SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N° 7
Juillet – Août - Septembre 2003
Illustration BD page 2 |
Patrick MERIC |
Hommage à Léonce Bajart page 3 et 4 |
André FLAMENT |
Les jardiniers du souvenir page 5 |
Pierre, 90 ans |
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JEUNES |
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Un rien dans l'infini page 6 |
Ludovic ZANNIER |
Si j'étais page 7 |
Ecole Ferdinand Buisson |
Papa page 8 |
Ecole St Michel |
8 mois page 9 |
Antony CANONNE |
Une phrase…parfaite ? page 10 |
Léa |
Les disputes page 10 |
Floriane KUROWIAK |
Théâtre page 11 |
Vincent BRUNEL |
Le riche malheureux page 12 |
LUCIOLLE * |
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HUMOUR |
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Garchon ! un d'mi page 13 |
Daniel CARLIER |
Platini, Zidane, Kopajeski page 14 |
Jacques HUET |
C'que t'as cangé page 15 |
Jean-Claude LAMPIN |
Les électro-ménageus page 16 |
Hector MELON
d’AUBIER * |
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ADULTES |
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Ma rue page 17 |
HERTIA MAY |
Mon enfant page 17 |
Olivier CATIEAU |
Comme l'été page 18 |
Charly WAL |
Si près et si loin page 18 |
Jean-Luc EVENS |
Ma vie décennale page 19 et 20 |
Caroline LALISSE |
Jean-François SAUTIERE * |
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Sentimentalement vôtre page 22 |
Janine DE NANCY |
La grande question et l'amitié page 23 |
René BERNARD |
Moi le chien page 23 |
Jeanne FOURNEAUX |
Le cœur en croisade page 24 |
Marie-Josée WANESSE |
Jour des rameaux page 25 |
Thérèse LEROY |
La fête au village page 25 |
Charles LERICHE |
Des yeux noyés d'ombre page 26, 27 et 28 |
Denise DUONG |
Pourvu qu'il ait Morquin ! page 30 et 31
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Henri LACHEZE |
* Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire. |
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Hommage à Léonce Bajart |
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Les
Jardiniers du Souvenir |
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Les vieux sont les jardiniers du souvenir, ils sarclent avec
passion les plates-bandes du passé. Il leur faut entretenir les massifs chatoyants des
réminiscences, veiller à garder la place de chacun, protéger la rayonnante
Fleur d'amour du Foisonnement des Fleurettes d'amitié, tuteurer celle de
l'orgueil à la tige si rigide et si fragile a la Fois, tailler les plus
exubérantes pour protéger les plus faibles, traquer les mauvaises herbes
surtout l'ivraie qui par son abondance, pourrait ternir, déformer, voire
étouffer les plus fragiles de ces hôtesses de la mémoire. Ainsi se perpétuent les corolles blanches de pureté, rouges de
passion, roses tendres ou bleues fidèles. Certains ajoutent dans un coin d'ombre, une plante rampante au
feuillage sombre, un petit pied de lâcheté qui donne à l'ensemble encore un
peu plus d'humanité. Ha! J'oubliais, quelques chimères aussi et une touffe
d'illusions. Quel parterre! Une véritable pharmacopée de plantes à témoigner, à regretter,
à sourire, des plantes à magnifier, d'autres a s'enorgueillir. Les vieux sont les
jardiniers du souvenir. Pierre, 90 ans |
Un
rien dans l'infini |
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Les étoiles brillent, Le soleil rutile, La lune se reflète dans la mer, Tous éclairent la terre. Que nous sommes petits Par rapport à ces énormes galaxies ! Où finit l'univers? Au paradis ou en enfer? Pourquoi notre existence est-elle terne? Quand arrivera t'elle à son terme? Habiterons-nous sur la lune, Où nous perdrons-nous dans la brume? Pourquoi les planètes sont-elles neuf? L'Homme n'est qu'un poussin qui vient de sortir
de son œuf . Ce n'est qu'un enfant insouciant. Quand deviendra t'il grand? Ludovic ZANNIER. Collège prevert-6e1 ( 11 Ans |
SI
J ETAIS … |
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Si j'étais un singe Si j'étais un singe Je grimperais aux arbres Si j'étais un singe Je mangerais des poux Si j'étais un singe Je serais paresseux Si j'étais un singe Je serais cosmonaute Si j'étais un singe Je ne voudrais pas être en cage Si j'étais un singe J'irais dans les forêts Si j'étais un singe Mon père serait gorille Si j'étais un singe J'aiderais les aveugles Si j'étais un singe Je mangerais des bananes Mais je ne suis pas un singe Arnaud Dhuin Si j'étais un panda Si j'étais un panda J'irais en Himalaya Je grimperais aux arbres Et je serais libre Je mangerais la viande Mais de la viande chaude Et je serais très sage Avec mon ami le singe Et j'aurais des lunettes Et puis une pochette Pour les ranger dedans Je serais le commandant JULIE BOULON Si j'étais un merle Si j'étais un merle Je serais heureux; Si j'étais un merle Je jouerais avec la lune. Si j'étais un merle J'aurais des lunettes Et je m'appellerais Noisette. Si j'étais un merle Je ferais un nid Pour mes trois petits. Daphnée Coustenoble Si j'étais un dalmatien Je dormirais Dans un beau panier. Je m'appellerais Pango Et mon petit chiot Pinceau. Nous irions nous promener Dans une très grande salle. Je courrais après un chaton Tout près de ma maison. Je mangerais des croquettes Dans ma petite assiette. A la fin de la journée Je serais fatigué. Manon Classe de CE1 Ecole Ferdinand Buisson Cambrai Mme Boulin |
PAPA |
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J'ouvre mon cœur, Et soudain, j'ai très peur. Il est déjà rempli ! D'un côté maman et de l'autre papa. Mais… où vais-je mettre tous mes amis? Sans oublier mes frères, mes sœurs!!! Ca y est, j'ai trouvé ! Je vais me faire la greffe du cœur. Et pourquoi pas deux! Trois! Quatre!… Un pour maman, Un pour les amis, Un pour la famille, Mais surtout un pour toi, Mon petit papa chéri, Comme ça, je pourrai te dire sans mentir : "Je t'aime de tout mon cœur !" Les 6/8 ans Ecole St-Michel - CAUDRY |
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MOIS D’INSTANTS MAGIQUES |
