraies. Être aimée comme je suis, femme et mère. Dans ce clapotis, ce va et vient de l’eau, une chose m’attire,
plonger et y rester. Trop peur de renaître et d’être heureuse, trop peur de donner à
nouveau de l’amour à l’autre. Envie de couler et ne pas remonter pour vivre. Peur de me découvrir alors que je sais qui je suis. Guizmo |
UN COQ ET UNE POULE |
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Un coq libidineux courtisait une poule, Galinette mondaine mais pas du tout cocotte, Fréquentant les nantis, enfin ceux de la haute Qui ne côtoient jamais la misérable foule. Notre dame poulette aguichait le beau linge, Paradait de la croupe, le port avantageux, Caquetait, s’éventait, plastronnait de son mieux, Séduisait à tout va, s’en creusant les méninges. Le galant rengorgé s’approcha de la belle, Monta sur ses ergots pour paraître plus grand, Fit luire son jabot, voulut sortir du rang. Tout en se pavanant, aborda la donzelle. « Que vos plumes m’excitent, déclama Chantecler. Votre allure est divine, votre teint m’éblouit. Quand vous ouvrez le bec, s’affole mon ouïe, Et dans vos yeux de braise je vois jaillir l’éclair ». « Coquelet de village, lui rétorqua faisane. Votre verbe est fleuri mais vient de basse-cour. Il est à la hauteur d’un piètre troubadour Qui ne peut que flatter de vulgaires sultanes ». Maître coq outragé s’enfuit à tire-d’aile, Blessé dans son orgueil par ce gallinacé. « Puisqu’il en est ainsi je me ferai corbeau. J’apprendrai à voler et même à croasser. J’emballerai les pies, on en trouve à la pelle, Et pousserai, vainqueur, un long cocorico ». Patrick Venture – Robion (84) – Prix concours Emulation 2021/2022 |
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UN FOULARD |
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Quand la rue s’endort Dans les bras de la nuit, Les trottoirs s’ennuient des passants, Ils marchent sur le ciel blanc Des réverbères, Jettent des regards curieux Jusqu’à l’aube Sur la chemise blanche des prairies. Ils trahissent des ombres louches, Des hochements de tête, On dirait qu’un coq, Suivi de son harem, Griffonne le jardin En comptant haut et clair Une pitance multiple. Alors le jour détricote Son foulard orange Le long des chaussées tièdes, Les fils d’or disparaissent Dans la gueule de l’égout, Quand le balai agite sa tignasse de bois. Pluies neuves |
APRÈS LA MOISSON |
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Fakir Indou Sur sa planche à clous ? Non ! agriculteur, tout seul, Couché dans son champ d’éteules. Crucifié par « Bruxelles » Sur sa parcelle ! Son travail, à sa valeur, Non reconnu, Le laisse étendu ! Pour faire comme les autres privilégiés Qui pendant ce temps-là, allongés Sur le sable se font bronzer Durant ce mois d’été. Ayez pitié, Seigneur, De nos pauvres agriculteurs Prisonniers des Normes Qui leur rendent la tâche énorme. Gérard Rossi Neuville Saint-Rémy |
OÙ ÊTES-VOUS |
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Où êtes-vous, qu’êtes-vous devenus ? Soupes aux choux des maigres menus Saurets salés partis en fumée Ô temps de mon enfance Envolés dans la danse… Les vieux retraités en bleus De travail, faisant le pignon Avec leur tartine et leurs oignons Sur les escaliers de pierre bleue Ouvriers allant à leur boulot Ricanant sur leur vélo La gamelle dans la mallette Le front sous la casquette Brasserie pleine de vapeur Eclairée par un phare La rue baignant dans l’odeur Du houblon, de l’orge, le soir Les tisseurs commençant tôt le matin Battent la mesure de mes pas d’écolier Les métallurgistes cognant l’étain, Les ménagères déjà sur leur palier… Hertia
May Avril 1977 |
PÂLEUR |
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La pâleur des siècles ensablés Recouvre lentement les cernes de la ville Mon pays est un château de fleurs Dressé dans les nuages Je l’ai quitté enfant Pour la poussière des chemins gris. La torpeur des soucis humains Recouvre lentement les cernes de la vie Mon pays est un calice de rose Dressé dans le soleil Je l’ai quitté enfant Pour la grisaille des matins froids. Hertia May |
L’EAU CLAIRE |
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Nous étions pareils au blé nouveau de l'or nous tapissait de partout et ce soleil nous couvrant de baisers qui dessinait sur nos lèvres farouches des mots tout bêtes. Nous étions assis près du pont et ta jeunesse riait et riait tant et fort.... Aujourd'hui elle vibre encore avide d'avenirs et de miroirs aux cheveux blancs. Nous étions limpides Nous étions de l'eau claire. Gérard LAVOISIER |
Fleurs |
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Des fleurs sur la mer, oui, des fleurs, Faites d’écume et de voyages, Oui, dans le ciel, des fleurs, Faites de bleu et de nuages Et dans la nuit, des fleurs, Faites de lunes et d’orages. Des fleurs, des fleurs aussi sur les visages, Faites d’amour et de sourire Oui, partout des fleurs, oui, pour vivre, Oui, pour aimer, oui, pour sentir, Toute la lumière des fleurs, Pour le bouquet-soleil d’un souvenir heureux. Henri Lachèze |
LES ANGES |
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Qui sont ces anges que l’on côtoie sans bien souvent s’en rendre compte ? Que cherchent-ils à nous dire, à nous transmettre ? Une enfant qui, tout près de sa mère, soudain, met sa main dans la tienne alors que tu passais juste devant elle. Et puis cette petite fille aux cheveux bouclés, au teint tellement pâle que son visage semble translucide, éclairé d’une étrange lumière. Alors qu’elle passe, la main dans la main de son père, elle reste là à te fixer avec insistance jusqu’à se retourner en marchant. Et ce sentiment unique, inoubliable, qui te traverse jusqu’à l’âme, un peu comme une connexion, un lien privilégié qui s’établit sans savoir pourquoi ni comment. Une tourterelle qui vient se poser sur la route pour ralentir ta voiture, un chat qui se met à traverser pour t’éviter d’accélérer, un vol de mouettes au-dessus de ta campagne bien au-delà des océans, ce papillon qui vient se poser sur ta main, un chien qui refuse d’obéir à son maître et préfère venir vers toi. Je veux croire à tous ces signes comme des messages bienfaisants, des clins d’œil pour m’aider, pour m’orienter dans ce vaste labyrinthe de la vie. Ce sont des instants magiques à chaque fois. C’est comme un souvenir dont tu aurais oublié la substance : tu le connais, tu sais qu’il fait partie de toi, tu te sens en symbiose avec ce tout petit signe qui t’interpelle comme une connexion à une autre dimension. Thérèse L. |
27
avril 2018 |
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Prends garde à ceux qui se disent tes amis : ils te poignarderont dans le dos sans que tu y prennes garde. Garde-toi de leurs beaux discours : sournoisement, ils te dénigreront auprès d'autres. Pire, ils se moqueront de toi et de tes faiblesses. Méfie-toi de leurs grands sourires : ce n'est que pour mieux t'attirer dans leurs perfides filets. Et les secrets que tu leur confieras se retourneront tôt ou tard contre toi. Mensonges et médisance sont leurs maîtres mots. Et toi, petite fleur fragile, si candide, si naïve, toi qui n'es qu’honnêteté et bonté, tu restes là désemparée, le cœur en miettes, les bras ballants : tu n'y comprends plus rien. Thérèse.L |
AMOURS INTERDITES |
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Nous étions deux ados qui dormaient sous juillet Quand sur le sable chaud, la main l’on s’est donnée, Si jeunes et si beaux sur la plage, allongés, Réunis à l’abri des regards indiscrets. Enlacés et liés sous ce soleil d’été, Un baiser fut donné, notre idylle naissait. Ce premier baiser échangé si passionné Semblait sceller l’union de nos corps à jamais. A peine dix-sept ans, notre vie commençait. Des jeunes gens qu’un premier amour unissait, Enivrés de bonheur, heureux, émerveillés, Les yeux dans les yeux sur la plage ensoleillée. Nous étions deux garçons tourmentés sous juillet, Enflammés mais inquiets car ce mois finissait. Des êtres différents que la vie rassemblait, Deux éphèbes meurtris par l’amour qu’ils cachaient. Follement amoureux ! mais si désemparés… Torturés et n’osant avouer ce secret Au monde des adultes qui ne tolérait Que des gens du même sexe puissent s’aimer. Est venu l’instant cruel de nous séparer. Se jurant tous deux que l’on se retrouverait, Pour la dernière fois nos deux corps fusionnaient Sur ce sable chaud où notre amour est né. Nos mains liées se sont peu à peu détachées, Nos corps écartelés, nos âmes affligées, Par l’incompréhension et la méchanceté Des aînés qui, au nom de leur moralité, Nous donnaient l’image d’êtres pestiférés. Désespérés, en pleurs, nous nous sommes croisés. Anéanti, je l’ai regardé s’éloigner. Ma vie d’ado à cet instant s’est arrêtée. Ce premier amour, je ne l’ai pas oublié, Il est gravé d’or dans ma mémoire à jamais. Un amour si court qu’en un mois, il fut brisé, De peur de dire aux autres combien l’on s’aimait. Bernard Simon |
