SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N°68
61- 62-63-64-65-66-67-68-69-70 suivant
BD HARDUIN d’AMERVAL n°1 à 63
Illustration BD : ODILON page 2
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PATRICK MERIC
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HUMOUR-PATOIS
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Balade Onirique page 3
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Gaspard LABORIE |
AIMER
- UNE PARTIE DE TON ÂME page 3
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Lindsay POTENCIER |
à
Mèmère page
4
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Maxence DARDANE |
Fabe
modeurne eud LaFontaine
page 5
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Hector MELON D'AUBIER |
NOËL
en patois page 5
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Reine DELHAYE |
Mon
Précieux page 6
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THOMAS L. |
AMUSERIES
page 6
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Jean-François SAUTIERE |
Pensée page 3-4-9
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Hector MELON D'AUBIER |
ADULTES |
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EVOLUTION page 7
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Gérard ROSSI |
La
mer a tes yeux – Une page de ciel … page 7
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Saint HESBAYE |
Ivresse
page 8
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PLUIES NEUVES |
Ma rue page 8
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HERTIA-MAY |
Le
portrait de ma mère page 8
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Jean Marie BRIATTE |
Eclats d’Äme
page 9
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Thérèse LEROY |
De mémoire d’homme Page 9
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Henri LACHEZE |
Oubliée Page 9 |
PLUIES NEUVES |
INTERMEZZO page 10 |
DUHIN MARICARMELLE |
MÊME
SI… page 10 |
Bernard
SIMON |
TOI page 10 |
Julien
BURY |
C’est de CAUDRY que je t’écris page 11 |
Maryse
MARECAILLE |
Message à la Lune page 11 |
Vincent WEBER |
Derrière le rideau page 12-13 |
Franck DEFOSSEZ |
Des mots et des merveilles page 16 |
Martine
JACQUEMIN VIS |
Mon cher Félix page 16 |
Georges
PATAILLOT |
10 Aoüt 2021 et 30 Septembre 2021 page 16 |
Thérèse LEROY |
NOUVELLES
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Un toit sur la tête page 14-15-16 |
PASCAL |
Paranormal sisters page 17&18 |
Martine GRASSARD-HOLLEMAERT |
Le Tunnel du temps page 19&20 |
HERTIA-MAY |
L’Antichambre page 21&22 |
Hector MELON D'AUBIER |
Martin et Martine page 23&24 |
CHARLES DEULIN |
DIVERS
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Salon du Livre d’Occasion 3°de
couverture |
OMC |
* Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire |
LE COMITÉ DE LECTURE DE LA CAUDRIOLE
ET L’OFFICE MUNICIPAL DE LA CULTURE DE
CAUDRY
VOUS PRÉSENTENT LEURS MEILLEURS VŒUX DE
SANTÉ
ET DE SÉRÉNITÉ POUR LA NOUVELLE ANNÉE 2023
Balade onirique |
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La nuit bat son plein. J’entreprends une balade. Mon lit est à la lisière
du bois. Au loin la plaine découpe
l’horizon de ses sommets abyssaux. Je m’enfonce dans la
clarté du massif. J’entends le vent qui
coule ; l’eau qui souffle dans les feuillages. Aux racines des arbres
pendent des fleurs sauvages. Les oiseaux éclairent la
nuit tandis que les lucioles chantent l’aurore Je me roule dans les ronces
cotonneuses en esquivant les épines de la mousse Une cascade jaillit vers
le ciel et m’éclabousse de lumière Un caillou gambade dans
une clairière touffue. Non c’est un cerf traquant
le loup ! Mais au loin le soleil
gronde, le vent se couche. La terre brûle, le feu
tremble. La tempête avant le calme. Alors je me presse de
rentrer tranquillement. Me blottir dans mon lys
douillet. Flottant sur mon étang. Je m’endors au jour
naissant. Gaspard LABORIE (2nde 8 – Lycée Fénelon – Professeur : Mme DARRAS Anne) Prix Concours Emulation (2021/2022) |
Aimer Une
partie de ton âme |
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A m’mémère |
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Maxence Dardane |
Fabe modeurne eud
Lafontaine |
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Eul voture euleuctrik in
ayint rouleu tot l’éteu Eus treuva fort dékarqueu
quind ch ‘eul bise fut arriveu Pos in seu kilowatt pou
l’chauffage, Eul sièche kauffint et pis
z’aute avintaches. All alla crieu au sécours à mo eul dièseul, eus voisin-ne Eul pri-int d’eul
dépanneu, Eud li préteu ed quo
rouleu… é cha jusqu’ell sésan prochin-ne ! -
euj m’arring’reu, quà li dit ! Euj vos payrè vos diéseul,
aveuc intéreu é principeul ! Eus vosine né pos
rincunieure, ché inn prémian qualiteu -Mé quoqu’vos foutotes, à
ché timp kot ?? Qu’à li dit à chette
e-merdeuse. L’aute : nuit é jor…
euj roulot, enn vos dépleuse ! -Vos roulotes, j’in su
fort èsse… é bin… Pédaleu maintnint ! HMA La voiture électrique ayant roulé tout l'été, se trouva fort déchargée quand la bise fut venue, Pas un seul kilowatt pour le chauffage, le siège
chauffant et autres avantages. Elle alla crier au secours chez la diesel sa
voisine. la priant de la dépanner, lui prêter, de quoi.. rouler... et ce jusqu'à la
saison prochaine. "Je m'arrangerai, lui dit-elle ! Je paierai votre diesel,
intérêt et principal !" Sa voisine n'est pas rancunière, c'est une
qualité première. "que faisiez-vous, au temps chaud??" dit elle à cette e-merdeuse. "nuit et jour... je roulais, ne vous
déplaise." "Vous rouliez j'en suis fort aise.. eh
bien... Pédalez, maintenant |
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Noël (en patois) |
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Mon Précieux |
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Mon
portable a fait un AVC cet après-midi, sûrement à cause de la chaleur.
Pendant presque une heure il s’est battu pour revenir à la vie mais je voyais
bien qu’il souffrait, que la vie quittait lentement son petit corps. Je
sentais sa respiration ralentir à force de redémarrer sans cesse et je me
sentais tellement impuissant… Je l’ai
serré contre moi et l’ai encouragé de toutes mes forces en criant
« Reviens ! Reviens ! Ne m’abandonne pas, je ne veux pas te
perdre ! Je ne veux pas perdre toutes mes photos, mes applis, mes
favoris, mes mots de passe, mon planning, mes conversations… Mes
souvenirs !... » Et là, un
miracle s’est produit ! Il est revenu ! Son cœur est reparti,
faiblement mais il était là, la respiration un peu lancinante qui peinait un
peu à reprendre son rythme normal mais elle était bien présente. Et dans un
ultime effort, il m’a demandé mon code pin, et j’ai su qu’il était
sauvé ! Bref, c’est quand même triste de se rendre compte à quel point
on peut être dépendant de ce petit objet ! Thomas |
Page 7 |
PENSEE |
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-
Dis-meu tiot ! teu sé cambin qu’all mésure eul mitan d’eul distince d’in
tot ! -
nan ! –
Bin ché tros mètes ! pace queu eul tout ché de six mète ! Traduction : - Dis-moi, petit ! tu sais combien
qu’elle mesure la moitié de la distance d’un tout ! – eh bien c’est trois
mètres ! parce que le tout c’est de six (s’y mettre) mètres Eum finme all me
trait’ d’alcoliqu’. J’y dis, j’eun su
pos alcolique euj su alcologique ! Quo j écore eud cha,qu’all dit ! Cha veu dir’ qu’euj bos eud l’alcol pou préserveu
euch lio d’eul planeute ! Traduction :
Ma femme me traite d’alcoolique. Je lui dis que je ne suis pas
alcoolique, je suis alcoologique ! Qu’est-ce que c’est encore que ça,
qu’elle dit ! Cela veut dire, que je bois de l’alcool pour préserver
l’eau de la planète ! Inn tiote all dit à sin peure : pa, euj’sus lesbi-inne ! – mé ché pon possipe cha ! – mi ossi qu’all dit eul seur pus jone ! – mé y a pus persanne qu’y la quer ché bites
ichi ? - si mi, qu’all dit in
tiote vox ! – té-teu Frinçois ! qu’y dit sin peure ! Traduction :
une fille dit à son père : papa, je suis lesbienne ! – mais
c’est pas possible ça ! – moi aussi qu’elle dit la sœur plus
jeune ! – mais il n’y a plus personne qui aime la bite ici ? – si
moi, qu’elle dit une petite voix ! – tais-toi François ! qu’il dit
son père ! HMA |
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Amuseries |
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Comme un tennisman toute médaille a
son revers. Que fumez-vous Marie Juana ? Regardez Guillaume, Apolline erre. Par ce froid attention de ne pas
attraper une fluctuation de poitrine. Les tatouages colorés ça fait des
peaux de peinture. C’est vraiment une histoire décousue
de fil blanc. Sur la banquise il vaut mieux éviter
de croiser un ours bipolaire. A Caudry sur les champs Elise est. Le comptable souffre de calculs
rénaux. Entre eux ça a toujours été la croix
et la barrière. Il y a belle burette que le chimiste a
pris sa retraite. Le libertin a été empoisonné au cul
rare. J’ai monté une cuisine en kilt. Il est là, tranquille comme un coq en
plâtre. Une haridelle ne fait pas le printemps. Il faut boire le calice jusqu’hallali. Encore une fois je me suis retrouvé
entre le manteau et la plume. Il n’y a pas de quoi se battre la
croupe. Ce matin le cavalier n’est pas allé à
la selle. Encore une histoire tirée par les
chevaux. Ah ! s’écria le garagiste à sa
femme, « dans tes yeux je vois l’essieu ! ». Il est né sous une bonne toile. L’environnement c’est le monde à l’an
vert. Jean-François
Sautière |
Evolution |
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Souvenir de
nos cours de Français… perdus ? « Arias :
il avait tout lu, tout vu ! Il préférait
mentir que de paraître : Ignorer
quelque chose » pour toujours être ! Avec le nouvel
« Arias » Quoi que l’on
fasse, Il avale toujours
sans soif, dévore sans faim… Et pète sans
bruit, enfin ! Comme
avant : prêt à vous montrer le bon chemin, Qui ne peut
être évidemment que le sien ! Quant à la
foule, toujours la même ! Aujourd’hui :
« bat des mains ». Et
« foule aux pieds » demain ! Que ce soit le
Ramadan ou le Carême « N’a
jamais de visage et n’a jamais de nom ! » Cela, non plus
pour une révolution, mais pour une simple évolution ! Sur un autre
sujet, comme aurait pu l’écrire… Maupassant, Tout change,
