SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N° 3
Juillet-Août-Septembre 2002
* Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire. |
MOT DU MAIRE |
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Déjà le 3° numéro de la
CAUDRIOLE avec au sommaire de cette parution, une production littéraire
éclectique mêlant avec talent tous les genres, de la poésie au patois
"bien de chez nous" avec un petit détour par la bande dessinée. A l'origine de cette
heureuse initiative qui permet aux écrivains en herbe et à d'autres plumes
déjà expertes de s'exprimer, on retrouve Madame LEFEBVRE, figure locale de la
culture et l'Office Municipal de la Culture sous la houlette de sa
Présidente, Madame DHOLLANDE. J'adresse mes sincères
félicitations à l'ensemble de ces personnes qui participent activement à la
promotion de la lecture avec au delà de cette passion pour le livre, la
volonté de faire lire. MEILLEURS SENTIMENTS Guy BRICOUT |
Tirage de photos tirées pour une présentation
de thèses en photographie L'expression choisie fut tirée de "
TINTIN au Pays de l'Or Noir"
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PETITE
CHRONIQUE LITTÉRAIRE |
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UN
CHANTRE DU BONHEUR : PHILIPPE DELERM Comme
tout le monde vous avez lu : la première gorgée de bière … et
vous avez aimé cette façon de valoriser les plaisirs simples de la vie …On
peut rester sur sa faim … ou plutôt sur sa soif ( ! ) parce qu'on reste tout
de même ici, un peu au ras des pâquerettes … Alors,
lisons, lisez ses autres textes … par exemple Un été pour mémoire
: il descend dans le midi pour l'enterrement de sa grand-mère : Demain
j'arriverais… et c'est l'occasion, dans un style tellement limpide,
de dévider le chapelet des souvenirs de l'enfance. Mieux
encore ! : Le bonheur avec, comme sous-titre : Tableaux
et bavardages. Et l'on s'aperçoit, au fil des pages, que le bonheur,
s'il est simple pour le prof. De lettres Philippe DELERM, sa femme Martine
qui écrit comme lui - mais des ouvrages illustrés pour enfants - et peint de
délicates aquarelles … oui, le bonheur est simple, mais d'une simplicité
faite de renoncements à l'inutile, à la vanité, à un confort excessif …
lisons avec lui : Le
malheur de Sisyphe n'est pas de rouler une pierre, mais de rester absent de
la beauté… Il va s'arrêter… comme la terre est belle ! Comment avait-il pu ne
pas la regarder ? Le monde est un spectacle, le bonheur ne se compte pas… Et
ailleurs : Le
bonheur est fragile. Tu avance pas à pas. Tu ne sais rien des jours, tu
glisses sur un fil, au loin tu ne vois pas. Si tu regardes en bas, c'est le
vertige, ne regarde pas … Tu marches un peu plus haut, mais le bonheur est
difficile. Tu risque à chaque pas… à chaque risque le bonheur est là. En
quinze tableaux, parfois très quotidiens … tantôt faits d'humour, ou de
poésie, ou de philosophie… DELERM, le peintre, nous révèle un bonheur qu'on
avait oublié… comment cela ne nous tenterait-il pas ? D. LEPRETRE.
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Au beau temps de la plume... |
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Petite plume qui vole, Danse, danse et tourbillonne, Petite plume qui vole, Viens te poser sur mon beau cahier ! Petite plume, entre les lignes, Danse avec les lettres de l'alphabet, Petite plume, tu es fatiguée ? Viens te reposer dans mon encrier, Petite plume, tu te reposes ? Tu m'as bien aidée pour ma prose ! Petite plume, dès demain, Je te reprendrai par la main, Petite plume, avec moi, Tu valseras la danse de l'alphabet, Petite plume, grâce à toi, Je remplis bien mon beau travail d'écolier ! Classe 7 - 8 ans ECOLE PRIVEE MIXTE SAINT-MICHEL 18 Rue Aristide Briand
59540 CAUDRY
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TROUVAILLES |
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J'ai trouvé J'ai trouvé
douze boutons dans la boîte à outils. J'ai vu deux
perles dans la rue, je les ai prises. Sur la route,
j'ai trouvé un anneau rouge Et dans ma
poche un élastique qui bouge. J'ai trouvé
dans mon cartable une jolie bille. Dans la cour,
je l'ai donnée à une petite fille. Adeline Delforge J'ai trouvé Collé sur une
gomme J'ai trouvé un
chewing-gum. Caché dans un
violon Un joli
papillon. Et au fond d'un
camion Un joli p'tit
cochon. Kévin Desmoulin J'ai trouvé Dans un trou J'ai trouvé un
hibou. Sous le balatum Un petit bonhomme. Et sur le petit
pont Deux papiers de
bonbons. Britany Douchet J'ai trouvé Tout au fond
d'un carton J'ai trouvé un
mouton. Une grosse
coccinelle Qui entre dans
un tunnel. Et des roues de
bateau Que j'ai mises
à ma moto. Rémy Lasson J'ai trouvé Tout au fond de
mon lit J'ai trouvé un
petit chien gris. Rangé avec mes
poêles Dormait une
belle étoile. En rangeant mon
salon J'ai trouvé un
bouton. Quentin Tardivel J'ai trouvé Au bord de la
rivière J'ai ramassé
des pierres. Et j'ai cueilli
des fleurs De toutes les
couleurs. Sous une
ombrelle verte J'ai mangé des
noisettes. Le temps était
si chaud J'ai donc nagé
dans l'eau. J'ai traversé
le pont Pour rejoindre
la maison. Je me suis
réveillée Je pense que
j'ai rêvé. Manon Lucas J'ai trouvé Au fond de mes
souliers J'ai trouvé un
carnet. Sous un énorme
buisson Un gentil
hérisson. Accroché à mon
cou Un joli
scoubidou. Et sur la table
de cuisine Un gros buisson
d'épines. Rodrigue Van Malder J'ai
trouvé Sous la patte
d'un veau Un très joli
panneau. Au pied de mon
portique Une boîte de
mosaïque. Sous l'aile
d'une mouette Trois ou quatre
noisettes. Maxence Blandin ECOLE
FERDINAND BUISSON - Classe C E 1 CAMBRAI |
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PRISON |
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Du sang entre
mes jambes Maman Désormais, je
ne verrai le monde Qu'à travers
une grille. Tout me sera
ôté : Le soleil et
le vent N'atteindront
plus mon visage. Mes yeux, que
tu dis si beaux, Seront
amputés de la ville. Ce ne seront
plus mes paupières Qui
choisiront de les dérober. Qu'importera,
que je natte mes cheveux noirs. Qu'importera
que je rie, que je pleure. Personne
n'aura pitié. Mon regard
restera inconnu et désespéré. Seules
peut-être mes mains Crieront ma
douleur Pour tous je
ne serai qu'une ombre qui se faufile Sans désir,
sans existence Personne
n'aura pitié Pas même toi,
ma mère Qui est leur
complice. Je n'ai que
douze ans Et la lourde
burqa M'ensevelit. Jardy-Ledoux |
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En ce Printemps... |
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Il y a le
plumetis des pâquerettes sur la pelouse... Simplicité. Il y a
l'éclat d'or des renoncules sur les talus... Lumière. Il y a la
profondeur violette des iris... Mystère. Il y a le
bleu têtu des centaurées et la rose tendre des ancolies... Harmonie. Les bouquets
de mariées des aubépines dans les haies vives Les
véroniques aux yeux doux dans les hautes herbes... Et toutes
celles qu'on ne voit pas, Que devine
seulement le regard amoureux... Luxuriance... LEA Mai 2002 |
La France |
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Haïr,
souffrance Solitude,
souffrance Liberté,
Egalité, Fraternité, c'est la France Proverbe que
tu connais Mais tu sais
qu'il n'est pas vrai La politique
crée la Guerre La guerre
crée la Mort De ton pays
en es-tu fier De voir
recouverts de sang ces corps Vois-tu une
différence depuis le début du siècle Tout ce que
je constate c'est un simple cercle... Sans fin. Haïr ou aimer Séquestrer ou
liberté Mourir ou
bien vivre De ces mots
est un résumé La France n'a
pas changé. Floriane Kurowiak tiré du recueil "Autour du Monde" novembre 1997 |