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L’HIRONDELLE |
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J’ai vu passer l’hirondelle Dans les feuilles du matin J’avais mon cœur en elle À la volée du destin Le bonheur vient d’arriver Dans le ciel désolé Je suis seul amant Pour la fin des vents J’ai vu galoper ses ailes Aux musées du ciel Elle me tendait ses bras Comme celle qui m’aima Pour une fleur d’été J’ai connu la gaîté Qui baise le destin Et mourir un matin. Saint Hesbaye |
SOLITUDE |
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Sur la chanterelle mauve d’un nuage Le grillon de moire Chante Il chante parce qu’il ne peut pas crier Ses dents de rocaille Caressent la langue vermeille D’un espace de ciel Le ciel d’un espace L’ardoise aux reflets de ciel Pleure des larmes froides L’amour s’écaille Aux mailles des nuages Alors le givre est aveugle En dehors de la venelle Alors la rose se fane morose En dehors d’une tonnelle La veuve purpurine Aux pétales de brume S’évapore de pruine Sur un lierre de campanule. Saint Hesbaye |
UN
COSMOS |
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Cette
impression de toi cette intention murmurant en moi, c’est un rêve une note de jazz égarée le long du littoral de nos regards nourriciers. tu t’y promènes drapée de crépuscule, tes desseins bousculent le blanc de mes yeux. On
peut y deviner des déflagrations de tendresses, un cosmos nouveau. Alors
que la fête commence Pluies
Neuves |
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LA STATUE |
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Tu
décides de chaque instant choisi D’une
valse ou d’une bergamasque Nos
pas s’arrangent de l’opus quasi Modéré
jusqu’à des joutes fantasques. Tu
souris le temps d’un accord mineur Mais le vent et sa gamme opportune Ravive les rires blancs de ton bonheur Comme mille éclaboussures de lune. Les plus enlacés, les plus beaux Nous sommes l’ombre des arbres, Les doux roseaux du bord de l’eau Nous sommes la statue de marbre Pascal. |
LE
PRINTEMPS |
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Le
printemps est arrivé, Quelle
belle saison ! Les
arbres ont repoussé, Avec
leurs bourgeons. Les fleurs sortent
de terre Et refleurissent à
nouveau. Tout est fait pour
nous plaire, Le temps redevient
plus beau. Les oiseaux font
leur nid, Pour pondre des
œufs, Élever leurs petits, Être très heureux. Les abeilles butinent, Elles
vont de fleur en fleur Et
le ciel s’illumine, Devant
tant de bonheur. L’hiver est enfin parti ! Fini,
la neige et le froid. Maintenant,
tout reverdit, La nature est en
émoi ! Reine
DELHAYE |
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DE LA TERRE A LA LUNE |
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Bonjour à toi, ma blanche compagne ! Tu me suis
depuis une éternité, mais pourtant tu ne te
lasses pas de me tourner autour, frêle équilibre que si peu pourrait
rompre. Petit à petit tu t’approches
de moi, mais les principes de la mécanique céleste t’empêchent de te laisser
me rejoindre ou de me quitter. Je te vois là, tantôt pleine, gibbeuse, en croissant
ou en quartier, te faisant coquette pour mieux me tenter, mon improbable
amante. Et toi, tu me fixes de ton œil éclatant de vigueur, t’approchant et t’éloignant de moi, au gré des lunaisons. Comme tu m’attires, compagne de mes jours et mes nuits
! Tu es tellement proche
et si lointaine. Malgré cette distance,
mes océans, 1e sang qui m’apporte la vie, tentent en vain de te rejoindre dans des jaillissements d’écume lancés
vers les flots.. En plus, tu m’aguiches en te trémoussant, osant
me dévoiler ta zone de libration, petit
carré de ta chair telle la blancheur d’une cuisse au-dessus d’un bas. Je t’attends, je t’espère, et qu’un jour peut-être nous puissions nous rencontrer dans un fracas apocalyptique où enfin nous connaîtrions l’orgasme ultime, fruit de notre amour éternel. Robert BRETON |
BONNE CHAIR |
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18h30, la journée de travail se termine pour Loïc, et du même coup le week-end s’annonce. Il se tourne vers son collègue : -On ne se ferait pas un petit resto, ce soir ? Armand arbore un grand sourire : -Je te vois venir : une bonne entrecôte-frites, c’est tentant, mais t’as vu ton bide ? Non, je rigole ! mais quand même, Nicole trouve que l’on mange trop de viande ! Armand et Loïc sont amis depuis une bonne vingtaine d’années, et le fait de travailler ensemble, loin d’être source de conflits, n’a fait que renforcer leur complicité. Loïc hausse les épaules : -Parles-en à Gaëlle, elle réussira bien à la décider ! -Evidemment ! De toute façon, elles adorent se retrouver, et quoi qu’en dise Nicole, le resto est toujours une occasion sympa de décompresser ! -Je te laisse négocier. « Le Tamanoir », qu’est-ce que t’en penses ? C’est très certainement le meilleur endroit pour manger une bonne viande ! C’est ainsi que les quatre amis se trouvèrent assis, dans une ambiance feutrée, sous l’œil attentif d’un maître d’hôtel discret, à une table un peu retirée dans la salle du restaurant « Le Tamanoir ». Gaëlle, petite brune espiègle, décida péremptoirement : -On ne parle pas boulot, je vous préviens ! Ses yeux démentaient son air, qu’elle voulait autoritaire. -D’accord, d’accord ! se défendirent les hommes, feignant la terreur. La soirée commençait bien ! -Je propose l’apéro, comme ça on aura le temps de regarder la carte, dit Loïc, en faisant signe au maître d’hôtel d’approcher. -Tu parles, lui répondit Nicole, tu vas encore te taper un pavé de bœuf ou une côte à l’os ! -Hé, oh ! tu ne craches pas dessus non plus, avec un bon Côtes du Rhône ! répondit son mari, prenant les autres à témoins. -Oui, dit Gaëlle, mais il faut avouer que l’idée d’élever des bêtes pour les tuer et s’en repaître me pose véritablement un cas de conscience ; devons-nous continuer à nous comporter comme des prédateurs, simplement parce que c’est bon ? -Tu te vois devenir végan ? lui demande Armand. - Non, mais ça me déplaît de plus en plus de voir de la viande dans mon assiette. Bon, ajouta-t-elle, il faut reconnaître que c’est irremplaçable, comme goût et comme saveur, mais ça me gêne quand même ! Le maître d’hôtel les interrompit : -Désirez-vous un apéritif ? demanda-t-il. -Oui, avec plaisir, répondit Loïc, tout le monde est d’accord pour une petite coupe ? Et s’adressant au maître d’hôtel : -Vous nous apporterez la carte, s’il vous plaît ? -Bien sûr, monsieur… La carte du « Tamanoir » était une forme d’apologie à elle seule : tournedos qui rivalisaient avec les côtes à l’os, brochettes d’agneau, magrets de canard et rôtis de bœuf se livraient à une escalade gustative, à condition d’être amateurs de viande, bien entendu. -Bon, dit Nicole, de toute façon, en venant ici, nous savions bien que nous allions manger de la viande rouge ! Il n’y a même pas de poisson ! -Tu déplaces le problème, fit remarquer Armand. Les poissons, on les élève et on les tue comme toutes les bêtes que nous mangeons. -Si j’ai bien compris, ajouta Gaëlle, la viande, c’est forcément du vivant ? -Eh oui, ma pauvre, le jour où tu verras un steak composé de soja, de fistulina hepatica ou d’autres champignons, qui aura et le goût et l’aspect d’une viande, sans ajout bien sûr de toutes les saloperies de chimie qu’il faut inclure à la bouillie, exhausteur de goût, conservateur, etc., tu me feras signe, je viendrai manger chez toi ! Gaëlle haussa les épaules : -Il n’y a pas de solution, changeons de
sujet !
