SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N°69

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MAI à AOUT 2023

 

a

 

BD HARDUIN d’AMERVAL   n°1 à 63

Illustration BD : ODILON     page 2

PATRICK  MERIC

HUMOUR-PATOIS

 

Mon Rêve au doux visage  page  3 

Lindsay POTENCIER

Pinson de peine  page  3 

Benoit BRIDET

Mon rêve    page 3

Alexy MASSY

Ech’ confinement    page 6

Jean-Luc MENET

In creut toudis   page 6

Léonce BAJART

Pensée    page 3-6-9

Hector MELON D'AUBIER*

ADULTES   

 

La Nature aux pattes   page  4

Jean-François SAUTIERE

Le Chemin   page 4

MARTINE

L’Ange roux  page  4 

Julien BURY

Temps pluvieux    page 5

Maxence LARDJANE

Les belles paroles  page 5

GUIZMO

Un coq et une poule   page 7

Patrick VENTURE

Un Foulard  Page 7

PLUIES NEUVES

Après la moisson   Page 8

Gérard ROSSI

Où êtes-vousLa Pâleur  page 8

HERTIA-MAY

  L’eau claire   page 8

Gérard LAVOISIER

Fleurs    page 8

Henri LACHEZE

Les Anges   page  9

Thérèse LEROY

27 Avril 2018   page  9

Thérèse LEROY

Amours interdites    page 10

Bernard SIMON

L’hirondelle - Solitude  page  10

Saint HESBAYE*

Un Cosmos   page 13

PLUIES NEUVES

La Statue   page  15

PASCAL

Le Printemps   page  15

Reine DELHAYE

De la terre à la lune  page 22

Robert BRETON

NOUVELLES

 

Bonne Chair    page 11/12/13

Franck DEFOSSEZ

Dommages Collatéraux   page 14-15

PASCAL

Paranormal sisters    page 16-17

Martine GRASSARD-HOLLEMAERT

Le Tunnel du temps    page 18-19

HERTIA-MAY

L’Antichambre   page 20/21/22

Hector MELON D'AUBIER

Martin et Martine     page 23&24

CHARLES DEULIN

DIVERS

 

Michel JADIN  3°de couverture 

Auteur

* Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire

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MON REVE AU DOUX VISAGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Je vous observais au loin ;

Vous aviez un regard si lointain.

Vous étiez comme perdue

Avec tant de vertu.

Vos yeux humides de tristesse,

Vos larmes prêtes à tomber avec délicatesse.

Le nez rouge, causé sûrement

Par du froid que dégage le vent.

De jolies joues rosées

Sans le désirer.

Rien qu’en vous admirant,

Je vis votre air ravissant,

Vos épaules dénudées

Avec un air frais.

Vos sourcils légèrement inclinés,

Prêts à se rencontrer.

Votre coiffure faite de bon matin

Avec sans aucun doute beaucoup de chagrin.

Vous vous demandez sûrement qui je suis :

Considérez-moi comme un bon ami.

Je vous redonnerai le sourire

Jusqu’à vous en faire rire.

Une rencontre ne vient jamais par hasard

Mais elle apparaît en un seul regard.

Lindsay

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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PINSON DE PEINE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Des rails de ta phrase pinson

Son train de métal clair luisant

Qui n’entend la brisure par-delà la clarté

Qui n’entend la question et la plainte

Le double microphone par où coule la voix

Qui ne devine le masque l’abri

Oiseau de peine

La cime de la grive

Le promontoire du merle

L’espace ouvert te les refuse

Te limite l’entre-deux végétal

Parti droit pour l’azur

Tenu du houpier bleu du cèdre

Pinson fébrile j’écoute

Epelle frère notre commune condition

Loin des yeux

Loin des sommets revendiqués

Soulève le couvercle de l’oracle

Accueille ma misère

Dans le panier de ton refrain

Oiseau de peine j’écoute

Jusqu’à l’éclair de la sauvagerie

Remâche mille fois ton blues bouseux

Pinson de peine j’écoute.

Benoît Bridet Saint-Quentin (02

 

 

 

 

 

Joker 2 : le réalisateur confirme une suite et dévoile son titre... en  français - CNET France 

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MON REVE

 Une réserve d'obscurité pour voir une vraie nuit noire

 

 

 

 

Haut

 

 

Je voudrais que mon rêve soit réel, me transporter dans le besoin d’être écouté, que les gens que j’apprécie ne soient pas éloignés, peu importe la situation, mais dans la réalité, ça ne se fait pas, on m’éloigne, on m’évite.

Alors je me dis que je ne suis pas une très bonne personne, que je ne suis pas capable de m’assumer. Je me compare au Joker, c’est un personnage qui se met dans la peau d’une personne, qui fait des blagues, son show, son spectacle. À l’intérieur de lui, il se sent mal, il s’invente une autre vie, il se déguise, se maquille en vert et rouge, les cheveux verts pour faire rire les gens, mais le Joker, au fond de lui, est une personne handicapée.

Alexy Massy

 

 

 

 

 

Coronavirus : retour sur un mois de confinement en France 

 

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ECH’ CONFIN’MINT

 

 

 

  

 

 

 

Haut

 

 

 

Eun jour, echprésidint a bafié dins l’lucarne

Pou déclarer la guerre à un sorte edtiot vier

Qu’in appellot l’ Covid’. L’avot pas l’air bin fier :

I r’sannot aux soldats d’el’ batale ed’ la Marne.

 

J’allos éteind’ el’ post’ et final’mint, j’m’acharne

A l’acouter parler d’eun confin’mint amer,

Qu’in peut pu boire eun cop, ni daler à la mer,

Qu’ejveros pu personn’ sauf emfinme, cet’ vieil’ carne.

 

Heureus’mint in avot l’drot d’aller s’pourméner,

Si ch’atot moins d’eune heur’. Mais in pouvot biner,

Arpiquer des salad’s tout in buvant eun’ chope,

 

Hiercher ou bin fouir, ou jeuer du ratiau

Alors, v’là l’résultat : depuis qué j’sus tout tiot,

Min gardin, nom des os, n’a jamais si prop’.

Jean-Luc MenetVerchain-Maugré

 

 

 

 

 

 

 

 

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IN CREUT TOUDIS

 

 

 

 

 

 

 

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In creut toudis qu’ailleurs ça va miux qu’à s’mason

Qu’in a tous les tourmints, qu’el z’eutt’s i n’ont qu’ d’el chince

Mais aussitôt qu’in fait in tour dins l’ z’invirons

In veut qu’à tous l’ z’indreuts, c’est pa tous côtés Frince.

 

Hinri ia trop d’tinsian, sin frère i fait au lit

Et si l’fill’ mo luronne al a l’foie qui gonfelle

El pu viux mo l’indoulle ia sin couair qui fonflit

Tindis qu’ Batisse à drisse i n’va pu à la selle.

 

El monne iest fait comm’ ça qu’in invie sin visin

Ses plaisis, ses quat’ sous et pi même ess n’ouvroche

Çou qui lui iéblouit mais in mieux ravisint

In apprind qu’à s’mason… el cat iest dins l’orloche.

 

Pussèqu’ souvint su terre ia orneuc dins no qu’min

Et qu’si in a l’catarrhe el z’eutt’s iont d’el niflète

Pourquau cacher l’bonheur à l’ porte ed sin visin

Qu’in such’ tiot, qu’in such’ grind… tertout’s in a s’planète.

MORALITE : Du qui n’pleut pas… i broulle !

Léonce Bajart

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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LA NATURE AUX PATTES

 

 

 

 

 

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La nature aux pattes, papillons et chenilles,

Court entre les troncs et les branches en guenilles.

L’air est lourd d’odeurs à la besace du rêve

Et les bruits mûrs seront pour le jour qui s’achève.

Plumes Sergent-Major oisives aux plumiers

Fixez la poésie aux marges des cahiers

Et sans attendre l’éclat de quelque trompette

Trempez-vous corps et biens dans l’encre violette.

Dites les talus bleus qui se parent de fleurs,

Les chemins de poussière en route vers l’ailleurs,

Les feux de camp volés à la source lumière

Et l’éternel azur qui cligne les paupières.

Faites rimer entre eux les mots encore à naître :

Les crayons de la lune entrouvrent la fenêtre

Et la nuit a choisi le suave jasmin.

 

Le soleil s’est couché et reviendra demain.

Jean-François Sautière

24 décembre 2022

 

 

 

 

 

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PENSEE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Pouquo qu’in dit queu t’es un surdoueu, ti-zaute ! Pace queu euj sus in prématureu ! Et alorse, quo cha y , qu’té in prématureu ! Et bin, éteu mi in couveus’ à 6 mos ! Cheulle-chi à la quéhu en pinne, é ché mi qu’y l’a répareu !

Traduction :  Pourquoi dit-on que tu es un surdoué, toi ! Parce que je suis un prématuré ! Et alors, qu’est-ce que ça fait que tu es un prématuré ! Eh bien, j’ai été mis en couveuse à 6 mois ! Celle-ci est tombée en panne, et c’est moi qui l’ai réparée !

Aveuc ché déclaratiansministes, in s’dminde si qu’y nos prennent nan pou dé babaches ! mi y a longtimps qu’min thermotat y lé à 19°. Eum n’io kaute pou l’douche et l’io freude pou l’tolette.

queu qu’y creute, euj inn couette pou ravisseu eul télévisian !

Y n’ont nan connu eus z’hiveur eud nivimpe à march, é quind sin fioul y gélot, o bé qu’eul chaudieure all quéot in pin-ne. In attindot tros jors pou qu’eul réparateu y vianne

 é pindint eus timps là, in s’rékoffot come in pouvot ! dé fos sos l’couette si vos véyés sou qu’euch veus dire !

 

Si j’pinse in tiot peu à çou qu’y pourrot m’appart’nir total’min, y n’y a pon grind cosse ! L’argint ? bin nan, pisque dès qu’eus j’s’ mort cha ira à z’héritieux. Min corps à mi qu’y lé mi-in, é bé nan puss ? vu qu’a s’ra es zasticot obé ché flimmes qu’y in s‘ront ché usufruitieux ! inn banne ideu, pon puss ? Y n’in aura toudis in ti-z’aute qu’y s’in impar’ra po li-minme ! Alorse quo ? é bin y a qu’eum pinseu nan dite qu’y s’ra toudis à mi-z’aute et rin qu’à mi-z’aute ! pin-se zi, tiot !