ECLIPSE... EL' TOTALE |
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Ch't'évén'mint, mes brav' gins avot pindant des mos, Défrayer la chronique, aliminter l' gazette, Aux dires des racontaches d'inne mitan tiête ed' sot, C' jour-là sérot l' dernier, tout dévot disparaître A in croire c' qu'in lisot, Diu sait c' qu'in a pu lire El' ciel pou nous punir invérot tous ses fux In devot à cop sûr tertousse s'attinte au pire In n' pes'rot pas pus lourd que l' mitan d'in fitu Tous les malheurs du monte allotent nous querre ed' sus Débuquant drot d' l'espace, du fond de l' galaxie Les restes d'in viux spoutnik dont les russ' n' voulotent pus Devot r'déchinte sur tierre, au bieau mitant d' Paris L'affaire étot sérieusse, i n' fallot pas in rire Not' bonne vielle tierre vivot ses tous derniers momints El' sièque avot pris d' l'âche i' allot bétôt mouri Important aveuc li, et les biêtes et les gins. Après l'avoir eu belle et minger not' pain blanc El' temps étot vénu d'in minger foqu' du noir El' monte allot cangé, rien n' s'rot pus comm' avant Toutes chés peurs d' nous taïons r' montotent à not' mémoire Mais l'évén'mint passé, i a bin fallu admette Qu'à défaut d' fin du monte, ou pire d'apocalypse In avot à peinne vu à travers nos leunettes El belle mucher l' solel jusse el' temps d'inne eclipse Tous ches boniminteux, dijeux d' bonn' avinture N'avotent qu'à bin s' ténir, i n'étotent pour leus frais Et si su l' dos d' chés gins, certains ont fait leu burre D'autes à n'in point douter pouvotent s'arbotter L' morale de ch' t' histoire, in n' pouvot trouver mieux Ch'est qu'à forche ed' crier au leup pour tros fos rien In finit par passer pou z'autes pour des minteux In a rien à gagner de s' moquer d' sin prochain. Jean-Claude LAMPIN 14 novembre 1999 |
POURQUOI TU POUSSES ? |
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RAP
( de Papy à l'Ado ) Tu nous
chahutes Et nous
rebutes Quand tu
réfutes Tous azimuts Et tout est
nul Hormis les
bulles Hormis les
"tiques" Informatiques Et
robotiques Et
médiatiques Tout
hermétiques. Tout est
débile Et imbécile. Hormis les
sigles Où nos
bésicles Sont rivés ; Circuit
fermé ! Et tu nous
foules Et nous
refoules Et nous, on
coule... Pourtant
p'tit gars La vie qu'
tu as Tu nous la
dois ! L'avenir, tu
l'as, Alors
pourquoi Tu piaffes
comme ça ? Nous, on
rebrousse... Pourquoi tu
pousses ? Paule LEFEBVRE |
SOLEIL, CIEL |
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L'AMOUR |
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L'Amour, c'est une écoute, un regard, un sourire, Une épaule
qu'on offre, une main que l'on tend, Une impulsion
du coeur, un être qu'on attend, Emu, troublé,
fébrile, qu'on réclame, désire, Que l'on
appelle en rêve, que l'on sent, quel'on respire, Qui vous
habite l'âme, qui vous prend, vous surprend, A toute heure
du jour, de la nuit qui s'étend, Vous
transporte en l'éther - ô délices ! délire ! La cerise à
l'oreille, la rose en pâmoison Grande
ouverte en ses bras embrassant l'horizon Où
jaillissent des sources avec des Eve nues Qui procréent,
qui allaitent de bouclés chérubins A longs
traits s'abreuvant, leurs bouchettes goulues En forme de
baisers : les fleurs de nos destins. Pour qu'elles
vivent à jamais en nos coeurs. Jean-Claude FOURNIER |
PANTOUN A LA GRIFFE
MALAISE |
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Elles étaient quatre, étaient jeunes, étaient belles : Des fleurs respirant vie, joie, douceur, bonté, Le cheveu long, le cheveu court, sage, éclaté, Les sourires parlant autant que les prunelles, Des fleurs respirant vie, joie, douceur, bonté, De jolies primevères qu'on voudrait immortelles, Les sourires parlant autant que les prunelles Sur les quatre photos de l'actualité, De jolies primevères qu'on voudrait immortelles, Déjà des souvenirs, ombres d'éternité Sur les quatre photos de l'actualité : Les victimes tombées dans des mains criminelles, Déjà des souvenirs, ombres d'éternité, Pauvres Peggy, Audrey, Amélie, Isabelle, Les victimes tombées dans des mains criminelles. Bon Dieu ! que l'homme est triste, triste la société ! Jean-Claude FOURNIER Anthologie 2000 de la Société des Poètes
et Artistes de France |
EL CAMANETTE |
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Vos
l'connissez, vous l'camanette In
blinc-bonnet, l'fimme à Tintin Qu'al a si
cair boire inn'cainnette Et
berdouiller tout sin contint. Sitôt qu'ess
n'homme iest à s'nouvroche Al queurt par
ci, al jouqu'par là Et al s'in va
dins l'vosinoche Faire aller
s'linque aveuc éclat. Al vos
raconte les nouvelles Les
naissinc's et pi l'z'interr'mints Et si ça li
pass'pa l'cervelle Al
invintionne et al vos mint. El camanette
al racaquète In direut
inne affaire d'Etat Et sin long
minton i claquète Et patati et
patata. Al passe in
r'vue tous les minnoches Su
l'z'amourett's al dit sin mot Et su tous
les gins du villoche Al berdouille
à tir'larigo. S'n'homme ia
des treus à ses maronnes Al n'a po
l'timps d'faire sin mainger Mais l'peuff'
diape ia peur d'ess luronne Ah si Tintin
poveut cainger ! Et si dins
tout l'coron in crie I défind
s'fimm'comme in démon I souffert ed
ses mintiries Mais ia peur
d'avoir du ramon. C'est qu'el
camanett' n'est po bonne Et lorsqu'in
jour in l'interr'ra Personne i
n'mettra pou s'couronne In dira…vat-in choléra ! MORALITE : L'ti qui
marie inn'camanette In paradis in
devreut l'mette Pourquau
l'faire aller in infer A
m'mod'qu'iara assez souffert. CAMANETTE
: une mauvaise langue, dans la région lilloise. A Caudry, on dit
: inne quaterlinque ! LEONCE BAJARD |
EL COP D'COTTRON |
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Dins l' z'
invirons du quinz' d'a-oût El fiu Hinri
mo l'équimmette Aveuc el
fill' mo du brayou In minnoche i v' neut d'ess mette. C'éteut in
marioch' d'amoureux Qui s'aveutt'
cair ia bell' lurette Et qui s'
marieutt' pou ête héreux Et pou vir
clair à leus buquettes. Li iéteut
grind, deux mètes d'hauteur Aveuc in dos
comme inn e amelle Mais l' jonn'
fimm' sèque à fair'peur A côté d'li
c'teut inne arcelle Et in
plondeut l' fill' du brayou D'avoir pris
in parel colosse Tint pir'
pour li si c'est sin goût In diseut : al va prinn' quett' cosse ! Et veyez si
l' hazard iest grind Tindis qu'in
trinneut pou l' sécronne C'est l' fort
coloss' qu' iest toudis r'crind Et qui
fonflit dins ses maronnes. Ia eu beau
prinn' du fortifi-int Et fair'
croir' qui n' teut po malate I berloqueut
tout in marchint Et iest
dév'nu sai comme inn'latte. Tout comme du
burr'dins inn'païelle L'homme' fort
ia fondu sous l'arcelle Mais in
s'edminn' çou qu'ia bé eu Pour li avoir
si vit' quéu Et comme i n'
d' a toudis d' z' in ponne Pour ieuss'
savoir tout t'qu'à l'daronne Les méchint's
lins, dins min coron, Iont dit
qu'iaveut eu l'cop d' cottron ! LEONCE BAJARD |
IL
S’EN VA FAIRE S’PARTIE D’CARTES |
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Y’a ben
longtemps qu’les cloches alls’ont fini d’sonner Et de l’messe
déjà sortent les plus pressés. Lui, pourtant
r’monte l’rue de s’tiote allure tranquille, Son visage y
rayonne, dans son fond il jubile. Y’a laissé à
s’maison ; l’souci et les misères, De tout homme
qu’ya des tiots, plus qu’il n’a voulu faire. Peu bileux
d’arriver pour quand les autres y r’partent, Il s’en va
faire s’partie d’cartes. L’sortie
d’messe ch’est l’occasion de s’rencontrer On retrouve
ses amis, on échange des idées : sur les
betteraves, les sports ou bien les élections. Lui point
d’tout ça, comme un chien d’berger ses moutons, Il rassemble
les habitués, vite il les presse, Leur défend