et nous passons. Cela dit en
passant, Ce n’est pas
encore un dicton ! Gérard Rossi Neuville, le 09
juillet 2013 |
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La mer à tes yeux Une page de ciel |
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11 |
IVRESSE |
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Nous ne
mourrons jamais, c'est pas
permis de partir sans laisser
d'adresse. Pourtant le sable, maquillé de
nos pas, s'en va
inflexible et gorgé
d'histoires, vanter
ailleurs comment, un jour
d'automne tu reconnus ma
voix. Mélée à la
caresse des feuilles mortes empourprées
d'un sang neuf, elle
chuchotait, glissait sur
le front des pavés. Toi tu portais du soleil des attentes, le jour
chassait le sombre nos rires
bousculaient la nuit. Quelle ivresse
ce fut de dénouer des
chemins ignorés! Nous devenions
sobres sans images sans boues
dans la tête. Pluies Neuves |
MA RUE |
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Ma rue s’égaillait de gosses Dès que rentrait l’Automne, Une rue joyeuse, pleine de rires d’enfants Portant
les carnassières vernies et les casquettes frileuses, Les poches pleines de billes, Ma rue s’en allait à l’école, Achetant des carambars, jouant aux osselets A la récré. Ma rue se taisait devant le coup dur, Quand ma rue frileuse hivernait, Elle avait un fumet de vin chaud dans la débâcle Ma rue embaumait le lilas dès que s’amenait le Printemps, Offrant ses bouquets aux passants Cherchant un nom sur leur visage… Ma rue était une bavarde et piaillait comme ses
moineaux. Ma rue sentait bon les cris d’enfants et les rires
d’ouvriers aux midis. Les fleurs de rires se sont fanées Elle est rentrée étonnée… Quand les gosses s’en sont allés. HERTIA MAY 1977) |
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Le
portrait de ma mère |
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Eclats d’âme |
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C’est une sensation étrange que ces bribes de souvenirs qui tournoient là dans ma tête comme des morceaux de films brisés. Ce fossé si large entre ma vie d’avant et aujourd’hui. Je pense à toi, je pense à nous en me posant tant de questions. Et si tu étais encore là… Et si… Et si… Comment serait notre vie aujourd’hui ?... J’aurais tant aimé que tes parents soient encore là, et ta sœur partie si vite, si injustement... Tu sais, je les aimais… C’est un monde étrange où tout part à vau-l’eau : les pays chauds deviennent froids, les pays froids se réchauffent, les glaciers fondent, les océans submergent les terres, Soleil se révulse sur la planète qui gronde, c’est un monde fou où les hommes se révoltent autant que les éléments. C’est une vie étrange que cette maladie qui envahit le monde, nous mettant sous camisole et en semi-prison, nous privant de notre liberté, nous transformant peu à peu en troupeaux de moutons dociles et peureux. Ce que toutes les guerres des siècles passés n’ont pas réussi à faire, c’est un virus microscopique qui est en train de le réussir. C’est un soir étrange rempli de questions insolubles et de douloureuse tristesse. Thérèse L. 13 JANVIER 2021 |
De
mémoire d’homme |
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Je sculpte en ma mémoire un visage fragile fait de sourire et de bouche et de larme, qui a tes yeux, ta chair et vit là sous mont front ; il est de chair sous mes paupières closes, de chair que je saurais décrire, mais il meurt si mes yeux s’ouvrent pour mieux le voir ; avec ses lèvres de silence, de sa voix souvenante il invente et façonne les mots que je m’entends aimer ; visage-souvenir sur l’océan des ans, tu as des yeux de nuit dans mes yeux de mémoire, je te donne pour vivre un domaine sans heure où l’ombre et la lumière y sont un même amour. Henri Lachèze Feux du Cœur |
OUBLIÉE |
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Sur une pierre au soleil couchant, un chat s’étirait, quand son clin d’ɶil d’or signait d’un désert le pas lent de la nuit. C’était celle d’hier une différence oubliée aux lointains de l’univers. Elle dansait, c’était un semoir de constellations, des pluies d’étoiles, d’aurores fauves d’avant la vie qui s’épousaient toutes endormies. Pluies Neuves |
Intermezzo |
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Des fleurs à perte de vue dans notre cœur Exhalent l’amitié, sitôt effeuillées, Leurs pétales épars dardent leurs senteurs Dans l’air endeuillé. Il faut partager nos pleurs et nos sourires, Echanger un plaisir contre une tristesse Pour que les ans puissent gommer nos soupirs Quand vient la détresse. Conjuguons le verbe Aimer à tous les temps À toutes les personnes et à toute heure Afin que la PAIX dure éternellement Donnons du Bonheur ! Ce soir d’Epiphanie, dimanche 7 janvier 2018 à 20h, agir chacun à sa mesure, juste pour changer le monde… (Bribes en escapade) Maricarmelle vous offre 3 modestes strophes sapphiques… Maria DUHIN |
Même si |
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Même si tout ce qui m’entoure n’est que tristesse, Même si sans toi tout ne serait que détresse, Même si le monde n’était que pauvreté, Je veux rire ! je veux rire ! à en pleurer… Même si par la beauté je ne fus gâté, Même si la vie ne m’a jamais épargné, Même si la misère ne fait que m’entourer, Je veux rêver ! je veux rêver ! encor rêver… Même si l’été trop vite s’en est allé, Même si l’automne distribue ses méfaits, Même si tout l’hiver le rossignol se tait, Je veux chanter ! je veux chanter ! toute l’année… Même si dans l’univers tout paraît figé, Même si les étoiles nous semblent accrochées, Même si rien ne bouge par le froid gelé, Je veux danser ! je veux danser ! sans m’arrêter… Même si tu me trompais encore une fois, Même si un jour, tu ne voulais plus de moi, Même si demain, tu venais à me haïr, Je veux t’aimer ! je veux t’aimer ! à en mourir… Bernard Simon |
Toi |
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Tes je t'aime me consolent Mes faiblesses ça me colle A la peau fragile Comme un tatouage indélébile Quand je souffre, tu es là Près de moi quand ça ne va pas Parfois je fais des ravages Sans toi, j'aurais fait nauffrage Le froid de l'hiver M'enveloppe d'un goût amer Qui me rappelle Moi dans les âges, toujours si frêle Je dois combattre toutes mes douleurs Parfois c'est dur et ça fait peur J'ai besoin de ta présence Mes blessures, toi tu les panse Prends soin de moi Car sans toi, je ne survivrai pas Quand je suis seul j'ai l'impression D'être poursuivi par mes démons Dans mes pires cauchemars Tu me sors de mon coup de cafard Avec toi, plus de problèmes Tout simplement, parce que je t'aime Julien BURY |
C’est de Caudry que je
t’écris Ma vie |
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Ça fait 14 ans que je t’ai rencontré, nous nous aimions, tu avais accepté mes deux enfants. J’étais très heureuse car avec le passé que j’avais vécu avec le père de mes enfants, Je ne pensais pas retrouver l’amour et le bonheur. Ta famille m’a très bien accueillie, nous avons passé des bons moments. Les enfants ont quitté la maison pour se mettre en ménage. Ma fille nous a donné un beau petit-fils, mon fils nous a donné une petite-fille. Un an et demi, ma fille nous redonne une petite fille. La famille s’agrandissait, cela nous donnait de la joie. Et un malheur nous arriva, la maladie, le cancer. Cela fut très dur : chimio et rayons, plus de forces, mon corps meurtri. Ensuite, traitement par comprimés, qui dure depuis 6 ans. J’étais active mais là, je n’arrive plus à faire mon ménage, trop de fatigue. Dur de vivre comme cela, je ne mérite pas cela. Tu as été opéré en 2015 des cervicales, je t’ai épaulé. Et en novembre 2016, tu es licencié, l’entreprise ferme. Je sais que pour un homme, c’est dur, mais je ne te reconnais plus. Je vois que tu ne vas pas bien et moi ça me déprime. Plus de communication, cela fait très mal, j’essaie de surmonter cela. Mais c’est une dure épreuve, en plus, les décès de mes amies. Là, je ne sais pas comment faire pour que tu retrouves la joie que tu avais. J’ai l’impression que l’on s’éloigne, tu pars, tu me laisses seule. Je broie du noir, j’ai plus le moral, j’aurais préféré mourir. Heureusement, ma sœur et quelques amies sont là pour me soutenir. Je voudrais tant que l’on se promène ensemble, passer de bons moments. Il va falloir réagir, je ne peux plus vivre comme cela. Que faire ? Tu ne veux pas discuter, je pense que tu préfères tes amis. Tout se bouscule dans ma tête, je n’ai plus de courage. Reviens-moi, confie-toi, on est un couple, quand même ! La vie ne tient qu’à un fil, je veux en profiter joyeusement. C’est pour cela que j’écris cette lettre car je ne sais pas comment faire. Maryse MARECAILLE |
Message à la lune |
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Aujourd’hui je suis mal luné, sans doute me suis-je levé du mauvais pied ! Inutile de porter des lunettes pour s’en apercevoir, inutile non plus d’en porter pour te voir toi ou bien la terre. La terre est bien sous mes pieds, mais toi, quel mystère ! Je rêve un jour de pouvoir aussi y mettre mes pieds, sans avoir cependant trop d’espoir. Pour me consoler, je peux te voir, ma belle, presque chaque soir à mon coucher et parfois encore à mon réveil. Ainsi je peux te bercer et te câliner dans mon sommeil. Que tu es belle, je ne cesse de te le dire ! Parfois tu te caches plus ou moins, peut-être es-tu de connivence avec les nuages ou bien serais-tu timide à ce point ? Parfois aussi tu t’exhibes dans toute ta beauté. C’est comme cela que je te préfère, mais on ne peut plaire à tout le monde ! Dans ces moments-là je te sens proche, si proche de moi que je peux te confier tous mes secrets, te faire des confidences et m’endormir d’un profond sommeil du Juste. Vincent Weber |
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20 |
Derrière le rideau. |
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Note de l'auteur : Par mesure de sécurité,
certains noms ont été modifiés. Les moins
jeunes d'entre nous se souviendront du " Phénomène" télévisé des
années 1970 : Je veux bien sûr parler du célèbre mentaliste Yurri Gelaff,
présenté par Michel Polac complètement émerveillé, envoûté peut-on même dire,