Le repas s’avéra délicieux, tous avaient choisi un filet de bœuf, accompagné de frites dorées à point, ce qui ne constituait pas un mets de grande finesse, mais qui convenait parfaitement à cette équipe de « viandeurs ». -On ne va pas se quitter comme ça, dit Loïc, allons prendre le café chez nous, j’ai un petit armagnac dont vous me direz des nouvelles ! -C’est mon tour de régler, déclara Armand, attendez-moi au vestiaire, je ne serai pas long. Il se dirigea vers le bar, s’acquitta de l’addition et rejoignit ses amis groupés dans le vestiaire. -Vous en faites une tête ! Que se passe-t-il ? Nicole répondit : -C’est Loïc, il a trouvé un mot dans la poche de son manteau. -C’est une raison pour faire une tête pareille ? -Ecoutez, je vous le lirai à la maison, devant le café, vous allez être surpris, déclara Loïc. -Bon, d’abord, avant d’avoir l’air ridicule, je vous pose solennellement la question : est-ce une blague de l’un d’entre vous ? -Mais jamais de la vie ! se récrièrent les trois autres. Allez, lis ! tu nous mets l’eau à la bouche ! Loïc déplia le papier qu’il tenait dans la main : -Je dînais ce soir près de votre et ai entendu votre conversation. Il se trouve que je travaille dans un laboratoire de recherche sur la viande artificielle. Nous sommes arrivés à mettre au point une culture de cellule qui pourrait dans un proche avenir remplacer le steak de bœuf. À des fins de crédibilité, nous recherchons des goûteurs indépendants, non rémunérés, et bien sûr n’appartenant pas au Groupe. Si l’expérience vous tente, R. V. Jeudi prochain, vers 20h, au 26 rue de Suresnes. Signé M. Ruffin. Un silence en forme d’exclamation suivit cette lecture. -Bon, je crois que nous allons goûter ton armagnac ! Mais qu’est-ce que c’est que cette blague ? dit Gaëlle. Loïc servit une généreuse rasade à tout le monde. Il enchaîna : -Pourquoi une blague ? On nous propose un rendez-vous précis, à une adresse précise, je ne vois pour l’instant aucune blague ; une prise de contact très discrète, je vous l’accorde, mais rien ne nous prouve qu’il s’agit d’un canular, et pourquoi en serait-ce un après tout ? Si cette société veut rester discrète, pour des raisons commerciales sans doute, ce n’est pas un délit que de nous contacter anonymement. -Que proposes-tu ? Que nous nous rendions à cette adresse, par curiosité ? Tu imagines la tête des habitants, si c’est une blague, en nous voyant débarquer à quatre ? Nicole ajouta, en reposant son verre vide : -La méprise serait vite expliquée, et les habitants comprendront aisément que nous sommes victimes d’une blague pas bien méchante, dans le fond. Il me semble que le plus simple serait de se rendre à cette adresse, à la date et heure indiquées, nous serons fixés une fois pour toutes. -Moi, je suis partante, renchérit Gaëlle. Un bon repas de viande gratis, ça ne se refuse pas ! C’est dans cet état d’esprit un peu badin, il faut bien le dire, qu’ils se séparèrent sur le palier de Loïc. Personne ne faillit au rendez-vous, et ils se retrouvèrent le jeudi suivant, un peu avant vingt heures, devant le 26 rue de Suresnes. -Bel immeuble, fit remarquer Armand. -Oui, c’est un hôtel particulier ! -Bon, on sonne ? s’impatienta Nicole. Loïc enfonça le bouton de la sonnette. Rien ne se passa, nul bruit ne se fit entendre et Loïc s’apprêtait à réappuyer quand la porte s’ouvrit silencieusement, sur des gonds bien huilés. Un homme élégant, la quarantaine, se tenait souriant dans l’encadrement de la porte monumentale. Mince, vêtu d’un costume sombre de bonne coupe, il s’effaça pour laisser entrer ses hôtes. Un large sourire illumina son visage. -Permettez-moi de me présenter : je suis M. Ruffin, et j’ai eu l’indélicatesse de vous convier d’une façon un peu cavalière, à cette expérience gastronomique ; ma seule excuse sera, si vous voulez me pardonner, d’avoir entendu votre débat passionné sur le droit de tuer de pauvres animaux pour manger de la viande. Ils débouchèrent dans un petit salon, au centre duquel se dressait une table ronde garnie de quatre couverts. -Nous ne sommes pas dans un restaurant, expliqua M. Ruffin. Il s’agit bel et bien d’un travail que vous allez accomplir ! Prenez place, l’expérience va commencer. Vous trouvez à côté de vos couverts un bloc-notes sur lequel je vous demanderai de consigner votre identité et votre n° de tél. et enfin, le principal, vos impressions gustatives. Ce sont simplement des cases à cocher, plus la place pour, si vous le désirez, un commentaire personnel. Pour des raisons d’objectivité, il vous sera servi à tous le même plat, choisi par vous naturellement. Voici le menu, succinct, je le reconnais et la carte des vins ; je vous demanderai également pour les mêmes raisons de vous mettre d’accord sur une boisson commune. Je vous sais amateurs de viande rouge, mais vous verrez sur la carte des déclinaisons en terrines, saucisses, jusqu’à une présentation sous forme d’abats. J’avoue que nous sommes très fiers d’avoir mis au point cette formule. S’étant concertés du regard, les quatre optèrent pour le rôti, garanti saignant, accompagné de pommes noisette. -Mais ! c’est du cheval !... Goûtez, vous autres ! s’exclama Nicole. -Hum… je dirais plutôt de la biche… dit Gaëlle. -Oui, ça tire sur le chevreuil, en tout cas, ce n’est pas du cheval ! affirma Loïc. -Moi, je dirais que c’est simplement délicieux ! conclut Armand. M. Ruffin, qui se tenait en retrait, buvait littéralement du petit lait. -Ce n’est rien de tout cela, mais le fait que tout le monde s’entende pour trouver ça bon me ravit ! Voici ce que je vous propose : venez dîner deux fois par semaine, et je vous ferai déguster toutes les déclinaisons que nous avons mises au point ! C’est d’accord ? -J’avoue que vous me tentez, M. Ruffin, qu’en pensez-vous, vous autres ? -Hé hé, je goûterais bien la terrine, moi ! dit Armand. Les filles minaudèrent : -On ne voudrait pas abuser ! -Mais vous n’abusez pas ! C’est moi qui vous le propose, je sens chez vous des dispositions de fins goûteurs ! Alors disons, à mardi ? Le mardi suivant réunit les deux couples. -À ce que je vois, personne n’a souffert d’indigestion ? plaisanta Loïc. -Il faut avouer que c’était délicieux, je me demande ce qu’il va nous proposer aujourd’hui. -Il ne nous avait pas parlé d’une terrine ? -J’ai hâte d’y goûter ! -Eh bien, sonne ! Qu’attends-tu ? M. Ruffin parut comme la semaine précédente, toujours élégamment vêtu, toujours souriant. -Ha ha, dit-il, vous n’avez pas su résister à la terrine, à ce que je vois ! N’oubliez pas de noter vos impressions, c’est très important, je vous le rappelle : c’est même la raison de votre présence ici ! Quelques semaines s’écoulèrent, et à chaque fois les quatre amis purent déguster toutes les déclinaisons possibles de cet ersatz de viande, du pot-au-feu à l’osso bucco en passant même par le gras double. Le sourire de M. Ruffin semblait s’élargir à chacune de leur rencontre. C’est avec ce même grand sourire qu’il composa le n° de tel. de René Alsartra. -Monsieur Alsartra ? Mission accomplie : votre femme est définitivement disparue. Ils ont tout bouffé, je n’ai jamais vu des goinfres pareils ! Franck Defossez |