d’faire une cigarette et il n’a d’cesse d’les voir
tertous assis à l’table ; Lui prend
l’place l’plus confortable, Et il crie en
voyant qu’y en a un qui s’attarde : On va-t-il
faire l’partie d’cartes ? A lui tout
seul faut l’place de six : il gesticule, Y’assomme ses
camarades à force qu’il les bouscule. Quand cha
n’va point à s’mode, il s’met fort en colère, Comme un
démon y’attrape par l’gorge son partenaire, L’appelle de
tous les noms, lui foutrot des chiros Parce qu’au
lieu du roi de pique, y’a joué l’valet d’carreaux. Des fois il
rit tellement qu’il va jusqu'à en braire, De toutes
parts, dans l’café, tout l’monde lui crie de s’taire. L’partie elle
s ‘anime mais comme tout y’a une fin, Chacun sur
les 2 heures, vers sa maison s’écarte Mais lui en
s’en rallant, s’il cait sur son voisin, Il lui
raconte s’partie d’cartes. Amis n’vous
moquez point, ch’est plus heureux d’la terre, A tous les
hommes il faut une saquo pour s’distraire. Ch’ti qui n’a
point d’défauts, y’a un gros vice caché. Lui n’à
d’autre ambition qu’une bonne manille coinchée Le dimanche
faites comme lui : oubliez tous vos peines Et v’nez cair
dans l’partie, du bonheur pour la semaine, Laissez donc
tranquillement votre femme déméler s’tarte, Et venez
faire une partie d’cartes. MARCEL
LESAGE |
ALLO ! J'ACOUTE |
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Jamais qu'
j'auros pinsé qu'ein jour el téléphone Cha s' rot
ein tiot boîtier, bleu, blanc, rouche ou bin jaune Qu'in pourrot
mett' dins s' poque ou dins l' fond d'ein cabas Et qui
n'importe d'ù, sonn'rot dins tous les cas. Ej n'ai pont
résisté, cha m' paraîchot bénache Ed pouvoir
d'ein seul cop archuvoir ein messache, A l' rue, à
ch' cabaret, arpintant ein trottoir, Qu'in seuche
indiminché ou bin dins sin peignoir. Fallot qu'
j'acoute ein' fos, ch'tot pour mi ein délice, Chés zotess
's proposot't des tas d' nouviaux services, Rin à dir' su
chés voix qui comm' dins ch' zavions, Arrivot't
attindries ! Ej n' n'avos des frissons. Pis au bout
d'ein momint, cha lass' comme i dit l'aute, Etoil',
diesse, appoïez... cha n'avot pu la cote, J' cominchos
à m' rind' compt', malgré m' n' air inochint, Qu' tout cha,
ch'est bin gentil, mais j' païos largemint, Su l'
compteur l'unité rapid'mint al défile Ch' tarif
n'est pont parel ! In n' n'a vit' pou des mille ! Alorss, ouai,
j'ai compris qu' ch'étot pont ein juet Mais j' sus
prêt à répond'... ch' ti qui veut, peut m'app'ler. Daniel CARLIER de Lambres-lez-Douai |
LES NOUVÉS SEIGNEURS |
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Il étoit antan, un joli bourg ceint d’une belle
forest. Moultes bourgeois et manants s’y promenoient sous les fraîches
ramures. Un jour le seigneur de ces bois fit ouïr aux gens du
bourg que la forest lui appartenoit et que personne ne pouvoit y entrer sans
son sceau. Onc les manants et les drôles ne purent plus s’esbaudir de ris et
de jeux. La forest étoit réservée aux plaisirs de la chasse. Le dimanche, des bourgeois aidés de manants
chassoient moultes bestes nenni pour se sustenter mais pour le plaisir
d’occire avec grands festins et ingurgitation de force cervoises et nectars
de la treille. Si vos créiez qu’c'est un conte du moyen ache vos
avez tort. Ca se passe d’nos timps : comme quo in n’a pos évolué su
tout. Comme dit Batisse : " in est tertous égaux à çou
qu’in dit. Mais à m’mote qu’y n’d’a qui sont pusses égaux que
l’z ‘eutes. C’est comme pou l’justice : si t’as du pouvoir t’aras
bocop pus d’chince d’tin sortir qu’si t’es un peuffe diape ". La Fontaine y l’aveut d’jà dit : " selon
que vous serez puissant ou misérable... ". Et bin çà n’a pos
bocop quigé ! DARONNES NOUVELLES Alors
in a un nouvé gouvernemint. Pindint l’quimpane y’a eu des promesses d’faites. In va bé vir si al s’ront
t’nues. C’est vrai qu’y a queute
chose qui n’va pos dins l’systinme police-justice. Quind inne tiote crapure y
vole les gins et que l’police o bé les guindarmes, y l’arrêtent y’est r’lâché
deux jours après et queuques feus, in pusse, y vié s’moquer des gins qui a
volés. R’marquez, mette tout l’monne in prison, çà n’peut
pas ête l’bonne solutian. Coù qui faureut, c’est obliger certains parints à
apprinne à leus infints à bé s’t’nir et surtout à n’pos tronner, à mi ché
rues les treus quarts de l’nuit. Quint à l’télé al n’est pos là pou arringer
l’z’affaires. Su la 6, le loft devient d’pusse in pusse débile. Les gins y
n’sont pos au courint qu’tout y’est prévu, tout y’est calculé d’avince. R’marquez, dins les lofteurs, tout l’monne y n’est
pos chinchin. Eximpe : l’eute jour un des jonnes du loft y diseut :
" su qu’on mangeait qu’avec des beaux mecs, beaucoup d’gens
mourraient de faim ". Et un eute lofteur y l’y’a répondu :
" Et s’y on n’mangeait qu’avec des cons y faudrait rajouter des
tables au loft ! ". Vos véiez qu’y a dl’espoir ! RUBRIQUE PATOISANTE DE JEAN-PIERRE LEFEBVRE |
LES LUTINS |
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Lorsque s’éteignent les lumières Et que la nuit tombe sur nous L’on voit venir des ténèbres Des petits lutins un peu fous A la lueur d’un ver luisant Ils grimpent sur un champignon Prenant celà pour le Mont-Blanc Dommage qu’il soit si rond Ils chantent à la deux, à la une Faisant huhuler la chouette Ils vont faire des galipettes Sous l’oeil séduisant de la lune On les voit autour de la mare Où se reflète dame blafarde S’étonnant de la voir dans l’eau Où chantent sans cesse les crapauds Quand Hélios menace l’horizon Pour venir dorer la moisson Le regardant tout attristés, Avec dame lune, vont se coucher Roger
DEVILLERS |
ABANDON... |
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Chacun de tes regards Comme ferait un poignard Me perce le coeur Empli de douleur... Je n'ai jamais su dire à quel point je t'aimais Je n'ai jamais su dire, je ne saurai jamais ! Depuis ton départ, je ne suis plus la même : Il me manque quelqu'un pour me dire : "Je t'aime". Tu n'effaceras pas de ta mémoire ton calvaire, Tu n'effaceras rien, tu appelais ta Mère. Ta maman était là, partageant ta douleur, Ta maman était là, près de toi, toute en pleurs. Il n'y a pas un jour où je ne pense à toi Il ya tant de jours où je suis en émoi. Tu m'as trop fait souffrir, mais je ne t'en veux pas ; Tu me feras mourir,... je ne t'en voudrai pas ! Depuis ton abandon, mon coeur bat la chamade Et par ta trahison, c'est moi qui suis malade Et j'ai si mal, et je pleure, personne à mon chevet. Dis-toi bien que c'est toi qui m'auras achevée ! Je ne connais pas ta compagne Qui, depuis quelque temps, t'accompagne. Je ne connaîtrai jamais l'enfant Que de toi elle attend. Je ne la connais que par son prénom. Je sais, il paraît que c'est un garçon... La mère de ton enfant ne saura jamais me remplacer Mais elle saura, sans doute, certaines plaies panser. Je sais, pour l'avoir rencontrée, qu'elle sera capable de
t'aimer. Je le sais, je le sens ; une mère ne se trompe jamais. Tu as décidé qu'à sa naissance, ton enfant, Au début de sa vie, n'ait que deux grands-parents. J'espère que ton enfant, un jour, Ne te privera pas de son amour. S'il n'avait plus besoin de ses parents, Tu saurais ce que je ressens ! Tu as fait ton choix Et c'était ton droit. J'espère cependant Que ce petit enfant Un jour ne fera pas de même Et que, toute sa vie, il te dise : "je t'aime !". Il serait bien que je m'en aille ! J'ai si mal dedans mes entrailles... Pascaline DAPVRIL-ANDREAZ A mon fils Jérôme... A mon petit-fils Axel... |
"POURQUOI J'AIME MA REGION DU NORD"… |
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Pour les perles de pluie offertes par le vent… Ce