Traduction :  Si je pense un peu à ce qui pourrait m’appartenir totalement, il n’y a pas grand-chose ! L’argent ? eh bien non, puisque dès que je serai mort ça ira à mes héritiers ! Mon corps à moi qui est le mien, eh bien non plus ? Vu que ça sera les asticots ou les flammes qui ont seront les usufruitiers ! Une bonne idée, non plus ? il y en aura toujours un qui s’en emparera pour lui même ! Alors quoi ? eh bien il n’y a qu’une pensée non dite qui sera toujours à moi et rien qu’à moi ! Penses-y !

 

HMA

 

 

 

 

 

 

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LE CHEMIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le chemin des joncs

La rivière

Passe sous les ponts

De naguère.

 

Le chemin qui fuit

Ses arrières

Le chemin de bruit

Et de fer.

 

Le chemin qui crâne

Et qui croit

Conduire un infâme

A la Croix

 

Le chemin qui flâne

Dans les bois

Le chemin des Dames

Et des Rois.

 

Le chemin qui bosse

Monts et vaux

Tire le carrosse

Au château.

 

Le chemin qui marche

Pèlerin

Dont la cloche arrache

Des grelins.

 

Le chemin qui sue

Les armées

Le chemin qui tue

Sans arrêt.

 

Le chemin qui croise

Le chemin

La route sournoise

N’est pas loin.

 

Le chemin qui meurt

En chemin

Le chemin du cœur

De chacun.

Martine

 

 

 

 

 

 

 

 

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L'Ange Roux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Sans contrefaçon

Tu nous dis que petite on te disait

Que tu étais très jolie pour un garçon

Cette personne disait vrai

 

Ta chevelure flamboyante

Une femme si fragile

Nous, fans, nous comblerons tes attentes

Tu nous offres des Ainsi soit-il !

 

Tu te dis Libertine

Nous venons te voir par milliers

Aucun pays ne fait mine

Face à ton grand succès

 

Le culte de toi-même t'est difficile

Tu es si mystérieuse

Nous on attend, sans toi ce n'est pas facile

Mais tu nous montres une mine radieuse

 

Tu nous dis que tu nous aimes

Dès qu'on te voit, on devient fou

Les jours sans toi ne sont pas les mêmes

On t'aime notre Ange Roux.

 

Julien BURY

 

 

 

 

 

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TEMPS PLUVIEUX EN BORD DE SCARPE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le regard des ensommeillés

Qui n’ont pas dormi tout leur soûl ;

 

Le regard de ces suicidés

Tremblant de peur devant la foule ;

 

Le rire faux et réprouvé

De ceux qui rentrent dans le moule ;

 

Le rire odieux et familier

Pour rejeter ce qui s’écroule ;

 

Seul sur un banc, du pain jeté

Pour que quelqu’un vienne et roucoule ;

 

Seul, voir le fleuve s’écouler

Pour qu’aucune larme ne coule ;

 

Regarder sans fin la jetée

En pensant aux dettes qui croulent ;

 

Manger seul, mais dehors manger

Pour manger près d’un sol qu’on foule ;

 

Manger, mais n’être accompagné

Que par l’odeur d’une eau qui rouille ;

 

Fixer cette eau qui sait couler

Pour que le temps sous elle coule ;

 

Fixer le sol, tout regarder

Pour que le temps passe et s’écoule ;

 

Penser à la personne aimée,

À son départ qui nous écroule ;

 

Penser que l’on hait ces soirées

Où nos amis sans fin se saoulent ;

 

Penser que ne pas y aller,

C’est les perdre comme une andouille ;

 

Penser, penser et repenser…

Souffrir de voir que tout s’écroule…

 

Tel est le sort des réprouvés

Dès lors qu’ils sont loin de la foule.

 

Souffrir de ne pas retourner

Dans un passé loin de tout moule ;

 

Souffrir de la perversité

D’un présent où le monde coule ;

 

Frémir sans fin d’imaginer

Un futur où chacun se souille ;

 

Penser que tout va empirer,

Dépité que l’on est des foules ;

 

Tel est le sort des réprouvés

Dès lors qu’ils sont loin de la foule.

 

Un poisson vu par un enfant.

Il s’en amuse, insouciant,

Et rit à gorge déployée ;

 

Dès lors qu’il voit des oiseaux blancs,

Il leur jette immédiatement

Du pain, et rit d’être mouillé ;

 

L’humanité des yeux d’enfants

Toujours en émerveillement

Malgré les yeux des réprouvés ;

 

Leurs airs curieux et amusants,

Leurs cœurs pleins de questionnements

Qui n’ont jamais été souillés ;

 

Leurs bonds, leurs rires et leurs chants

Qui, malgré le mal-être ambiant,

Ne cessent jamais de rêver…

 

Le cœur battant de nos enfants,

N’est-ce pas ce qui, de tous temps,

Nous pousse tous à espérer ?

 

 Maxance Lardjane – Douai

 

 

 

 

 

 

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LES BELLES PAROLES

 

 

  

 

 

 

Haut

 

 

Maintenant, je ressens les belles paroles, vraies.

Être aimée comme je suis, femme et mère.

Dans ce clapotis, ce va et vient de l’eau, une chose m’attire, plonger et y rester.

Trop peur de renaître et d’être heureuse, trop peur de donner à nouveau de l’amour à l’autre.

Envie de couler et ne pas remonter pour vivre.

Peur de me découvrir alors que je sais qui je suis.

Guizmo

 

 

 

 

Quand on mange du poulet, c'est une poule ou un coq ? 

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UN COQ ET UNE POULE

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Un coq libidineux courtisait une poule,

Galinette mondaine mais pas du tout cocotte,

Fréquentant les nantis, enfin ceux de la haute

Qui ne côtoient jamais la misérable foule.

 

Notre dame poulette aguichait le beau linge,

Paradait de la croupe, le port avantageux,

Caquetait, s’éventait, plastronnait de son mieux,

Séduisait à tout va, s’en creusant les méninges.

 

Le galant rengorgé s’approcha de la belle,

Monta sur ses ergots pour paraître plus grand,

Fit luire son jabot, voulut sortir du rang.

Tout en se pavanant, aborda la donzelle.

 

« Que vos plumes m’excitent, déclama Chantecler.

Votre allure est divine, votre teint m’éblouit.

Quand vous ouvrez le bec, s’affole mon ouïe,

Et dans vos yeux de braise je vois jaillir l’éclair ».

 

« Coquelet de village, lui rétorqua faisane.

Votre verbe est fleuri mais vient de basse-cour.

Il est à la hauteur d’un piètre troubadour

Qui ne peut que flatter de vulgaires sultanes ».

 

Maître coq outragé s’enfuit à tire-d’aile,

Blessé dans son orgueil par ce gallinacé.

« Puisqu’il en est ainsi je me ferai corbeau.

J’apprendrai à voler et même à croasser.

J’emballerai les pies, on en trouve à la pelle,

Et pousserai, vainqueur, un long cocorico ».

Patrick Venture – Robion (84) –

Prix concours Emulation 2021/2022

 

 

 

 

 

 

Réverbère à Sighnaghi : Nuit : Sighnaghi : Kakhétie : Géorgie orientale :  Géorgie : Routard.com 

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UN FOULARD

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Quand la rue s’endort

Dans les bras de la nuit,

Les trottoirs s’ennuient des passants,

Ils marchent sur le ciel blanc

Des réverbères,

Jettent des regards curieux

Jusqu’à l’aube

Sur la chemise blanche des prairies.

 

Ils trahissent des ombres louches,

Des hochements de tête,

On dirait qu’un coq,

Suivi de son harem,

Griffonne le jardin

En comptant haut et clair

Une pitance multiple.

 

Alors le jour détricote

Son foulard orange

Le long des chaussées tièdes,

Les fils d’or disparaissent

Dans la gueule de l’égout,

Quand le balai agite sa tignasse de bois.

 Pluies neuves

 

 

 

Photos d'art symboliques en noir et blanc : « Les témoins du temps qui passe  » 

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APRÈS LA MOISSON

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

 

 

 

Fakir Indou

Sur sa planche à clous ?

Non ! agriculteur, tout seul,

Couché dans son champ d’éteules.

 

Crucifié par « Bruxelles »

Sur sa parcelle !

Son travail, à sa valeur,

Non reconnu,

Le laisse étendu !

 

Pour faire comme les autres privilégiés

Qui pendant ce temps-là, allongés

Sur le sable se font bronzer

Durant ce mois d’été.

 

Ayez pitié, Seigneur,

De nos pauvres agriculteurs

Prisonniers des Normes

Qui leur rendent la tâche énorme.

Gérard Rossi

 Neuville Saint-Rémy

 

 

 

 

 

 

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OÙ ÊTES-VOUS 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Où êtes-vous, qu’êtes-vous devenus ?

Soupes aux choux des maigres menus

Saurets salés partis en fumée

Ô temps de mon enfance

Envolés dans la danse…

Les vieux retraités en bleus

De travail, faisant le pignon

Avec leur tartine et leurs oignons

Sur les escaliers de pierre bleue

Ouvriers allant à leur boulot

Ricanant sur leur vélo

La gamelle dans la mallette

Le front sous la casquette

Brasserie pleine de vapeur

Eclairée par un phare

La rue baignant dans l’odeur

Du houblon, de l’orge, le soir

Les tisseurs commençant tôt le matin

Battent la mesure de mes pas d’écolier

Les métallurgistes cognant l’étain,

Les ménagères déjà sur leur palier…

Hertia May Avril 1977  

 

 

 

 

 

 

 

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PÂLEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

La pâleur des siècles ensablés

Recouvre lentement les cernes de la ville

Mon pays est un château de fleurs

Dressé dans les nuages

Je l’ai quitté enfant

Pour la poussière des chemins gris.

 

La torpeur des soucis humains

Recouvre lentement les cernes de la vie

Mon pays est un calice de rose

Dressé dans le soleil

Je l’ai quitté enfant

Pour la grisaille des matins froids.

 

Hertia May

 

 

 

 

 

 

 

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L’EAU CLAIRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Nous étions pareils au blé nouveau

de l'or nous tapissait de partout

et ce soleil nous couvrant de baisers

qui dessinait sur nos lèvres farouches

des mots tout bêtes.

Nous étions assis près du pont

et ta jeunesse riait et riait

tant et fort....

Aujourd'hui elle vibre encore

avide d'avenirs et de miroirs

aux cheveux blancs.

Nous étions limpides

Nous étions de l'eau claire.

 

Gérard LAVOISIER

 

 

 

 

 

 

La Fabrique aux Fleurs - Fleuriste Créatrice 

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Fleurs

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Des fleurs sur la mer, oui, des fleurs,

Faites d’écume et de voyages,

Oui, dans le ciel, des fleurs,

Faites de bleu et de nuages

Et dans la nuit, des fleurs,

Faites de lunes et d’orages.