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DOMMAGES COLLATERAUX |
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Ce matin, impossible de passer à travers : je devais aller au ravitaillement, chez Bédouin, à la boulangerie. Sorti de la maison, je suis allé ouvrir le portail… Ce qui est le plus impressionnant avec ce confinement forcené, c’est ce silence obsédant. Pas un bruit de bagnole, pas même le zonzon de la tondeuse du stade jouxtant mon quartier, pas de mobylette à l’échappement approximatif. Les chiens aboyeurs font relâche aussi, comme s’ils avaient compris toute l’importance du climat apocalyptique. On entend les tourterelles roucouler dans les rues d’à côté, des volets s’ouvrir dans des maisons lointaines, des petits oiseaux chantonner le printemps sur les fils électriques. Même mes pas sur le gravier donnaient une sensation de craquement de neige bruyant. J’ai sorti la bagnole du garage ; j’avais l’impression de faire un bruit de tous les tonnerres et que les voisins du quartier avaient tous, les yeux rivés sur moi, derrière leurs fenêtres. Direction, la boulangerie. Les rues étaient désertes ; déjà, le lundi, Romans n’est pas une ville très mouvementée, alors, sans école, sans magasin ouvert, sans personne sur les trottoirs, c’était une étrange ambiance de désertification… Cette boulangerie, c’était une bouée de sauvetage, une bulle d’air frais, un éclairage lumineux dans un monde naufragé. J’ai eu envie de toucher la cliente devant moi pour être sûr d’être dans la réalité ; une baffe pour une certitude, ce n’était pas cher payé. Dans la glace, j’ai vu un type qui attendait ; quand je le regardais, il me toisait ; quand je regardais ailleurs, il faisait pareil ; les cheveux longs, mal rasé, la dégaine défraîchie, je me suis aperçu que c’était moi… Quand vint mon tour, devant la vendeuse, cela m’a fait drôle de parler et d’entendre ma voix ; alors, j’ai acheté de ci et de ça, rien que pour le plaisir de dire des choses ; avec le congélateur et ma gourmandise, j’arriverais toujours à ne pas gaspiller. Je me suis excusé auprès de la serveuse de la boulangerie pour mon bavardage sans intérêt ; j’eus droit à un sourire, c’était le premier rayon de soleil depuis quatre jours ; j’ai dû bronzer de l’intérieur. Avec une certaine philosophie, elle me répondit que je n’étais pas le seul, et beaucoup mourraient de neurasthénie avant cette saloperie de virus… Les quatre baguettes dans les bras, la quiche, les pains au chocolat, le café, (ils font le café) le sucre, et la cuillère en bois pour touiller, c’était trop ! Naturellement, après avoir ouvert la portière, j’ai renversé du café sur le siège passager ! Ne voulant pas perdre ma bonne humeur matinale, je suis allé direction « Chemin des Bœufs » pour savourer le reste de mon café et croquer dans un de ces pains au chocolat tellement odorants. Enfin, je suis arrivé le long de l’Isère ; ses reflets grisâtres avaient, pour mon optimisme borné, des teintes émeraude et bleutées ; le soleil s’attardait dans les branches et c’étaient des jeux d’ombres et de lumières qui couraient un peu partout. Il créait des guirlandes d’or qui flottaient sur l’eau jusqu’à ce qu’une vaguelette les fasse chavirer mais, obstiné, il reprenait son ouvrage d’embellissement un peu plus loin sans jamais se démonter. C’était bien, ce coin de nature ; quoi de mieux, pour se laver l’esprit, que de laisser emporter ses soucis au fil de l’eau. Ici, j’étais à l’abri du mal insidieux. Chemin faisant, je repérai un banc ; ce serait idéal pour profiter de ce petit-déjeuner buissonnier ; je me régalais d’avance… Café et pain au chocolat à la main, à peine étais-je sorti de ma voiture qu’une bagnole de flics s’est profilée sur la route ! Aïe ! À coup sûr, ils étaient pour moi ! Surpris, j’eus un geste maladroit ! Et pan ! Un peu de café sur le futal ! J’étais à jeun, j’avais mes papiers, mon attestation de sortie, mon permis, l’assurance, le contrôle technique ok, les pneus pas usés, etc. C’était la Police Municipale ; les caméras de la ville avaient dû me repérer. Ben non, je n’avais pas le droit d’être ici ; il y avait des panneaux d’interdiction de circuler sur cette route. Je jurai que je ne les avais pas vus, et c’était vrai ; ils étaient bienveillants, ils me crurent ou firent semblant ; ils étaient dans la prévention. Avec ma belle casquette des Apprentis sur la tête, je me faisais l’effet d’un gamin surpris en train de voler dans un magasin de bonbons. Je devais seulement remonter dans ma voiture, prendre mon petit-déjeuner à l’intérieur pour ne pas donner l’envie à d’autres de se retrouver ici… Ils sont repartis ; un peu marri, j’ai croqué dans mon pain au chocolat et j’ai bu le reste de mon café. Le soleil s’était caché derrière les nuages, l’Isère avait perdu ses belles couleurs ; je me consolai en pensant qu’ils ne m’avaient pas foutu une prune à cent trente-cinq euros. Naturellement, il y avait des miettes partout à la place du conducteur. J’étais quitte pour passer un coup d’aspirateur dans la bagnole, trouver une solution pour nettoyer le café et foutre mon pantalon à la machine. J’ai vite fait demi-tour avant qu’ils ne reviennent ; ils étaient peut-être passés en mode répression. Et nous ne sommes seulement qu’au huitième jour du confinement. Dites, vous ne connaissez pas un moyen pour nettoyer les taches de café sur un siège passager ?... Pascal Romans sur Isère (26) |
Paranormal Sisters |
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Chapitre
8 suite -
J’ai réfléchi à votre affaire, et je penche vraiment pour un phénomène
parapsychique. -
Vous croyez ? -
Oui ! je pense. Seulement je ne peux vous en dire plus sans que je
puisse assister à certaines scènes. Et cela me semble compliqué. -
Ah ! Je vois. -
Ne vous inquiétez pas, nous allons trouver une issue. Auriez-vous quelqu’un
de décédé dernièrement dans votre famille ? -
Non, pas du tout. Vos
parents sont encore vivants ? -
Oui -
Tous les deux ? -
Oui, oui. -
Des frères, des sœurs, des malades ? -
J’ai une jumelle dans le coma depuis plus d’un an. -
Vous vous entendiez bien avec elle ? -
Oui, étant enfant surtout, mais en grandissant je suis entrée dans la gendarmerie
alors que Cendra faisait voir les pires misères à mes parents. Drogue,
boisson, sexe, Cendra n’avait peur de rien. -
Dans le coma à cause de ? -
Un accident de voiture. -
D’accord. Nous allons nous côtoyer pendant plusieurs jours avec l’espoir que
j’assiste à un fait anormal. Je vous retrouve après-demain chez vous dès huit
heures. Nous passerons la journée ensemble. -
Euh… bien !