vent du NORD qui souffle en prenant ce qu'il aime, En
laissant orphelins les arbustes souvent Et
la fleur en deuillée à l'abri de sa haine… Pour
la timide approche aux rayons du soleil Attendus,
tard venus, tout contre une fenêtre …, Quand
l'oiseau se remet à chanter au réveil Et
que le volet claque au jour qui vent de naître… Pour
l'enfant endormi qui rêve dans la nuit, En
sa maison douillette auprès d'une onde grise, Alors
que se reflète encor de ce vieux puits, L'or
du miroir de lune en tornade et en brise… Pour
le chant de la mer, lancé dans un appel Aux
falaises dressées comme un rempart de trêve, Ne
pouvant caresser, par chaleur ou par gel, Le
chevalement, seul…; et qui pourtant, s'élève… Pour
les chemins pavés qui viennent du moulin Aux
ailes de dentelle en fond inexplicable Avec
un champ de blé, parfois un champ de lin Qui
tiennent compagnie à l'orage implacable Pour
ce petit village au détour du sentier Caché
par la verdure où s'éclipsent des êtres, A
l'ombre d'une haie en espace fruitier Et
le long du ruisseau qui va d'hêtres en hêtres C'est
pour cela que j'aime, en mon pays du NORD Cette
diversité qui n'est pas sans surprendre Et
qui donne à chacun un aspect, un support Soutenant
les murets qui ne sont pas à prendre… Andrée COUVREUR CAMBRAI |
POEME que je t'écris, en couleurs |
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Je t'écris des verts en filigrane qui protègent leurs fruits jusqu'à la nuit tombante aux petits troncs tordus par des gestes hostiles des verts plus soutenus qui cachent des sommeils de marronniers soucieux de chênes qui déversent leurs grappes se languissant des serpes des ocres de muraille apprivoisant les nids dont chaque creux se nomme dans un mouvement d'aile Je t'écris des roses des violets des rouges somptueux qui bourdonnent baies gorgées de soleil qui appellent les lèvres et la soif Je t'écris le pastel quadrillé de pariades et chiffonnant l'étoffe pour asseoir sur la pierre le doute matinal l'azur de midi qui règle les silences jusqu'au milieu du jour et le bleu presque nuit qui verse en son mystère chuintements fraîcheur Je t'écris la lumière Muriel VERSTICHEL |
VIENS DANS MA MAISON |
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Si tu as froid, si tu as faim, Viens dans ma maison, Tu trouveras le gîte et le couvert, Et un grand feu brillera. Si tu as peur, si tu as mal. Viens dans ma maison, Tu trouveras la lumière, Et la douleur s'apaisera Si tu es seul, si tu pleures, Viens dans ma maison, Tu trouveras une amie, Et dans ses bras tu pleureras. Ma maison ouvre grande sa porte, A toi qui souffres, A toi qui as faim Si un jour le destin Te guide jusque là, N'hésite pas, franchis le pas, Viens dans ma maison. Chantal LEFEBVRE |
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BAIN DE JOUVENCE C'est une maisonnette aux jolis volets
bleus, Sur le bord de la route, elle sourit
quand il pleut. Elle s'offre aux regards, insouciante et
sereine, Je l'ai connue un jour où je traînais ma
peine. Un parfum de bonheur flottait dans le
jardin, Envahissait l'espace, imprégnait chaque
fleur. La vie semblait plus belle, illuminée
soudain, Par le rire d'un enfant, rayonnant de
douceur. Cascade cristalline, musique adamantine, Minois de chérubin aux yeux remplis
d'étoiles, Boucles brunes légères que la brise
taquine, Tout chantait l'avenir, sans soucis et
sans voiles. Le coeur aussi léger que des plumes au
vent, Peignait dans l'harmonie ce tableau
émouvant, Captait dans la lumière ce qui est
essentiel, Cette félicité éclaboussée de ciel. C'est une maisonnette aux jolis volets
bleus, Mon rêve inaccessible, mon espoir
fabuleux. Dès que je l'aperçois, parée de son
mystère, Je m'imagine en fleur, ourlée de rosée
fraîche, Poussée un soir d'été sur l'un de ses
parterres. Thérèse Fabian Dechy |
BERCK-PLAGE - LE TOUQUET |
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De
Berck-plage le Touquet jusqu'à Bray-Dunes se marient
vagues, miroir du ciel et dunes, au soleil du
nord couleur bronze un peu romantique où sous la
lune ses mystères secrets ont des chimères aquatiques. De Dunkerque à
Ambleteuse la marée gonfle et se creuse. Dans la lutte
contre le courant les vagues se meuvent, et son flot
caressant est la berceuse du nord. A son rivage
mouvant, les pêcheurs sont à son bord. Sable blanc
et vagues bleutées, plage envahie ou déserte et dans la
nue le vent du nord qui souffle à perte. Elle se perd
au vent du large comme un vol d'oies sauvages. Long ruban de
sable pâle, c'est la côte d'opale. J'ai connu
bien des ports, bien des rivages. Avec lutte
contre le courant, sous des cieux bleus ou d'orages mais rien ne
vaut la plus grande du monde : la baie de somme où la mer
pénètre dans le refuge des oiseaux : Mercanterre comme on le nomme. Quelquefois
sur les mers chaudes où le bateau ballote je ne peux
empêcher mon esprit de s'envoler sur la mer du nord, où il rôde lieu de mes
vacances, de repos, où mes secrets romantiques se méditent on se voit
partir en rêve aux découvertes, et que la beauté de ces lieux est bénite. La mer, par
ses ondulations magnifiques, devient contagieuse aussi ses
voisines les collines et les vallées qui s'enflent et s'abaissent sont
merveilleuses. L'oiseau bleu
frôle l'onde, les grands échassiers invitent au voyage au-dessus des
champs et des plaines vertes en grands trapèzes, et les plus beaux villages. Faites Dieu
que mon voyage vienne finir son cabotage, dans le nord
tout le long de ses longues plages. Et la mer que
je préfère, celle où m'a conçue ma mère c'est celle
du nord, où j'ai mis sac à terre. JEAN JACQUEMIN Alias JEAN CHARLES DE BEAUMONT et sa petite fille : NOEMIE. |
MARCHONS |
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La pluie sur les gens qui avancent Pour mélanger les différences, Peindre l'Amour sur le pavé. Marquer ce jour de sa présence Et donner aux chemins de France Ces petits pas d'Humanité. Oublierait-on la Liberté Quand pour tant d'autres elle disparaît Sous les mots armés d'un tyran ? Oublierait-on le temps d'un tour Les mains tendues de tous les jours Et l'avenir de nos enfants ? De toutes nos poésies, MARCHONS ! D'une même plume ECRIVONS Des mots d'Amour sur le pavé. Sous les vents de l'intolérance OFFRONS à nos chemins de France Ces petits pas d'Humanité. Olivier CATTIEAU |
AU PAYS DE MORMAL. |
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Ce sont, dans l'AVESNOIS,
des immenses troupeaux Qui broutent les herbages, l'été, dans les enclos ; Le long des HELPES claires, se côtoient les pommiers, Tandis que les agneaux bêlent dans les sentiers. Le soir, les herbagers, en attendant la nuit, Dégustent la bolée de cidre de pays... Bordant l'étroit chemin traversant les bocages, Les petites chapelles, dont la plupart sans âge, Témoignent la ferveur de ces vieux métayers, N'ayant pour tout loisir que celui de prier... Dans cet écrin précieux de verdure embaumée, Fleurissent au printemps jonquilles et muguets. Et venant de partout, l'été sous les ombrages, Les citadins affluent pour goûter le fromage, Ce fabuleux MAROILLES, dont le très grand renom, Sur la table des maîtres, a séduit la région. Dans les relais fleuris, tous viennent savourer Les flamiches fondantes, et le verre de poiré, Ecoutant avec joie ces bons vieux paysans Narrer leurs souvenirs en récits patoisants... Et puis, le soir venu, on se quitte à regret, Gardant le souvenir d'une belle journée. Dans les bois odorants, les chapelles sans âge Paraissent s'animer, découvrant leurs visages : Les gens de l'AVESNOIS, avec simplicité, Ont su trouver les mots, les mots qui font rêver... ... BEAU PAYS DE MORMAL, laisse couler longtemps L'eau sur tes vieux moulins aux rouages grinçants... Gisèle Houriez Macarez 3ème Prix "VISAGES