Des fleurs, des fleurs aussi sur les visages,

Faites d’amour et de sourire

Oui, partout des fleurs, oui, pour vivre,

Oui, pour aimer, oui, pour sentir,

Toute la lumière des fleurs,

Pour le bouquet-soleil d’un souvenir heureux.

Henri Lachèze

 

 

 

Qui sont ces anges qui nous protègent ?
 


 

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LES ANGES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Qui sont ces anges que l’on côtoie sans bien souvent s’en rendre compte ? Que cherchent-ils à nous dire, à nous transmettre ?

Une enfant qui, tout près de sa mère, soudain, met sa main dans la tienne alors que tu passais juste devant elle.

Et puis cette petite fille aux cheveux bouclés, au teint tellement pâle que son visage semble translucide, éclairé d’une étrange lumière. Alors qu’elle passe, la main dans la main de son père, elle reste là à te fixer avec insistance jusqu’à se retourner en marchant.

Et ce sentiment unique, inoubliable, qui te traverse jusqu’à l’âme, un peu comme une connexion, un lien privilégié qui s’établit sans savoir pourquoi ni comment.

Une tourterelle qui vient se poser sur la route pour ralentir ta voiture,

un chat qui se met à traverser pour t’éviter d’accélérer,

un vol de mouettes au-dessus de ta campagne bien au-delà des océans,

ce papillon qui vient se poser sur ta main,

un chien qui refuse d’obéir à son maître et préfère venir vers toi.

Je veux croire à tous ces signes comme des messages bienfaisants, des clins d’œil pour m’aider, pour m’orienter dans ce vaste labyrinthe de la vie. Ce sont des instants magiques à chaque fois. C’est comme un souvenir dont tu aurais oublié la substance : tu le connais, tu sais qu’il fait partie de toi, tu te sens en symbiose avec ce tout petit signe qui t’interpelle comme une connexion à une autre dimension.

Thérèse  L.

 

 

 

 

 

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27 avril 2018

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Prends garde à ceux qui se disent tes amis : ils te poignarderont dans le dos sans que tu y prennes garde. Garde-toi de leurs beaux discours : sournoisement, ils te dénigreront auprès d'autres. Pire, ils se moqueront de toi et de tes faiblesses. Méfie-toi de leurs grands sourires : ce n'est que pour mieux t'attirer dans leurs perfides filets. Et les secrets que tu leur confieras se retourneront tôt ou tard contre toi. Mensonges et médisance sont leurs maîtres mots. Et toi, petite fleur fragile, si candide, si naïve, toi qui n'es qu’honnêteté et bonté, tu restes là désemparée, le cœur en miettes, les bras ballants : tu n'y comprends plus rien.

Thérèse.L

 

 

 

 

 

 

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AMOURS INTERDITES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Nous étions deux ados qui dormaient sous juillet

Quand sur le sable chaud, la main l’on s’est donnée,

Si jeunes et si beaux sur la plage, allongés,

Réunis à l’abri des regards indiscrets.

 

Enlacés et liés sous ce soleil d’été,

Un baiser fut donné, notre idylle naissait.

Ce premier baiser échangé si passionné

Semblait sceller l’union de nos corps à jamais.

 

A peine dix-sept ans, notre vie commençait.

Des jeunes gens qu’un premier amour unissait,

Enivrés de bonheur, heureux, émerveillés,

Les yeux dans les yeux sur la plage ensoleillée.

 

Nous étions deux garçons tourmentés sous juillet,

Enflammés mais inquiets car ce mois finissait.

Des êtres différents que la vie rassemblait,

Deux éphèbes meurtris par l’amour qu’ils cachaient.

 

Follement amoureux ! mais si désemparés…

Torturés et n’osant avouer ce secret

Au monde des adultes qui ne tolérait

Que des gens du même sexe puissent s’aimer.

 

Est venu l’instant cruel de nous séparer.

Se jurant tous deux que l’on se retrouverait,

Pour la dernière fois nos deux corps fusionnaient

Sur ce sable chaud où notre amour est né.

 

Nos mains liées se sont peu à peu détachées,

Nos corps écartelés, nos âmes affligées,

Par l’incompréhension et la méchanceté

Des aînés qui, au nom de leur moralité,

 

Nous donnaient l’image d’êtres pestiférés.

Désespérés, en pleurs, nous nous sommes croisés.

Anéanti, je l’ai regardé s’éloigner.

Ma vie d’ado à cet instant s’est arrêtée.

 

Ce premier amour, je ne l’ai pas oublié,

Il est gravé d’or dans ma mémoire à jamais.

Un amour si court qu’en un mois, il fut brisé, 

De peur de dire aux autres combien l’on s’aimait.

 Bernard Simon

 

 

 

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L’HIRONDELLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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J’ai vu passer l’hirondelle

Dans les feuilles du matin

J’avais mon cœur en elle

À la volée du destin

 

Le bonheur vient d’arriver

Dans le ciel désolé

Je suis seul amant

Pour la fin des vents

 

J’ai vu galoper ses ailes

Aux musées du ciel

Elle me tendait ses bras

Comme celle qui m’aima

 

Pour une fleur d’été

J’ai connu la gaîté

Qui baise le destin

Et mourir un matin.

Saint Hesbaye

 

 

 

 

 

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SOLITUDE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Sur la chanterelle mauve d’un nuage

Le grillon de moire

Chante

Il chante parce qu’il ne peut pas crier

 

Ses dents de rocaille

Caressent la langue vermeille

D’un espace de ciel

Le ciel d’un espace

 

L’ardoise aux reflets de ciel

Pleure des larmes froides

L’amour s’écaille

Aux mailles des nuages

 

Alors le givre est aveugle

En dehors de la venelle

Alors la rose se fane morose

En dehors d’une tonnelle

 

La veuve purpurine

Aux pétales de brume

S’évapore de pruine

Sur un lierre de campanule.

Saint Hesbaye

 

 

 

 

 

 

 

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UN COSMOS

 

 

 

 

 

 

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Cette impression de toi

cette intention murmurant en moi,

c’est un rêve

une note de jazz

égarée le long du littoral

de nos regards nourriciers.

tu t’y promènes drapée de crépuscule,

tes desseins bousculent

le blanc de mes yeux.

On peut y deviner

des déflagrations de tendresses,

un cosmos nouveau.

Alors que la fête commence 

Pluies Neuves

 

 

 

 

 

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LA STATUE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Tu décides de chaque instant choisi

D’une valse ou d’une bergamasque

Nos pas s’arrangent de l’opus quasi

Modéré jusqu’à des joutes fantasques.

 

Tu souris le temps d’un accord mineur

Mais le vent et sa gamme opportune

Ravive les rires blancs de ton bonheur

Comme mille éclaboussures de lune.

 

Les plus enlacés, les plus beaux

Nous sommes l’ombre des arbres,

Les doux roseaux du bord de l’eau

Nous sommes la statue de marbre

Pascal.

 

 

 

 

 

 

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LE PRINTEMPS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le printemps est arrivé,

Quelle belle saison !

Les arbres ont repoussé,

Avec leurs bourgeons.

 

Les fleurs sortent de terre

Et refleurissent à nouveau.

Tout est fait pour nous plaire,

Le temps redevient plus beau.

 

Les oiseaux font leur nid,

Pour pondre des œufs,

Élever leurs petits,

Être très heureux.

Les abeilles butinent,

Elles vont de fleur en fleur

Et le ciel s’illumine,

Devant tant de bonheur.

 

L’hiver est enfin parti !

Fini, la neige et le froid.

Maintenant, tout reverdit,

La nature est en émoi !

Reine DELHAYE

 

 

 

 

 

 

 

 


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DE LA TERRE A LA LUNE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Bonjour à toi, ma blanche compagne ! Tu me suis depuis une éternité, mais pourtant tu ne te lasses pas de me tourner autour, frêle équilibre que si peu pourrait rompre. Petit à petit tu t’approches de moi, mais les principes de la mécanique céleste t’empêchent de te laisser me rejoindre ou de me quitter.

Je te vois là, tantôt pleine, gibbeuse, en croissant ou en quartier, te faisant coquette pour mieux me tenter, mon improbable amante. Et toi, tu me fixes de ton œil éclatant de vigueur, t’approchant et t’éloignant de moi, au gré des lunaisons.

Comme tu m’attires, compagne de mes jours et mes nuits ! Tu es tellement proche et si lointaine.  Malgré cette distance, mes océans, 1e sang qui m’apporte la vie, tentent en vain de te rejoindre dans des jaillissements d’écume lancés vers les flots..

En plus, tu m’aguiches en te trémoussant, osant me dévoiler ta zone de libration, petit carré de ta chair telle la blancheur d’une cuisse au-dessus d’un bas.

Je t’attends, je t’espère, et qu’un jour peut-être nous puissions nous rencontrer dans un fracas apocalyptique enfin nous connaîtrions l’orgasme ultime, fruit de notre amour éternel.

Robert BRETON

 

 

 

 

 

Du mythe à la science : la Lune et l'Homme

 

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BONNE CHAIR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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18h30, la journée de travail se termine pour Loïc, et du même coup le week-end s’annonce. Il se tourne vers son collègue :

-On ne se ferait pas un petit resto, ce soir ?

Armand arbore un grand sourire :

-Je te vois venir : une bonne entrecôte-frites, c’est tentant, mais t’as vu ton bide ? Non, je rigole ! mais quand même, Nicole trouve que l’on mange trop de viande !

Armand et Loïc sont amis depuis une bonne vingtaine d’années, et le fait de travailler ensemble, loin d’être source de conflits, n’a fait que renforcer leur complicité.

Loïc hausse les épaules :

-Parles-en à Gaëlle, elle réussira bien à la décider !

-Evidemment ! De toute façon, elles adorent se retrouver, et quoi qu’en dise Nicole, le resto est toujours une occasion sympa de décompresser !

-Je te laisse négocier. « Le Tamanoir », qu’est-ce que t’en penses ? C’est très certainement le meilleur endroit pour manger une bonne viande !

C’est ainsi que les quatre amis se trouvèrent assis, dans une ambiance feutrée, sous l’œil attentif d’un maître d’hôtel discret, à une table un peu retirée dans la salle du restaurant « Le Tamanoir ». Gaëlle, petite brune espiègle, décida péremptoirement :

-On ne parle pas boulot, je vous préviens !

Ses yeux démentaient son air, qu’elle voulait autoritaire.