par ce personnage charismatique. Rappelons
les faits : Monsieur Gelaff se définit comme détenant depuis l'enfance des
pouvoirs supra normaux, télékinésie, divination, correspondance par
télépathie etc. Il nous prouve en effet et en direct qu'il est capable de
tordre, par la seule force de la pensée, des petites cuillères, des clés,
capable également de deviner des mots ou des dessins cachetés dans des
enveloppes, loin de sa présence. Il invite même les auditeurs à tenir dans
leur main des montres hors d'usage et se fait fort d'en réparer quelques
unes. - pas toutes - précise-t-il - ce n'est pas un charlatan et ses pouvoirs
ne sont pas toujours au rendez-vous. Pendant plusieurs années, Gelaff se
produit dans le monde entier, remportant à chaque fois un succès immense,
devant des foules abasourdies par son talent de visionnaire. Un soir,
après une prestation particulièrement fatigante, il trouve dans sa loge, un
homme, en uniforme qui se présente ainsi : - Commandant
Vadim Yegor, membre de l'Etat-major soviétique. M.Gelaff, nous nous
intéressons beaucoup à ce que vous faites sur scène. L'entretien
durera très longtemps. Gelaff en sortit épuisé, blême, complètement abattu. Quelques
jours plus tard, le 14 mars 1987, Yurri Gelaff refait surface sur le plateau
d'une émission télévisée," droit de réponse ", toujours présentée
par Michel Polac. Gelaff parait sur scène, et d'entrée de jeu, l'affaire se
présente mal. Il se fait littéralement massacrer par l'illusionniste Réger
Majox. Perd complètement ses moyens, échoue à toutes tentatives de
télékinésie. Majox reprend systématiquement ses tours, et les réussit, mieux
que Gelaff lui même ! Celui-ci doit alors quitter la scène, penaud et
déconfit, sous les huées des spectateurs. Ce sera fini de ses exhibitions,
nous ne le reverrons plus sur scène, ni à aucunes autres émissions
télévisées. Que s'était
il passé pour qu'un homme, au fait de sa gloire, ai pu tomber aussi
brutalement de son piédestal ? Pour le savoir, je vous emmène à nouveau dans
la loge où Gelaff eut la surprise de découvrir le commandant Yegor, et vous
restitue l'intégralité de la conversation qui se déroula entre les deux
hommes. - M.Gelaff nous nous intéressons beaucoup à ce que
vous faites sur scène , quand je dis " nous" il s'agit des plus hautes instances militaires
de notre Pays . Voyez-vous, comme toutes les autres puissances militaires,
nous nous heurtons à un problème majeur : pour communiquer avec nos
sous-marins, nous devons sortir le périscope, et de ce fait prendre le risque
énorme de nous faire repérer ou alors, baliser le fond marin de récepteurs
ultra- sensibles, ce qui nous oblige à suivre des routes balisées, ce n'est
pas non plus l'idéal. Il existe bien sûr des solutions plus sophistiquées,
très lourdes et assez peu efficaces : les ondes radio auront toujours du mal
à se diffuser dans l'eau. - Je ne
vois pas pourquoi vous me dites tout ça, en quoi suis-je concerné ? -
rétorqua Gelaff, un peu agacé. - J'y
viens - reprit Yegor. -Vous semblez disposer d'un don télépathique
assez rare. Nous même, en Russie, menons des expériences prometteuses dans ce
domaine. Nous aimerions que vous intégriez notre équipe, afin de diriger et
d'orienter ces recherches. Naturellement, vous percevrez un salaire
équivalent à ce que vous gagnez aujourd'hui, plus une prime confortable à
chaque évolution dans votre travail. Gelaff se
prit à rire - Mais enfin, monsieur,
vous disposez à votre guise de mon emploi du temps, de mon avenir, sans vous
demander si cela me convient ! et ça ne me convient pas du tout, monsieur !
sachez le bien ! - Monsieur
Gelaff, vous semblez sous-estimer l'importance de votre don, et l'importance
de ma présence face à vous ! Si la Russie m'a dépêché auprès de vous, c'est
qu'elle n'envisage pas de refus de votre part ! - Sans
blague ! quelle audace ! nous sommes encore, monsieur Yegor, dans une
démocratie ! - Ne
faites pas l'enfant, Monsieur Gelaff, dit Yegor en haussant les épaules. Je
vais vous expliquer pourquoi vous ne pouvez pas refuser ce contrat. Imaginez
que demain, les Américains se rapprochent de vous. Qui nous dit, que par
idéologie, ou autre raison, vous n'allez pas accepter de travailler pour eux
? - Vous
voyez bien que nous ne pouvons plus vous laissez errer dans la nature. D'une
façon ou d'une autre, vous devez disparaître. Et croyez-moi, il vaut mieux
pour vous, que ce soit chez nous, plutôt que dans un terrain vague. Suis-je
clair, monsieur Gelaff ? - Vous
n'iriez pas jusque-là, quand même !? - Je
serais vous, je ne tenterais pas l'expérience. Voici ce que nous allons faire
: nous avons embauché un illusionniste célèbre qui va vous ridiculiser en
public. Moment désagréable, j'en conviens. Moins cependant que d'être
poursuivi par le KGB. Vous jouerez le
charlatan démystifié et quitterez la scène, conspué par un public peu
reconnaissant. Pour vos apparitions futures, nous avons trouvé un sosie qui
fera parfaitement l'affaire, le temps que ça se tasse. Vous savez, on est
vite oublié ! Je compte sur vous, Monsieur Gelaff, je reprends contact très
rapidement avec vous. Il est fort probable que nous voyagions dans le même
avion. A très bientôt. Franck
DEFOSSEZ |
Mon bien cher Félix, |
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C’est en catastrophe que j’ai dû partir hier soir pour notre base lunaire de la Mer de la Fécondité – la bien-nommée – et je pense bien à toi. J’aurais aimé te faire profiter du vaisseau-flèche mis à ma disposition par le Parlement d’Ottawa, mais les Sages ne m’en ont pas laissé le temps. Il faut dire que ça urge, un cas de rhinotrachéite dans la colonie a été signalé, j’ai dû apporter le traitement. Les robots sont en train de vacciner nos jeunes pionniers. Je préfère que ce soient les robots qui s’en chargent, les domestiques sont adroits de leurs mains mais tellement lents. Ils sont lourds, au sens propre comme au sens figuré. Ils pèsent 10 à 20 fois notre poids, leur cerveau idem. Un cerveau volumineux qui néanmoins ne leur a pas permis de comprendre dans quel sens fonctionne l’Evolution, malgré le précédent des dinosaures. Pourtant, ils disaient, mais sans y croire : « Small is beautiful ». Ils sont puissants, mais ils ne sont même pas capables d’attraper une souris sans utiliser des pièges grossiers. Il n’empêche que, malgré leur incapacité – sauf trop rares exceptions – à affronter leurs terribles limitations, je les aime bien, comme l’immense majorité d’entre nous d’ailleurs, et je suis persuadée que c’est réciproque. Mais je m’égare. Je voulais te dire que Gracile a donné naissance à quatre jolis rejetons. Petit cachottier, tu ne m’avais rien dit, mais tu ne peux pas nier qu’ils sont de toi. Ils ont exactement le même pelage couleur de feu parsemé de délicates touches de blanc. Si tu prends le prochain cargo, tu pourras être ici quand ils ouvriront les yeux. Aïe, j’ai enco*e oublié de fai*e patte de velou*s, une de mes g*iffes a de nouveau endommagé le clavie*. Je te quitte donc, che* Félix, et te dis « à bientôt ». Mille ca*esses, ta génit*ice qui t’aime, Câline P.S. : tâche de *este* pou* le centenai*e du p*emie* Te**ien su* la Lune, le vaillant Neil A*mst*ong ! Ce se*a une supe*be fête, nous lui devons bien ça ! End of transmission Pataillot Georges |
10 août 2021 |
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D’autres parfums, d’autres lumières, d’autres couleurs, des paysages différents, une journée pour un espoir, un autre vent au goût salé. Nuages en tenue d’ange ou nuages pleureurs, nuances de gris tristesse. Tout oublier. Respiration profonde de l’océan. Vagues colère à l’assaut des rochers viennent se briser en blanche écume. Vagues inlassables promènent sur le sable les coquillages morts en de longs soupirs. Et puis là-bas dans le lointain, nuances de verts sublimés par l’éclat du soleil. Miroitements lumineux d’émeraudes à l’infini. Thérèse L. |
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Un toit sur la tête |
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L’heure de la retraite a sonné ; toutes ces années de labeur accumulées ont autorisé ce départ par la grande porte de la Boîte. On a trimé, on a souffert, on n’a pas compté ses heures, on a joué les ambitieux pour grimper le long de l’échelle sociale et on nous a gentiment poussé vers la sortie. Aujourd’hui, en carte postale et en échange, on a sa villa, sa piscine, sa belle bagnole ; les enfants sont élevés et, tel leur père, ils courent vers leur destin de réussite. Lors d’une petite visite post-professionnelle dans les locaux, ceux qui sont en place nous jalousent ou nous ignorent, prétextant un travail de plus en plus lourd. Nous n’appartenons plus au monde du labeur ; en un mot, nous n’existons plus ; toutes ces années d’entreprise se sont effacées sur l’autel des Oublis… Cette retraite, c’est une grande inconnue ; on espère s’être préservé pour pouvoir profiter longtemps de nos cheveux blancs. Mieux ! On se découvre une santé, on doit la chérir car c’est notre seul bagage de longévité. Nous voilà basculés dans un monde futuriste où tout nous est étranger. On se sent fragile, petit enfant, novice, dans ce nouvel habit. Il n’y a plus d’emploi du temps, plus d’impératifs, plus d’obligations que celles qu’on veut bien se donner. Tellement conditionnés, pendant quarante ans, voire plus, dorénavant, on se cherche des passions d’occupations ; on se retrouve devant une montagne de temps et on ne sait pas quoi en faire. La pêche, les champignons, les promenades, les voyages, c’était dans l’ordre subjectif du futur, quand on était bien assis derrière notre bureau. Visiter les gosses, repeindre la salle à manger, poncer les volets, s’inscrire dans une salle de sport, une salle de danse, une salle de ciné ou de n’importe quoi, c’était aussi un devoir d’activités. La retraite, c’est des vacances à temps complet et il ne faut pas se leurrer ; à la longue, on s’emmerde… La vie active t’a essoré, vidé, laminé, et t’a enfin balancé sur le trottoir de la retraite ; le matin, tu n’as plus à te préparer longuement pour affronter ta journée de boulot mais tu