DU NORD" - ROSATI 1999 Poésie libre " |
LE GRELOT |
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L'on ne rencontre plus personne Pour attacher un grelot Au dénommé Rodillardot, Car tout le peuple Rat foisonne De gens prudents et avisés ; Pourtant le courage est prisé Chez la plupart d'entre eux… On en verra l'exemple. Un jour qu'un grand conseil se tenait dans un temple, Dans un temple de rats, je m'entends-, Et qu'on vantait en chœur les faits d'armes d'antan, Maître Rodillardot vint faire sa tournée, Ruminant dans son âme damnée Quel crime il pourrait accomplir ; Puis, lassé de sa marche, il se mit à dormir. C'est alors que l'on vit un gros rat débonnaire S'offrir pour attacher le grelot salutaire : Lui seul approcherait mais, si le chat bougeait, Tous iraient protéger savamment son retrait, Détournant l'attention de la bête surprise, Offrant mille objectifs, pas de cible précise. Ce projet plut beaucoup, l'on fit serments ; Le plan d'attaque fut prêt en quelques moments. Notre héros s'avance, Ajuste le licou ; Mais, pendant son absence, Dans la troupe beaucoup Reculent : la prudence Reparaît tout à coup. De sorte qu'à la fin de cette opération Le recul est total, pleine la défection ; Et, quand Rodillardot entrouvre la paupière, Il voit son ennemi offert à sa merci, Et crac ! d'un coup de croc fait mordre la poussière A l'impudent raton délaissé par ses frères. On dit que les humains n'agissent pas ainsi ! Yann VILLIERS |
REGARD |
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Toi femme sans visage à l'ombre du tchadri, Que de rêves de pleurs au creux de ton silence. A ton corps prisonnier j'apporte l'espérance, D'un coeur si fraternel, d'un sourire attendri. Toi femme de Kaboul j'ai mal à ta détresse, A tes yeux grillagés, à ton sort démentiel. Garde en toi sans faillir un reste d'arc en ciel, Bientôt de ton destin, tu seras la maîtresse ! Femme en robe d'esclave il reviendra l'été. Nous condamnons ceux-là qui se disent des hommes. Ils occultent la vie. Ils ont soif de royaumes. Ici nous cultivons la fleur de liberté ! Toi femme de là-bas j'ai l'âme visionnaire : Tu jetteras au feu tes sinistres atours ; Du voile de la peur déchiré sans détours Renaîtra le soleil au seuil du millénaire ! Geneviève BAILLY Poème plusieurs fois
primé. Avril 2001 |
LA JOCONDE |
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La Joconde a perdu
son sourire en voyant Le monde dispersé aux mains de la tristesse Et son regard si pur, parfum de sa jeunesse, S'est mouillé d'une larme, imperceptiblement. Entre le clair-obscur et le gris faux-fuyant Quel décor reste-t-il pour la moindre allégresse, Et jusqu'à quel refus de l'absurde détresse Faut-il aller pour croire, encore, au temps présent ? Telle une source en moi, j'ai capté le silence Et la mort, elle-même, est devenue absence Et depuis la Joconde a pansé sa blessure. Alors j'ai cru revoir, là, sur la commissure De sa lèvre, un semblant de mouvement très doux, Comme un amant fidèle au premier rendez-vous. Jean François SAUTIERE |
GRAINE D'ILLUSION |
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Dans la clarté des roses Mon coeur d'herbes closes A semé la graine d'été Au vent de l'amour ganté A la table de la mousse aimable J'ai mangé comme l'enfant La fraise sauvage des fables Le soleil riait dans son sang Sur les petits cailloux roux La graine à douleur béguine Epie le musée des bois fous Et songe aux moulins d'aubépine Je me souviens de ces jours Quand la reine et moi Avons gémi en émoi Pour la vie et pour l'amour. Saint
HESBAYES |
L'HIRONDELLE |
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J'ai vu passer l'hirondelle Dans les feuilles du matin J'avais mon coeur en elle A la volée du destin Le bonheur vient de passer Dans le ciel désolé Je suis son seul amant Jusque la fin des vents J'ai vu galoper ses ailes Aux musées du ciel Elle me tendait ses bras Comme celle qui m'aima Comme une fleur d'été J'ai connu la gaîté Qui baise le destin Pour mourir un matin. SAINT-HESBAYE |
Les lutins du TEMPS BLEU |
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Aux crépuscules blottis près des lunes Sous les lucioles envahissantes Au bord des jours électriques, S'affairent de curieux personnages De petite taille et d'esprit vif Ce sont les lutins du bleu… Ils bâtissent les rêves en châteaux miroitants, En tourelles grandioses, en palais marbrés En minarets somptueux… Un soir frangé d'incertitude Je suis allé trouver l'architecte Pour lui commander un village plein D'habitants rieurs, plein de petites filles, Avec des nattes et des taches de rousseur, Plein de gars coiffés de casquettes à oreilles… Depuis ce soir, j'attends les maçons et leurs fils à plombs… HERTIA-MAY 17 Mai 1977 |
JE T'AIME |
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Je t'aime Je t'aime comme le
vent avec son souffle,
ses caresses, ses folies. Je t'aime comme le
ciel avec ses nuages
qui déversent leurs larmes de pluie, dès que
ton regard les oublie. Je t'aime comme le
roseau qui se couche sur
ton épaule à la moindre
caresse de ton corps. Je t'aime comme la
prairie qui t'offre au
printemps ses plus belles fleurs sauvages
parfumées en été. Je t'aime comme
l'oiseau qui chante sur la
branche, pour sa bien aimée,
emprisonnée dans une cage dorée. Je voudrais être,
le vent, le ciel, la mer, le roseau, la prairie et l'oiseau, pour
toi, que j'aime et que je ne peux aimer qu'en poème. CHARLY WAL |
UNE
PERSONNE QUE J'ADORE |
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Mon
amie Christine Moi
qui vous estime Vous
méritez le bonheur Car
vous avez bon cœur. Vos
enfants vous aiment tant Qu'ils
ne deviennent pas méchants ! Malgré
vos malheurs Et
vos douleurs. Que
vous rencontrez Vous
les surmontez Où
trouvez-vous le courage Dans
tout ce carnage ? Vous
êtes très forte Et
claquez la porte Pour
vous faire entendre Le
droit de vous défendre. Vous
vous battez avec effort Et
sans le moindre remords Malgré
votre grande peur Vous
aurez tout en votre faveur. Vous
travaillez à vous épuiser Et
vous abîmez votre santé Pour
gagner quelques sous Quelle
vie de fou ! Quand
on se voit On
parle de soi Vous
me remontez le moral Certains
jours qui vont mal. On
se comprend beaucoup Car
on parle de nous Cela
fait beaucoup de bien Malgré
notre vie de chien. MARYSE
MARÉCAILLE |
LES VOLUPTES DU CHAT |
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Quelqu'un de proche, très
proche, m'a appris tout au long de ces onze années combien les voluptés
peuvent peupler notre environnement au quotidien. Les plus vraisemblables
sont celles du chat. Ces exemples réels, pris sur le vif, en sont la
démonstration. La volupté existe au quotidien ; odeurs, caresses... Il suffit
d'être attentif, d'écouter, voir, toucher ou entendre le message, respirer ou
humer odeurs et senteurs enivrantes, apprécier, sentir certains fluides... Soussi est le plus
dynamique des trois chatons de la portée, le plus glouton et le plus diable.
Aujourd'hui, c'est la découverte des habitants de l'herbe : mouches,
moustiques, puces, guêpes et frelons; une araignée tissant sa toile prépare
une embuscade. Le plus excitant pour ce chaton sera sa première proie, son
premier repas autonome et non lacté : un magnifique papillon aux couleurs
vives, aux ailes majestueuses. C'est une danse magnifique à observer.