-D’accord, d’accord ! se défendirent les hommes, feignant la terreur. La soirée commençait bien !

-Je propose l’apéro, comme ça on aura le temps de regarder la carte, dit Loïc, en faisant signe au maître d’hôtel d’approcher.

-Tu parles, lui répondit Nicole, tu vas encore te taper un pavé de bœuf ou une côte à l’os !

-Hé, oh ! tu ne craches pas dessus non plus, avec un bon Côtes du Rhône ! répondit son mari, prenant les autres à témoins.

-Oui, dit Gaëlle, mais il faut avouer que l’idée d’élever des bêtes pour les tuer et s’en repaître me pose véritablement un cas de conscience ; devons-nous continuer à nous comporter comme des prédateurs, simplement parce que c’est bon ?

-Tu te vois devenir végan ? lui demande Armand.

- Non, mais ça me déplaît de plus en plus de voir de la viande dans mon assiette. Bon, ajouta-t-elle, il faut reconnaître que c’est irremplaçable, comme goût et comme saveur, mais ça me gêne quand même !

Le maître d’hôtel les interrompit :

-Désirez-vous un apéritif ? demanda-t-il.

-Oui, avec plaisir, répondit Loïc, tout le monde est d’accord pour une petite coupe ?

Et s’adressant au maître d’hôtel :

-Vous nous apporterez la carte, s’il vous plaît ?

-Bien sûr, monsieur…

La carte du « Tamanoir » était une forme d’apologie à elle seule : tournedos qui rivalisaient avec les côtes à l’os, brochettes d’agneau, magrets de canard et rôtis de bœuf se livraient à une escalade gustative, à condition d’être amateurs de viande, bien entendu.

-Bon, dit Nicole, de toute façon, en venant ici, nous savions bien que nous allions manger de la viande rouge ! Il n’y a même pas de poisson !

-Tu déplaces le problème, fit remarquer Armand. Les poissons, on les élève et on les tue comme toutes les bêtes que nous mangeons.

-Si j’ai bien compris, ajouta Gaëlle, la viande, c’est forcément du vivant ?

-Eh oui, ma pauvre, le jour où tu verras un steak composé de soja, de fistulina hepatica ou d’autres champignons, qui aura et le goût et l’aspect d’une viande, sans ajout bien sûr de toutes les saloperies de chimie qu’il faut inclure à la bouillie, exhausteur de goût, conservateur, etc., tu me feras signe, je viendrai manger chez toi !

Gaëlle haussa les épaules :

 -Il n’y a pas de solution, changeons de sujet !

Le repas s’avéra délicieux, tous avaient choisi un filet de bœuf, accompagné de frites dorées à point, ce qui ne constituait pas un mets de grande finesse, mais qui convenait parfaitement à cette équipe de « viandeurs ».

-On ne va pas se quitter comme ça, dit Loïc, allons prendre le café chez nous, j’ai un petit armagnac dont vous me direz des nouvelles !

-C’est mon tour de régler, déclara Armand, attendez-moi au vestiaire, je ne serai pas long.

Il se dirigea vers le bar, s’acquitta de l’addition et rejoignit ses amis groupés dans le vestiaire.

-Vous en faites une tête ! Que se passe-t-il ?

Nicole répondit :

-C’est Loïc, il a trouvé un mot dans la poche de son manteau.

-C’est une raison pour faire une tête pareille ?

-Ecoutez, je vous le lirai à la maison, devant le café, vous allez être surpris, déclara Loïc.

-Bon, d’abord, avant d’avoir l’air ridicule, je vous pose solennellement la question : est-ce une blague de l’un d’entre vous ?

-Mais jamais de la vie ! se récrièrent les trois autres. Allez, lis ! tu nous mets l’eau à la bouche !

Loïc déplia le papier qu’il tenait dans la main :

-Je dînais ce soir près de votre et ai entendu votre conversation. Il se trouve que je travaille dans un laboratoire de recherche sur la viande artificielle. Nous sommes arrivés à mettre au point une culture de cellule qui pourrait dans un proche avenir remplacer le steak de bœuf. À des fins de crédibilité, nous recherchons des goûteurs indépendants, non rémunérés, et bien sûr n’appartenant pas au Groupe. Si l’expérience vous tente, R. V. Jeudi prochain, vers 20h, au 26 rue de Suresnes. Signé M. Ruffin.

Un silence en forme d’exclamation suivit cette lecture.

-Bon, je crois que nous allons goûter ton armagnac ! Mais qu’est-ce que c’est que cette blague ? dit Gaëlle.

Loïc servit une généreuse rasade à tout le monde. Il enchaîna :

-Pourquoi une blague ? On nous propose un rendez-vous précis, à une adresse précise, je ne vois pour l’instant aucune blague ; une prise de contact très discrète, je vous l’accorde, mais rien ne nous prouve qu’il s’agit d’un canular, et pourquoi en serait-ce un après tout ? Si cette société veut rester discrète, pour des raisons commerciales sans doute, ce n’est pas un délit que de nous contacter anonymement.

-Que proposes-tu ? Que nous nous rendions à cette adresse, par curiosité ? Tu imagines la tête des habitants, si c’est une blague, en nous voyant débarquer à quatre ?

Nicole ajouta, en reposant son verre vide :

-La méprise serait vite expliquée, et les habitants comprendront aisément que nous sommes victimes d’une blague pas bien méchante, dans le fond. Il me semble que le plus simple serait de se rendre à cette adresse, à la date et heure indiquées, nous serons fixés une fois pour toutes.

-Moi, je suis partante, renchérit Gaëlle. Un bon repas de viande gratis, ça ne se refuse pas !

C’est dans cet état d’esprit un peu badin, il faut bien le dire, qu’ils se séparèrent sur le palier de Loïc.

 

Personne ne faillit au rendez-vous, et ils se retrouvèrent le jeudi suivant, un peu avant vingt heures, devant le 26 rue de Suresnes.

 -Bel immeuble, fit remarquer Armand.

-Oui, c’est un hôtel particulier !

-Bon, on sonne ? s’impatienta Nicole.

Loïc enfonça le bouton de la sonnette. Rien ne se passa, nul bruit ne se fit entendre et Loïc s’apprêtait à réappuyer quand la porte s’ouvrit silencieusement, sur des gonds bien huilés. Un homme élégant, la quarantaine, se tenait souriant dans l’encadrement de la porte monumentale. Mince, vêtu d’un costume sombre de bonne coupe, il s’effaça pour laisser entrer ses hôtes. Un large sourire illumina son visage.

-Permettez-moi de me présenter : je suis M. Ruffin, et j’ai eu l’indélicatesse de vous convier d’une façon un peu cavalière, à cette expérience gastronomique ; ma seule excuse sera, si vous voulez me pardonner, d’avoir entendu votre débat passionné sur le droit de tuer de pauvres animaux pour manger de la viande.

Ils débouchèrent dans un petit salon, au centre duquel se dressait une table ronde garnie de quatre couverts.

-Nous ne sommes pas dans un restaurant, expliqua M. Ruffin. Il s’agit bel et bien d’un travail que vous allez accomplir ! Prenez place, l’expérience va commencer. Vous trouvez à côté de vos couverts  un bloc-notes sur lequel je vous demanderai de consigner votre identité et votre n° de tél. et enfin, le principal, vos impressions gustatives. Ce sont simplement des cases à cocher, plus la place pour, si vous le désirez, un commentaire personnel. Pour des raisons d’objectivité, il vous sera servi à tous le même plat, choisi par vous naturellement. Voici le menu, succinct, je le reconnais et la carte des vins ; je vous demanderai également pour les mêmes raisons de vous mettre d’accord sur une boisson commune. Je vous sais amateurs de viande rouge, mais vous verrez sur la carte des déclinaisons en terrines, saucisses, jusqu’à une présentation sous forme d’abats. J’avoue que nous sommes très fiers d’avoir mis au point cette formule.

S’étant concertés du regard, les quatre optèrent pour le rôti, garanti saignant, accompagné de pommes noisette.

-Mais ! c’est du cheval !... Goûtez, vous autres ! s’exclama Nicole.

-Hum… je dirais plutôt de la biche… dit Gaëlle.

-Oui, ça tire sur le chevreuil, en tout cas, ce n’est pas du cheval ! affirma Loïc.

-Moi, je dirais que c’est simplement délicieux ! conclut Armand.

M. Ruffin, qui se tenait en retrait, buvait littéralement du petit lait.

-Ce n’est rien de tout cela, mais le fait que tout le monde s’entende pour trouver ça bon me ravit ! Voici ce que je vous propose : venez dîner deux fois par semaine, et je vous ferai déguster toutes les déclinaisons que nous avons mises au point ! C’est d’accord ?

-J’avoue que vous me tentez, M. Ruffin, qu’en pensez-vous, vous autres ?

-Hé hé, je goûterais bien la terrine, moi ! dit Armand.

Les filles minaudèrent :

-On ne voudrait pas abuser !

-Mais vous n’abusez pas ! C’est moi qui vous le propose, je sens chez vous des dispositions de fins goûteurs ! Alors disons, à mardi ?

Le mardi suivant réunit les deux couples.

-À ce que je vois, personne n’a souffert d’indigestion ? plaisanta Loïc.

-Il faut avouer que c’était délicieux, je me demande ce qu’il va nous proposer aujourd’hui.

-Il ne nous avait pas parlé d’une terrine ?

-J’ai hâte d’y goûter !

-Eh bien, sonne ! Qu’attends-tu ?

M. Ruffin parut comme la semaine précédente, toujours élégamment vêtu, toujours souriant.

-Ha ha, dit-il, vous n’avez pas su résister à la terrine, à ce que je vois ! N’oubliez pas de noter vos impressions, c’est très important, je vous le rappelle : c’est même la raison de votre présence ici !

Quelques semaines s’écoulèrent, et à chaque fois les quatre amis purent déguster toutes les déclinaisons possibles de cet ersatz de viande, du pot-au-feu à l’osso bucco en passant même par le gras double. Le sourire de M. Ruffin semblait s’élargir à chacune de leur rencontre. C’est avec ce même grand sourire qu’il composa le n° de tel. de René Alsartra.

-Monsieur Alsartra ? Mission accomplie : votre femme est définitivement disparue. Ils ont tout bouffé, je n’ai jamais vu des goinfres pareils !