recomptes tes dégâts. La glace de la salle de bain est sans appel ; le sale type qui te dévisage a mauvaise mine ; d’ailleurs, tu te dis que tu n’allumeras plus la lumière dans cette pièce. Finis les réunions, les stages, les discours ; désormais, tes seuls tête-à-tête seront avec ce zombi grimaçant. Pour tromper ton âge, t’accréditer auprès des plus jeunes, tu as dû tricher avec les médicaments ; ton armoire à pharmacie s’est remplie d’expédients au fil des années laborieuses. Tu t’aperçois que tu as des rhumatismes, tu fais de l’aérophagie, tu perds tes cheveux, ton bridge s’est desserré, tu trembles un peu, et ta bedaine a des effets de bouée de sauvetage trop gonflée. Mine de rien, ton troisième âge te saute à la gueule… Le monde du dehors en semaine t’est inconnu ; tu vois des vieux traîner leur carcasse, des mères de famille poussant leurs landaus, des gamins courant à l’école, des chômeurs clampiner le long des trottoirs. Tu te rends compte que tu ne connais pas ce monde. Tu ne savais rien de ces ombres inclinées derrière les maisons, de la tête du facteur avec son courrier matinal, des aboiements du chien du voisin, de la vieille voisine curieuse de tous tes mouvements, de celui d’en face qui part à dix heures au boulot, des enfilades de moineaux sur ton fil d’étendage, etc. Tu es perdu, sans nul repère ; toi, c’était huit heures - midi, quatorze heures - dix-huit heures, cinq jours par semaine et là, tu ne comprends plus rien de cette si lente et si rapide trajectoire du soleil entre la colline d’en face et l’immeuble là-bas. Tu découvres même la course des gouttes de pluie sur ta véranda ! Bien sûr, tu avais déjà vu tout ça mais tu n’avais jamais pris le temps de t’arrêter pour comprendre le tableau ! Tu as tellement de temps que tu te demandes qui va gagner ! La goutte de gauche ou celle de droite ?!... Tout à coup, tu t’aperçois que tes gosses sont devenus grands ! A la table du dimanche, ils discutent entre eux et tu n’entraves pas grand-chose de leurs conversations d’adultes ! Toi, t’as rien à dire, t’es has been, t’es au rayon des antiquités. Tu voudrais parler de tes souvenirs, de tes quelques faits de gloire, de ta médaille du travail, mais on ne t’écoute qu’avec une mansuétude polie et quand tu fais le silence, c’est pour demander qui veut se resservir ; tu te rends compte que tu ne parles pas la même langue que tes gosses. Alors, tu te contentes de remplir leurs verres avec ton pinard que tu crois bon. Un jour, ils te mettent un petit-fils sur les genoux, puis un autre, puis un autre ! Toi, tu souris avec ta tête de patriarche mais ils viennent de t’envoyer dans la génération des aïeux ! Tu prends ces nouveaux coups dans la gueule avec les rides qui vont bien pour réussir les photos ! Tes gosses, quand ils viennent te voir, ils font du social ! Quand ils s’en vont, tu n’oublies jamais de mettre un billet dans leur poche pour qu’ils reviennent… Le médecin que tu consultes pourrait être ta fille, le dentiste ton fils, la coiffeuse ta nièce !... Tu veux bien aller à la pêche mais il faut changer de lunettes pour récupérer ces putains de nœuds sur la ligne ! Tu veux bien aller te balader à la campagne mais il faut que tu ailles faire vérifier ton cœur à cause de ces nouvelles palpitations ! Tu veux bien jardiner mais il te prend des malaises de folie quand tu t’es baissé plusieurs fois ! Tu t’aperçois que ton jardin est de plus en plus grand et tu as la hantise de la pluie qui fait pousser la pelouse trop vite à cause de cette maudite tondeuse si lourde !... T’es à la retraite ; le monde ne t’attend pas, il t’a laissé au bord de la route. Autour de toi, tout va trop vite. Le manège de ton enfance qui allait trop doucement s’est transformé en toupie emballée ; avec tes restes d’instinct, tu t’accroches à la rampe et y laisses toutes tes forces. Tu prends conscience de ta précarité, de ton insignifiance sur cette terre ; tous les crédits d’usurier et toutes les privations qui vont avec, toute cette hypocrisie professionnelle et toutes tes impasses, toutes tes peines, tous tes abandons, te sautent à la tête ! T’as beau regarder ta baraque, tu n’en es plus fier ! En refaisant tes comptes, tu l’as payée trois fois ! Pour ces quelques pierres, tu te rends compte que tu t’es fait balader toute ta vie ! On t’a fait prendre des vessies pour des lanternes ! T’as couru après des chimères ! Marionnette agitée, t’as joué au notable en baladant ton cartable !... Vite, tu cherches dans tes meilleurs souvenirs des moments inoubliables ! Ils se ressemblent tous et, en fin de compte, ils sont désespérément ordinaires ! La truite de cinquante centimètres, ces fameux yeux bleus, ta première bagnole, ton bac, tes vacances en Bretagne, ton premier job, ton premier gosse, tu les alignes devant tes pensées pour faire barrage à cette angoisse sidérale ! Tu paniques ! T’as des larmes de sueur ! Tu ne sais plus où te foutre ; t’as des grands moments de dépression et tu comprends ces tonnes de médocs dans ta pharmacie !... Et si je m’étais trompé sur toute la ligne ? Et si je n’avais utilisé ma vie qu’au seul profit d’un toit sur la tête ? Tu voudrais crier au secours mais personne ne t’entend ! Tout le monde s’en fout ! Tout le monde court après sa propre réussite, son toit sur la tête ! Cette vie, c’est un véritable cauchemar !... T’es réveillé mais c’est trop tard. Tu voudrais verser dans la picole mais ton foie se balade déjà au bord de tes lèvres ; tu voudrais abréger cette galéjade comme un samouraï floué mais ta foi te l’interdit. T’es coincé, piégé, et tu dois entretenir cette hypocrisie auprès de tes enfants pour qu’ils continuent de payer le toit sur leurs têtes… Et puis, ça commence à défaillir autour de toi ; crises cardiaques, cancers, et autres saloperies sont à l’ordre du jour ! Des cousins, des anciens collègues du boulot, des voisins, ils tombent comme des mouches ! S’ils sont plus vieux que toi, c’est forcément normal, et s’ils sont plus jeunes, c’était écrit : c’est ta logique implacable. Et puis, c’est ton frère qui dégage et, au lieu d’être triste, tu te dis : Hé ben, bon Dieu, c’est pas passé loin !... La nuit, tu ne regardes plus le ciel parce que t’as l’impression de connaître le nom de toutes les étoiles pendues dans le noir. Le jour, tu as l’impression certaine que tout ce que tu regardes est plus jeune que toi, sauf ce vieux con qui t’observe dans le miroir de la salle de bain ! T’as beau lui sourire avec ta dernière dent (le dentier fait trop mal), il est sans concession. Tu peux le raser, le peigner, le parfumer, il fait toujours la gueule ; ce bougre, il connaît des grimaces que tu n’aurais pas pu imaginer… Comme des feuilles mortes tombant devant ta porte, au hasard de tes mélancolies, il te revient des récitations de ta petite enfance, que tu ne sais même pas où elles pouvaient être cachées dans ta mémoire ! Avec ta loupe, quand tu lis les faits divers du journal, il te semble que tout cela vient d’une autre planète ! On conspue untel, on plébiscite untel, on a voté pour lui, telle équipe a gagné, etc. : tu ne les connais même pas. Tu suis la rubrique nécrologique comme un feuilleton interminable et quand tu reconnais un défunt à la famille attristée, c’est comme si c’est toi qui l’avais tué. Quand c’est le matin, tu voudrais que ça soit midi pour bouffer et quand c’est l’après-midi, tu voudrais que ça soit le soir pour aller te coucher même si tu n’as pas sommeil. Toutes ces journées et toutes ces nuits passent si vite que t’as l’impression de survivre entre des clignotements de lumière et de noirceur. L’été, tu voudrais que ce soit l’hiver, et l’hiver, tu voudrais que ce soit l’été. Tu ne comprends plus rien des infos dans ta télé ! Quand tu regardes un film, il y a toujours deux mille morts à la fin ! Le foot, le rugby, les courses de bagnoles, le vélo, tout ça, tu t’en fous, parce qu’il faut être bien con pour pédaler des heures, au soleil. Tous les matins, la mort te regarde dans la glace ; elle prend tes mesures, suppute sur cette toux récurrente, ces maux de ventre, ces jambes tremblantes, et comme un con, tu lui souris pour l’amadouer encore un jour. Tu connais la liste non exhaustive de ce que tu ne dois plus manger, plus boire, et l’ordonnance de tes médicaments s’est allongée en échange. Si tu étais égoïste, te voilà organique ! Tout ce qui rentre doit ressortir ! Les chiottes te sont réservées entre telle et telle heure !... T’es seul. Des après-midis entiers, tu passes le temps ; tu tapes avec un bâton sur le rebord de la fenêtre ; comme ça, tu devances les secondes, tu anticipes ton avenir mais elles gagnent toujours. Tu ne traverses plus la route, t’as peur des courants d’air et t’es complètement sourd. Pendant un moment de courage, tu ouvres l’album photo pour te retrouver un peu de jeunesse ; tu ne te reconnais plus sur les photos. Tu t’emmerdes. Il y a bien les Feux de l’Amour mais tu ne comprends plus rien à toutes ces roucoulades, ces traquenards et ces effets de jambe. Tu te demandes bien ce que tu peux foutre encore sur cette terre désormais hostile. T’as tout compris de l’inconsistance de l’existence mais si tu l’expliquais, on ne te croirait pas. Ah, si vieillesse pouvait… Un jour, tu ne penses plus, ta tête tourne à vide ; tu ne reconnais plus personne, t’as plus un brin de curiosité intérieure pour aller gratter dans tes souvenirs. Tes gosses parlent de vendre ta vieille baraque pour aider à payer la pension de la maison de retraite spécialisée qui t’attend. Toi, toi, tu t’en fous, pourvu que tu aies… un toit sur la tête… Pascal
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Des mots et merveilles |
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Des mots venus de loin Des anciennes provinces Des aubes des matins Et de la cour des princes Des vibrations subtiles Des toiles d’araignées Des richesses fragiles Des gouttes de rosée Des mots d’au-delà la mémoire Et que l’on n’entend plus Ceux qui se sont perdus Dans le cours de l’Histoire Des mots venus du peu Que nous sommes sur terre Des mots noirs, des mots bleus Qu’on trouve sous les pierres Parcelles d’absolu Noyés dans l’éphémère Des mots pauvres et nus Balbutiant des prières Des mots de pur silence Dont on entend l’écho Et qui ont la patience D’avoir le dernier mot. Martine Vis Jacquemin – Troisvilles |