répondit Tara. Elle
quitta le cabinet au bout de trois quarts d’heure, déroutée, mais contente. Le
lendemain la jeune femme décida de se rendre à l’hôpital voir
sa sœur, mais aussi Lilian avec l’accord de sa mère. Elle
commença par sa jumelle, Tara fut surprise de voir son état physique. Elle
avait l’impression qu'elle vieillissait anormalement vite. Mais il était vrai
que la maigreur de sa sœur en
était surement la cause. Les traits de son visage restaient très durs. Il
régnait dans le lieu un climat pesant, bizarre. Tara lui parla un moment,
remonta les couvertures sur son corps puis sortit. Elle
longea le couloir, monta au premier étage où Lilian était hospitalisé. Là,
elle poussa doucement la porte de la chambre ; sur la petite table adossée au
mur étaient posés des corbeilles remplies de friandises, des livres et
d’autres cadeaux ainsi que dans un vase quelques fleurs embaumaient le lieu, sur le chevet un verre et une
bouteille d’eau. La grande baie laissait pénétrer
les rayons du soleil. Même si le jeune homme était alité, dans cette
pièce à l’inverse de celle de Cendra où le spectre de la mort planait… la vie
était présente. Lilian réveillé, tourna la tête vers elle, il lui adressa un
léger sourire. Il avait le visage boursouflé, une cicatrice lui barrait la
joue, son bras gauche était plâtré ainsi que sa jambe qui était aussi
surélevée par un poids. Tara
en eut les larmes aux yeux, Lilian ne ressemblait plus au bel homme qu’elle
connaissait. -
Comment te sens-tu ? -
En pleine forme. dit-il, plaisantant. Tara
savait que cela était faux, Lilian voulait jouer les durs malgré la douleur. -
Non ! En vrai ! demanda-t-elle de nouveau. -
J’ai l’impression d’être passé sous un bus trois fois en suivant. J’ai mal de
la tête aux pieds et je ne compte pas les purées et les soupes que je vais
avaler, vu le nombre de dents qu’il me manque. -
Je suis vraiment désolée. -
Ce n’est pas ta faute Tara, tu n’y peux rien. Ils
discutèrent un moment, Tara lui parla du médium, puis voyant Lilian qui
fatiguait, elle l’embrassa sur la joue et le quitta. -
À Bientôt Lilian ! Mais
Lilian était déjà endormi. Elle sortit sans bruit et tomba nez à nez avec le
professeur qui s’occupait de l’état de Cendra. -
Bonjour professeur Bertrand ! -
Bonjour, mademoiselle Dolle, vous allez sûrement me demander des nouvelles
sur la santé de votre sœur. -
Vous avez raison. -
Cendra, comme vous avez pu le constater maigrit beaucoup, ce qui est normal,
mais ce qui ne l’est pas ce sont ses rythmes cardiaques changeant sans cesse,
obligeant les infirmières à se rendre constamment à son chevet, nuisant ainsi
aux autres malades, elle leur fait perdre leur temps. -
Oui, votre infirmière me l’a expliqué. -
Son visage montre, aussi, une grande souffrance ou une grande agressivité. À
côté de cela, une année vient de s’écouler sans aucune amélioration. -
J’en parlerai à mes parents, professeur. -
L’éventualité serait de la débrancher, ce serait mieux pour tout le monde. Tara,
accablée, ne sut que répondre. Le
médecin finissait sa phrase lorsqu’un interne vint lui signaler que sa femme
le réclamait au téléphone. -
Merci. dit-il. Je la rappelle sur mon portable. Je
vous laisse mademoiselle Dolle comme vous le voyez, on me demande. Tara
décida de se rendre de nouveau dans la chambre de sa sœur afin de l’embrasser
une nouvelle fois, elle regarda longuement Cendra, en effet son visage
n’était pas seulement livide… mais agressif ! Oui. Tara
fut soudain surprise par une agitation anormale dans le couloir, elle sortit
pour voir ce qui se passait, elle arrêta une infirmière. -
Qu’y a-t-il ? -
Le portable du professeur Bertrand lui a explosé à la face. Il est grièvement
blessé, sa main est touchée aussi. -
Comment est-ce possible ? -
Il téléphonait à sa femme et l’appareil toujours en charge à son oreille. Tara
ne savait plus que penser. Le praticien discutait avec elle quelques instants
avant et quelques minutes plus tard il était estropié. Encore une fois un
malheur en sa présence, cela faisait maintenant le onzième, onze accidents.
Ce n’était plus un hasard mais un carnage. Elle
quitta l’hôpital, et appela Florian, lui expliquant ce nouveau cas. Il lui
conseilla de patienter jusqu’au lendemain puisqu’il serait avec elle. Plus si
besoin était. La
jeune femme acquiesça, puis rentra chez elle. Demain serait un autre jour. Chapitre
9 À
neuf heures, Florian était devant la porte de Tara, sac de voyage en main.
Avec un sourire, la jeune femme le fit entrer, après l’avoir invité à
s’asseoir dans un fauteuil, elle lui proposa un café qu’il accepta avec
plaisir. Tara
s’installa dans le divan, son chaton ayant accaparé le deuxième siège. Elle
expliqua en détail sa journée de la veille au médium. Florian l’écoutait avec
attention. Brusquement, P’tit chat se dressa sur ses pattes et de nouveau
cracha et souffla cette fois en direction de la cuisine, il s’engouffra
ensuite sous le canapé avec l’intention évidente de ne plus en sortir. La
jeune femme terrifiée ne bougeait plus, Florian se précipita, la bouteille de
lait, posée sur la table auparavant, était explosée sur le sol, une chaise
était retournée. Le médium revint près de Tara. -
Il n’y a plus de doute, c’est vraiment un phénomène paranormal. Maintenant il
s’agit de connaitre le pourquoi et qui vous fait subir cela. -
J’ai peur. -
Ne vous inquiétez pas, je reste. Je dors
cette nuit chez vous, demain aussi s’il le faut. -
D’accord merci, je me sentirai plus en sécurité en vous sachant près de moi. Le
médium lui certifia découvrir la cause afin qu’elle retrouve la paix. Ils
discutèrent… longtemps, sur la famille de Tara, de sa vie, les études de
Florian. Midi approchant, Tara offrit de préparer le déjeuner. -
Des pâtes bolognaises, cela vous convient ? -
Cela ne me dérange pas du tout. Tara
tout en cuisinant, parlait avec Florian qui l’aida à mettre le couvert, elle
lui proposa un verre de vin en attendant la fin de la cuisson. Un
petit quart d’heure plus tard, ils étaient attablés, savourant le plat de
spaghettis. -
Avez-vous fermé le gaz Tara ? -
Oui, bien sûr ! -
Certaine ? -
Oui, certaine. -
Bizarre, on dirait des émanations. -
Vous avez raison, dit Tara se précipitant dans la pièce. Florian la suivant de près. -
Oh mon dieu ! s’écria la jeune femme. Tous les boutons sont tournés. à suivre MARTINE GRASSART-HOLLEMAERT |
LE TUNNEL DU TEMPS |
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Suite du 68 Après quelques découpages, les haut-parleurs
s’enflèrent : « Paris…guerre…arbre…académie…sciences …faut
… » Une clameur se fit dans la salle. »C’est du Français !.. » --« N’existerait-il pas un champ électromagnétique
qui entraînerait hors de la galaxie, les ondes nées sur la
Terre ? ». Le physicien Raphaël Corchaki
répondit au journaliste Greg Hassan. –« En sorte, un courant de l’espace ? Non… Il
n’existe pas de champs magnétiques rectilignes, les magnétomètres n’ont rien
donné, les galaxies sont bien rattachées ensemble, mais par des ondes Dabgu qui s’entrecroisent. Corchaki
se laissa entraîner dans
son élocution. « …On a émis l’hypothèse suivante : les
galaxies se déplacent dans l’espace comme les atomes dans la matière et un
géant aux dimensions de l’univers le verrait peut-être comme un simple
morceau de matière. D’autre part , les particules
électriques des atomes sont elles-mêmes composées de particules plus petites
….elles-mêmes encore composées. Pascal disait que les hommes étaient situés
entre les deux infinis. » --« Donc, demanda Chantal Oreket
tout divisé par rien égale l’infini ? » --« Si l’on veut !... » --« Et tout égale rien ! dit Tsé-Ao : les spectres que j’avais photographiés ne sont
pas fixés sur la pellicule ». Et ses photos passèrent de main en main
dans un éclat de rire général. --« Exactement, les corpuscules ne sont que du
vide et des étoiles naissent dans l’espace à partir de rien ». --« Nous obtenons un égal l’infini…Uwe Von Fragten prenait le relais de son collègue. --« Ce paradoxe explique probablement que l’unité
UN peut désigner n’importe quelle grandeur : le tout ou le rien .La grandeur mathématique un est d’ailleurs composée
d’une infinité de points. » --« À propos du réseau d’ondes, si on le
suivait ? » --« C’est la seule chose à faire ! » Blav
avait coupé court à l’exposé non inintéressant des deux physiciens. Le
commandant dirigea l’astronef vers le réseau. Le problème restait entier et les hypothèses
fusaient. --« Et si ces ondes venaient de la planète en
danger ? ». Blav s’immisçait dans le
problème. --« Nous avons passé au crible tous les coupages
du phonoscope des heures durant et pas un ne correspond à la problématique du
message ! » répondit avec persuasion Von Fragten
. --« Nous n’avons qu’à y aller voir ! ». Cette réponse puérile mais pleine de bon sens avait
soudain éclairé les faces .Un jeune de l’équipe de
sécurité revendiquait cette diatribe ! Dzwet Grgol voulait bien suivre le réseau de l’intérieur,
jusqu’à la planète
en question. Mais Adsen Oglavl,
l’officier de bord ne l’entendait pas de cette oreille. « Et comment allez-vous reconnaitre cette sacrée
planète ? Imbécile ! ». Ce fut Blav
qui répondit une fois de plus. --« Il saura qu’il aura trouvé la planète quand il
entendra le signal ». --« Comment cela ? ». --« Une soudaine intuition ! La phrase qui
nous est adressée ne doit peut-être pas être captée par toutes les planètes,
mais la nôtre exclusivement ! Les vibrations se décomposeraient donc
hors de leur monde pour se recombiner ensuite sur la Terre. » Dzwet, encouragé par Blav,
reprit l’initiative : --« Les ondes sont plus facilement captées à
l’intérieur du réseau. Après avoir trouvé la planète X ,
je reviendrai par le même chemin et vous retrouverai fatalement. Nous saurons
ensuite à quoi nous en tenir pour aider cet astre ». L’expédition Gargol fut décidée. Dix hommes partiraient sur une petite
chaloupe :la B-5 pouvant dépasser la vitesse de la lumière, avantage
qu’elle possédait sur certains autres navires. Le groupe comprenait deux
radiologues, cinq hommes de patrouille, un navigateur, un pilote et
naturellement Dzwet Gargol.