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Vingt quatre novembre deux mille deux, Huit mois à deux. Des tas de moments pleins de souvenirs, De promenade et de millions d’éclats de rire. Les instants de peine sont submergés, Submergés par des instants d’immenses joies. Contrairement à cette incommensurable JOIE, Ces peines ne resteront pas gravées. MELLISSA Ma
chérie, En
huit mois d’aventure à tes côtés, L’amour
que j’ai pour toi n’a jamais été aussi intense. Il
n’y a pas de doute, S’il
y a une chose que je veux faire, c’est te montrer cette intensité. Sans
toi, les jours sont monotones et très, très, très longs, mais… Avec
toi, ce sont des moments que je voudrais rendre éternels. TU
ES CELLE … Tu
es celle que j’aime Tu
es celle qui a pris possession de mon cœur, Tu
es celle dont je suis dingue Tu
es celle pour qui je ferai tout, Tu
es celle que je veux rendre heureuse, Tu
es celle avec qui je veux vivre, Tu
es celle avec qui j veux fonder une famille, Tu
es celle avec qui je veux réaliser mes rêves, Tu
es celle dont je veux réaliser les plus grands rêves, En
un mot comme en cent, Je
t’aime et ça personne ne pourra rien y changer. 8
MOIS DE BONHEUR 8
mois que nous sommes ensemble Moi,
je ne retiendrai que les instants de bonheur. Où
que je sois avec toi, Il
n’y a pas un instant, Sans
que je pense à ces moments extraordinaires. D’ailleurs
aucun moment ne passe sans que je ne pense à TOI Et
cela n’est que la stricte vérité. Bonheur,
c’est un des plus beaux mots de la langue française. Ô
rien ni personne Ne
pourra m’empêcher de t’aimer de plus en plus fort. Heure,
minute et seconde, En
aucun cas, le temps n’y changera quelque chose. Une
fois de plus, je te montre à quel point mon Amour est de plus en plus fort
chaque jour. Rien
n’est plus beau dans le monde que ce sentiment-là A. Canonne |
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Une phrase …. Parfaite ? |
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Une phrase qui sinue … si droite et si ténue Elle miroite et s’atténue … Est-ce parole ou musique ? Elle s’échappe et
se dissout Discrète ? ou bien pathétique ? Je suis à mille lierres dessous …. Elle est là et puis se meurt … Te poursuis … rage et patience Cette quête est ma douleur Mon lourd fardeau de silence Une phrase parfaite ? La voilà qui s’enfuit … Un bruit d’ailes … dans la nuit Léa, 17 ans |
Les Disputes |
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De l’amour, c’est ce que tu as demandé Mais dans un couple il y a toujours de quoi
se disputer Si pas de disputes, l’Amour ne vit pas C’est un amour platonique qui ne se mérite
pas Chaque dispute remet en question le destin Et on s’aime encore plus le lendemain Les disputes ne sont jamais faciles à vivre Mais mènent toujours à un amour plus
crédible Le plus souvent elles renforcent les liens Et apprennent à mieux se connaître chacun Les disputes ne sont pas conseillées tous
les jours Car elles briseraient le grand amour Et ne jamais se disputer Transforme l’amour en amitié Alors une dispute de temps en temps Tend à ramener l’amour plus présent F . KUROVIAK 2 Novembre 1999 |
THEATRE |
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Encor combien de siècles
déchireront l’empire Combien de premiers nés dans un dernier soupir Mourront ? A quand la paix cet impossible endroit La guerre est sans merci sans nom reste le roi. Hier ! Faut-il encor le dire le monarque est allé Fier ! Son armée dans sa chambre lui demande les armes Il ne se rendra pas, pas même dans une larme Il hurle à l’assassin, il aime son palais Le lion endormi qui sommeille en lui sort Le libre fourreau chante. " Va et vae
victis " ! Le reste insensé et odieux n’est plus de son ressort Il entre dans la danse, la danse de Matisse. Le phénix sur les planches disjointes en feu et flamme Attise son épée à souhait héroïque Héraclès n’y fait rien, serein, calme et stoïque, Jour maudit criera-t-il à sa belle oriflamme. Cette âpre lutte cherche un indécis vainqueur Quand soudain, ô mon dieu ! Encor cent mille reîtres La couronne se lève : une armada da traîtres Silence le roi est mort ! Une lame en plein cœur. Acta est fabula Si à vivre cette scène vous êtes opiniâtre C’est que sûrement, peut-être vous aimez le théâtre. VINCENT BRUNEL |
GARCHON ! UN D’MI |
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Aveuc inn’ bièr’, comm’ qu’in s’régale, In sint dins s’bouque el goût
d’houblon, Mon diu, ma mère, ah ouai qu’ch’est bon Quind qu’dins not gosier al dévale. Inn’ tiot’ rasate, hop, in l’l’invale Sans qu’inn’ goutt’ quait su not
minton, Aveuc inn’ bièr’, comm’ qu’in s’régale, In sint dins s’bouque el goût
d’houblon. J’os’ros minm’ dir’, qu’ch’est inn’
trouvale Qui mérite inn’ décoration Comme eq l’honneur il a s’légion ! Mi ch’est m’tisain’ médicinale … Aveuc inn’ bièr’, comme qu’in s’régale. Daniel Carlier Extrait de " Ichi
Douai… Tout l’monte
dequind ! " |
PLATINI, ZIDANE,
KOPAJESKI |
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Comme dirot l’aut’ :
Ch’ est tros français bin d’chez
nous qui vienn’té d’êtr’ mis
à l’honneur. Et ch’est
bin mérité ! Mi, cha m’étonne
pas vu que m’n’infance je l’ai
passée au mitan d’tiots polonais aveuc aussi eun’
paire d’italiens. Les parints d’chés
premiers i sont arrivés din l’Pas d’Calais
din l’z’années 20 et in n’peut
pas dire qu’in l’zattindot à
bras ouverts : Chés
companies Minières al les avotent fait v’nir
pasqué chés mineurs français
i z’étotent in grève. Je n’vous
dit pas chés bagarres dins les bals quand qu’in
Plonais i voulot faire danser eun’française ! Mais chés
tiots polonais dé m’génération,
qu’in artreuvot à eun’trintaine
dins eun’classe d’45 éléfes,
ch’étôt putôt des comarates. Naturell’mint,
d’timps in timps, i y’avot bin des tiotes bagarres qu’in réglot
définitiv’mint à
cops d’insultes. Mi, j’étos un sale vargol, Yanneck
ch’étot
un sale polac et si Mario i s’in mélot, ch’étot un sale macaroni ! D’Z’arapes,
i n’in avot vraimint mie des masses. Cheux qu’in
rincontrot l’pus souvint, ch’étot
des marchands d’tapis qu’in app’lot
des bicots, des bougnoules ou cor des Mohamed. Mais maugré qui
s’éttottent mal archus quand i v’notent
buquer à l’porte, i gardotent leu calme. Ou
bin i n’voulotent point moutrer qui z’étotent