30 septembre 2021 |
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Ephémère telles ces roses qui vont mourir sur sa tombe Ephémère comme la vie qui n’est que passage Ephémère comme les larmes qui coulent sur tes joues puisque le soleil de demain viendra pour les sécher mais éternel comme tes regrets éternel ton amour pour lui éternelle ta solitude à jamais. Pourtant quoi de plus grand, de plus puissant que
ces gens rassemblés autour de ce cercueil… Malgré les larmes et les visages défaits, les sanglots à peine étouffés, nous étions comme un tout, comme un rempart autour de lui essayant de le protéger encore, comme une seule pensée uniquement tournée vers lui, comme pour le serrer dans nos bras une dernière fois. Thérèse L.! |
Paranormal Sisters |
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Chapitre 7 suite - Une de ses jambes se serait enfoncé dans le trou et en chutant sa tête aurait heurté violemment le macadam côté rue, elle se serait évanouie, une voiture est arrivée à ce moment-là et lui a roulé dessus, lui broyant un bras. Les pompiers appelés sur les lieux l’ont transporté au centre hospitalier dans un état grave. Amélie reprit - Il paraitrait que des gens hurlaient en s’apercevant du bras en lambeaux, une personne a d’ailleurs fait un malaise. - Ce n’est pas possible encore !s’exclame Tara. - Quoi encore ? - J’ai conversé avec elle ce matin même, elle m’a questionnée sur l’état de santé de Cendra, je l’ai quittée rapidement, car elle n’était pas charmante dans ses propos. - Mince, elle se rajoute à la liste alors. Cela commence à devenir drôlement inquiétant,. rétorqua Amélie, palissant à son tour. - J’ai peur Amélie. - Crois-moi si tu veux, moi aussi. Tu devrais peut-être en parler à ton chef. - Non, je ne mêlerai pas la gendarmerie à cela. Ils vont me traiter de folle. Et ils auront certainement raison. - Tu es sûre que personne n’en a après toi ? - Tu dis des bêtises, ce n’est pas moi qui
suis visée physiquement
mais les personnes que j’approche. Et nous n’avons aucun suspect puisque
jamais aucun individu n’est sur la scène. - Moi je rentre, peux-tu me raccompagner ? Je préfère retourner chez moi. - Merci pour la confiance. Tara reconduisit malgré tout son amie, de retour chez elle, elle termina la soirée en se mettant devant son ordinateur et chercha si des cas similaires existaient. Elle y passa une bonne partie de la nuit. Chapitre 8 Tara s’était préparée rapidement malgré sa courte nuit, elle avait l’intention d’aller saluer Lilian à l’exposition. Elle avait garé son véhicule et remontait lentement la rue. Le garde en faction devant la salle, voyant arriver Tara lui sourit. - Bonjour Miss. Depuis que Tara rendait visite à Lilian, le gardien et elle s’étaient liés d’amitié. - Bonjour Jean, répondit Tara. Belle journée. - Oui, il faut en profiter. Ne cherchez pas monsieur Berguess, il n’est pas là aujourd’hui. - Il a dit pourquoi ? - Non, rien, désolé. - Merci Jean. Je repasserai. Tara le salua et rebroussa chemin, je vais lui téléphoner pensa-t-elle tout haut. Elle composa le numéro de Lilian sur son portable. Deux trois sonneries et une voix qui n’était pas celle du peintre répondit. Le sang de Tara ne fit qu’un tour. Jalouse ! Non, Tara aimait énormément
Lilian mais pas au point de se marier avec lui. Pendant un moment elle en
avait nourri l’espoir, mais s’aperçut bien vite qu’il était un très bon ami
sans plus. Elle lui en avait d’ailleurs fait part au vu du comportement un peu
plus qu’amical que Lilian lui montrait. Celui-ci avait compris la leçon, mais
n’en voulait pas à Tara. Ils restaient bons camarades, pourtant, à ce moment
précis Tara se rendait compte que son absence aurait laissé un vide énorme.
Elle aurait perdu un copain, mais aussi un confident. La voix, celle d’une femme, demandait maintenant qui était à l’autre bout du fil. Tara malgré son appréhension se présenta. - Je me nomme Tara, je suis une amie de Lilian, je devais le rencontrer aujourd’hui. - Je suis sa mère, reprit-elle en sanglotant, Lilian a eu un grave accident de la route hier soir. - Comment cela a-t-il eu lieu ? Je peux lui rendre visite ? demanda Tara interloquée - Non les médecins le déconseillent pour l’instant. Rappelez-moi plus tard, je vous donnerai de ses nouvelles. Tara sous le choc remercia et raccrocha. Ce soir-là, enfermée dans sa chambre, Tara pleura énormément. Comment cela avait-il pu arriver ! Lilian conduisait bien, il ne buvait pas, la route était directe et de plus en plein jour. Au dire de sa mère, la voiture s’était déportée anormalement et avait foncé droit sur un arbre. Les médecins n’avaient décelé aucun symptôme qui laisse supposer un malaise cardiaque. Lilian n’était pas dépressif, par contre il n’avait aucun souvenir de l’accident. Il paraitrait que cela arrive parfois à certains accidentés de la route. Pourquoi Lilian avait-il ainsi quitté la chaussée ? Qu’avait-il pu bien se passer ? Le jeune peintre était maintenant cloué sur un lit d’hôpital, pour combien de temps personne ne savait. Et le comble, dans le même centre que Cendra. Deux personnes qu’elle affectionnait dans un endroit identique. Tara ne dormit pas de la nuit, au petit matin, ne voyant rien qui puisse rattacher tous ces phénomènes à une quelconque vengeance, Tara appela Amélie. - Que fais-tu, ce matin ? - À vrai dire, pas grand-chose, j’ai quartier libre, répondit son amie. - On se retrouve au bar sur la place si tu veux bien, j’ai à te parler. - Celui à côté de la pâtisserie ? - Oui c’est ça, rétorqua Tara. Un quart d’heure plus tard, Amélie entrait dans le café, où Tara l’attendait déjà. Elle s’assoit et interroge Tara. - Alors je t’écoute ! Tara raconta l’accident de Lilian. Amélie l’écoutait attentivement. - Lilian est à l’hôpital ! s’exclama Amélie, ghoquée. Je vais le voir. - Non impossible ! Sa mère m’a confirmé que les docteurs l’interdisaient pour l’instant. - Comment aurons-nous de ses nouvelles, rétorqua Amélie au bord des larmes. - J’en aurai par ses parents. Mais j’ai l’impression que tu en pinces pour lui, dis-moi. - Que vas-tu chercher. N’importe quoi ! - Ça commence à devenir glauque, tout cela, dit Amélie, changeant de conversation. - Je n’arrive plus à réfléchir, c’est terrible. Je sais, tout cela semble idiot, peut-être est-ce que je m’imagine des choses… - Avez-vous pensé à des situations qui puissent être du paranormal ? Les deux jeunes femmes se retournèrent ahuries. - Excusez-moi ! Je me présente, Florian Nolem, je suis Professeur de mathématiques et de parapsychologie. Tout à fait par hasard j’ai entendu votre conversation et votre histoire m’a intrigué. - Bonjour, je me nomme Tara, voici ma meilleure amie Amélie. - Enchanté, puis-je m’assoir à votre table ? - Faites ! accepta Tara, prête à tout pour trouver une solution. - Expliquez-moi donc tout cela ! Tara relata timidement les faits, mais comme Florian Nolem l’écoutait attentivement, elle continua sur sa lancée, n’omettant aucun détail. Entrecoupée de temps à autre par Amélie qui ajoutait sa ressentie, mais montrait aussi qu’elle était là. Florian posait parfois une question, puis la laissait poursuivre. Quand elle eut terminé, - M’autorisez-vous à me pencher sur votre cas ? - Vous me croyez ! - Bien sûr que je vous crois ! - Vous ne pouvez pas savoir à quel point je me sens soulagée. - J’en suis heureux. - D’accord, j’accepte votre aide. Je veux explorer toutes les pistes possibles. - Venez à mon cabinet, demain vers dix heures nous reparlerons de tout cela et je jugerai de la suite à apporter à ces incidents. Voici ma carte. Je vous laisse, à demain. - À bientôt, répondit Tara sous le charme. Grand, brun aux yeux verts, une silhouette sportive, le médium était tout l’inverse de Lilian. Rentrée chez elle, Tara, accompagnée de son amie, chercha sur internet, des renseignements sur le médium. Son cabinet se trouvait dans la ville voisine à une vingtaine de kilomètres de là. Il s’appelait bien Florian Nolem, et il était réellement professeur de mathématiques et de parapsychologie. Florian Nolem était très en vogue et reconnu. Sa photo accompagnait l’article. Au petit matin du jour suivant, Tara s’apprêta rapidement, pressée de retrouver le fameux Florian. À dix heures pile, elle patientait dans la salle d’attente que la secrétaire l’appelle. À dix heures dix, c’était le professeur lui-même qui la fit pénétrer dans son cabinet. Celui-ci était meublé tout simplement, un grand bureau, une chaise, et face au pupitre deux grands fauteuils, une armoire débordant de livres, une plante gigantesque, cela s’arrêtait là. La jeune femme, légèrement troublée, suivit le professeur et sur son
invitation, s’assit dans un profond fauteuil. à
suivre MARTINE GRASSART-HOLLEMAERT |
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LE TUNNEL DU TEMPS |
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Suite du 67 Ces cristaux devaient posséder d’intéressantes qualités
électromagnétiques. Ils sourirent en se rappelant les vieilles légendes du XXIème
siècle qui voulaient qu’à cette époque, l’or servait de moyen
d’échange ! Ils revinrent sur leurs pas, ils virent que les plantes
s’étaient rapprochées dans l’allée, alignant leur tronc en « acier
inox » en un gigantesque miroir. En effet, tel un régiment de
cuirassiers, les arbres s’approchaient des cinq hommes, se balançant
alternativement sur leurs racines. Celles-ci, dans des ondulations
reptiliennes, leurs permettaient de se déplacer rapidement. Les végétaux se
bousculèrent, s’arrêtèrent. Le terraplane ralentissait et stagnait, bientôt
encerclé. Les plantes attaquèrent, soulevant leurs branches qui se
tortillaient. Mur Tast fut arraché de l’engin par la verdure rouge
(contradiction !). Le pauvre Mur se débattit furieusement. Ses quatre
compagnons réagirent avec leurs pistolets caloriques. Mais le bois de
silicium résistait à la chaleur. Ils lancèrent alors des grenades à l’acide
nitrovinotique qui eurent comme faculté de dissoudre une partie de l’arbre.
