SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N°22
Mai-Juin-Juillet-Août 2007
Illustration BD page 2
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Patrick MERIC
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JEUNES |
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Tu es dans
mes plus beaux rêves page 3
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Stéphanie
BONNEVILLE |
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De ma fenêtre j’ai vu page 3
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Ecole Ferdinand Buisson |
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Grand-mère page 4 |
Danielle ETHUIN |
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Le Mexique page 4 |
Thomas WANESSE
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Les vacances page5 |
Fanny CANONNE
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Le papillon doré page 6 |
Ophélie BRASSELET |
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La vie page6 |
Océane BERTHIER |
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HUMOUR ET PATOIS |
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Ches crayons d’ couleur page 8 |
Daniel CARLIER |
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Nénette, m’tourterelle page 8 |
Jean-Pierre LEFEBVRE |
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Ein’vie page 9 |
Jacques HUET |
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Le safari page
10-11 |
Hector Melon d’Aubier |
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Comme il était charmant page 12 |
Anonyme |
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Paparazzi page 13 |
Grasjacqs |
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Ches œufs d’ech’remet page 14 |
Georges RATEL |
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ADULTES |
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Maman page 15 |
Guislhaine LAURENT |
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Si tu te sens malheureux page 15 |
Thérèse LEROY |
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Lever du jour page 15 |
Henri LACHEZE |
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Alice au pays des pauvres page 15 |
Marie-Antoinette LABBE |
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Les inutiles page 16 |
Paule LEFEBVRE |
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Les fleurs de mon jardin page 17 |
Marcel LESAGE |
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Aucun reproche page 18 |
Christelle LESOURD |
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Claude BOISSE |
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Chez papi-mamie page 19 |
Jacques MACHU |
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La vérité page 20 |
Maryse MARECAILLE |
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L’amitié page 21 |
Michel MELY |
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Le temps page 22 |
Yann VILLERS |
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Frères jumeaux page 23 |
Charles-Jean JACQUEMIN |
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Inspiration page 24 |
Jean-François SAUTIERE |
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Lumière toxique page 25 |
HERTIA-MAY |
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Il y a la télé page 25 |
Brigitte CAPLIEZ |
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Désillusion page 26 |
Geneviève BAILLY |
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Mariage page 27 |
André NOIRET |
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NOUVELLE |
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Le buffet page 28 à 32 |
Brigitte COGEZ |
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* Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire. |
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TU ES DANS MES PLUS BEAUX
REVES |
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Mes yeux se ferment doucement, C’est là que pour moi tout
recommence, On se croirait dans la réalité, Mais on ne fait que rêver. Le ciel est bleu et sans nuages, C’est là que j’aperçois ton visage, Tu me regardes comme personne ne
l’a jamais fait, Tu me regardes comme si tu
comprenais. Dans mes rêves, Je te donne rendez-vous, Dans mes rêves Je ne veux voir que nous, Si je rêve, C’est pour trouver l’Amour, Quand je rêve, J’écris ton nom en lettres de
velours. Stéphanie Bonneville |
De
ma fenêtre… |
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LE MEXIQUE |
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Le Mexique est un pays où il
fait très chaud le jour mais il fait très froid la nuit. Moi, je voudrais bien aller vivre au Mexique. . Au fait je m’appelle Thomas Wanesse et j’ai 9 ans. Je sais qu’il y a quelques
maisons ou des huttes en paille. Le Mexique, sur
nos cartes, il se situe entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. J’habite à Caudry dans le Nord. C’est loin le Mexique de
ma ville, mais c’est mon
rêve. Et là-bas je
ferai bâtir un restaurant et je l’appellerai LE MARIN. Et bien sûr
j’aurai une maison et une hutte. J’adore le Mexique !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Thomas
Wanesse |
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LES
VACANCES Il était une fois Samantha, la fille du
directeur de l’école, qui habitait à Paris. Un jour,
ils partirent en vacances en famille. Ils partirent en Australie pour aller
voir leur famille. Mais malheureusement, le jour où ils arrivèrent devant
chez leurs grands parents, le père voit la maison vide. Alors, que font-ils ?