Emeraude-5 lança la B-5 comme une torpille. Les émeraudiens
suivirent la petite fusée se fondre peu à peu en une étincelle. Dans la
salle des coms, ils purent continuer l’observation sur un écran mural de fond
indigo. Un engin bleu en forme de crayon avec une petite coupole vitrée
filait parmi les étoiles. Par le procédé Targol Datzou, un rayon lumineux de grande puissance, envoyé
à la même vitesse que B-5 depuis un émetteur-radar, le suivait à une distance
rapprochée l’image étant captée et reproduite sur l’écran à une fréquence
réduite. Soudain, devant les yeux ébahis des spectateurs, une chose inouïe se
produisit : la B-5 disparut ! Nicolas Michelski
et Kalekio Polarich
manœuvrèrent plusieurs leviers destinés au balayage 3-D. L’écran montra
successivement plusieurs zones de l’espace englobant théoriquement la fusée. Ses mains jouant toujours sur les claviers
complexes, Nicolas jeta un coup d’œil vers Scott : » Je suis certain qu’il n’y a
eu aucun changement de vitesse, ni de direction de la part de la
chaloupe. » Kalekio
enclencha un bouton vert et un second rayon se dirigea à son tour vers la
zone mystérieuse : le trait lumineux s’effaça… --« Tout cela
ressemble fort à un champ de distorsion optique, un champ d’invisibilité.. » Von Gragten l’interrompit vite : --« Ne perdons pas de vue que ce peut être aussi
bien une distorsion physique : la fusée arrivée en une certaine coordonnée
a très bien pu effectuer un saut dans
l’espace et ressurgir des milliers de kilomètres plus loin. » Une autre expérience s’avéra être bouleversante. Un
bouton jaune enclenché libéra un troisième rayon à la célérité C, cette fois.
Le signal ne disparut pas … Cette constatation secoua une bonne fois les plus
flegmatiques. Dagjèr Minson
retrouva le premier la parole : « D’après les premières constatations, nous devons
nous trouver en présence d’un rayon téléportant tout objet d’une vitesse
superluminique. Puis, il se tourna vers le radio. « Tché-Tsouf, demande à
la terre si elle reçoit des ondes de langue française … » Blav
Lindston s’éclaira soudainement, une illumination
due à l’état d’éveil » avait connecté son esprit .Il
bondit en direction des navigateurs assis devant des cartes stellaires. « Cherchez les coordonnées de B-5 s’il avait suivi
le réseau à sa vitesse normale …vite ! » Les navigateurs sceptiques se mirent néanmoins au
travail sous le regard persuasif de Scott Birman. Blav
revint auprès des radiologues. --« Vous brancherez le télé-récepteur dans la
direction que vous donneront les navis. »
Nicolas opina du chef. --« Je crois que vous avez raison. Cela me parait la
solution actuelle. » Tché-Tsouf
revint de la
salle de télécom. La Terre n’avait pas reçu de message de B-5 . « C’est bien ce que je pensais ! ». Le
télé-récepteur fut branché. Sur l’écran, les étoiles défilaient si vite (il
n’était plus question de ralentir les images) que l’écran paraissait gris
sombre. « Envoyez maintenant des ondes radar vers B-5 à
une vitesse supérieure à la sienne ». Scott comprenait à présent Blav, et c’était lui qui venait de lancer cet ordre. Pour
ne pas rater le tir de signaux, il fallait viser légèrement en avant, les
radiologues s’en chargeraient. Si Blav voyait
juste, les voix des membres de l’expédition seraient diffusées. Un suspense
pesait sur eux, Eva avec
Kalekio et Nicolas auscultaient les
écoutes, grâce à ses recherches en langologie, elle reconnaîtrait les voix terriennes. (De
toutes manières, tous les messages reçus depuis le départ étaient des
conversations… Non, pas encore, le dénouement ne saurait tarder ! Du
moins, j’avais cru le dénouement proche en lisant cela au musée des voyages,
bloc 714, étage 36, couloir 5, porte 27 à Tourcoing. C’est légitime car Targol Datzou, dans ces locaux,
a mis au point la technique de la fusée en lumière qui a permis d’effectuer
des voyages dans des mondes aussi éloignés dans notre galaxie). Dans la
fusée, on savait s’occuper : les planétologues manœuvraient
continuellement leurs caméras. Scott, Blav et Dagjèr surveillaient les opérations. Les physiciens
étudiaient la densité de la matière interstellaire, en prélevant quelques échantillons
à l’extérieur. Le chef de la sécurité Sven Vinovitch
ordonnait souvent des patrouilles dans l’énorme paquebot stellaire. La
chercheuse Bora Adé Lin trouvait de la compagnie
dans la personne de Dagjèr quand ce dernier était
en repos. Les journalistes rédigeaient articles sur articles, pensant à la
postérité ! L’écran, filmé actuellement par Eva, restait désespérément
sombre. Quelques heures plus tard, on entendit les voix des éclaireurs. Dzwet : « Plutôt sinistre, ce
bled ! » Le radiologue
Kart Dav : --« Un vrai pot de
cirage ! » Bruits de frottement : ils se remuaient dans leur fauteuil. Le
navigateur Stev-Ti Mako :
--« Si seulement, on pouvait entendre les autres. » Le radio
Dolld Bard : --« Pas moyen d’obtenir une
vue d’Emeraude… » Dzwet : --« Ne pensez-vous pas qu’il puisse exister un champ
magnétique détournant les ondes ? » Dolld : --« Je ne vois rien à ajouter sur ce
que nous avons déjà conclu sur la fusée ! »
Kart : --« Peut-être est-ce un phénomène passager, voire
définitif ? Nous ne possédons pas assez d’éléments pour interpréter
cette situation, en tout cas. » « Mais bon sang, qu’attendez-vous pour envoyer les
ondes radar ? ». C’était Adsèn Oglav qui tempêtait ainsi devant les télé-récepteurs.
Comme s’il avait entendu, un homme de la patrouille prit la parole : Jorga-No Polu : « Ne pourrait-on pas
essayer d’expédier les signaux vers l’endroit où la fusée doit se
trouver ? ». Dolld : --« Inutile, ils ne sont pas sur
l’écran ! » Dzwet : --« Au point où nous en
sommes ! » Loldar Klichi :
--« Je crois que j’entends quelque chose.. » Dolld : --« Tu n’as rien de Jeanne d’Arc,
pourtant ! » Scott se décida à leur
parler : --« Enfin, vous voilà à l’écoute !
Qu’avez-vous remarqué d’anormal jusqu’ici ? » Dzwet : --« Nous ne vous voyons pas.. »
Scott : --« Situation tout à fait réciproque ! » A suivre Hertia May |
L’ANTICHAMBRE |
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Guère deux
minutes plus tard, il revient étonné et embarrassé. - Regardez ce que j’ai trouvé ! Des
cachets ! - De la drogue ? - Non, plutôt des médicaments, il y a une
vingtaine de comprimés. - Quelqu’un parmi nous a utilisé ces médicaments.
Qui, pourquoi et à quelle occasion ? interrogea Jean-Phi. Chacun se
toise de nouveau, personne ne répond. L’air soupçonneux. Tantôt inquiet,
tantôt embarrassé. - Alors ? cria Serge, soudain. Il n’y a pas
de réponse. Le noir envahit de nouveau la pièce. Le silence aussi. Puis la
lumière refait surface. Ces gens sont à présent habitués à ce rythme sans en
comprendre la signification. Ils semblent
tous dormir. Accroupis, la tête dans les genoux. Ce fut Serge qui, se levant,
rompt le silence. - Alors ? Personne ne répond. Et où elle est,
l’autre pleurnicharde ? - Calmez-vous enfin ! Les cachets lui
étaient certainement destinés. Elle a disparu et les comprimés aussi.