humiliés. A fait qu’chés
gosses ed mineurs sont dallés à l’école
pus longtimps qu’avant, leu parints i n’ont
pu voulu l’z’invoyer ouvrer au fond. Poutant même
si l’nompe ed puits d’esploitation i diminuot, i fallot
quand même bin terminer l’estraction
sin mette les gins au chomâche. Alorss, l’z’Houillères
i z’ont fait v’nir des marocains. Quand j’dis
"fait v’nir ", ch’étot
putôt eine milette comme in 14 quand chés
chefs coloniaux i désignotent des sénégalais
pou définte l’patrie d’leus
incêtes les gaulois ! Vous m’croyez
pas ? Bon, alorss, j’vas
vous espliquer. A l’demande d’ein dirigeant des Mines qui s’rindot
din chés douars, l’chef ed villache faisot mette ses
pu biaus hommes au garde à vous, torse nu. Cheux qui
"faisottent l’affaire" in leu mettot un cop d’tampon
su l’omoplate. In n’leu restot pu qu’à
daller passer eune radio à l’hopital
à Marrakech. Pou vir si i n’avottent
pas, eun’ sait quo qui arotent essayé après,
ed faire passer pou del silicosse. Maugré eun’
formation accélérée – l’estraction
à ch’époque là, al
étot presqu’intièr’mint
mécanisée –cha été ed
bons ouverriers. Faut dire aussi q’au fond del fosse i n’y
avot mie d’racisme : tous chés
mineurs i sont noirs ! Chés problémes
i z’ont c’minché
aveuc leus z’infants et à l’ferméture
d’chés mines. I n’y avot d’jà
point grinmint d’ouvrach’ pou chés
français d’origine, alors, vous pinsez bin
pou eusses ch’étot cor pire. L’drame
ch’est qu’chés z’infants
là i sont pus instruits qu’leus
parints. Ch’est eusses qui rimplissent toutes chés
pap’rasses et ch’est ainsin qué ch’papa
i pierd dé s’nautorité. Si j’vous
raconte tout cha, ch’est pou vous dire qu’si j’admire
Zidane, j’admire aucor pus sin papa, pasque v’là un
homme qui a tenu bon à l’ti’te d’eun
famile nombreusse.I’a inculqué à ses
z’infants l’respect ed l’aut’, l’tolérance,
l’goût d’l’effort,
l’invie ed s’in sortir ;
Et Zizou, qui est tout fier d’pouvoir espliquer tout cha à chés
journalisses, comme jé l’comprinds ! Dins nous pays, y
en a qui sont facil’mint prêts à
rindr’ "l’z’étringers"
responsapes d’nous malheurs A cheux qui
pensent cha, j’leu dis : "J’préfère
ed’ lon, l’mintalité dé ch’père
Zidane à cheu de ch’parint
d’elèfe, garanti français
pure souche, qui s’in va boxer ch’mait’ d’école
pasqu’i a osé coller eun’
punition à sin jonne ! L’pu
intelligint des 2, cha n’est pas el deusième !
" Jacques Huet 02260 LA FLAMENGRIE |
C'QUE T'AS CANGÉ |
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(sur
l'air de : tu t'laisses aller de Charles Aznavour – 1960) Ch'est drôle, j'sus là à t'arwettier, T'es là qu't'attinds, te m'fais la
tiête, Tes maronnes, t'arrêtes pas berd'ler, J'sins que c'soir, cha s'ra pa mi
ch'maîte, Te v'là r'montée sur tes grands k'vaux, Sur mi te vas cor passer t'rache, Aveuc ti j'ai saqué ch'gros lot, Du jour qu'in s'est mis in ménache, A' m' mote qu'dins m'n'oeul, j'm'étos
mis l'dogt J'pinsos qu'in vivrot fin bénaches. Té m'esquintes aveuc tes bêtisses, J'nai m'querque à c'soir, faut que j'te
disse, Cobin d'fos j'ai préféré m'taire, Que t'avouer tin sal'caractère, Te n's'ras toudis qu'inne malcontinte, Qu'a passé s'vie foqu'à houinner, Pour tros fos rien, faut qu'te
lamintes, C'que t'as cangé, c'que t'as cangé, T'étos sec comm'inne écalette, Maique comm'in sauret égévé, Aujord'hui n'faut pus t'in promette, Te f'ros putôt invie qu'pitié, Ti qu'avos l'tall'fine et bin faîte, Que j'pouvos serrer d'mes dix dogts, Pour t'faire el'tour, j'te l'dis tout
net, Tros jours ed long cha n's'rot pas
d'trop, A forche ed léquer l'fond d'l'assiette, In vingt ans t'as pris chint kilos. Quand d'vant mi l'soir te déshabilles, Pindant d'tinlièv' tout'tes pindrilles, In t'arlouquant nute coom'in vier, Te me donnes foque l'invie d'braire, L'temps sur ti m'fille à fait
s'nouvrache, J'sins pus in mi l'désir monter, Pour m'écauffer, t'es pire qu'inne
glache C'que t'as cangé, c'que t'as cangé Ravisses te comm' t'es déloqu'tée, In dirot qu't'as perdu t'quinzaine, T'n'écourcheux tout imberdouïé, Et tes bigoudis, que dégainne, J'me d'minte commint t'as pus in jour, Forcher min cœur à faire douc douc, Commint j'ai pu t'tourner autour, Et querre dins tes bras comm'inne
mouque, A l'plache de t'dire des mots d'amour, J'auros dû tourner m'lanque dins
m'bouque. D'vieillir cha t'a rindu maboule, Tel in viux tchien sur mi te groules, Comm'si j'voulos voler tin oche, Aveuc l'ache, t'es d'venue nonoche, T'as jamais su m'dire des mots douches, Te n'viens mêm'pus cont'mi t'serrer, Quand l'soir, dins ch'lit à deusses in
s'couche, C'que t'as cangé, c'que t'as cangé. T'es qu'in Dragon, pire inne gripette, T'as l'cœur aussi durte qu'in caïau, N'faut pas t'printe aveuc des
pinchettes, Tout jusse à peinne du bout des dogts, Si te voulos, te d'vros pouvoir, Et'radouchir, canger d'allure, Ouvrir tes bras, pour m'archuvoir, T'finte d'in sourire, m'faire bielle
figure, Et m'récauffer, foqu'pour un soir, Au lieu de m'laicher dins t'frodure. Au lieu d'pinser que j'tai pus querre, Ramintuv'te c'qu'dijot t'mère, Quand l'glaine all'cante plus hiaut que
ch'co, Ch'est que l'monte n'tourne pus à
l'indrot, Que j'meurche sur place, si j'dos
t'mintir, Te s'ras toudis min p'tit bradé, Pour el meïeux et pour el'pire, Rien à cangé, rien à cangé. JEAN-CLAUDE
LAMPIN Décembre 1999 |
MA RUE |
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Ma rue s'égaillait de gosses Dès que rentrait l'Automne, Une rue joyeuse, pleine de rires
d'enfants Portant des carnassières vernies et les
casquettes frileuses Les poches pleines de billes, Ma rue s'en allait à l'école, Achetant des carambars, jouant aux
osselets A la récré Ma rue se taisait devant le coup dur. Quand ma rue frileuse hivernait, Elle avait un fumet de vin chaud dans la
débâcle Ma rue embaumait le lilas dès que
s'amenait le Printemps, Offrant ses bouquets aux passants Cherchant un nom sur leur visage … Ma rue sur sa chaise de paille finissait
sa tartine Avant de cancaner Ma rue était une bavarde et piaillait
comme ses moineaux. Ma rue sentait bon les cris d'enfants et
les rires d'ouvriers Aux midis. Les fleurs de rires se sont fanées Elle est restée étonnée … Quand les gosses s'en sont allés. HERTIA-MAY |