Un autre végétal rouge rattrapa au vol le pauvre patrouilleur pour l’enserrer
entre ses branches, le digéra peu à peu, offrant une part du festin à ses
compagnons végétaux, à travers ses racines. Les grenades abattirent
rageusement les ennemis. La patrouille, sans Mur Tast, reprit son chemin à travers
la forêt qui reculait désormais de chaque côté de l’allée. Un autre danger
leur fit face : une bête répugnante, gluante comme une pieuvre, avec une
tête d’araignée verte. Dressée sur dix pattes, elle fixait les voyageurs de
ses grands yeux jaunes. Elle déroula subtilement ses tentacules hérissés de
piquants en direction des quatre hommes. Ceux-ci lancèrent des grenades
d’acide que la créature parvint à éviter. Elle surgit d’un bond sur Rado
Bardelli, les piquants acérés s’enfoncèrent dans la chair du jeune militaire.
Un pieu fut lancé entre les deux yeux qui tournèrent au bleu. La bête rendit
un sang vert qui se mêla au sang de sa victime. La patrouille restreinte
arriva enfin à la clairière où se dressait l’immense astronef terrestre. Les
mécaniciens terminaient leurs réparations. Un repas fut servi dans la vaste
cantine de l’engin volant. Des plateaux défilaient devant les tables,
chargées de soupes d’algues réhydratées, de purée de plancton, de concentrés
de légumes aux vitamines A, B, C etc. de bouillies minérales contenant sous
une forme assimilable des sels de fer, cuivre, d’or ,etc. Un concentré de
semoule servait de dessert et un champagne sans alcool arrosait le tout. Un
cri surgit de la forêt ! Les arbres s’agitaient. Blav Lindston bondit dans
la direction du drame. Il s’élança dans l’allée ; cent mètres plus loin,
les arbres aux feuillages verts et bleus s’étaient reculés pour mieux
assister au combat futur. Un arbre géant rouge enroulait une branche autour
d’un corps rendu méconnaissable par le sang dégoulinant de partout. Blav
ayant mesuré du regard le danger savait que ces arbres résistaient à la
chaleur. Il revint sur ses pas. Les passagers accouraient déjà au bord de la
forêt. Blav les empêcha d’approcher .Il emprunta l’ascenseur qui menait aux
entrepôts. Il ressortit, armé d’une hachette et d’un tube. Il revint sur les
lieux du drame. Les soldats n’avaient pas entamé le tronc de leurs lances
calorifiques. Il vit le corps allongé sur une gigantesque racine hérissée
d’épines, ligoté par une liane. Cette corde végétale enserrait de plus en
plus la personne. Des fils rouges pendaient de la branche, Blav frémit en
reconnaissant du sang coagulé. Il fit face au géant végétal. Derrière lui,
une ombre surgit : un arbre aux branches rouges étendit ses rameaux pour
l’étrangler. Une autre silhouette se dressa devant : un arbre vert
tordit ses ramures et enserra le tronc du lâche. Blav se retourna en
entendant les craquements. Les autres espèces végétales aimaient la
justice ! « Brave végétal, va ! » lança Blav tandis que
sa hache battait dur sur le tronc du géant. Celui-ci diminua son étreinte sur
sa victime. Le bois miroitant et la sève onctueuse éclaboussèrent la chemise
de l’homme. Les branches descendirent, menaçantes ; que prétendait faire
ce minuscule animal en face de ce titan ombrageux ? Blav prit son tube
et un jet en fut vaporisé dans l’entaille. L’arbre suffocant, sa sève
empoisonnée par le puissant désherbant. Blav ramassa le corps gisant. A
travers le sang séché et la sève collante, il reconnut Eve Cordan. Il revint
à la fusée, posa la blessée sur son lit, y pansa les blessures heureusement
superficielles, administra des piqures de Cotalionine aux endroits meurtris
pour calmer les douleurs. Il contempla la belle linguiste endormie. Pendant
ce temps, les mécaniciens rangeaient des appareils et repliaient les plans de
la fusée qu’ils avaient dû consulter pour les réparations. Un ordre claqua
sec ! « Donnez ces papelards ! » l’imposant
Ho-Tsou-Yong riait malicieusement et pointait vers eux son rayon laser.
Rapidement, il recula vers la fusée, son engin toujours braqué. Lindston,
très préventif, s’élança au-devant. Ho-Tsou, adepte appliqué de tséroya,
n’eut aucune peine à l’expédier au tapis. Adgi Cordoba, l’aide de
l’humanologue Boroîev défendit l’accès à l’ascenseur et lui appliqua un
magistral coup de poing sur l’occiput qui l’étendit raide mort. Blav, après
s’être compté les os, remercia Adgi et donna sa version du sabotage.
« Ho-Tsou était sorti de la fusée, après avoir saboté les machines, muni
de son rayon laser. Je le suivis alors, armé du mien. Avec la caméra infra
rouge de ma combinaison, je filmai le tir de Ho-Tsou avec son arme :
l’éclair qui en sortit était rouge. Oui, car en Chine Impérialiste, on
utilise le rubis pour le laser, étant plus répandu que l’émeraude fréquente
chez nous ! Ho-Tsou avait tout simplement oublié de changer son
arme ! Mes soupçons se confirmèrent, en remarquant l’absence
d’un scaphandre dans le sas. Ho-Tsou préparait déjà son rôle de
sauveteur ! ». Svan Vinovitch essaya l’arme de Ho-Tsou. --« Oui, cela est juste ! Mais comment
saviez-vous qu’il s’agissait de Ho-Tsou ? » --« je ne le savais pas, mais mon arrestation
devait servir ses desseins ! Et entre nous, seul un Chinois peut faire
ses prises de tséroya qui m’ont balancé sur le sol ! Il me restait donc
le soin de surveiller tous les mécaniciens, l’accident de mademoiselle Eva
Cordan fût un fâcheux contretemps ! ». La doctoresse Bora Adé Lin
l’interrompit :« Comment va-t-elle ? » --…Admirablement, ses blessures restent
superficielles ! J’ai dû lui administrer de la cotalionine mais elle
pourra se lever tout à l’heure ! ». Scott Birman semblait
embarrassé depuis le début du récit de Blav, il se décida enfin : « Mesdames
et messieurs, je peux maintenant vous révéler la vraie identité de
Blav : c’est un agent du contre-espionnage parisien
« l’OCEP » : chargé de démasquer les espions employés à
entraver la bonne marche de l’expédition.