Quelqu’un a une idée ? - Elle a préféré les cachets pour se suicider,
elle et ses enfants, répond Michelle. - Et pourquoi, Madame ? - Ça fait moins mal sans doute. - Ouais ! Il vaut mieux entendre ça
qu’être sourd, sort Serge. - C’est vrai, mais avouez que c’est toujours l’un
d’entre nous qui sait comment est mort l’autre. Pour mon compte, j’ignore comment vous, ici, vous
êtes morts. Car c’est bien notre présence ici qui définit la manière dont
nous sommes décédés ou allons mourir, explique Jean-Phi, sans
trop y croire. - Vous dites n’importe quoi ! Si on est mort,
on n’a rien à faire ici, réplique Serge. - Peut-être mais on n’est sans doute pas encore
mort !!! - Ouais ! Dites ça à un cheval de bois, vos
n’arez pas d’cop d’pied ! La discussion
s’arrêta là. Chacun reprit sa méditation. L’explication
donnée par Jean-Phi avait fait l’effet d’un séisme dans leur tête. Et de
nombreuses questions se posaient mais restaient sans réponse. Plus tard,
Jean-Phi les sortit de leur torpeur. - Serge ! Si vous alliez de nouveau aux
toilettes ! Peut-être que …. - Pas question ! Après vous m’accuserez
de tuer ces gens-là. Celui qui veut y aller y va. Un point c’est tout. - Bon, j’y vais. Il me semble que la base de tout
ce qui arrive vient de là. Jean-Phi fit
un rapide aller-retour. Il revient tenant à la main deux posters format A3. L’un désigne
un canal, avec des péniches et l’autre une voie de chemin de fer avec un
train qui arrive au loin. - À qui sont-ils destinés ?
demande-t-il. Je crois qu’il n’y a plus
d’erreur possible. L’un ou l’une d’entre nous est destinataire de ces posters. Personne ne
répond. Jean-Phi pose les posters à même le sol. - Répondez, faites marcher votre mémoire ? Rien !
Nul ne semblait savoir à quoi faisaient allusion ces posters. - Serge, questionne Jean-Phi, j’ai la
conviction que vous êtes un policier ou un gendarme. Vous n’avez pas une
idée ? - Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? - Votre manière d’agir, vos réactions, la façon de
parler aux gens, votre connaissance de l’arme. C’est sans doute pour cela que
vous avez été choisi pour fournir les indices. - Je vous l’ai déjà dit, vous dites n’importe
quoi ! Mais j’ai peut-être une idée. - Vous, là, madame, prenez le poster du train. Ça
vous ira très bien, et vous monsieur, celui du canal. - Mais pourquoi ? demandent-ils en chœur. - Parce que l’autre c’est un drogué, moi je suis
flic ou gendarme et pas chef de gare ou éclusier et lui, d’après Jean-Phi, il n’a rien d’un photographe. Voilà pourquoi ! Satisfait ? Et, je serais pas étonné
que … De nouveau la
nuit, le silence. Au lever du
jour, ils n’étaient plus que trois. Michel et Michelle avaient disparu avec
leur poster. - Vous aviez vu juste, dit Daniel. C’étaient deux dépressifs qui se sont
suicidés le même jour sans se connaître auparavant. L’un en se jetant dans le
canal avec sa voiture et l’autre en se jetant devant le train. - Ouais ! Bin tout ça c’est pas
encourageant, finit par reconnaître Serge qui perdait un peu de sa
superbe. Où ça va nous mener ? - À notre mort définitive ! dit Jean-Phi - Ça ne va pas ! Pourquoi définitive, si on
est déjà mort ! - Je n’sais pas. Il y a quelque chose qui
m’agace et je sais pas quoi. - Peut-être que l’on revit sa mort, bredouille Daniel. - Peut-être !!! Qui va aux
toilettes ? demande Jean-Phi. - Moi ! décide Daniel. Ce qu’il fit
dans la foulée et il revint avec une piqûre pleine,
semble-t-il, de drogue. - Regardez ! C’est pour se piquer. À qui
c’est ? - Certainement pas à moi, dit Serge en
montrant son bras. - Pas à moi non plus, surenchérit Jean-Phi en
en faisant autant que Serge. De toute façon, je vous ai dit que vous étiez un
drogué, donc c’est pour vous. Un point c’est tout. - Mais j’ai pas de marque
non plus.
- Ça fait rien. Fais
marcher tes méninges, tu verras que j’ai raison. Serge était
soudain redevenu le représentant de l’ordre avec ses affirmations sans appel. - Profites-en une dernière fois. Pique-toi, je dirai rien à personne. En plus, on dirait bien que
c’est une overdose. - Non, j’ai peur. - Allez, vas-y ! Daniel prit
de nouveau la seringue et la porta à son bras … De nouveau l’obscurité
envahit les lieux, toujours dans le même silence que rien ne brise, sinon que
la lumière qui finit par revenir. - Il est parti, vous avez vu. Il est parti !
J’avais raison. C’est bien un drogué. - Et cela vous rassure ? - Vous êtes un rabat-joie. Qu’est-ce que vous
voulez qui arrive maintenant ? - C’est à l’un de nous deux. Vous ou moi ! Comment êtes-vous mort ? - Et vous ! Vous le savez ? - Non ! - Et bien, moi non plus. - Qui va dans les toilettes ? - Vous ! Moi je reste ici. - Et pourquoi on n’irait pas à deux ! - C’est pas la
peine ! Regardez, elles ont disparu, il n’y a plus de porte. - Qu’est-ce que ça veut bien core
dire cette affaire ? déclare, perplexe, Jean-Phi. - Là ! Là ! Regardez dans ce coin. - Mais on dirait une cordelette ! Une
cordelette de rideaux. Ça vous dit quelque chose ? la ramassant et la
déposant devant Serge. - Non rien ! Laissez ça où c’était ! Posez-la par terre, ordonne-t-il ! - Bien, bien. On va s’asseoir et attendre. C’est
le mieux qu’on ait à faire. - Mais qu’est-ce que ça veut dire, ce
cirque ? - À mon avis, l’un de nous deux s’est pendu. On a
beaucoup parlé dans la presse que des gendarmes se suicident. Ça pourrait
être votre cas. - Et pourquoi pas le vôtre ! - Aucune des personnes présentes n’a parlé de moi.
Même vous. Or toutes se sont suicidées. Si j’ai raison, je me suis suicidé
aussi. Et je crois savoir ce que l’on faisait ici. - Dites voir, que je rigole un peu, j’en ai
besoin. - À mon avis à moi, qui n’engage que moi, nous sommes
dans l’antichambre de la mort. Bien que préméditée, notre mort n’a pas permis
à notre âme de quitter sereinement notre esprit et elle végétait dans
l’attente de posséder un autre corps. Celui, généralement, d’un nouveau-né. Nous sommes dans l’éternité et le temps ne se
mesure pas. Dès qu’il y aura une place, tout sera fini. Ce sera l’obscurité
définitive et l’oubli mais une nouvelle vie pour l’âme. - Eh bien, nous voilà bien avancés avec vos
théories à deux sous. On meurt deux fois donc ! - Si on veut ! D’abord le corps, ensuite
l’âme. Mais elle reste vivante ailleurs, alors que le
corps pourrit dans le cercueil. - Ouais ! Bin tout ça …… L’obscurité. Le réveil… Jean-Phi se
réveille dans un lit d’hôpital, l’air hagard. Où suis-je ? pourrait-il dire. On ne lui en laisse pas le
temps. - Enfin, vous revoilà parmi nous, le
rassure un homme vêtu de blanc. Un médecin sûrement. Vous nous avez fait peur. On vous perdait
régulièrement. Votre coma a duré six jours. - Qu’est-ce… Qu’est-ce… qui… m’est… arrivé ? - Un accident. Au début, la police a cru à un
suicide, votre voiture s’est jetée littéralement sur un camion. On vous a
amené dans le coma. Le chauffeur du camion n’a eu que des contusions sans
gravité, mais une belle peur. Lorsque l’on a su que ce n’était peut-être pas
un suicide, nous avons recherché la cause de ce qui a pu vous faire perdre
conscience. Une rupture d’anévrisme que nous avons pu réparer
sans peine hier dans la journée. Il vous reste quelques séquelles, mais ça devrait
s’arranger dans le temps avec un peu de rééducation. Jean-Phi
regarda vers la fenêtre : le soleil brille, le temps est clair et
lumineux. Quelques
flashs lui reviennent en mémoire. Une certitude
pourtant : si la thèse du suicide s’était maintenue, il serait mort. Fin Hector Melon d’AUBIER |
MARTIN ET MARTINE |
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Suite68 - Ah !