Mon Enfant |
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Regarde le ciel, Une étoile, Peut-être la tienne, que
ta vie soit douce, Sombrent nos querelles, Sombre le mal, Que s’arrêtent mensonges,
violences, "pouce"! Printemps éternels, Insouciance, Que tes secondes ne soient
pas les miennes, Soirées de dentelle, Profonds silences, Que tes rêves te séduisent
et t’entraînent, Mon enfant. Que l’ombre ne recouvre
pas tes rêves, Sur toi que nombre de
sourires se lèvent, Dans un regard que tu
saches puiser Cette lueur qui permet
d’avancer, Reçois notre amour, Comme ça, Sans te soucier de tous
ces lendemains, Et de jour en jour, Tu t’en iras, Quoiqu’on dise, surtout,
ne va pas trop loin, Mon enfant, Regarde le ciel, une
étoile, Peut-être la tienne, que
ta vie soit douce, Mon enfant. Olivier
CATIEAU Extrait de "J’ai vu qu’elle était
belle |
COMME L'ÉTÉ |
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"Comme l'été, tu es
partie loin de moi, le ciel bleu dans tes yeux
et le reflet du soleil sur tes lèvres. Sans toi, l'hiver est là,
le ciel est gris plein de pluie, et mon cœur est triste. Dans la forêt, l'arbre
gravé de nos deux cœurs est mis à mort Par le vent glacial, la tête craque, se tord,
et notre amour se déchire. Parfois, un petit rayon de
soleil lui fait couler une larme de vie, et le fait rêver au
printemps d'où il renaîtra. Dans les allées de notre
jardin, la valse des vents emporte dans de multiples
tourbillons les feuilles mortes. Elles s'envolent, dansent,
croient rêver d'été, mais bien vite elles
retombent, pour tapisser la terre
rouillée. En plaine, de vilains
corbeaux croassent. Que c'est triste, ici,
sans toi. Reviens vite oh ! je t'en
prie, avec le ciel bleu et celui
de tes beaux yeux. Reviens vite avec le
sourire éclatant du soleil et celui de tes douces
lèvres. Reviens avec le vent chaud
de la mer avec tes cheveux blonds,
légers, qui dansent au moindre
souffle des vents. Donne la main à l'été, le soleil brillera
partout, dans le ciel, dans la forêt, dans notre demeure et dans
mon cœur. Reviens, tu es mon été
…" Charly
WAL |
Si
près et Si Loin |
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Tu venais de ce plat pays Que chantait si bien Jacques Brel Et qui savoure son chant de pluie Des Pays-Bas au Mont Cassel. A un âge où, bon an mal an, On s’écorche les genoux, Toi tu es là, à tous vents, Pour quelques francs, pour quelques sous, Et au fil du temps qui s’égrène, De durs labeurs en durs labeurs, Tu croiseras celle qui fut ta reine Celle qui te donna joies et peurs, Celle qui te donna sept enfants, Et te laissa un jour de mai Pour un ailleurs sans grands tourments, Un ailleurs morne, sans attrait. Mais ton amour était si fort Et l’absence si douloureuse Qu’à peine trois ans plus tard, la mort T’aida à retrouver l’heureuse. Ces trois ans de séparation M’avaient permis de t’approcher, De t’approcher car nous n’avions Auparavant guère échangé. J’éprouvais une telle passion Pour maman, et sa belle emprise Etait telle que nous ne marchions Pas vraiment dans la même église. Et puis le travail t’emmenait Quand nous dormions à poings fermés. Parfois, le dimanche, tu partais, Rares étaient les jours fériés. Mais les circonstances de la vie Ne sont pas coupables de tout. L’amour d’un parent, d’un ami Ne doit pas être fin de tout. Etre près et loin à la fois, Etre si près, si loin de l’autre. Alors qu’il n’y a que deux pas A franchir pour découvrir l’autre. Tu venais de ce plat pays, Tu étais réservé et droit Et je te dois d’aimer la vie Et puis, d’avoir en elle la foi. Jean Luc EVENS Extrait de " Des lieux et des
Rêves " |
MA VIE DÉCENNALE |
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Dix ans Vision de mon enfance, tel un nuage qui
passe Au dessus de nous, par le vent chassé. Jeunes années enfuies, emportées dans
l'espace Aux désirs insatisfaits, en un songe effacé. Vingt ans Joyeuse adolescence, espoir de la jeunesse Pleine de mystère, vous aussi vous avez
fuie. Exubérants désirs, renouvelés sans cesse Imaginez-vous, dans le jour qui luit ! Trente ans Tel un tissu de laine que la ronce accroche, Sous l'éclat du soleil, ainsi s'usent les
jours. Mais voici que mon cœur vers un autre
s'approche, Qui vit en nous tous, c'est l'éveil de
l'amour. Quarante ans O peurs et noirs soucis, inquiétudes et
doutes, Au cœur de ma mémoire, cauchemars de la vie, Qui nous harcèle toujours au long de la route Dans une atmosphère qui conduit à la vie. Cinquante ans Une génération peut subir une guerre, Aux sources de ma mémoire la mienne en
connue deux, Dix années perdues en deuils et ne misère, Des larmes versées naguère, le temps des
jours affreux. Soixante ans Au déclin de ma vie, cherchant dans mes
tiroirs Je cueille un à un les fruits de mon labeur, Je fais maigre recette. Ah ! Quel piteux
avoir Au verger de ma mémoire, à montrer au
seigneur. Et cela m'a conduit à la fin du voyage Aboutissant toujours à l'unique passage Ou l'illusion n'est plus, ni songe ni
mirage. Mais il faut que mon propos sur ces
anniversaires Reflète en nos cœurs, la joie du jubilaire Car l'esprit et le cœur ne doivent pas se
taire. Soixante-dix ans Et maintenant, voici que ma vie s'achève. Certes elle m'a donné des heures de joies
brèves… Entourées de soucis, d'illusions et de
rêves. Puis après chaque nuit, un jour nouveau se
lève. Je t'adresse O seigneur une prière ardente. En moi tu le sais, la charité est lente. Elle avance, hésite, puis retourne en
arrière Parmi tous els soucis des journées
coutumières Qui nous suivent partout où le nid est
perché. Seigneur que nos âmes à toi restent
accrochées. Accorde à nous tous, à ceux que nous aimons La joie de réunir de la chaîne les maillons Pour qu'ensuite là-haut en radieuse lumière Soyons tous rassemblés en la maison du Père. Soixante et onze ans Merci voici qu'une année, une année encore
est passée. Et le lourd poids des ans, sur mon corps
harassé Annonce le moment ou le vrai, le bien le beau Paraîtront à mes yeux en un monde nouveau Soixante treize ans Puis, par deux fois, l'hiver est revenu