Franck Defossez

 

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DOMMAGES COLLATERAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ce matin, impossible de passer à travers : je devais aller au ravitaillement, chez Bédouin, à la boulangerie. Sorti de la maison, je suis allé ouvrir le portail…

 

Ce qui est le plus impressionnant avec ce confinement forcené, c’est ce silence obsédant. Pas un bruit de bagnole, pas même le zonzon de la tondeuse du stade jouxtant mon quartier, pas de mobylette à l’échappement approximatif. Les chiens aboyeurs font relâche aussi, comme s’ils avaient compris toute l’importance du climat apocalyptique.

On entend les tourterelles roucouler dans les rues d’à côté, des volets s’ouvrir dans des maisons lointaines, des petits oiseaux chantonner le printemps sur les fils électriques.

Même mes pas sur le gravier donnaient une sensation de craquement de neige bruyant.

J’ai sorti la bagnole du garage ; j’avais l’impression de faire un bruit de tous les tonnerres et que les voisins du quartier avaient tous, les yeux rivés sur moi, derrière leurs fenêtres. Direction, la boulangerie. Les rues étaient désertes ; déjà, le lundi, Romans n’est pas une ville très mouvementée, alors, sans école, sans magasin ouvert, sans personne sur les trottoirs, c’était une étrange ambiance de désertification…

 

Cette boulangerie, c’était une bouée de sauvetage, une bulle d’air frais, un éclairage lumineux dans un monde naufragé. J’ai eu envie de toucher la cliente devant moi pour être sûr d’être dans la réalité ; une baffe pour une certitude, ce n’était pas cher payé.

Dans la glace, j’ai vu un type qui attendait ; quand je le regardais, il me toisait ; quand je regardais ailleurs, il faisait pareil ; les cheveux longs, mal rasé, la dégaine défraîchie, je me suis aperçu que c’était moi…

Quand vint mon tour, devant la vendeuse, cela m’a fait drôle de parler et d’entendre ma voix ; alors, j’ai acheté de ci et de ça, rien que pour le plaisir de dire des choses ; avec le congélateur et ma gourmandise, j’arriverais toujours à ne pas gaspiller. Je me suis excusé auprès de la serveuse de la boulangerie pour mon bavardage sans intérêt ; j’eus droit à un sourire, c’était le premier rayon de soleil depuis quatre jours ; j’ai dû bronzer de l’intérieur. Avec une certaine philosophie, elle me répondit que je n’étais pas le seul, et beaucoup mourraient de neurasthénie avant cette saloperie de virus…

 

Les quatre baguettes dans les bras, la quiche, les pains au chocolat, le café, (ils font le café) le sucre, et la cuillère en bois pour touiller, c’était trop ! Naturellement, après avoir ouvert la portière, j’ai renversé du café sur le siège passager !

Ne voulant pas perdre ma bonne humeur matinale, je suis allé direction « Chemin des Bœufs » pour savourer le reste de mon café et croquer dans un de ces pains au chocolat tellement odorants.

Enfin, je suis arrivé le long de l’Isère ; ses reflets grisâtres avaient, pour mon optimisme borné, des teintes émeraude et bleutées ; le soleil s’attardait dans les branches et c’étaient des jeux d’ombres et de lumières qui couraient un peu partout. Il créait des guirlandes d’or qui flottaient sur l’eau jusqu’à ce qu’une vaguelette les fasse chavirer mais, obstiné, il reprenait son ouvrage d’embellissement un peu plus loin sans jamais se démonter.

C’était bien, ce coin de nature ; quoi de mieux, pour se laver l’esprit, que de laisser emporter ses soucis au fil de l’eau. Ici, j’étais à l’abri du mal insidieux. Chemin faisant, je repérai un banc ; ce serait idéal pour profiter de ce petit-déjeuner buissonnier ; je me régalais d’avance…

 

Café et pain au chocolat à la main, à peine étais-je sorti de ma voiture qu’une bagnole de flics s’est profilée sur la route ! Aïe ! À coup sûr, ils étaient pour moi ! Surpris, j’eus un geste maladroit ! Et pan ! Un peu de café sur le futal !

J’étais à jeun, j’avais mes papiers, mon attestation de sortie, mon permis, l’assurance, le contrôle technique ok, les pneus pas usés, etc.

C’était la Police Municipale ; les caméras de la ville avaient dû me repérer. Ben non, je n’avais pas le droit d’être ici ; il y avait des panneaux d’interdiction de circuler sur cette route. Je jurai que je ne les avais pas vus, et c’était vrai ; ils étaient bienveillants, ils me crurent ou firent semblant ; ils étaient dans la prévention.

Avec ma belle casquette des Apprentis sur la tête, je me faisais l’effet d’un gamin surpris en train de voler dans un magasin de bonbons. Je devais seulement remonter dans ma voiture, prendre mon petit-déjeuner à l’intérieur pour ne pas donner l’envie à d’autres de se retrouver ici…

Ils sont repartis ; un peu marri, j’ai croqué dans mon pain au chocolat et j’ai bu le reste de mon café. Le soleil s’était caché derrière les nuages, l’Isère avait perdu ses belles couleurs ; je me consolai en pensant qu’ils ne m’avaient pas foutu une prune à cent trente-cinq euros. Naturellement, il y avait des miettes partout à la place du conducteur. J’étais quitte pour passer un coup d’aspirateur dans la bagnole, trouver une solution pour nettoyer le café et foutre mon pantalon à la machine. J’ai vite fait demi-tour avant qu’ils ne reviennent ; ils étaient peut-être passés en mode répression. Et nous ne sommes seulement qu’au huitième jour du confinement. Dites, vous ne connaissez pas un moyen pour nettoyer les taches de café sur un siège passager ?...

Pascal

 Romans sur Isère (26)

 

 

 

 

 

 

 

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Paranormal Sisters

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Chapitre 8 suite

 

- J’ai réfléchi à votre affaire, et je penche vraiment pour un phénomène parapsychique.

- Vous croyez ?

- Oui ! je pense. Seulement je ne peux vous en dire plus sans que je puisse assister à certaines scènes. Et cela me semble compliqué.

- Ah ! Je vois.

- Ne vous inquiétez pas, nous allons trouver une issue. Auriez-vous quelqu’un de décédé dernièrement dans votre famille ?

- Non, pas du tout.

Vos parents sont encore vivants ?

- Oui

- Tous les deux ?

- Oui, oui.

- Des frères, des sœurs, des malades ?

- J’ai une jumelle dans le coma depuis plus d’un an.

- Vous vous entendiez bien avec elle ?

- Oui, étant enfant surtout, mais en grandissant je suis entrée dans la gendarmerie alors que Cendra faisait voir les pires misères à mes parents. Drogue, boisson, sexe, Cendra n’avait peur de rien.

- Dans le coma à cause de ?

- Un accident de voiture.

- D’accord. Nous allons nous côtoyer pendant plusieurs jours avec l’espoir que j’assiste à un fait anormal. Je vous retrouve après-demain chez vous dès huit heures. Nous passerons la journée ensemble.

- Euh… bien ! répondit Tara.

Elle quitta le cabinet au bout de trois quarts d’heure, déroutée, mais contente.

 

Le lendemain la jeune femme décida de se rendre à l’hôpital voir sa sœur, mais aussi Lilian avec l’accord de sa mère.

Elle commença par sa jumelle, Tara fut surprise de voir son état physique. Elle avait l’impression qu'elle vieillissait anormalement vite. Mais il était vrai que la maigreur de sa sœur en était surement la cause. Les traits de son visage restaient très durs. Il régnait dans le lieu un climat pesant, bizarre. Tara lui parla un moment, remonta les couvertures sur son corps puis sortit.

Elle longea le couloir, monta au premier étage où Lilian était hospitalisé. Là, elle poussa doucement la porte de la chambre ; sur la petite table adossée au mur étaient posés des corbeilles remplies de friandises, des livres et d’autres cadeaux ainsi que dans un vase quelques fleurs embaumaient le lieu, sur le chevet un verre et une bouteille d’eau. La grande baie laissait pénétrer les rayons du soleil. Même si le jeune homme était alité, dans cette pièce à l’inverse de celle de Cendra où le spectre de la mort planait… la vie était présente. Lilian réveillé, tourna la tête vers elle, il lui adressa un léger sourire. Il avait le visage boursouflé, une cicatrice lui barrait la joue, son bras gauche était plâtré ainsi que sa jambe qui était aussi surélevée par un poids.

Tara en eut les larmes aux yeux, Lilian ne ressemblait plus au bel homme qu’elle connaissait.

- Comment te sens-tu ?

- En pleine forme. dit-il, plaisantant.

Tara savait que cela était faux, Lilian voulait jouer les durs malgré la douleur.

- Non ! En vrai ! demanda-t-elle de nouveau.

- J’ai l’impression d’être passé sous un bus trois fois en suivant. J’ai mal de la tête aux pieds et je ne compte pas les purées et les soupes que je vais avaler, vu le nombre de dents qu’il me manque.

- Je suis vraiment désolée.

- Ce n’est pas ta faute Tara, tu n’y peux rien.

Ils discutèrent un moment, Tara lui parla du médium, puis voyant Lilian qui fatiguait, elle l’embrassa sur la joue et le quitta.

- À Bientôt Lilian !

Mais Lilian était déjà endormi. Elle sortit sans bruit et tomba nez à nez avec le professeur qui s’occupait de l’état de Cendra.

- Bonjour professeur Bertrand !

- Bonjour, mademoiselle Dolle, vous allez sûrement me demander des nouvelles sur la santé de votre sœur.

- Vous avez raison.

- Cendra, comme vous avez pu le constater maigrit beaucoup, ce qui est normal, mais ce qui ne l’est pas ce sont ses rythmes cardiaques changeant sans cesse, obligeant les infirmières à se rendre constamment à son chevet, nuisant ainsi aux autres malades, elle leur fait perdre leur temps.

- Oui, votre infirmière me l’a expliqué.

- Son visage montre, aussi, une grande souffrance ou une grande agressivité. À côté de cela, une année vient de s’écouler sans aucune amélioration.

- J’en parlerai à mes parents, professeur.

- L’éventualité serait de la débrancher, ce serait mieux pour tout le monde.

Tara, accablée, ne sut que répondre.

Le médecin finissait sa phrase lorsqu’un interne vint lui signaler que sa femme le réclamait au téléphone.

- Merci. dit-il. Je la rappelle sur mon portable.

Je vous laisse mademoiselle Dolle comme vous le voyez, on me demande.

Tara décida de se rendre de nouveau dans la chambre de sa sœur afin de l’embrasser une nouvelle fois, elle regarda longuement Cendra, en effet son visage n’était pas seulement livide… mais agressif ! Oui.

Tara fut soudain surprise par une agitation anormale dans le couloir, elle sortit pour voir ce qui se passait, elle arrêta une infirmière.