je vous y prends, coquine ! cria une voix formidable, la voix de l’ogre qui
était arrivé à pas de loup. Il les saisit chacun par une oreille et les
ramena à la maison. - Donne-moi
mon couteau, dit-il à sa femme, que j’habille tout de suite ce jeune coq
d’Inde. Sa femme vit
qu’il ne fallait point le heurter de front. - Vous
feriez bien mieux, répondit-elle, d’attendre jusqu’à demain. C’est dimanche
la ducasse et nous avons à dîner deux ogres de vos amis. On n’a pas tous les
jours un prince à se mettre sous la dent. -Au
fait ! ce sera vraiment ce qui s’appelle un morceau de roi. Et il le
serra dans son garde-manger. Je veux dire qu’il enferma Martin dans une
chambre, tout au haut de la maison. VI. Le soir,
après le souper, Martine, comme d’habitude, resta la dernière pour couvrir le
feu. Elle prit son rouet, le plaça devant le cendrier et, le touchant de sa
baguette : -Rouet,
rouet, dit-elle, mon joli rouet, quand on m’appellera, n’oublie point de
répondre pour moi. Elle posa en
outre sa quenouille sur la première marche de l’escalier, monta à sa chambre,
mit son fuseau sur son lit et leur fit la même recommandation ; après
quoi elle fut à la chambre du jeune prince. Elle toucha la porte de sa
baguette, et la porte s’ouvrit sur le champ. - Je
viens vous sauver, dit-elle à Martin, mais il nécessaire que nous nous
évadions ensemble. Vous ne sauriez sans moi échapper à mon père. Elle le prit
par la main, et tous deux s’enfuirent de la maison. Un peu après
l’heure du couvre-feu, l’ogre s’éveilla et, voulant s’assurer que sa fille
était dans son lit, il cria : -Martine !
Martine ! -Voilà, mon
père ! répondit le rouet. Je couvre le feu, je vais me coucher. Une heure
plus tard il s’éveilla de nouveau et cria : -Martine !
Martine ! -Voilà, mon
père, répondit la quenouille. Je monte l’escalier. L’heure
d’ensuite, il s’éveilla encore une fois : - Martine !
Martine ! -Je suis
dans mon lit, je dors, bonne nuit ! répondit
le fuseau. - Tout
va bien, se dit l’ogre. Nous pouvons dormir sur nos deux oreilles. Et
il ronfla comme un orgue. Qui fut
penaud ? Ce fut le mangeur d’enfants, lorsqu’il vit, le lendemain matin,
que sa fille avait pris la poudre d’escampette avec le morceau de roi qu’il
destinait à sa table. Vite, il commande à sa femme de lui apporter ses bottes
de sept lieues et se met à la poursuite des fugitifs. Ils avaient
fait beaucoup de chemin, mais les bottes de sept lieues vont d’un tel pas
que, malgré qu’il eût perdu du temps à chercher leur trace, l’ogre les
rejoignit bientôt. Martine le
vit venir de loin et, au détour de la route, d’un coup de sa baguette, elle
changea Martin en chapelle. Elle-même revêtit la figure d’une de ces
fillettes qui, aux fêtes carillonnées, dressent de petits autels au coin des
rues, et poursuivent les gens, plateau à la main, en criant :
« Pour l’autel de la Vierge ! Pour l’autel de la
Vierge ! » -Tu n’as pas
vu passer un jeune garçon et une jeune fille ? interrogea le voyageur. -Pour
l’autel de la Vierge ! Pour l’autel de la Vierge ! fit la fillette. -Je te
demande si tu as vu passer un jeune gars et une jeune fille. -Pour
l’autel de la Vierge ! pour l’autel de la Vierge ! -Au
diable ! je n’ai rien à donner ! gronda
l’ogre impatienté. Il continua
sa route, battit vainement les environs et finit par reprendre le chemin de
sa maison. Sa femme, qui s’attendait à le voir revenir bredouille, ne fut
point fâchée de se moquer de lui un brin. -Tu ne les
as point rencontrés ? lui demanda-t-elle. -J’avais
bien cru les apercevoir, mais ils ont disparu au tournant d’une route, et je
n’ai plus trouvé qu’une chapelle où une garcette m’a demandé l’aumône. -Que tu es
bête, mon homme ! Eh ! parbleu ! la chapelle, c’était le petit
prince, et la fillette était ta fille. -J’y
retourne ! s’écria l’ogre, et si je les attrape, je jure Dieu que je
fricasse l’un et que je marie l’autre au grand Guillaume. Ce ne sera pas la moins
punie des deux ! Il repartit
et ne revit point la chapelle ; mais plus loin il rencontra un
magnifique rosier qui portait une belle rose blanche. Il se baissait pour la
cueillir et la rapporter à sa ménagère, quand il réfléchit que la fleur
aurait le temps de se faner et que mieux valait la prendre en repassant. Il voyagea
longtemps, longtemps, sans découvrir les fugitifs. Enfin, las de courir, il
revint sur ses pas et ne pensa plus à la rose. Il ne s’en souvint qu’en
contant la chose à sa moitié. - C’est
trop fort, dit-elle en lui riant au nez. Quoi ! tu ne t’es point avisé que le rosier, c’était Martin et que la rose était
Martine ! -Je les
attraperai, fit l’ogre, quand je devrais arracher tous les rosiers à cent
lieues à la ronde ! VII. Il se remit
une troisième fois en campagne et détruisit tous les rosiers de la route,
mais déjà les fugitifs étaient revenus à leur première forme. Ils gagnaient
du terrain ; pourtant, leur persécuteur arriva presque aussi vite qu’eux
au bord d’un grand lac. Martine n’eut que le temps de changer Martin en
bateau et elle-même en batelière. - Est-ce
que vous n’avez pas vu par ici un jeune homme à la peau brune et une jeune
fille vêtue de blanc ? demanda l’ogre. -Si fait,
répondit la batelière. Ils ont suivi quelque temps le bord, ensuite ils ont
pris par la saulaie ; et, repoussant le rivage de sa rame, elle gagna le
large. L’ogre
enfila le chemin qu’on lui indiquait et n’y trouva personne. Le soir tombait
et notre homme était outré de fatigue. Il retourna
chez lui par Cambrai et s’arrêta au Grand Saint-Hubert, pour boire une
pinte et jouer une partie de cartes avec son compère Cambrinus. On a beau
être père, on n’en est pas moins homme, et un homme rangé ne se couche point sans
avoir vidé sa demi-douzaine de canettes. L’ogre en buvait quarante, c’était
son ordinaire. En trinquant
il conta sa mésaventure à son compère, qui le consola de son mieux. -Ne te fais
pas de bile, lui dit-il. Ma filleule ramènera un jour ou l’autre son petit
prince par le bout du nez. -Tu
crois ? -Parbleu !...
C’est ta faute, aussi ! Pourquoi as-tu la mauvaise habitude de manger
les moutards ? Sans ce malheureux défaut, il y a longtemps que je
t’aurais fait une proposition. -Laquelle ? -Voici,
fieu. Ma bonne ville de Cambrai est en pleine prospérité et peut se passer de
mes services. J’ai donné aux Camberlots la bière et
le carillon : rien ne manque à leur félicité, et c’est pourquoi j’ai
envie d’aller planter mes choux à Fresnes, mon pays natal. Pour lors, il me
faudrait ici un brave homme qui pût me remplacer en qualité de
bourgmestre. » L’ogre avait
toujours rêvé les honneurs. Il vit tout de suite où voulait en venir son
compère, et fut si flatté dans son amour-propre qu’il en oublia complètement
les fugitifs. -Et tu as
songé à moi ? dit-il. -Oui, mais
le diable, c’est ta passion pour la chair fraîche ; on n’osera plus se
marier, et cela nuira à la population. -Qu’à cela
ne tienne, fieu. Je m’engagerai, s’il le faut, à respecter la marmaille. -Ta parole ? -J’en crache
mon filet ! s’écria l’ogre en se pinçant sous le menton, ce qui est,
pour les gens de chez nous, le serment le plus solennel. -Eh
bien ! tope là, fit Cambrinus. Viens manger la
soupe dimanche prochain : j’invite les notables et je t’installe entre
la poire et le fromage. à suivre CHARLES DEULIN (Contes d’un buveur de bière) – Editions de l’écureuil 2 rue Mignon PARIS |
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