encore Et en ce dix-neuf mars, Dieu dit à la mort Va ! par le noir tunnel qui la menée au port Elle a prit le chemin de l'invisible bord Vers qui sont aimantés et converge les
corps. Quatre-vingt ans Mais le jour est proche où mon anniversaire Sera bien le dernier. Ah ! C'est la grande
affaire, Qui voudra mettre un terme au
recommencement. Et ce cinq avril qui alourdi mon âge M'incite à penser de préparer mon bagage. C'est pourquoi je m'arrête et laisse le
passage A ceux qui me suivent je leur dis bon
courage. Quatre-vingt cinq ans Faites le bonheur de tout votre entourage. Pour moi, je crains partir vers un autre
rivage Un conseil encore, il est de bon usage : Ne passez pas votre temps, en vain de
bavardage Que la patience soit plus forte que l'orage Traces et ennuis qui suivent votre sillage Puis sur l'autre rive, vous aussi ferez
l'accostage Nous nous reconnaîtrons en nos nouveaux
visages. Quatre-vingt dix ans Et cinq années encore ont passé lentement Année "avertissement" à
quatre-vingt dix ans De ma génération, combien de disparus ? Mais en nouveaux visages, la vie continue Amen ! que cela soit ! et que tous sans
dommage A Dieu nous chanterons : gloire, Puissance,
hommage ! JEAN-CHARLES
JACQUEMIN alias JEAN-CHARLES
DE BEAUMONT |
Le Vin |
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Si
le vin est pour toi étranger, quel dommage ! Tous deux ne méritez un tel éloignement; Puisqu'il faut un début à tout commencement Invite-le chez toi, qu'importe le cépage. Fais-toi z-en un ami avec qui l'on partage La joie et la gaîté mystiques du moment. Prends-le comme un cadeau, sans nul autre argument, Et laisse-toi guider vers son subtil voyage. Bois-le comme il se doit, sans tricher ni trahir. Sous la robe la cuisse offre tant de plaisir Qu'à force d'abuser guette l'intempérance. Et sans aller jusqu'à mettre en ton vin, de l'eau, Garde au fond de ton verre un grain de méfiance De peur qu'il ne devienne, un beau jour, ton bourreau. Médaille de bronze de la Ville de Bordeaux au concours 2003 des Arts et Lettres de France Jean François SAUTIERE |
Noises |
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Quand vous tirâtes d'eau la chasse La sirène sonna midi Si bien –et grand bien vous en fasse !- Que personne ne l'entendit. Tant de bruits inaperçus passent, Couverts par d'autres, confondus ! Bienheureux ceux-là qui s'effacent Evitant les malentendus, Ceux de couloir, de
pas, les autres, Les furtifs, les suspects, les gueux, Ceux des
voisins proches, les nôtres Trop faiblards devant les fougueux. Mais à déplorer sont, tristesse, Les bruits tordus des ventres creux Qui ont cette délicatesse De n'en faire
aucun. Qui fait mieux ? Jean
– François SAUTIERE |
SENTIMENTALEMENT VOTRE |
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( au gré des chansons) Bessamé, bessamé Mouteko. Je voudrais te chanter tous ces mots-là Comme au premier
jour Toujours, toujours.
Je revois le matin Où le destin Avait mis sur le chemin Dans le creux de tes mains Les plus beaux lendemains. Le vent gris au hasard Soufflait sur notre automne Toi qui vient de la nuit Pour, faire chanter la vie Pour faire chanter tous les jours Si tu étais magicien Tu comblerais le vide Tu prendrais les armes Pour arrêter le temps Aux portes du
" Néant " Mais le temps s’efface Pour moi rien n’a changé La ville pleure Et ses larmes de pluie Dansent et
meurent Sur mon cœur Qui s’ennuie Que se passe t-il dans ma tête Pour te dire ça C’est peut-être que je t’aime Que je t’aime, toi Loin des yeux, loin du cœur Ca n’existe pas Loin des yeux,
loin du cœur Rien que toi et moi Loin des yeux, loin du cœur Je ne t’oublie pas Le temps qui gaspille Le temps qui s’éparpille De fil en aiguille Les jours font
les nuits Mais toi tu es là. Il fallait que je dise Tous les mots Qui dormaient au fond de moi Mon amour, mon impossible amour Ma déchirure C’est moi qui t’appelle Dans mes nuits éternelles Jusqu’à la citadelle Du bleu de l’été Je t’appelle pour te dire Que je t’aime Je te porte dans mon cœur Comme un oiseau blessé Nous n’avons pas
assez lutté Pour vivre ensemble Et nous aimer Que pleuvent dans la nuit Nos cœurs à l’unisson Un amour comme le notre, Il n’en existe pas deux Plus la peine de frimer A la fin du parcours Bien ou mal dans sa peau Avec ou sans amour Il faut lâcher le morceau Puisque derrière l’amour Il y a toute une chaîne de
Pourquoi ? Et s’il m’arrive parfois de te dire je
t’aime Je n’oublie pas que l’on s’est aimé Mon histoire d’un amour éternel et banal Les feuilles mortes se ramassent à la
pelle Les souvenirs et les regrets aussi Bessamé, bessamé Moutéko JANINE DE NANCY |
LA GRANDE QUESTION |
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Pourquoi tant de haine Pourquoi tant de peine? Pourquoi faut-il tant souffrir Et finir par mourir? Où se trouve l'infini bonté de Dieu, Je la cherche des yeux. Pourquoi fat-il être compris, aimé, Au moment où par la maladie votre vie est en danger Lorsque votre compagne pour vous, est dans la peine, Sachez comprendre que si elle souffre C'est tellement elle vous aime! Pourquoi faut-il tant souffrir Pour aimer et partir? René
BERNARD |
L'AMITIE QUE DOIT ETRE L'AMITIE |
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L'amitié, c'est pouvoir s'ouvrir aux personnes que
l'on aime C'est aussi être près d'elles quand elles ont des
problèmes L'amitié devrait être aussi la confiance, Mais bien souvent, face à certaines personnes Qui se disent vos amis, la sagesse est la méfia,ce. Quand vous serez dans la peine ou dans le chagrin, Ces amis là, sauront vite trouver un détour poue
eviter votre chemin. Pour un grand nombre de ces personnes qui se disent
vos amis, Pour ces gens là, l'amitié signifie
"Profit". Mais alors, où trouve-t-on les amis vraiment
sincères? Ce sont des pépites d'or que l'on trouve dans le
desert. René BERNARD |
MOI, LE CHIEN |
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Moi
qui protège ta maison, Qui
te donne toute son affection, Qui
te défend contre tous les dangers, Montrant
mes dents, le poil hérissé. Qui
te sauve des flammes, des avalanches, des catastrophes, de la noyade. Qui