Maladroitement caché derrière une touffe d'herbe, ses vibrisses en émoi, un
coup de patte après un léger bond et le papillon immobilisé crisse sous les
dents de lait pointues du chaton. Avec sa famille, il a élu
domicile dans les remparts du château breton : Sussigneaux. Dans ce site ombragé à
l'ombre du château, l'air embaumant les embruns du golfe, cette fratrie
féline est heureuse. Chacun observe les qualités de grand chasseur de leur
mère. Un jour, un visiteur d'une
dizaine d'années s'approche d'eux et choisit le plus gros des trois qui
ronronne de bonheur, lové dans les bras, reniflant le pull rempli d'odeurs
marines. Une autorisation demandée aux parents, qui, en vacances, hésitent à
s'encombrer d'un chat, mais le coup de foudre existe entre animaux et
humains... Alors, juché sur le cou de Bruno, intrépidement, nos deux compères
sont heureux et partent à l'aventure. C'est un feu d'artifice de
découvertes pour ce chaton qui d'instinct avec sa petite langue râpeuse lèche
l'arrière des oreilles, le cou, le coin des yeux. C'est ainsi que commence
l'histoire d'un joli Bleu de Prusse, baptisé à bon escient
"Sussigneaux". Ensuite, il prendra le diminutif de
"Soussi". D'un tempérament calme
mais très indépendant, il vivra sa vie de chat, uniquement en appartement. Si
quelqu'un peut témoigner des voluptés de l'existence, c'est bien un chat
heureux. Au quotidien, il en fait une démonstration sans mesure. Cela commence vers 3 H 30
du matin... Lové sous la couette du plus grand lit où il a élu domicile,
chaque nuit, c'est pour lui, après plusieurs heures d'un sommeil peuplé de
rêves aventureux, l'heure de la chasse... Il bondit en miaulant sur des
proies imaginaires... En l'occurrence des pieds qui ont eu la malheureuse
idée de déborder du lit et de prendre le frais... Stupeur du dormeur et cris
d'avoir été griffé et réveillé en sursaut. Heureux, riant dans ses
moustaches, il redevient silencieux et jubile : c'est réussi encore une fois.
Car, chaque nuit, Soussi invente un nouvel ennemi... Parfois il joue à la
guerre, avec des miaulements stridents qui résonnent dans l'appartement
voisin, joue à cache-cache ou à chat perché et entraîne avec lui un objet qui
se casse avec fracas et résonance dans le silence de la nuit, évoquant une
attaque guerrière. Parfois, il lui arrive de
faire un jogging entre les fleurs, se transforme en pelleteuse ou il gratte
son bac de litière de graviers jusqu'à le vider, heureux de faire régner la
pagaille jusqu'au milieu de la pièce. Il y ajoute un dernier ingrédient, un
petit arrosage odorant pour bien marquer la trace de sa vie nocturne. Agacé certaines nuits de
lune, il s'ingénie à faire ses griffes sur la porte d'entrée qui gémit sous
les lacérations des griffes ou sur la moquette murale. Toute cette animation afin
de réveiller ses maîtres, pas question qu'il soit le seul éveillé... Ceux-ci,
le pensant affamé, lui distribuent quelques croquettes, avec lesquelles il
commencera par jouer, les faire sauter sous le buffet, le pied de table,
imaginant une souris, puis se délectant et ronronnant. Repu, c'est avec la
plus grande satisfaction que, soixante minutes après, il viendra se recoucher
au chaud sous la couette pour un nouveau somme agrémenté de doux rêves. Un autre moment de la
journée, délicieux, est celui de la préparation du repas. Perché sur le buffet,
à quelques centimètres de la table de cuisson, il observe tous les gestes,
les va et vient : casseroles, ingrédients divers, une eau qui dégage de la
chaleur et de l'humidité, puis, l'instant sublime, l'arrivée de son plat
préféré fait palpiter ses vibrisses, ses yeux s'arrondissent, il tend ses
narines de gourmet... Une odeur délicieuse, celle du poisson, qui,
maintenant, va exhaler ses effluves, celles de la mer, en cuisant dans une
odeur de court-bouillon plein de fraîcheur. Pendant ces quelques minutes
d'attente impatiente, "Soussi" va, en miaulant de plaisir, utiliser
une gamme complète de sons gutturaux. Pour calmer son appétit aiguisé, il
faudra passer son assiette quelques instants au réfrigérateur pour lui éviter
une langue cloquée de brûlures... Après ce véritable festin de roi ou plutôt
de seigneur, notre chat s'endort allongé dans un rai de lumière filtrant
entre les plantes d'appartement. Nouveau sommeil de récupération, une
digestion dans une position alanguie. C'est un vrai bonheur. C'est ensuite l'heure de
la grande toilette, les ongles, les interstices entre les doigts, les
coussinets, un coup de langue par-ci, un autre par-là. On se demande comment
elle est toujours pendant toutes ces années, aussi rose, râpeuse et
voluptueuse. Un autre plaisir : se
rendre invisible quelques temps, en attendant que le panier soit rempli de
linge repassé, propre, sentant l'odeur de lavande et encore tiède de chaleur.
Avec les deux pattes avant, il pétrit le pull en mohair, fragile, qui domine
la pile et qui a été repassé le dernier. Il s'en fait un genre de
nid douillet, les manches en accordéon pour être plus confortable. Pas
désagréable cette sieste... Malgré les cris de la maîtresse de maison à son
retour ! La prochaine fois, il veillera à nouveau à se trouver par hasard
enfermé avec ce panier osier. Délicieux pour aiguiser ses griffes... Cela lui
fait la même sensation que pétrir le coussin de velours bleu roi, couleur
qu'il affectionne particulièrement. Un autre bonheur de
"Soussi" est de se faufiler sur le rebord de la baignoire pour
attraper de sa patte, tel un jeune enfant, la mousse blanche, légère et
vaporeuse du bain à la senteur de lavande. Cette fièvre durera
jusqu'à la disparition de l'eau. Qui a dit que chat échaudé craint l'eau
froide ? Il est évident qu'un jour, une seule fois dans sa vie, la paroi de
la baignoire étant glissante, il s'est trop penché et a immergé la moitié de
son corps, sous les cris de Bruno dont il a confondu le dos avec un arbre...
Téméraire, ce jeu était néanmoins un de ses préférés. Une photo sur le vif a
immortalisé cet instant d'humour. Une autre délectation est
de s'asseoir sur le bord du buffet, dans le but de faire de l'ombre au
poisson orange et argent, pas farouche, nommé Pacifique. Il vient faire des
bulles à la surface de l'aquarium, le chat se délecte en essayant d'attraper
les ronds à la surface. Une réelle complicité
existe entre ces deux animaux dans un environnement si différent. Soussi
semble parfois sous état d'hypnose devant les mouvements de faux baisers
successifs du poisson. Dialogue muet mais complice. Aujourd'hui,
"Soussi" n'est plus. Je rends hommage à sa tendresse et son Amour
de chat qu'il a si bien su faire partager avec ses nombreuses espiègleries... Françoise LELEUX |
WEEK-END D'AUTREFOIS |
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Samedi, jour de
patience : il faut être belle pour la messe dominicale ! Le savon noir est prêt, on
a fait chauffer l'eau de pluie du tonneau : shampoing, rinçage et séchage à
l'air libre : mes cheveux qui m'arrivent aux épaules, brillent, mais restent
désespérément, je ne dirais pas raides, mais souples : autrement dits pas "à
la mode". Une seule solution : le
fer à friser. Posé sur le poêle, Maman
surveille l'outil attentivement, la chaleur doit être juste à point : pour ne
pas brûler ce que sera ma parure de demain ! Et voilà la torture :
chaque mèche est entortillée de façon savante, surtout ne pas bouger. Les
"anglaises" se forment : je ressemble aux dames d'un autre siècle !