Des regards admiratifs accueillirent ce discours. Blav remonta dans
l’astronef, prit l’ascenseur, appuya sur la touche : appartements. Il
entra dans la chambre d’Eva. Elle dormait comme un ange, dans la position
telle que l’avait laissée Blav. Elle ouvrit les yeux. « Merci, Monsieur
Lindston , de m’avoir sauvé la vie … » --« Appelez-moi donc Blav … ! --« Oui, Blav ! » --« Mais comment savez-vous que je vous ai tirée
de ce sale pétrin ? » --« Puisque vous êtes là à contempler mon
état. » --« Vous êtes logique, mademoiselle
Cordan ! » --« Appelez-moi donc Eva ! » --« Oui, Eva ». Eva appuya sur un bouton du mur et un système de
soufflerie lui enfila une combinaison verte. Elle se leva, mais s’affaissa
aussitôt sur le coussin d’air ! Peut-être avait-elle préparé son plan de
séduction ? « Voulez-vous me soutenir pour descendre jusqu’à
la salle ? » .Blav, qui
trouvait là un bon prétexte , la prit dans ses bras . Il la porta ainsi
jusqu’à la pièce où les voyageurs, amusés, suivirent leur progression jusqu’à
un fauteuil ravi d’avoir à porter un aussi gracieux fardeau ! Dans une éblouissante clarté, la fusée s’arracha du
sol. Quelques éclairs verts resplendirent dans l’amphi, derniers clins d’œil
de l’astre vert émeraude qui veillait sur ce monde. Deux jours terrestres
depuis le départ ! Les ondes reprirent de plus belle : on les avait
déjà oubliées ! Le soir du troisième jour : un message leur
parvint de la terre par télé ondes. Tché-Tsouf parut dans le carré des
officiers, ces derniers étant occupés à étudier les cartes
stellaires. « Commandant, un message de la planète-mère au télé
récepteur ». Les officiers paraissant ne pas avoir entendu, Tché-Tsouf
en vint à crier. Dagjèr Minson, peut-être énervé, peut-être pour détendre
l’atmosphère se retourna vivement : « Pleure-pas, tu la reverras ta
mère ! ». Et la longue cohorte des officiers suivit Tché jusque
dans la salle des com. L’écran du télérécepteur montrait une figure colorée
encadrée de cheveux gris d’un personnage passablement excité. Les officiers
bousculèrent au passage Tsé-Ao-Lipang, digne planétologue, absorbé à
photographier les étoiles par les hublots. « Juste au moment où je tenais un magnifique
spectre de naine blanche ! ». Le spiritologue Zéraz Polianth
entendit les mots dès son entrée. Par hypnose, il fit apparaitre devant la
mine médusée de Tsé-Ao des objets luminescents. Tsé en prit quelques clichés. « Enfin, je peux vous voir,
commandant ! ». Le président du conseil accusait un ton exaspéré. --« Je vous écoute, monsieur le
Président ! » assura Scott. -« Nous avons appris qu’un espion de la Chine Impérialiste
s’était glissé parmi vous, un certain Ho-Tsou-Yong ! » --« Il a été tué, président ». --« Très bien, A bientôt, commandant ! » Le
président, suffoqué par autant de rapidité dans la réponse, avait fini sa
phrase dans un murmure. Lorsqu’ un mois fut écoulé, les ondes devinrent
plus claires, plus « lisibles » L’engin extrapolé de la galaxie
,les voyageurs se sentaient plutôt seuls dans cet espace noir . Les
radiologues firent leur rapport. « Les ondes suivent un réseau
vraisemblablement rectiligne, plusieurs radio-émissions sont captées, c’est
un vrai enchevêtrement de messages. D’après la carte universelle, pas une
planète ne correspond à cet emplacement ! « Nicolas Michelski
déclencha une manette et une bande magnéonde bleue se déroula, libérant plusieurs
milliards d’informations mêlées dans d’indescriptibles murmures. Cela faisait
penser à l’écho répercuté dans des galeries souterraines. Kalekio Polaritch
commanda la retransmission en sons humains. Les ultra-magnétondes d’une
fréquence trop élevée furent considérablement ralentis jusqu’à devenir
audibles. Les deux baffles rouges vibrèrent, les sons grésillèrent :
« Sorigou mastiouoooll mant… ». Kalekio arrêta l’appareil, puis fit
défiler les bobines de bandes bleues dans un autre phono : le phonoscope
triant les sons en différents chapitres et différentes voix. A suivre Hertia May |
L’ANTICHAMBRE |
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-C’est incroyable ça, dit Jean-Phi, nous n’avions pas encore pensé à l’heure
qu’il peut être. Peut-être en avez-vous une idée Monsieur… Comment
déjà ? - Je ne l’ai pas dit. Je m’appelle Serge et il
doit être… regardant
son bras, j’en sais rien. On a dû me
piquer ma montre. Vous n’en avez pas non plus ? - Non ! On n’en a peut-être pas besoin
ici ! - Vous foutez pas de …. Trop tard, il
fait noir. Et rien ne se passe… sauf peut-être l’ouverture de cette porte
dans quelques instants…, une éternité. Cette fois,
ils firent leur apparition à deux. Un homme et une femme comme dans un film.
Ces deux personnages, aussi perdus que les autres, avaient peine à avancer. - Entrez, entrez, venez vous joindre à nous, sortit Serge. Plus on est de fous plus on va rire. Parce
que je crois bien qu’on va devenir fou ici. - Et que je t’allume et que je t’éteins. Mais où
sont donc les ampoules ? - Il n’y en a pas, dit Jean-Phi. Jean pourrait nous éclairer, sans jeu de mots sur la question. - Je ne suis pas électricien, grommela-t-il en allant se
réfugier près de Mylène. - C’est pas tout ça ! renchérit Serge. Je me présente : Serge et
vous ? vers les nouveaux
venus. Et vous autres par la
même occasion ! - Je me prénomme Michel. - Moi aussi ! dit la femme. - Vous êtes frère et sœur, mari et femme,
amants ? Comme vous arrivez à deux... tonna encore
Serge. - Laissez-les ! Ils sont aussi désemparés que
nous. Moi, c’est Jean-Phi, là c’est Mylène et à côté Jean. Vous savez
pourquoi vous êtes là ? - Hé ! C’est moi qui pose les questions, ici.
Vous ne saviez pas grand-chose quand je suis arrivé. - Vous non plus ! On est tous dans le même
bain, s’emporta
Jean-Phi. - Ho là, du calme ! Il faut un chef dans
toute opération et je suis le mieux placé pour. - Ah, oui ! Et quel est votre métier et votre
grade pendant qu’on y est ? - Je ne m’en
souviens plus. Et ça ne fait rien. On fait comme ça et puis c’est tout. - Calmez-vous, calmez-vous ! demanda Jean. Mais que vont penser ces deux
personnes ? - Elles pensent comme nous. C'est-à-dire :
Qu’est-ce qu’on fout ici ? - On pourrait jouer au jeu de la mémoire, proposa Jean-Phi. - Et pourquoi ? À quoi ça sert la mémoire
dans un lieu sans avenir ? lui répondit Serge. - Décidément, on n’avancera jamais avec vous. En
stimulant notre mémoire, on saura ce qu’on fait ici. - Je ne
joue pas, sortit
Mylène qui restait toujours cloîtrée dans son petit coin. - Bon, tant pis ! Moi, sauf erreur, j’habite
à Caudry. Je suppose que nous sommes tous du coin, demande Jean-Phi - Moi, dit Jean, je
dois être de Douai. C’est venu tout seul, ça doit être vrai. - Bien sûr ! Et moi, si je dis Valenciennes,
vous allez me croire. - Pourquoi pas ! Et vous Michel ? - Je pense habiter à Cambrai. - Que des grandes villes, sortit Serge. Personne du village donc ! - Si moi, dit Michelle,
à St Benin à côté de Le Cateau. -
Wai ! Vous auriez dit Le Cateau, c’était pareil, maugréa Serge. - On devait vous appeler le ronchon, plaisante Jean-Phi. - Oh, ça va ! Vous commencez à
m’énerver sérieusement. Et d’une
petite voix, Mylène déclara : - Je viens de Solesmes. - Et bien voilà ! continua Serge. On sait tous d’où on vient, mais on
n’est pas plus avancé pour autant. Hilarant le coup de la mémoire ! Personne ne
peut répliquer, que la lumière s’éteint de nouveau. Ce fut un
jeune homme qui, ensuite, entra, une
fois la lumière revenue. - Qui êtes–vous ? attaque, d’entrée de jeu,
Serge. - J’ai rien fait, je le jure, dit le jeune homme apeuré. - On te demande pas ce que tu as fait, mais qui tu
es et ce que tu fais ici. - Je m’appelle Daniel. Je me suis réveillé dans
des toilettes, là, et j’ai poussé la porte. - Des toilettes, c’est nouveau. On va pouvoir se
soulager un peu. - Je doute, Serge, que vous ayez une telle envie, lui répond Jean. - Qu’est-ce que ça peut vous faire, hein !
J’y vais. On verra bien. Personne ne
dit mot. Tous regardent Serge qui, d’un air gêné, leur indique : - Regardez la porte, elle est toujours là. Les
autres portes ont disparu. Vous l’avez vu comme moi. C’est un signe, il faut
y aller. J’y vais. Sans un mot,
chacun attend le retour de Serge et peut-être une explication. Il revient
quelques instants plus tard, un révolver à la main. - Regardez ce que j’ai trouvé dans un bidet. Un
révolver ! C’est à l’un de nous ? À toi, le pommé ? - Non, non ! répondit Daniel. - Alors, à qui ? après un instant de
réflexion. Ou bien c’est pour l’un
d’entre nous, il n’y a qu’une balle. Qui veut se suicider ? - Arrêtez ! cria Mylène. Vous ne savez pas de quoi vous parlez. - Et de quoi je parle, ma petite dame ? - Je ne sais plus, c’est sorti tout seul. - C’est sans doute un signe, dit Jean-Phi. L’un d’entre nous a utilisé cette arme
contre quelqu’un et c’est sûrement pour le lui rappeler. - Ce n’est pas moi, dit Jean. Je ne connais rien en arme à feu. - Votre métier, sans doute ! demanda Jean-Phi. Ne seriez-vous pas prêtre ! - Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? Sur votre
chemise, la petite croix. - Ça veut rien dire. - Et moi, grommela Serge,
Quel est mon métier, j’ai l’impression de m’y connaître en armes. En
jouant avec. - Arrêtez ! Vous pourriez blesser quelqu’un, lui cria Jean. - C’est bien sûr. répondit Serge. Je le garde sur moi, c’est plus prudent. L’obscurité
tomba de nouveau. Le silence fut alors troublé par une détonation. Personne
ne bougea ou ne cria. La lumière
refit son apparition. - Que s’est-il passé ? lance apeurée
Michelle. - Je ne sais pas, personne ne sait
d’ailleurs ! répond Jean-Phi. Et l’arme, où
est-elle ? Se tâtant les poches, Serge déclara : - Je ne l’ai plus, quelqu’un me l’a prise. - Vous en êtes sûr ? - Je ne sais pas, je ne sais plus. - Et le prêtre, où est-il, celui-là ? Tout le monde
se regarde, se dévisage pour reconnaître en l’un d’eux le prêtre. - C’est lui, lança Serge.