Ils vont à la mairie. Puis à la mairie on leur dit qu’ils
sont repartis vivre à Paris leur ville natale. Alors Samantha dit à son père que s’ils sont repartis à Paris c’était
peut-être pour nous voir. Donc le père téléphona à sa mère. Et sa mère
répondit au téléphone et lui demande où ils étaient passés. Le père lui dit
qu’ils sont en Australie pour les voir ! Puis il
leur dit qu’ils vont prendre le prochain train pour
revenir à Paris. Alors sa grand-mère lui demande à quelle
heure était le prochain train. Et il lui répondit : ce soir vers 17 h.
Donc, il lui dit : à tout à l’heure. Puis ils prennent le train pour rentrer à
Paris. Ils attendirent plus d’une heure, puis il
entrèrent à leur maison pour voir leurs grands parents. Et les grands parents
restèrent vivre à Paris auprès de leurs enfants et petits enfants. Tout est
bien qui finit bien ! Fanny Canonne – 11 ans |
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LE PAPILLON DORÉ Il
était une fois un petit papillon doré. Il
volait autour d’un château sinistre, et il était heureux. Mais
un chasseur l’a capturé. Et
le chasseur l’a enfermé. Pendant
un an, il resta prisonnier. Tous
les jours il mangea de la bouillie, et il lisait des livres. Mais
sa famille était très triste, et l’aîné de la famille, Estéban, décida de
partir à sa recherche. Il
traversa les bois, la forêt, et le lac. Soudain,
il voit un château sinistre, il entre et voit son papa. Il
le délivra mais le chasseur était derrière lui, mais c’était un géant. Le
papillon doré s’est battu et arriva, avec sa grande matraque, à assommer le
géant. Et
il voit encore une autre cage où il y avait une belle fille papillon. Elle
s’appelait Zia. Ils
tombèrent tout de suite amoureux. Ils
se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Ophélie Brasselet – 10 ans |
La Vie |
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C’est un cadeau du Seigneur et de nos parents car c’est notre mère qui nous met au monde. Le plus
beau cadeau qu’on donne à nos parents est celui de notre naissance et de les aimer, car ils nous aiment, faisons-en autant. Océane Berthier |
Page 8 |
CHES CRAYONS D’ COULEUR |
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« Ein’ couleur cha n’
fait pont ein homme ! » Qu’al dijot l’ mère à sin
gamin Qui barbouillot d’sus ein cal’pin L’ tiêt’ souriant’ d’ein viux bonhomme. « A m’ mode équ’ pou ein gintilhomme, Y’ a faut qu’ du blanc qui li va bin ! » « Ein’ couleur cha n’ fait pont ein
homme ! » Qu’al dijot l’ mère à sin gamin. …Et ch’ timps i-a rindu polychrome El visach’ de ch’ concitoïen ; Madam’ natur’ v’not tout duch’mint Ed confirmer à ch’ tiot, in somme, « Ein’ couleur cha n’ fait pont ein
homme ». Daniel Carlier |
NÉNETTE, M’ TOURTERELLE |
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L’histoire que j’ vas
ci vos raconter all est absolumint authintique. A c’ timps-là
j’armeureus dins un tiot villache, près d’ Caudry. J’aveux in appartemin au
prinmier étache d’inne école. Un jour qu’in dineut, vlà ti pos qu’ sur l’
rabas de l’ fernette ouverte vié s’ poser inne tiote tourterelle. J’
m’avince, a n’ bouge pos. J’ pose un morcé d’ truche su l’ rabas. A n’
débuque pos et sins s’occuper d’ mi al miu. L’ lind’mon al est
carrémint v’nue picorer les miettes ed pon su l’ tape d’ cuisine. J’ai
imprinté inne cage à moinets et j’ai mis d’dins inne tiote assiette aveuc d’
l’é et inne eute aveuc des grons d’ blé. Hé bé al est armeurée pou l’ nuit,
l’ porte de l’ cage ouverte. L’ lind’mon j’ai
ouvert l’ fernette. Al s’est involée vers les bos. Tous les jours à six
heures du soir al arriveut et al rintreut. Pindint que j’
soupeus al v’neut s’ poser su m’ terte et après s’ête bé rimplie l’ gésier al
s’in alleut s’ jouquer dins l’ cage pou passer l’ nuit. J’ l’aveus applée
Nénette et quind j’ l’appleus al arriveut aussi sé. Un soir j’ai eu bo
l’appler, alloter inne boîte aveuc du gron comme in fait pou faire rintrer
les coulons, pus d’ Nénette. Des années après j’ai appris qu’un ébreute y
l’aveut attrapée et infrinmée dins inne cage. Aujourd’hui, quind j’y r’pinse
je n’d’ai cor du meu à min couair.