déteste la drogue, les bombes, Dans
les gares, les avions. Qui
est le compagnon du troisième age, Des
enfants, des aveugles, des malades. Qui
parfois est la victime, de tes humeurs, tes ennuis. Qui
trop souvent abandonné, fait des kilomètres pour te retrouver. Moi,
le chien, Je
ne demande en retour Qu'un
peu de tendresse et d'amour. Fidèle
je le serai toujours, car je t'aime, c'et tout! Jeanne
FOURNEAUX |
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Le
cœur en croisade Nous bourlinguons de par le monde Au hasard du petit écran- Notre vie hélas est féconde En bien cruels événements- La misère pleut, cette gueuse ; Tant d’horreurs nous brûlent les yeux Qui chaque fois plus scandaleuses Nous rendent le présent odieux ! Pourtant mon cœur part en croisade Contre la sinistrose, et puis, Chante l’espoir lorsque malade Notre ère va de mal en pis ! Gardons en secret une graine Faite d’espérance et d’amour, Pour que sa force suveraine Soit le levain de chaque jour. Tel un message sans frontière Que cette ode aux jours à venir, Porte l’espoir et la lumière, Avec l’offrande d’un sourire… Geneviève BAILLY |
RAMEAUX |
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Jour
des Rameaux endimanché, messe debout à écouter l’évangile
d’un Roi, à
respirer l’odeur des buis bénis, à donner à l’offrande, à
la quête, à rester immobile en silence. Tournée
des cimetières, visites de cousines, d’amies, de
parrains ou parents plus ou moins éloignés. Toujours
de vieilles gens. Dire
bonjour à Monsieur, dire bonjour à Madame, et
de se pourlécher à n’en jamais finir, demander
des nouvelles, assis durant des heures devant
le café et l’alcool, les fruits et les gâteaux, à
parler du voisin, des mariages, des morts, des
potins du village, à critiquer, à commenter, et puis de longs silences… Dimanche
de cravates et de chemises amidonnées, de coupes bien taillées et
de repas copieux, et d’alcool abondant. Rencontre
de famille aux longues figures tristes, vides
comme noix sèches autant que leurs discours. Et
moi, de tout ce cirque je m’ennuie à mourir, et
de les regarder j’ai envie de vomir. Et
de me demander ce que peut en penser le
Dieu dont on parle si peu aujourd’hui… Thérèse LEROY Extrait de "Eclats d'âme" 11 avril 1976 |
LA
FETE AU VILLAGE EUL
FETE ACH’ VILLACHE
(patois
d'Escaudoeuvres) |
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Charles LERICHE d’ Escaudoeuvres |
Des yeux noyés d’ombre . |
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Joël lança un
regard furtif vers sa mère attentive à étendre les draps au jardin. Dans la
remise, le père nettoyait ses outils de maraîcher. Ils ne soupçonneraient
rien. L’enfant saisit
son cartable d’une main et, de l’autre, empoigna le chien ; il jeta le
tout dans la barque accostée au wateringue ; la veille, il y avait
dissimulé un pavé entortillé d’un collet en fil de fer. Il cria " J’m’en
vais à l’école ! " et sauta à pieds joints dans l’embarcation
légère dont il dénoua l’amarre avec nervosité. Le regard dur, les lèvres
serrées, il s’éloigna rapidement vers le village tapi derrière les roseaux.
Intrigué, Bobby flairait la pierre lourde de menaces. Chaque matin,
l’enfant devait traverser les canaux déserts pour se rendre au hameau. Très
tôt, le maraîcher lui avait appris à manœuvrer la barque et à se diriger seul
dans le lacis des canaux qui enserraient leur domaine. Joël ne savait pas
nager, mais l’eau était peu profonde ; parfois même, il fallait dégager
à la gaffe la quille immobilisée sur un banc de vase. Le soleil
paradait haut dans le ciel : une belle journée à vivre ! L’air
maussade pourtant, le jeune rameur considérait ses mollets de sauterelle
minés par la poliomyélite et, alternativement, l’œil pétillant de son
compagnon dont il se détournait aussitôt. Lorsqu’il fut au
milieu des marais, il déposa ses avirons et inspecta les alentours. Tête
penchée, le chien semblait perplexe. Sa pupille pointillée d’or se voilait
d’une larme : aurait-il deviné ? Depuis quatre ans
il partageait la vie et les jeux du garçon. Pour combler leur fils unique,
les parents de Joël ne savaient qu’inventer et, pour son anniversaire, lui
avaient offert un amour de chiot. Comme un boulet de poils soyeux, Bobby
avait fait irruption dans l’existence solitaire des maraîchers, et le jeune
bâtard avait fait les délices du bambin : Ah ! Joël l’avait chéri,
ce jouet vivant qui lui avait permis d’oublier pour un temps son infirmité
qu’il n’avait jamais acceptée ; pourtant les seules séquelles de sa
maladie résidaient dans la faiblesse de ses jambes. Mais, pour manœuvrer la
barque, point n’était besoin de ces allumettes malvenues ! Et puis, se
faufiler en bateau le long des marécages, c’était tellement plus amusant que
de marcher sur les routes comme tout le monde ! Les jours de congé,
Joël s’éclipsait au fin fond des canaux, se laissait guider par le courant,
contournait les archipels de nénuphars et brisait d’une main rêveuse les
reflets changeants des nuages. Aux pieds du capitaine, le chiot, oreille en
pavois et truffe au vent, participait à toutes ses escapades au parfum de
liberté et partageait les émerveillements de son ami. Ensemble, ils
surprenaient le héron cendré dans son immobilité hiératique et se riaient de
la poule d’eau houspillant tendrement ses petits. Depuis quelques
mois, le gamin semblait se désintéresser de l’animal et l’oublia plus d’une
fois au chenil. Confiné dans son enclos, le délaissé jappait durant des
heures, pour bondir comme un fou à l’assaut de la clôture dès qu’apparaissait
son jeune maître. Sous un agacement grandissant se cachait en effet une
inquiétante jalousie. Insensiblement, ce fruit vénéneux avait poussé dans
l’esprit de l’enfant estimant que ses parents, entichés de ce maudit
corniaud, lui manifestaient moins de tendresse qu’autrefois. A cette pensée,
Joël allongea un coup de pied au chien assoupi dans la barque. Hier soir encore,
il avait surpris sa mère installée dans son fauteuil, ce sale cabot blotti
entre ses bras ! Ignorant la mine renfrognée de son fils, elle
prodiguait à l’animal caresses et mots tendres. C’était trop fort !