- Qu’y a-t-il ?

- Le portable du professeur Bertrand lui a explosé à la face. Il est grièvement blessé, sa main est touchée aussi.

- Comment est-ce possible ?

- Il téléphonait à sa femme et l’appareil toujours en charge à son oreille.

Tara ne savait plus que penser. Le praticien discutait avec elle quelques instants avant et quelques minutes plus tard il était estropié. Encore une fois un malheur en sa présence, cela faisait maintenant le onzième, onze accidents. Ce n’était plus un hasard mais un carnage.

Elle quitta l’hôpital, et appela Florian, lui expliquant ce nouveau cas. Il lui conseilla de patienter jusqu’au lendemain puisqu’il serait avec elle. Plus si besoin était.

La jeune femme acquiesça, puis rentra chez elle. Demain serait un autre jour.

 

Chapitre 9

 

À neuf heures, Florian était devant la porte de Tara, sac de voyage en main. Avec un sourire, la jeune femme le fit entrer, après l’avoir invité à s’asseoir dans un fauteuil, elle lui proposa un café qu’il accepta avec plaisir.

Tara s’installa dans le divan, son chaton ayant accaparé le deuxième siège. Elle expliqua en détail sa journée de la veille au médium. Florian l’écoutait avec attention. Brusquement, P’tit chat se dressa sur ses pattes et de nouveau cracha et souffla cette fois en direction de la cuisine, il s’engouffra ensuite sous le canapé avec l’intention évidente de ne plus en sortir.

La jeune femme terrifiée ne bougeait plus, Florian se précipita, la bouteille de lait, posée sur la table auparavant, était explosée sur le sol, une chaise était retournée. Le médium revint près de Tara.

- Il n’y a plus de doute, c’est vraiment un phénomène paranormal. Maintenant il s’agit de connaitre le pourquoi et qui vous fait subir cela.

- J’ai peur.

- Ne vous inquiétez pas, je reste. Je dors cette nuit chez vous, demain aussi s’il le faut.

- D’accord merci, je me sentirai plus en sécurité en vous sachant près de moi.

Le médium lui certifia découvrir la cause afin qu’elle retrouve la paix.

Ils discutèrent… longtemps, sur la famille de Tara, de sa vie, les études de Florian. Midi approchant, Tara offrit de préparer le déjeuner.

- Des pâtes bolognaises, cela vous convient ?

- Cela ne me dérange pas du tout.

Tara tout en cuisinant, parlait avec Florian qui l’aida à mettre le couvert, elle lui proposa un verre de vin en attendant la fin de la cuisson.

Un petit quart d’heure plus tard, ils étaient attablés, savourant le plat de spaghettis.

- Avez-vous fermé le gaz Tara ?

- Oui, bien sûr !

- Certaine ?

- Oui, certaine.

- Bizarre, on dirait des émanations.

- Vous avez raison, dit Tara se précipitant dans la pièce. Florian la suivant de près.

- Oh mon dieu ! s’écria la jeune femme. Tous les boutons sont tournés.

à suivre

MARTINE GRASSART-HOLLEMAERT

 

 

 

 

 

 

 

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LE TUNNEL DU TEMPS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Suite du 68

 

Après quelques découpages, les haut-parleurs s’enflèrent :

« Paris…guerre…arbre…académie…sciences …faut … »

Une clameur se fit dans la salle. »C’est du Français !.. »

--« N’existerait-il pas un champ électromagnétique qui entraînerait hors de la galaxie, les ondes nées sur la Terre ? ». Le physicien Raphaël Corchaki répondit au journaliste Greg Hassan.  –« En sorte, un courant de l’espace ? Non… Il n’existe pas de champs magnétiques rectilignes, les magnétomètres n’ont rien donné, les galaxies sont bien rattachées ensemble, mais par des ondes Dabgu qui s’entrecroisent. Corchaki se laissa entraîner dans  son élocution.

« …On a émis l’hypothèse suivante : les galaxies se déplacent dans l’espace comme les atomes dans la matière et un géant aux dimensions de l’univers le verrait peut-être comme un simple morceau de matière. D’autre part , les particules électriques des atomes sont elles-mêmes composées de particules plus petites ….elles-mêmes encore composées. Pascal disait que les hommes étaient situés entre les deux infinis. »

--« Donc, demanda Chantal Oreket tout divisé par rien égale l’infini ? »

--« Si l’on veut !... »

--« Et tout égale rien ! dit Tsé-Ao : les spectres que j’avais photographiés ne sont pas fixés sur la pellicule ». Et ses photos passèrent de main en main dans un éclat de rire général.

--« Exactement, les corpuscules ne sont que du vide et des étoiles naissent dans l’espace à partir de rien ».

--« Nous obtenons un égal l’infini…Uwe Von Fragten  prenait le relais de son collègue.

--« Ce paradoxe explique probablement que l’unité UN peut désigner n’importe quelle grandeur : le tout ou le rien .La grandeur mathématique un est d’ailleurs composée d’une infinité de points. »

--« À propos du réseau d’ondes, si on le suivait ? »

--« C’est la seule chose à faire ! »

Blav avait coupé court à l’exposé non inintéressant des deux physiciens. Le commandant dirigea l’astronef vers le réseau. Le   problème  restait entier et les hypothèses fusaient.

--« Et si ces ondes venaient de la planète en danger ? ». Blav s’immisçait dans le problème.

--« Nous avons passé au crible tous les coupages du phonoscope des heures durant et pas un ne correspond à la problématique  du message ! » répondit avec persuasion Von Fragten .

--« Nous n’avons qu’à y aller voir ! ».

Cette réponse puérile mais pleine de bon sens avait soudain éclairé les faces .Un jeune de l’équipe de sécurité revendiquait cette diatribe ! Dzwet Grgol voulait bien suivre le réseau de l’intérieur, jusqu’à la  planète en question. Mais Adsen Oglavl, l’officier de bord ne l’entendait pas de cette oreille.

« Et comment allez-vous reconnaitre cette  sacrée planète ? Imbécile ! ». Ce fut Blav qui répondit une fois de plus.

--« Il saura qu’il aura trouvé la planète quand il entendra le signal ».

--« Comment cela ? ».

--« Une soudaine intuition ! La phrase qui nous est adressée ne doit peut-être pas être captée par toutes les planètes, mais la nôtre exclusivement ! Les vibrations se décomposeraient donc hors de leur monde pour se recombiner ensuite sur la Terre. » Dzwet,  encouragé par Blav, reprit l’initiative :

--« Les ondes sont plus facilement captées à l’intérieur du réseau. Après avoir trouvé la planète X , je reviendrai par le même chemin et vous retrouverai fatalement. Nous saurons ensuite à quoi nous en tenir pour aider cet astre ». L’expédition Gargol fut décidée. Dix hommes partiraient sur une petite chaloupe :la B-5 pouvant dépasser la vitesse de la lumière, avantage qu’elle possédait sur certains autres navires. Le groupe comprenait deux radiologues, cinq hommes de patrouille, un navigateur, un pilote et naturellement Dzwet Gargol. Emeraude-5 lança la B-5 comme une torpille. Les émeraudiens suivirent la petite fusée se fondre  peu à peu en une étincelle. Dans la salle des coms, ils purent continuer l’observation sur un écran mural de fond indigo. Un engin bleu en forme de crayon avec une petite coupole vitrée filait parmi les étoiles. Par le procédé Targol Datzou, un rayon  lumineux de grande puissance, envoyé à la même vitesse que B-5 depuis un émetteur-radar, le suivait à une distance rapprochée l’image étant captée et reproduite sur l’écran à une fréquence réduite. Soudain, devant les yeux ébahis des spectateurs, une chose inouïe se produisit : la B-5 disparut ! Nicolas Michelski et Kalekio Polarich manœuvrèrent plusieurs leviers destinés au balayage 3-D. L’écran montra successivement plusieurs zones de l’espace englobant  théoriquement la fusée.   Ses mains jouant toujours sur les claviers complexes, Nicolas jeta un coup d’œil vers Scott : » Je suis certain  qu’il n’y a eu aucun changement de vitesse, ni de direction de la part de la chaloupe. »

Kalekio enclencha un bouton vert et un second rayon se dirigea à son tour vers la zone mystérieuse : le trait lumineux  s’effaça

--« Tout cela   ressemble fort à un champ de distorsion optique, un champ d’invisibilité.. »

Von Gragten l’interrompit vite :

--« Ne perdons pas de vue que ce peut être aussi bien une distorsion physique : la fusée arrivée en une certaine  coordonnée a très bien pu effectuer un  saut dans l’espace et ressurgir des milliers de kilomètres plus loin. »

Une autre expérience s’avéra être bouleversante. Un bouton jaune enclenché libéra un troisième rayon à la célérité C, cette fois. Le signal ne disparut pas … Cette constatation secoua une bonne fois les plus flegmatiques. Dagjèr Minson retrouva le premier la parole :

« D’après les premières constatations, nous devons nous trouver en présence d’un rayon téléportant tout objet d’une vitesse superluminique. Puis, il se tourna vers le radio.

« Tché-Tsouf, demande à la terre si elle reçoit des ondes de langue française … »

Blav Lindston s’éclaira soudainement, une illumination due à l’état d’éveil » avait connecté son esprit .Il bondit en direction des navigateurs assis devant des cartes stellaires.

« Cherchez les coordonnées de B-5 s’il avait suivi le réseau à sa vitesse normale …vite ! »

Les navigateurs sceptiques se mirent néanmoins au travail sous le regard persuasif de Scott Birman. Blav revint auprès des radiologues.

--« Vous brancherez le télé-récepteur dans la direction que vous donneront les navis. » Nicolas opina du chef.

--« Je crois que vous avez raison. Cela me parait la solution actuelle. »

Tché-Tsouf revint  de la salle de télécom. La Terre n’avait pas reçu de message de B-5 .

« C’est bien ce que je pensais ! ». Le télé-récepteur fut branché. Sur l’écran, les étoiles défilaient si vite (il n’était plus question de ralentir les images) que l’écran paraissait gris sombre.