Jean-Pierre
Lefebvre |
EIN’ VIE |
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J’ai connu ein pays plein d’eun’ poussière qui arcouvrot cheul tierre, ches fleurs, ches apes et minme l’ carr’lache ed ches masons. J’ai connu chl’école communale d’ù qu’in étot 40, 45 élèfes par classe. Aveuc deux tiers ed tiots polonais qui, à 6 ans, parlotent à peine l’ Français, mais qui, 8 ans pu tard, savotent tertous lire, écrire, compter et canter l’ Marseillaisse et l’ Pays d’Artois. J’ai connu ches ‘grandes vacances’ qu’in passot à courir dins ches camps et ches bos aveuc, pou seule corvée d’ ram’ner des sacs d’hierpe pou ches lapins. J’ai connu ches séances ed cinéma, l’ diminche après midi, assis à ches premières plaches, d’vant chl’écran, riant comme des bochus d’ ches fardaines d’ Laurel et Hardy. Ou claquant nou bottines su ch’ plancher au rythme d’ ches batalles inter comboys et indiens. J’ai connu ches leçons d’ catéchisme l’ Jeudi matin, et chl’inquiétude au momint de l’ première confession à ch’ prête qu’in n’ véyot po derrière cheul cloison d’ bos ajourée. J’ai connu l’ fierté d’ communier pou l’ première fos, aveuc cheul drôle ed sinsation dl’hostie, qu’in n’ devot po mâcher, mais qui restot collée à ch’ palais. J’ai connu ches premiers émois quans sin r’gard croise ch’ti d’eun’ fille qui n’ baisse pos s’z yiux et qui sourit. Mais aussi ches premières palpitations du cœur à l’ lecture de ch’ billet d’amour, apporté par ein comarate qui servot d’ facteur. J’ai connu l’ joie sans parelle d’ cheul première baisse dins chl’obscurité d’eun’ salle ed cinéma et de ch’ momint d’ù qu’in ose infin… J’ai connu l’ désolation d’ mai 1940. Quand ches gins traînant leu baluchon et leu marmalle, s’in allotent à l’avinture, affolés par l’invasion all’mande et par ches Stukas qui faisotent des cartons meurtriers dins cheul foule désimparée. J’ai connu ches années ed misère et d’ peur d’ù qu’in faisot la queue pou acater à minger aveuc des tickets d’ rationn’mint. D’ù qu’in acoutot l’ BBC et M. Schumann s’imploïant à intret’nir l’ moral d’ ches populations invahies qui mettotent leus espoirs dins ein Général De Gaulle et dins ches Forces Françaises Libes aux côtés d’ ches alliés. J’ai connu l’artraite des vainqueurs d’hier, à pied, à vélo, in carette à qu’vaux, soldats mal rasés, usés, affolés guettant ches coins d’ rues, les tots des masons, ches incoignures ed portes d’ù qu’ pouvot partir soudain, l’ cop d’ fusi d’ ches FFI. J’ai connu l’ délire de l’ Libération aveuc l’arrivée des tanks inglais et américains, distributeurs d’ chewing-gum, d’ cigarettes blondes et d’ boîtes ed boulibeef. Momints d’ivresse qui ont vu l’artour d’ ches bals –interdits pindant 4 ans- tous les jours dins tous ches villaches. Momint d’ivresse grâce à chl’accordéon qui armettot au goût du jour, ches valses, polkas, tangos, pasos d’avant-guerre, avant d’ commincher à subir l’ trompette et l’ saxo rythmant ch’ Be-Bop que l’z américains avotent am’né aveuc euss’. J’ai connu, apeuré, l’ première deschinte au fond de l’ fosse, dins l’ cage qui simblot aspirée par ches profondeurs obscures. J’ai connu ch’ métier qui n’arsonne à