Combien de temps encore, cela va-t-il durer ? Pour moi, une éternité... Pour dormir, je dois
mettre sur la tête un filet à cheveux et remuer le moins possible dans mon
sommeil. Facile à dire !!!! Dimanche matin, je me
réveille rien qu'à l'odeur du café et de la chicorée, et surtout celle du
pain grillé sur le poêle. Vite, allons déjeuner, le beurre qui fond sur la
tartine : un régal ! Un régal, seulement les
jours où je ne dois pas prendre l'hostie au cours de la messe, car il faut
être à jeun ! Quelle barbe ! Enfin, si Dieu le veut, quoique je me demande si
ce n'est pas le curé qui a inventé tout ça.... La grande toilette est
faite, les oreilles et le cou inspectés, j'ai revêtu mes habits de
"sortie", je ne les mets que pour les grandes occasions. Ceux que
je porte sous ma blouse d'école ne sont plus très neufs et sont l'héritage de
mes soeurs. Et voilà que recommence la
séance de torture : on enlève la voilette destinée à laisser mes cheveux en
place pendant la nuit, on me brosse, on me peigne. Le résultat n'est pas mal
: me voilà parée d'une chevelure ondulée, toute fraîche et prête à partir à
l'église. Il est impératif que je ne
bouge pas trop dans la journée pour ne pas trop démonter ce qu'on a eu autant
de mal à édifier. Maman me donne un peu
d'argent pour la quête, un peu pour acheter des bonbons (il y a un magasin
pas loin ouvert le dimanche matin) : notre institutrice nous accuse parfois
de regrouper le tout pour les sucreries, moi, je ne le fais jamais ! Mais récomprense suprême,
comme je travaille bien à l'école j'ai droit à une grosse pièce pour mettre
dans ma tirelire, une vieille boîte en fer où papa a fabriqué une ouverture. Elle commence à peser
lourd, je ne l'ouvre jamais, mais un jour j'en ferai quelque chose, çà c'est
sûr, mais quoi ? J'avais pensé acheter un
cadeau pour la fête des Mères, mais Papa n'a pas voulu. Il m'a dit qu'un
bouquet de fleurs du jardin lui fera plus plaisir. J'ai été bien déçue,
j'aurais voulu manifester ma reconnaissance avec mon argent et avec quelque
chose qu'elle ne possédait pas, là, à portée de mains. J'ai compris maintenant
que c'est lui qui avait raison, car depuis je n'ai jamais été si heureuse que
lorsque mes propres enfants m'ont offert de ces colliers de pâtes et leurs
dessins maladroits avec leurs plus beaux sourires. Marie J. WANESSE 2002 |
A
MON D'CHEZ ALINE |
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De
l'époque de mon adolescence remonte à ma mémoire le souvenir d'une course que
je faisais chaque jeudi matin : Maman m'envoyait chercher du pain à la
Boulangerie DUFRENE. On disait "chez DUFRENE" ou "chez
LONGATTE", mais plus souvent : "à mon d'chez Aline" (Aline
DUFRENE était l'épouse d'André LONGATTE). Pour y être allé très souvent, depuis
l'époque du catéchisme de persévérance (l'année qui suivait la Communion
solennelle), j'ai intériorisé à la fois la topologie des lieux, les gestes de
ses habitants et l'odeur du pain de l'époque. J'entrais dans la cour avec mon vélo,
que j'appuyais contre une sorte de terrasse large d'un mètre environ et
établie en avant de chez Félicie. Pour accéder au magasin, il fallait monter
un escalier de cinq ou six marches en briques. Les personnes âgées s'aidaient
de la rampe de fer branlante, à main droite. On poussait une lourde porte de bois et
on pénétrait dans un couloir mal éclairé, au sol de carreaux rouges usés par
les passages répétés. Trois portes dans ce couloir. A gauche, celle d'une
cuisine-chambre à coucher, qui devait être l'habitation de Félicie. Celle-ci,
âgée, marchant difficilement et y voyant peu, traversait parfois le couloir.
Elle portait une très longue jupe (un "cotron") et parlait
rarement. Si Aline n'était pas au magasin quand le
client entrait, le bruit de la porte du couloir la prévenait et elle arrivait
de la cuisine ou du fournil. Celui-ci était situé au-delà du couloir et j'y
ai souvent pénétré pour porter du pain à cuire. Avec la farine blanche
obtenue en tamisant le blé concassé (oui, durant la guerre, le rationnement incitait
à la recherche de solutions, et l'imagination se conjuguait avec la
connivence de beaucoup), maman avait préparé de la pâte à pain (en allant à
l'école, au Cours Complémentaire de Caudry, je ramenais de temps en temps une
brique de levure du boulanger) et j'apportais cette pâte, enfermée dans un
torchon noué par ses quatre coins. Maman avait ajouté sur la pâte une ou deux
étiquettes de carton avec le nom de la famille, afin de pouvoir identifier
nos "pains blancs". Le boulanger plaçait cette étiquette sous le
pain avant la cuisson et elle y restait fixée. De ce fournil, mes souvenirs me
renvoient la vue du pétrin situé à gauche en regardant le four, sous une
verrière donnant le jour au jardin. Henri DUFRENE, un homme solide, bien campé sur ses
fortes jambes, torse nu, y pétrissait la pâte avec de larges gestes du bras. Le fond du fournil était occupé par le four. Lorsque
la porte en était ouverte, on pouvait voir les gros pains de quinze cents, les
petits pains et les baguettes, rangés sur les briques chaudes. C'est qu'alors
André LONGATTE enfournait : la pâte avait levé dans des moules en osier,
garnis d'une toile intérieure ; le boulanger retournait le contenu d'un
panier sur la pelle de bois et, avec une habileté que j'admirais, il déposait
la pâte à côté du pain précédant. Le four avait été préalablement chauffé au
bois et il faisait très chaud. Plus que l'odeur du pain cuit, j'ai le
souvenir de l'odeur chaude également de la farine. André LONGATTE portait un grand tablier qui avait dû
être bleu mais que la farine faisait paraître gris-blanchâtre. Il n'était pas
avare de plaisanteries. Mais revenons à nos achats. Aline donc, toujours
alerte et le mot aimable à la bouche, ouvrait le magasin. Je dis
"ouvrait" car la plupart du temps la porte vitrée du magasin était
fermée à clef – et la clef restait toujours dans la serrure – On entrait dans
une petite pièce dont le mobilier se résumait à un petit comptoir placé
devant la fenêtre donnant sur la rue et à un rayonnage en bois où étaient
empilés les pains et les baguettes. Au début du mois, on avait apporté les
feuilles de tickets de rationnement de la famille (A pour les adultes, J2, J3
pour les enfants et adolescents) et nos boulangers inscrivaient sur le carnet
qu'on leur présentait le nombre de pains emportés, mais ils n'étaient pas
très regardants sur le respect des rations. Entre le magasin et le fournil était une
fenêtre aux vitres opaques, par laquelle le pain chaud, sitôt défourné, était
avancé pour être rangé, d'abord dans un grand panier d'osier de forme
rectangulaire, garni lui aussi de toile blanche. Par la suite, après la guerre, le four
fut chauffé par les brûleurs à mazout, un pétrin mécanique compléta le pétrin
manuel et, dans la boutique, un autre rayonnage en aluminium prit place, pour
ranger entre autres choses, les paquets de biscottes. HENRI
MONTIGNY |
LE RENDEZ-VOUS |
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Il y a des années que cela dure ! A chaque
mois d'Août, comme dit la chanson, nous fêtons nos retrouvailles. Lui m'attend derrière le
laurier-rose, à l'abri du vieil escalier de pierres, dans l'espace qu'on
pourrait croire réservé au chien. Mais aucun chien ne le fréquente. Alors il
s'y installe, bien au frais, calé contre le mur, énorme, superbe, et secret. Une année, un jardinier
prétentieux tailla le laurier-rose. La présumée niche blanchit à la lumière,
et l'hôte de ces lieux s'en fut, fort dignement. Il se réfugia dans une cave
dont la porte béait. Il ne fallait surtout pas que quelqu'un l'y enfermât !
Aucune nourriture n'était à espérer là-dedans, même pas des insectes. Mais
qui oserait déloger le transfuge ? Il n'était certes pas méchant, mais il
inspirait une crainte quasi mystique. La famille vint le voir à
tour de rôle. Il ne se déplaçait guère. Mangeait-il ? et quoi ? Un jour Alain cria
victoire. L'animal avait vidé les lieux. On referma vite la porte derrière
lui. La voie était libre, allait-il rentrer ? On l'avait un jour installé dans
un seau, malgré la répugnance que chacun en éprouvait. Il en occupait tout le
fond. Même s'il n'en avait pas l'air, il avait bien cent ans ! Il y a dans la
cour un olivier de trois siècles, il ne les paraît pas. Il porte encore des
fruits, et, ma foi il n'est pas plus tordu qu'un autre. Notre crapaud pourrait
fort bien prétendre au grand âge biblique. Et comme pour accréditer cette
thèse de la longévité de notre héros, l'animal nous croisa, tout gaillard, en
route vers le havre récemment abandonné. Le laurier-rose s'étant un
peu avachi sous le soleil, le trou d'ombre avait repris son mystère et le
locataire avait réintégré. On l'appela Mathus,
diminutif de Mathusalem. Et notre vie reprit,
simple et tranquille, avec en prime, le soir venu, découpé dans une flaque de
lune, notre ami Alain, Noé des temps modernes, couvant sa créature, sereine
et hiératique. Nous nous revîmes l'année
suivante. Je trouvai à Mathus un oeil plutôt coquin, celui des vieillards qui
paraissent détenir toute la sagesse du monde et sourient dans leurs barbes en
vous considérant. Par contre sa peau verruqueuse l'était nettement moins.