« Envoyez maintenant des ondes radar vers B-5 à une vitesse supérieure à la sienne ». Scott comprenait à présent Blav, et c’était lui qui venait de lancer cet ordre. Pour ne pas rater le tir de signaux, il fallait viser légèrement en avant, les radiologues s’en chargeraient. Si Blav voyait juste, les voix des membres de l’expédition seraient diffusées. Un suspense pesait sur eux, Eva avec  Kalekio et Nicolas auscultaient les écoutes, grâce à ses recherches en langologie,  elle reconnaîtrait les voix terriennes. (De toutes manières, tous les messages reçus depuis le départ étaient des conversations… Non, pas encore, le dénouement ne saurait tarder ! Du moins, j’avais cru le dénouement proche en lisant cela au musée des voyages, bloc 714, étage 36, couloir 5, porte 27 à Tourcoing. C’est légitime car Targol Datzou, dans ces locaux, a mis au point la technique de la fusée en lumière qui a permis d’effectuer des voyages dans des mondes aussi éloignés dans notre galaxie). Dans la fusée, on savait s’occuper : les planétologues manœuvraient continuellement leurs caméras. Scott, Blav et Dagjèr surveillaient les opérations. Les physiciens étudiaient la densité de la matière interstellaire, en prélevant quelques échantillons à l’extérieur. Le chef de la sécurité Sven Vinovitch ordonnait souvent des patrouilles dans l’énorme paquebot stellaire. La chercheuse Bora Adé Lin trouvait de la compagnie dans la personne de Dagjèr quand ce dernier était en repos. Les journalistes rédigeaient articles sur articles, pensant à la postérité ! L’écran, filmé actuellement par Eva, restait désespérément sombre. Quelques heures plus tard, on entendit les voix des éclaireurs.

 

        Dzwet : « Plutôt sinistre, ce bled ! »

         Le radiologue Kart Dav : --« Un vrai pot de cirage ! » Bruits de frottement : ils se remuaient dans  leur fauteuil.

         Le navigateur Stev-Ti Mako : --« Si seulement, on pouvait entendre les autres. »

         Le radio Dolld Bard : --« Pas moyen d’obtenir une vue d’Emeraude… »

         Dzwet : --« Ne pensez-vous pas qu’il puisse exister  un champ magnétique  détournant les ondes ? »

         Dolld : --« Je ne vois rien à ajouter sur ce que nous avons déjà conclu sur la fusée ! »

         Kart : --« Peut-être est-ce un phénomène passager, voire définitif ? Nous ne possédons pas assez d’éléments pour interpréter cette situation, en tout cas. »  

« Mais bon sang, qu’attendez-vous pour envoyer les ondes radar ? ». C’était Adsèn Oglav qui tempêtait ainsi devant les télé-récepteurs. Comme s’il avait entendu, un homme de la patrouille prit la parole :

    Jorga-No Polu : « Ne pourrait-on pas essayer d’expédier les signaux vers l’endroit où la fusée doit se trouver ? ».

         Dolld : --« Inutile, ils ne sont pas sur l’écran ! »

         Dzwet : --« Au point où nous en sommes ! »

         Loldar Klichi : --« Je crois que j’entends quelque chose.. »

         Dolld : --« Tu n’as rien de Jeanne d’Arc, pourtant ! »

Scott se décida à leur parler :

--« Enfin, vous voilà à l’écoute ! Qu’avez-vous remarqué d’anormal jusqu’ici ? »

        Dzwet : --« Nous ne vous voyons pas.. »

       Scott : --« Situation tout à fait réciproque ! »

A suivre  

Hertia May

 

 

 

 

 

Page 29

 

L’ANTICHAMBRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

 

 

Guère deux minutes plus tard, il revient étonné et embarrassé.

- Regardez ce que j’ai trouvé ! Des cachets !

- De la drogue ?

- Non, plutôt des médicaments, il y a une vingtaine de comprimés.

- Quelqu’un parmi nous a utilisé ces médicaments. Qui, pourquoi et à quelle occasion ? interrogea Jean-Phi.

Chacun se toise de nouveau, personne ne répond. L’air soupçonneux. Tantôt inquiet, tantôt embarrassé.

- Alors ? cria Serge, soudain.

Il n’y a pas de réponse. Le noir envahit de nouveau la pièce. Le silence aussi.

Puis la lumière refait surface. Ces gens sont à présent habitués à ce rythme sans en comprendre la signification.

Ils semblent tous dormir. Accroupis, la tête dans les genoux. Ce fut Serge qui, se levant, rompt le silence.

- Alors ? Personne ne répond. Et où elle est, l’autre pleurnicharde ?

- Calmez-vous enfin ! Les cachets lui étaient certainement destinés. Elle a disparu et les comprimés aussi. Quelqu’un a une idée ?

- Elle a préféré les cachets pour se suicider, elle et ses enfants, répond Michelle.

- Et pourquoi, Madame ?

- Ça fait moins mal sans doute.

- Ouais ! Il vaut mieux entendre ça qu’être sourd, sort Serge.

- C’est vrai, mais avouez que c’est toujours l’un d’entre nous qui sait comment est mort l’autre.

Pour mon compte, j’ignore comment vous, ici, vous êtes morts. Car c’est bien notre présence ici qui définit la manière dont nous sommes décédés ou allons mourir, explique Jean-Phi, sans trop y croire.

- Vous dites n’importe quoi ! Si on est mort, on n’a rien à faire ici, réplique Serge.

- Peut-être mais on n’est sans doute pas encore mort !!!

- Ouais ! Dites ça à un cheval de bois, vos n’arez pas d’cop d’pied !

La discussion s’arrêta là. Chacun reprit sa méditation.

 

L’explication donnée par Jean-Phi avait fait l’effet d’un séisme dans leur tête. Et de nombreuses questions se posaient mais restaient sans réponse.

Plus tard, Jean-Phi les sortit de leur torpeur.

- Serge ! Si vous alliez de nouveau aux toilettes ! Peut-être que ….

- Pas question ! Après vous m’accuserez de tuer ces gens-là. Celui qui veut y aller y va. Un point c’est tout.

- Bon, j’y vais. Il me semble que la base de tout ce qui arrive vient de là.

Jean-Phi fit un rapide aller-retour. Il revient tenant à la main deux posters format A3.

L’un désigne un canal, avec des péniches et l’autre une voie de chemin de fer avec un train qui arrive au loin.

- À qui sont-ils destinés ? demande-t-il. Je crois qu’il n’y a plus d’erreur possible. L’un ou l’une d’entre nous est destinataire de ces posters.

Personne ne répond. Jean-Phi pose les posters à même le sol.

- Répondez, faites marcher votre mémoire ?

Rien ! Nul ne semblait savoir à quoi faisaient allusion ces posters.

- Serge, questionne Jean-Phi, j’ai la conviction que vous êtes un policier ou un gendarme. Vous n’avez pas une idée ?

- Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

- Votre manière d’agir, vos réactions, la façon de parler aux gens, votre connaissance de l’arme. C’est sans doute pour cela que vous avez été choisi pour fournir les indices.

- Je vous l’ai déjà dit, vous dites n’importe quoi ! Mais j’ai peut-être une idée.

- Vous, là, madame, prenez le poster du train. Ça vous ira très bien, et vous monsieur, celui du canal.

- Mais pourquoi ? demandent-ils en chœur.

- Parce que l’autre c’est un drogué, moi je suis flic ou gendarme et pas chef de gare ou éclusier et lui, d’après Jean-Phi, il n’a rien d’un photographe.

Voilà pourquoi ! Satisfait ?

Et, je serais pas étonné que …

De nouveau la nuit, le silence.

 

Au lever du jour, ils n’étaient plus que trois. Michel et Michelle avaient disparu avec leur poster.

- Vous aviez vu juste, dit Daniel. C’étaient deux dépressifs qui se sont suicidés le même jour sans se connaître auparavant. L’un en se jetant dans le canal avec sa voiture et l’autre en se jetant devant le train.

Voyage dans l'antichambre de la mort de Tintagiles - Sceneweb- Ouais ! Bin tout ça c’est pas encourageant, finit par reconnaître Serge qui perdait un peu de sa superbe.

Où ça va nous mener ?

- À notre mort définitive ! dit Jean-Phi

- Ça ne va pas ! Pourquoi définitive, si on est déjà mort !

- Je n’sais pas. Il y a quelque chose qui m’agace et je sais pas quoi.

- Peut-être que l’on revit sa mort, bredouille Daniel.

- Peut-être !!! Qui va aux toilettes ? demande Jean-Phi.

- Moi ! décide Daniel.

Ce qu’il fit dans la foulée et il revint avec une piqûre pleine, semble-t-il, de drogue.

- Regardez ! C’est pour se piquer. À qui c’est ?

- Certainement pas à moi, dit Serge en montrant son bras.

- Pas à moi non plus, surenchérit Jean-Phi en en faisant autant que Serge.

De toute façon, je vous ai dit que vous étiez un drogué, donc c’est pour vous. Un point c’est tout.

- Mais j’ai pas de marque non plus.

- Ça fait rien. Fais marcher tes méninges, tu verras que j’ai raison.

Serge était soudain redevenu le représentant de l’ordre avec ses affirmations sans appel.

- Profites-en une dernière fois. Pique-toi, je dirai rien à personne. En plus, on dirait bien que c’est une overdose.

- Non, j’ai peur.

- Allez, vas-y !

Daniel prit de nouveau la seringue et la porta à son bras …

De nouveau l’obscurité envahit les lieux, toujours dans le même silence que rien ne brise, sinon que la lumière qui finit par revenir.

- Il est parti, vous avez vu. Il est parti ! J’avais raison. C’est bien un drogué.

- Et cela vous rassure ?

- Vous êtes un rabat-joie. Qu’est-ce que vous voulez qui arrive maintenant ?

- C’est à l’un de nous deux. Vous ou moi !

Comment êtes-vous mort ?

- Et vous ! Vous le savez ?

- Non !

- Et bien, moi non plus.

- Qui va dans les toilettes ?

- Vous ! Moi je reste ici.

- Et pourquoi on n’irait pas à deux !

- C’est pas la peine ! Regardez, elles ont disparu, il n’y a plus de porte.

- Qu’est-ce que ça veut bien core dire cette affaire ? déclare, perplexe, Jean-Phi.

- Là ! Là ! Regardez dans ce coin.

- Mais on dirait une cordelette ! Une cordelette de rideaux. Ça vous dit quelque chose ? la ramassant et la déposant devant Serge.

- Non rien ! Laissez ça où c’était !

Posez-la par terre, ordonne-t-il !

- Bien, bien. On va s’asseoir et attendre. C’est le mieux qu’on ait à faire.

- Mais qu’est-ce que ça veut dire, ce cirque ?

- À mon avis, l’un de nous deux s’est pendu. On a beaucoup parlé dans la presse que des gendarmes se suicident. Ça pourrait être votre cas.

- Et pourquoi pas le vôtre !

- Aucune des personnes présentes n’a parlé de moi. Même vous. Or toutes se sont suicidées. Si j’ai raison, je me suis suicidé aussi. Et je crois savoir ce que l’on faisait ici.