Il a pris l’arme et s’est suicidé. - Je ne crois pas, sortit Daniel. Je pense que quelqu’un l’a tué. - Mais ça va pas ! Et son corps, où
est-il ? le tance Serge. - C’est venu tout seul. Dans ma tête quelque chose
m’a dit que le prêtre s’est tué d’une balle de révolver parce qu’il avait
abusé d’un gamin. - Ouais ! Il se passe de drôles de choses dans
votre tête. Vous êtes malade, c’est tout, le relance Serge. - Calmez-vous, enchérit Jean-Phi. Cet homme a raison. Notre mémoire est sélective. Qu’est-ce que nous
savons de notre présence ici ? Rien ! - Vous n’allez pas croire ce drogué !
Qu’est-ce qu’il en sait de notre présence ici, lui ? - Peut-être rien. Mais vous savez que c’est un
drogué ! Comment le savez-vous ? - J’en sais rien ! Puis oh ! Vous faites
chier avec vos histoires, je fais un tour aux toilettes. à suivre Hector Melon d’AUBIER |
MARTIN ET MARTINE |
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Suite67 L’ogre qui,
au fond, n’était point un méchant homme, fut sensible à ce reproche. D’ailleurs,
la perspective d’avoir un prince pour gendre lui souriait fort. « Ah !
c’est le fils d’un roi, dit-il. Eh bien ! s’il s’engage à épouser
Martine, je consens à m’en passer, bien qu’il semble déjà tout
rissolé. » Martin
n’avait nullement envie de se marier. Il regarda Martine. La pauvre fille
n’était point belle, mais sa figure exprimait tant de bonté qu’elle vous
gagnait le cœur. Le gars
jugea qu’il devait être moins désagréable de faire le bonheur de la fille que
celui du père. « Je l’épouserai », dit-il, et le visage de Martine
rayonna. Le jeune
prince lui avait plu tout de suite, et elle détestait profondément le grand
Guillaume, un vieux célibataire qui la recherchait à cause de sa dot. Mais l’ogre
était pétri d’amour propre. Il trouva la réponse bien froide et que le prince
avait été long à se décider. « Ce
n’est pas tout de dire : « Je l’épouserai », reprit-il, il
faut voir si tu es digne de posséder un beau-père tel que moi ?
Qu’est-ce que tu sais faire ? » Martin fut
fort embarrassé. Il ne savait rien faire du tout et, à ce point de vue, le
campénaire l’avait véritablement élevé comme un prince. Il résolut de payer
d’audace, et répondit bravement : « Commandez,
j’obéirai. -Eh
bien ! demain, au petit jour, nous irons dans la forêt et tu m’abattras
cent mencaudées de bois. En attendant, va te coucher, dors bien et ne fais
pas de mauvais rêves. » III. Je ne sais
quels furent les rêves de Martin, mais Martine se retourna vingt fois dans son
lit, sans que grand-mère au sable vînt lui fermer les yeux. « Jamais,
se disait-elle, le pauvre garçon ne pourra se tirer d’une pareille
entreprise ! Si encore mon parrain était ici, il nous aiderait à sortir
d’embarras. » Elle avait
pour parrain Cambrinus, duc de Brabant, comte de Flandre, roi de la bière et
fondateur de la ville de Cambrai. A l’époque
où Cambrinus apporta la brune liqueur de ce côté, l’ogre, qui buvait sec, fut
le premier qui reconnut et proclama l’excellence du vin d’orge. Il en advint
que Cambrinus se lia avec lui, malgré sa mauvaise réputation. Il voulut même
être le parrain de sa fille et choisit pour commère la fée des Houblons. N’ayant pas
son parrain sous la main, Martine hasarda d’invoquer sa marraine. « Bonne
marraine, fit-elle, venez-nous en aide et sauvez mon futur époux, je vous en
conjure. » La fée
parut, couronnée de feuilles et de fleurs de son nom. « Es-tu
bien sûre qu’il t’aime, ma pauvre enfant ? -Sauvez-le
toujours, marraine. Je l’aimerai tant, qu’il faudra bien qu’il me le rende. -Soit, voici
ma baguette. Elle accomplira sur le champ toutes tes volontés ; mais
garde-toi de la perdre et surtout ne la laisse prendre à personne. » Martine
remercia chaudement sa marraine, s’endormit rassurée et, à son réveil, alla
tout confier à sa mère. IV. Le
lendemain, l’ogre conduisit Martin devant un épais fourré, à cent pas de la
maison et, l’armant d’une cognée : « A
l’œuvre, mon gars, lui dit-il ; je te donne trois heures pour me faire
place nette. » Et il le
quitta en riant dans sa barbe. Il alluma sa
pipe, descendit à la cave, y chargea son épaule d’un baril de bière, se
rendit ensuite à la salle à manger, choisit dans le dressoir une pinte de la
contenance d’un pot, puis monta à son belvédère pour voir comment allait s’en
tirer le pauvre Martin. Martin
n’essaya même point de donner le premier coup de cognée. Il songeait à
s’enfuir, quand Martine vint le rejoindre, en se glissant d’arbre en arbre. « Tenez-vous
derrière moi, dit-elle, et cachez-moi bien, que mon père ne me voit. » Et, sur le
champ, elle toucha les arbres de sa baguette, et les aulnes, les charmes, les
trembles, les platanes, les hêtres touffus, les frênes aux rameaux élancés,
les pâles peupliers, les bouleaux à la robe d’argent, les chênes centenaires,
les châtaigniers, les érables, les merisiers, les cornouillers tombèrent tour
à tour avec un fracas épouvantable. Les oiseaux
s’envolaient par bandes en jetant des cris d’effroi, et aussi s’enfuyaient,
affolés de peur, les chevreuils, les daims, les cerfs, les renards, les loups
et les sangliers. Du haut de
son belvédère, l’ogre contemplait cet immense abattage. Il ouvrait des yeux
grands comme des roues de charrette et ne pouvait en croire ses yeux. Sa
surprise était telle qu’il en oubliait de boire et laissait sa pipe s’éteindre. Il avait
pourtant trop d’amour propre pour montrer son étonnement, et quand le petit
boquillon revint avec sa cognée, il lui dit d’un air railleur : « Tu ne
t’entends point trop mal à mettre les écureuils à pied, mais tu ne m’as fait
qu’un quart de jour. Il s’agit maintenant de me creuser un vivier à l’endroit
que tu viens de nettoyer. Voici une bêche, nous verrons si tu en joues aussi
bien que de la cognée. » Puis il
ajouta en s’adressant à sa fille : « Quant
à vous, mademoiselle, vous allez me suivre et vous me direz vos plus belles
chansons, pour me tenir éveillé pendant que ce beau lapin fera son
trou. » Il avait cru
apercevoir une robe blanche dans le grand massacre des arbres, et il
soupçonnait vaguement sa fille. V. Martin retourna
à la clairière et, comptant sur Martine, il commença de bêcher, comme s’il ne
s’était agi que de faire une fosse pour un frêne. Martine
chanta d’abord ses chansons les plus gaies ; puis peu à peu elle
ralentit la mesure, tant qu’enfin l’ogre laissa tomber sa pipe à terre, sa
tête sur l’épaule et tomba lui-même dans un profond sommeil. La petite
fée accourut alors, légère comme une hirondelle. En quelques coups de
baguette, elle déblaya la place, creusa le sol, fit jaillir toutes les
sources et remplit le bassin d’une belle nappe d’eau, qui resplendit comme
une immense plaque d’acier aux rayons du soleil. L’ogre, à son réveil, en fut
tout ébloui. Il descendit
en grommelant et on ne peut plus mortifié. Comme midi venait de sonner, il
trouva son monde à table. Il se plaignit de ce que la soupe était trop
froide, le rôt brûlé, la bière sur le bas, et chercha tout le temps un
prétexte de quereller le pauvre Martin. A la fin, il
lui vint une idée. « Quel
poisson as-tu mis, dit-il, dans ton vivier ? » Du poisson !
Martin, qui n’était pas pêcheur, avait justement oublié de recommander ce
point à Martine. Il ne sut que répondre. « Ah !
ah ! mon gaillard, fit l’ogre, enchanté de le prendre sans vert. On te
commande un vivier et tu oublies de l’approvisionner ! Tu es tout juste
aussi malin qu’une marmotte, toi ! -Il va
réparer sa faute, dit Martine. -Qu’on porte
mon café et ma bouteille de brandevin au belvédère ! Nous allons voir
ça. » Et l’ogre y
monta en se frottant les mains. Sa fille l’y suivit, et c’est à peine si
cette fois elle eut besoin de dire une seule chanson. Son père s’endormait
régulièrement après le dîner : il ne
tarda point à ronfler. En deux
sauts Martine fut auprès de Martin. Malheureusement il lui fallut plus de
temps pour peupler le vivier. On comprend qu’il est moins facile, même pour
la baguette d’une fée, de créer des poissons que de couper des arbres ou de
fouir la terre. Longtemps elle battit l’eau sans faire éclore le moindre
barbillon. Enfin, au
bout d’une heure, les carpes dorées, les perches aux nageoires de pourpre,
les brochets, gloutons, les anguilles roulées en verts anneaux, les goujons,
les ablettes, les loches ou guerliches commencèrent de s’y jouer. Martin
s’oubliait à les regarder, et Martine à regarder Martin, quand tout à coup :
à suivre CHARLES DEULIN (Contes d’un buveur de bière) – Editions de l’écureuil 2 rue Mignon PARIS |
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BOURSE AUX LIVRES D’OCCASION Salle des fêtes de Caudry Samedi 11 Février 2023 Récolte de livres dans le
wagon-livres du 30 janvier au 18 février Hall des Ateliers Culturels |
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