Quant au père, il emmenait Bobby aux champs à la place de Joël, et le clebs
avait, lui, la permission de batifoler parmi les beaux choux-fleurs, posés
comme des boules de neige sur le velours des feuilles ! Les rebuffades,
la trique ! Sans raison, en cachette, l’enfant frappait son
souffre-douleur qui n’y comprenait rien ! Le chien s’écartait en
gémissant, pour accourir aussitôt dans l’espoir de rentrer en grâce. Peu à peu,
l’animosité du gamin se mua en haine tenace. Même son infirmité n’inspirait
plus la compassion : à lui les reproches, les réprimandes, à Bobby les
caresses ! Du moins le pauvret se l’imaginait-il dans son
aveuglement ! Il en était venu à penser que ses parents éprouvaient de
la honte à son sujet et qu’ils ne s’étaient retirés dans les terres inondées
des wateringues que pour soustraire aux yeux de tous ses pattes d’échassier. Il ricana :
à cette heure, o, commençait à s’inquiéter, on cherchait le favori au hangar,
on l’appelait au jardin … Nouveau coup de
galoche. L’animal sursauta tandis que Joël considérait avec hargne ses
propres jambes maigrichonnes, cause de tous ses malheurs et dont il s’était
trop longtemps accommodé. Lentement,
l’embarcation dérivait vers l’embouchure du grand canal. Comme un étalon
rétif, des vagues noirâtres renâclaient contre la berge aux gencives
pourries. L’eau était trouble, fétide. Envahi par la nausée, l’enfant
frissonna. Entre les saules
il aperçut le canot de Macaire : le facteur en tournée sifflotait comme
à son habitude, et sa coque filait dans un friselis blanc. Joël n’eut que le
temps de se jeter au fond de son esquif dissimulé de joncs. D’une tape sur le
museau il calma son compagnon prêt à manifester sa joie. Pressentant
peut-être un danger dont la nature le dépassait, Bobby ne broncha pas ;
seules, ses lourdes paupières palpitaient dans la pénombre. Dès que le
silence fut revenu, le rameur se hâta d’obliquer vers l’entrée du canal. A
l’aide de sa gaffe il en jaugea le niveau. L’endroit convenait, inutile de
s’aventurer plus avant. Joël aspira une grande goulée d’air … Surpris de ne
plus être brutalisé le chien se laissait faire. Lorsqu’il fut harnaché de la
pesante pierre, le maître le bascula par-dessus bord. La barque se cabra,
oscillant dangereusement. Les mains tremblantes, soudées au plat de
l’embarcation, le gamin sondait les profondeurs. Le chien émergea dans un
tourbillon, se démenant comme une carpe ferrée par l’hameçon : trop
lisse, le pavé s’était détaché ! " Tu ne t’en tireras pas comma ça,
sale bête ! " gronda le petit bourreau. Il saisit la perche et, de
toutes ses forces, appuya sur le crâne de sa victime. La gaffe dérapait, et
par à-coups Bobby réapparaissait, suffocant mais toujours vivant ! Une folie
meurtrière galvanisait l’enfant. Il se pencha sur l’animal et, de ses propres
mains, engloutit la tête au regard suppliant. Un gargouillement sinistre se
mêlait au clapotis de la masse glauque. Les yeux agrandis, Joël regardait
fixement le corps animé de soubresauts. Les pattes s’amollirent … dans quelques
instants tout serait terminé. Enivré de son
triomphe, l’insensé déplia brusquement ses jambes atrophiées. Dans une
froidure de cataracte, le gouffre s’ouvrit et, comme une gueule de squale, se
referma sur l’imprudent. Des plantes aquatiques ondulantes emprisonnaient ses
chevilles dans leurs rets. Il voulu crier : Maman ! L’eau croupie
lui pénétra le nez, la gorge, puis un gargouillis immonde envahit ses poumons
près d’éclater. En un éclair, Joël regretta son geste et, trop tard, lui
revint à flot son ancienne tendresse pour Bobby. A son tour de se débattre
dans cette tombe liquide et sans issue : comme le chien, il allait
mourir noyé ! Dans un vertige,
il eut la nette vision de son corps nu et rose, inerte comme une larve en
surimpression sur la grisaille de la vase et l’horreur ranima ses dernières
forces. Il frappa du pied le fond mouvant et refit surface dans une gerbe de
bulles. Une branche passait, il s’en saisit, plantant ses ongles dans
l’écorce. Il toussait, vomissait, hoquetant un dérisoire appel au secours.
Mais à cette heure matinale, hormis les cols-verts indifférents, qui aurait
pu l’entendre ? Le naufragé ne pouvait espérer aucune aide ni implorer
la moindre miséricorde ! La branche
semblait pourtant attirée vers la rive, et le petit se crut sauvé. A
l’instant même, un remous le gifla et disloqua l’écorce pourrie. Joël fut
happé vers le large, il était perdu ! Il se sentit
soudain agrippé au col, la tête maintenue hors de l’eau. Revigoré par
l’haleine brûlante qui s’insinuait dans son cou, il repris courage. Pour sûr,
son ange gardien allait le tirer de là ! A demi inconscient, il se
laissait ballotter, les yeux clos, souriant à quelque image éthérée de sa
mère. Ce fut dur !
L’autre, qui voulait l’arracher à la mort, luttait pour lui, luttait pour
deux ! Après bien des tentatives désespérées dont le gamin n’avait guère
conscience, Joël se retrouva, hagard et grelottant, en bordure d’un champ. A
ses côtés s’affala une masse hirsute, tel un tas de chiffons. Le rescapé
demeura longtemps immobile, jambes et bras déployés comme une étoile de mer
échouée sur la grève. Près de lui, le flanc soulevé de spasmes, haletait
misérablement son sauveur. Alors l’enfant
attira le chien entre ses bras glacés et le frictionna doucement. Il lui
murmurait avec ferveur : Ne meurs pas, mon Bobby, je t’aime ! Et
les paillettes d’or scintillèrent faiblement dans les prunelles noyées
d’ombre. En fin de tournée, Macaire, toujours
sifflotant, découvrit la barque chavirée et trouva les deux amis inanimés.