- Dites voir, que je rigole un peu, j’en ai besoin.

- À mon avis à moi, qui n’engage que moi, nous sommes dans l’antichambre de la mort. Bien que préméditée, notre mort n’a pas permis à notre âme de quitter sereinement notre esprit et elle végétait dans l’attente de posséder un autre corps. Celui, généralement, d’un nouveau-né.

Nous sommes dans l’éternité et le temps ne se mesure pas. Dès qu’il y aura une place, tout sera fini. Ce sera l’obscurité définitive et l’oubli mais une nouvelle vie pour l’âme.

- Eh bien, nous voilà bien avancés avec vos théories à deux sous. On meurt deux fois donc !

- Si on veut ! D’abord le corps, ensuite l’âme.

Mais elle reste vivante ailleurs, alors que le corps pourrit dans le cercueil.

- Ouais ! Bin tout ça ……

L’obscurité.

 

Le réveil…

Jean-Phi se réveille dans un lit d’hôpital, l’air hagard. Où suis-je ? pourrait-il dire. On ne lui en laisse pas le temps.

- Enfin, vous revoilà parmi nous, le rassure un homme vêtu de blanc. Un médecin sûrement.

Vous nous avez fait peur. On vous perdait régulièrement. Votre coma a duré six jours.

- Qu’est-ce… Qu’est-ce… qui… m’est… arrivé ?

- Un accident. Au début, la police a cru à un suicide, votre voiture s’est jetée littéralement sur un camion. On vous a amené dans le coma. Le chauffeur du camion n’a eu que des contusions sans gravité, mais une belle peur. Lorsque l’on a su que ce n’était peut-être pas un suicide, nous avons recherché la cause de ce qui a pu vous faire perdre conscience.

Une rupture d’anévrisme que nous avons pu réparer sans peine hier dans la journée.

Il vous reste quelques séquelles, mais ça devrait s’arranger dans le temps avec un peu de rééducation.

Jean-Phi regarda vers la fenêtre : le soleil brille, le temps est clair et lumineux.

Quelques flashs lui reviennent en mémoire.

Une certitude pourtant : si la thèse du suicide s’était maintenue, il serait mort.

Fin

Hector Melon d’AUBIER

 

 

 

 

 

 

 

 

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MARTIN ET MARTINE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Suite68

- Ah ! je vous y prends, coquine ! cria une voix formidable, la voix de l’ogre qui était arrivé à pas de loup. Il les saisit chacun par une oreille et les ramena à la maison.

- Donne-moi mon couteau, dit-il à sa femme, que j’habille tout de suite ce jeune coq d’Inde. 

Sa femme vit qu’il ne fallait point le heurter de front.

- Vous feriez bien mieux, répondit-elle, d’attendre jusqu’à demain. C’est dimanche la ducasse et nous avons à dîner deux ogres de vos amis. On n’a pas tous les jours un prince à se mettre sous la dent.

-Au fait ! ce sera vraiment ce qui s’appelle un morceau de roi. 

Et il le serra dans son garde-manger. Je veux dire qu’il enferma Martin dans une chambre, tout au haut de la maison.

 

VI.

Le soir, après le souper, Martine, comme d’habitude, resta la dernière pour couvrir le feu. Elle prit son rouet, le plaça devant le cendrier et, le touchant de sa baguette :

-Rouet, rouet, dit-elle, mon joli rouet, quand on m’appellera, n’oublie point de répondre pour moi. 

Elle posa en outre sa quenouille sur la première marche de l’escalier, monta à sa chambre, mit son fuseau sur son lit et leur fit la même recommandation ; après quoi elle fut à la chambre du jeune prince. Elle toucha la porte de sa baguette, et la porte s’ouvrit sur le champ.

- Je viens vous sauver, dit-elle à Martin, mais il nécessaire que nous nous évadions ensemble. Vous ne sauriez sans moi échapper à mon père. 

Elle le prit par la main, et tous deux s’enfuirent de la maison.

Un peu après l’heure du couvre-feu, l’ogre s’éveilla et, voulant s’assurer que sa fille était dans son lit, il cria :

-Martine ! Martine !

-Voilà, mon père ! répondit le rouet. Je couvre le feu, je vais me coucher. 

Une heure plus tard il s’éveilla de nouveau et cria :

-Martine ! Martine !

-Voilà, mon père, répondit la quenouille. Je monte l’escalier. 

L’heure d’ensuite, il s’éveilla encore une fois :

- Martine ! Martine !

-Je suis dans mon lit, je dors, bonne nuit !  répondit le fuseau.

- Tout va bien, se dit l’ogre. Nous pouvons dormir sur nos deux oreilles.  Et il ronfla comme un orgue.

Qui fut penaud ? Ce fut le mangeur d’enfants, lorsqu’il vit, le lendemain matin, que sa fille avait pris la poudre d’escampette avec le morceau de roi qu’il destinait à sa table. Vite, il commande à sa femme de lui apporter ses bottes de sept lieues et se met à la poursuite des fugitifs.

Ils avaient fait beaucoup de chemin, mais les bottes de sept lieues vont d’un tel pas que, malgré qu’il eût perdu du temps à chercher leur trace, l’ogre les rejoignit bientôt.

Martine le vit venir de loin et, au détour de la route, d’un coup de sa baguette, elle changea Martin en chapelle. Elle-même revêtit la figure d’une de ces fillettes qui, aux fêtes carillonnées, dressent de petits autels au coin des rues, et poursuivent les gens, plateau à la main, imagesen criant : « Pour l’autel de la Vierge ! Pour l’autel de la Vierge ! »

-Tu n’as pas vu passer un jeune garçon et une jeune fille ? interrogea le voyageur.

-Pour l’autel de la Vierge ! Pour l’autel de la Vierge ! fit la fillette.

-Je te demande si tu as vu passer un jeune gars et une jeune fille.

-Pour l’autel de la Vierge ! pour l’autel de la Vierge !

-Au diable ! je n’ai rien à donner !  gronda l’ogre impatienté.

Il continua sa route, battit vainement les environs et finit par reprendre le chemin de sa maison. Sa femme, qui s’attendait à le voir revenir bredouille, ne fut point fâchée de se moquer de lui un brin.

-Tu ne les as point rencontrés ? lui demanda-t-elle.

-J’avais bien cru les apercevoir, mais ils ont disparu au tournant d’une route, et je n’ai plus trouvé qu’une chapelle où une garcette m’a demandé l’aumône.

-Que tu es bête, mon homme ! Eh ! parbleu ! la chapelle, c’était le petit prince, et la fillette était ta fille.

-J’y retourne ! s’écria l’ogre, et si je les attrape, je jure Dieu que je fricasse l’un et que je marie l’autre au grand Guillaume. Ce ne sera pas la moins punie des deux ! 

Il repartit et ne revit point la chapelle ; mais plus loin il rencontra un magnifique rosier qui portait une belle rose blanche. Il se baissait pour la cueillir et la rapporter à sa ménagère, quand il réfléchit que la fleur aurait le temps de se faner et que mieux valait la prendre en repassant.

Il voyagea longtemps, longtemps, sans découvrir les fugitifs. Enfin, las de courir, il revint sur ses pas et ne pensa plus à la rose. Il ne s’en souvint qu’en contant la chose à sa moitié.

- C’est trop fort, dit-elle en lui riant au nez. Quoi ! tu ne t’es point avisé que le rosier, c’était Martin et que la rose était Martine !

-Je les attraperai, fit l’ogre, quand je devrais arracher tous les rosiers à cent lieues à la ronde ! 

 

VII.

Il se remit une troisième fois en campagne et détruisit tous les rosiers de la route, mais déjà les fugitifs étaient revenus à leur première forme. Ils gagnaient du terrain ; pourtant, leur persécuteur arriva presque aussi vite qu’eux au bord d’un grand lac. Martine n’eut que le temps de changer Martin en bateau et elle-même en batelière.

- Est-ce que vous n’avez pas vu par ici un jeune homme à la peau brune et une jeune fille vêtue de blanc ? demanda l’ogre.

-Si fait, répondit la batelière. Ils ont suivi quelque temps le bord, ensuite ils ont pris par la saulaie ; et, repoussant le rivage de sa rame, elle gagna le large.

L’ogre enfila le chemin qu’on lui indiquait et n’y trouva personne. Le soir tombait et notre homme était outré de fatigue.

Il retourna chez lui par Cambrai et s’arrêta au Grand Saint-Hubert, pour boire une pinte et jouer une partie de cartes avec son compère Cambrinus.

On a beau être père, on n’en est pas moins homme, et un homme rangé ne se couche point sans avoir vidé sa demi-douzaine de canettes. L’ogre en buvait quarante, c’était son ordinaire.

En trinquant il conta sa mésaventure à son compère, qui le consola de son mieux.

-Ne te fais pas de bile, lui dit-il. Ma filleule ramènera un jour ou l’autre son petit prince par le bout du nez.

-Tu crois ?

-Parbleu !... C’est ta faute, aussi ! Pourquoi as-tu la mauvaise habitude de manger les moutards ? Sans ce malheureux défaut, il y a longtemps que je t’aurais fait une proposition.

-Laquelle ?

-Voici, fieu. Ma bonne ville de Cambrai est en pleine prospérité et peut se passer de mes services. J’ai donné aux Camberlots la bière et le carillon : rien ne manque à leur félicité, et c’est pourquoi j’ai envie d’aller planter mes choux à Fresnes, mon pays natal. Pour lors, il me faudrait ici un brave homme qui pût me remplacer en qualité de bourgmestre. »

L’ogre avait toujours rêvé les honneurs. Il vit tout de suite où voulait en venir son compère, et fut si flatté dans son amour-propre qu’il en oublia complètement les fugitifs.

-Et tu as songé à moi ? dit-il.

-Oui, mais le diable, c’est ta passion pour la chair fraîche ; on n’osera plus se marier, et cela nuira à la population.

-Qu’à cela ne tienne, fieu. Je m’engagerai, s’il le faut, à respecter la marmaille.

-Ta parole ?

-J’en crache mon filet ! s’écria l’ogre en se pinçant sous le menton, ce qui est, pour les gens de chez nous, le serment le plus solennel.

-Eh bien ! tope là, fit Cambrinus. Viens manger la soupe dimanche prochain : j’invite les notables et je t’installe entre la poire et le fromage. 

 

   à suivre

CHARLES DEULIN

(Contes d’un buveur de bière) – Editions de l’écureuil 2 rue Mignon PARIS

 

 

 

 

 

 

 

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