Elle s'asséchait et prenait des allures de carapace. Et je me demandai si
elle n'éclaterait pas un jour, libérant cette masse molle et écoeurante qui était
un être vivant. Ce qui devait arriver
arriva. Des mouches odieuses et des fourmis avides me conduisirent vers le
cadavre à l'ombre du laurier. Ca grouillait de partout, le crapaud bien en
chair nourrissait bien son monde. Est-il vraiment possible
que ce soit là la fin inéluctable de tout un chacun ? Quelques heures plus tard
il ne restait plus rien. L'animal s'était sublimé. Même la peau,
s'identifiant au sol, avait disparu. Tout autour de ce qui fut la vie, une
autre vie éclatait de toutes ses sèves, de toutes ses couleurs, de toutes ses
brûlures. Et au milieu de ce tintamarre aveuglant, je crus entendre s'enfler
progressivement une petite voix coassante. C'est vrai, Mathus n'avait jamais
coassé ! Mais là c'était net, quelqu'un me parlait en langage batracien, avec
une voix d'avant la mue, une voix très haut perchée. J'en cherchai vainement
l'origine. Et je commençai à penser à un appel de l'au-delà, celui du monde
des anourés, l'au-delà même qui séduit les hommes. Peut-être les animaux ne
supportent-ils pas mieux que nous de rester dans l'ignorance de l'après-vie.
Peut-être réapparaissent-ils sous une autre forme ! Après tout, la
métempsychose est faite aussi pour les chiens ! C'est à ce point de mes
élucubrations peu rationnelles que je sentis bondir sur mon pied une
grenouillette toute menue, toute vive, effrontée. Et puis une autre, encore
une autre... Mon vieux Mathus, tu ne vas tout de même pas m'expédier toute ta
progéniture, c'est vrai que nous sommes sur les lieux de ta disparition, mais
tout de même... Ces insolentes petites sauteuses sont perturbantes ! Allez,
rappelle-moi tout ça, au nom de notre vieille amitié ! Ces galipettes ne sont
plus de mon âge ! Et bien, croyez-le si vous
voulez, les trois filles s'en sont allées, mutines, aguicheuses, vers
d'autres conquêtes plus adaptées. Et je suis restée rêveuse devant le
mausolée du vieux Mathus, du moins de son emplacement. Alors il fut décidé de
meubler l'espace. Je veux dire d'installer un chien sous l'escalier. Le
premier qu'on attacha, la première plus exactement, s'appelait Olga. Elle
nous fut reprise, c'était une chienne truffière qu'on nous accusa d'avoir
volé. Le second, Roméo, rompit ses chaînes et retrouva sa Juliette
vraisemblablement. Quant au jeune Filou, il ne résista pas à un soi-disant
chien-loup, ou un loup tout court. On le retrouva mort et déchiqueté. C'en fut fini des chiens
et la niche demeura vide derrière les lauriers-roses. ... Jusqu'au jour où,
planté sur son séant, le regard provocateur et les flancs battants, un
nouveau Mathus affirma sans ambages son droit de nouvel occupant. Notre
silence fut considéré comme un consentement tacite et pour entériner ce
contrat unilatéral un coassement étrange remonta des profondeurs de la bête
avec des accents de tuba vibrant. La citadelle était
reprise. Tout rentra dans l'ordre
du monde, un monde où chacun a toujours sa place, et où il y a toujours une
place pour chacun. Nouvelle de
Paule LEFEBVRE |
UN PRESENT DE VALEUR |
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"Partez en avant, je vous rattraperai
en jeep !", avait proposé Rémi à ses camarades tandis que les voyageurs se
hâtaient vers le littoral pour ne pas manquer le coucher de soleil derrière
le vieux temple. Affolée, une femme venait
de harponner le petit groupe de Français qui sortaient de l'hôtel : elle
savait que les touristes apportaient dans leurs bagages de nombreux remèdes
qui guérissaient à peu près toutes les maladies. Son fils délirait au fond de
leur paillote. La Balinaise avait déjà perdu de la même manière deux de ses
enfants, et celui-ci, consumé par la fièvre, semblait vouloir rejoindre ses
aînés. Le seul médecin qu'elle connaissait habitait à la ville, bien trop
loin, et la femme avait mis ses derniers espoirs dans le savoir et les
drogues des étrangers venus de l'autre côté de la mer. Rémi avait tout juste
terminé ses études de médecine ; il lui avait suffi d'un instant pour prendre
la décision qui s'imposait, faire l'impossible pour sauver le bambin qu'il
trouva recroquevillé sur une natte élimée. S'il diagnostiqua une
banale entérite, il fut beaucoup plus inquiet concernant la fièvre qui
grimpait dangereusement. Il administra au petit malade des antibiotiques en
doses fragmentées et, pour faire baisser la température, enveloppa le corps
brûlant de serviettes mouillées. C'est ce qui sauva Moussi. Le père, jusque là prostré
dans un coin s'étira avec un long soupir ; pour la première fois la mère
sourit. L'enfant, le front couvert d'une fine rosée de transpiration,
reposait, blême, mais apaisé. S'il vivait c'était, les pauvres gens le
comprenaient, grâce aux soins dispensés par l'étranger ; les cachets miraculeux
avaient réussi là où les médecines à base de plantes avaient échoué. La Balinaise essuya une
larme sur son visage d'ambre, et le père étreignit avec force les poignets de
Rémi. Ason tour, le jeune homme eut un élan de gratitude envers la providence
qui lui avait permis d'éloigner le pire, du moins temporairement. Aussi,
trois heures plus tard, était-il encore au chevet de Moussi. Maintenant que la nuit
était tombée, ses amis avaient terminé sans lui leur excursion, et le soleil
ne l'avait pas attendu pour s'estomper dans une féérie chaque jour
renouvelée. Le voyageur n'en avait aucun regret, il aurait bien l'occasion de
voir le temple un autre soir. Le lendemain, Rémi
retrouva ses camarades sur la plage, leurs plaisirs, leurs jeux et leurs
habituelles plaisanteries. Mais il pensait encore au regard angoissé des
parents, aux yeux clos de l'enfant qui avaient failli s'ouvrir sur un autre
monde. Il ne pourrait oublier cela pas plus qu'il n'avait osé refuser ce
matin, alors qu'il venait prendre des nouvelles, le présent que les Balinais
s'étaient entêtés à lui offrir. C'était le seul élément
décoratif de la paillote, et ils semblaient y tenir beaucoup : une sorte de
plat, suspendu depuis toujours au mur de torchis. Les bords, très oxydés, en
étaient rehaussés de curieuses ondulations et l'on pouvait déceler, sous la
crasse et le vert-de-gris, d'élégants entrelacs... un plateau, peut-être, à
moins que ce ne fût un ancien bouclier ou un objet rituel pour apporter des
offrandes aux dieux ; c'était à coup sûr un trésor pour ces bonnes gens ! L'homme l'avait essuyé
religieusement de ses paumes gercées par les travaux dans la rizière, puis,
l'ayant emballé dans un journal, l'avait mis, presque de force, entre les
mains du jeune médecin. A leur hôte, la mère avait
laissé entendre, dans son jargon ponctué de gracieuses mimiques, que leur
sauveur ne partirait pas sans ce présent qui constituait visiblement toute
leur richesse ; et Moussi, un peu pâle encore, avait approuvé avec un
merveilleux sourire. Rémi n'osa ni les peiner
ni les offenser et repartit vers l'hôtel, son paquet sous le bras. Par la
suite, et tout au long du trajet, il trouva bien encombrant ce surcroît de
bagages. Il se promit pourtant d'astiquer l'objet à son retour en France et
de l'exposer en bonne place, en souvenir de Moussi. Puis il l'oublia, absorbé
par la rédaction de sa thèse. Bien plus tard, il
retrouva l'emballage jauni et en exhuma le présent des Balinais. Il voulut
alors le décaper et, l'ayant débarrassé de son enduit verdâtre et crasseux,
il crut bien mourir de rire en reconnaissant l'enjoliveur d'une antique roue
de voiture ! Nouvelle de Denise DUONG PRIX DE LA VILLE de TALANGE |