L’un, apaisé, plongé dans un sommeil réparateur, l’autre, tendrement enlacé,
endormi pour l’éternité. Denise DUONG Des yeux noyés d’ombre Publié dans " le chemin de St Jacques" |
POURVU
QU’IL AIT MORQUIN |
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Tous mes souvenirs
d’entrée en sixième sentent la feuille morte et tous ont la couleur un peu
grise des matins d’octobre que voilent les brouillards ; y résonne le
bruit des galoches de bois que mes camarades et moi portions aux pieds et qui
faisait vibrer les voûtes des vastes couloirs de l’ancien couvent, qui
abritait les classes du collège. De cette lointaine époque, ma mémoire garde
intact le goût du café au lait, du pain grillé et de la confiture de ma
grand-mère qui constituaient le petit déjeuner que j’essayai en vain d’avaler,
la gorge nouée, en ce petit matin de premier octobre 1949, illuminé pourtant
par le sourire de mes parents qui veillaient au bon déroulement de
l’opération " Entrée en sixième " de leur fils cadet.
Rien n’avait été laissé au hasard et depuis la veille, tout avait été
contrôlé, comme on vérifie l’équipement d’un fantassin avant un combat
décisif. " Crayons ? "
" Prêts ! " " Gomme ? "
" Prête ! " " Compas ? Equerre ?
Rapporteur ? Plumier ? Cahiers ? Livres ? "
" Prêt ! " " Prêt ! "
" Prête ! " " Prête ! " (Je
ne savais plus où donner de ma pauvre tête !). Tout était prêt, le
soldat et ses armes, mais pourtant il régnait dans notre petite cuisine,
quelques minutes avant mon grand départ pour le collège, le calme trompeur
qui précède les imminents cataclysmes. C’est ma mère qui rompit la première le silence
tendu : " Pourvu qu’il ait Morquin ! "
dit-elle. Et mon père de renchérir : " Oui, pourvu qu’il ait
Morquin ! Sinon, il faudra faire avec, ou plutôt, sans ! ".(Mon
père qui avait toujours été un grand philosophe à sa manière, ne m’avait
jamais expliqué comment on pouvait réussir en sixième si on n’avait pas
Morquin !). Mes trois oncles avaient eu Morquin ! Un copain de mon
père avait eu Morquin ! C’était grâce à lui que tous quatre savaient l’orthographe
et leurs conjugaisons ! De plus, il était sévère (mais juste !).
Bref, je sentis, avant même que mon père ne m’en fit expressément la demande
que je devais avoir Morquin. Il y allait de ma réussite scolaire, de
celle de ma vie peut-être ! Et c’est alors que mon père me dit :
" Essaie d’avoir Morquin ! Si on te demande qui tu veux, dis
que tu veux Morquin, d’accord ? ". Et je partis vers mon
destin, qui dépendait tellement de Morquin ! Pendant tout le trajet jusqu’au Collège,
j’échafaudais des plans, mettais au point les stratégies les plus farfelues
pour ne pas rentrer à la maison, à la fin de cette journée mémorable, sans
être absolument certain que j’avais Morquin. Il me fallait Morquin, pour ne
pas décevoir mes parents ; il me fallait Morquin par fidélité à mes
oncles et au copain de mon père et pour savoir conjuguer ! Il me fallait
Morquin coûte que coûte ! Mais quelle responsabilité pesait sur mes
épaules ! Je n’avais que dix ans et j’ignorais comment m’y prendre pour remplir
cette difficile mission : inscrire le nom de ce personnage prestigieux
sur mon emploi du temps ! C’est alors que pour la première fois de ma
vie je sentis que dans la délicate situation où je me trouvais, il n’y avait
qu’une chose à faire : attendre et espérer que quelqu’un, quelque part,
ait à cœur de venir en aide à un enfant à qui, la vie, déjà, alors qu’il
était si jeune, présentait un de ces problèmes si importants que les adultes
n’en parlent qu’à voix basse, loin des oreilles des enfants. Une fois arrivé au Collège, j’attendis donc, la
peur au ventre, les larmes aux yeux, la gorge sèche et les genoux tremblants,
que l’on ouvre le majestueux portail pour laisser entrer le troupeau craintif
des prétendants de l’année à la cour des grands, qu’à force de gestes et de
cris de surveillants, on finit par parquer devant un perron où un monsieur
très important (" le Dirlo, " m’informa en chuchotant un
voisin de hasard), se mit à faire l’appel des classes. Derrière le monsieur
important, il y avait les professeurs et bien sûr, dans cette foule encore
anonyme mais qui nous deviendrait si vite familière (et peut-être dans
certains cas, redoutable et redoutée !), il y avait Morquin. Je me
penchai vers celui qui m’avait déjà indiqué le Dirlo, et je lui demandai s’il
connaissait Morquin. " Si je connais Morquin ! Tu
parles ! Une vraie peau de vache ! C’est lui qui m’a fait redoubler
l’an dernier ! C’est le grand à lunettes là-bas, derrière la dame qu’a
un chignon ! Elle, c’est une prof d’anglais ! " Le sol soudain sembla se dérober sous moi.
Quoi ? Celui en qui j’avais mis tant d’espoir pour la réussite de ma vie
et pour m’apprendre les conjugaisons, c’était ce monsieur qui faisait
redoubler ! Ce n’était pas possible que mon père, et surtout ma mère,
aient pu me trahir jà ce point, et souhaiter, oui souhaiter, que je sois pour
mon bien, avec Morquin ! Il y avait sûrement une erreur ! La vie,
aussi cruelle soit-elle, ne pouvait jouer un aussi mauvais tour à un enfant
de dix ans tout juste ! Et je me mis à me demander comment je pourrais
ne pas avoir Morquin et à faire des plans, et à inventer toutes les excuses
que j’allais présenter pour ne pas l’avoir ! Mais il était déjà trop
tard, j’avais Morquin et c’était même mon professeur principal ! Rien ne
m’avait été épargné, pas même le commentaire de mon voisin qui ne put
s’empêcher d’ajouter quand il entendit que je l’avais : " Pas
de bol, te voilà parti pour deux sixièmes ! " Je rentrai chez moi le soir, triste, triste à
pleurer. Le ciel était gris, ma blouse était grise, mon cœur était gris et
l’avenir aussi était tout gris : j’avais Morquin et j’allais redoubler. Mes parents m’attendaient et avant qu’ils n’aient
pu me poser la moindre question sur ma première journée au Collège, je
m’effondrai en larmes dans les bras de ma mère et dans un énorme soupir
mouillé que je crus le dernier, je lui dis : " J’ai
Morquin ! " J’ai eu Monsieur Morquin pendant quatre ans et je
l’ai adoré. Je sais mes conjugaisons et l’orthographe et je n’ai pas
redoublé, mais je n’ai jamais oublié les terribles angoisses de mes débuts en
Sixième. Et chaque année, quand revient la saison des feuilles mortes et de
la rentrée des classes, je souhaite ardemment que chaque enfant qui prend
pour la première fois le chemin du Collège, ait la chance de rencontrer un Morquin
sur sa route dont il se souviendra cinquante années plus tard, avec une
émotion qu’aucun vent d’automne ne pourra jamais balayer ! Henri
LACHEZE |