aucun aute, fait d’ courache, d’ volonté, d’intr’aide, d’ momints… d’ contint’mint, d’ rache, d’inquiétute. Mais aussi de l’ joie d’artreuver, après 8, 9 heures passées dins l’z intralles de l’ tierre, l’ solel et l’ demi d’ bière qui gliche délicieus’mint dins ein gosier impoussiéré après l’ dernière goutte d’ café de bout’lot trop vite vidié. J’ai connu l’ temps du régimint aveuc des comarates qui d’viennent comme des frères, et des tiots chefs vicieux qui n’ savent po quo invinter pou humilier des gins parels à euss’ et qu’i n’ fait’t qu’ passer intre leus mains. Mais aussi des viux gradés qui s’ conduitent comme des pères ed famille après avoir roulé leu boche sur des tas « d’ théates d’opérations » d’ù qu’i’z arvénotent souvint meurtris dins leu chair ou dins leu âme. J’ai connu l’ bonheur d’ fonder ein foyer aveuc po gramint d’ sous mais des tonnes ed tindresse et d’amour. Aveuc aussi pu vite qu’ prévu l’arrivée d’ nou premier garchon. Evèn’mint qui m’a valu tout plein d’ félicitations de l’ part d’ mes copains d’ouvrache et d’ ches deux familles n’ perdant po d’ vue qu’ cha s’rot naturelmint l’occasion de s’ faire rincher l’z amydales à l’oeul. Alors que, tous comptes faits, l’ mérite arvient ed drot à chl’épouse qui a consacré 36 s’maines de s’ vie à l’ fabrication de ch’ tiot qu’al est heureusse d’offrir à s’n homme. J’ai connu ches momints d’ joie, ed décourag’mint, d’émotion qui jalonnent eun’ carrière professionnelle, doublée d’activités syndicales et politiques. Aveuc, in supplémint, ches contraintes volontair’mint acceptées d’ein correspondant d’ presse. Toudis à l’affut d’ l’actualité et ches évén’mints locaux qui arflètent l’ vie et jour après jour, mos après mos, écrivent l’histoire d’ ches tiots pat’lins qui fait’t rar’mint la une d’ ches jornals télévisés. J’ai connu l’ vie trépidante d’ cheux qui s’ dévouent pou essayer d’ faire partager chl’idéal qui l’z anime, pou défindre des comarates qui crit’t au s’cours, pou donner ein cop d’ main à cheux qui sont dins l’ brin. Avant de s’ rinde compte, bin pu tard, qu’ ch’étot au détrimint de l’ vie d’ famille qui a ténu l’ cop, malgré tout, grâce à l’abnégation de chl’épouse. J’ai connu l’apais’mint qu’apporte l’ vie d’artraité permettant d’ faire l’ point su l’z évén’mints qui ont marqué eun’ vie bin rimplie d’inthousiasmes, d’ projets réalisés, d’espoirs déçus. Façon d’ vive qu’in a forgée à s’ mode et qu’in n’argrette po forchémint. V’là tout chu qu’ j’ai connu d’pu qu’ j’étos in âche ed comprinte et à près d’ 70 ans, i m’ resse telmint d’affaires à connaîte. Heures’mint ! Jacques Huet |
COMME IL ETAIT CHARMANT Auteur anonyme |
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Paparazzi. |
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De dérives de
vieux beaux Pour magazines à
scandales Aux galipettes de
stars De derrière les
fagots En passant par
les excentricités Des vieilles
rombières Rien n’échappe à
la longue focale De sieur
paparazzi Qui raffole des
lazzis Et dégaine sa
noire rapière Explosive comme
mille pétards Pour du fourreau En sortir D’intrigantes
images Et c’est vraiment
dommage Dont raffolent
certains oiseaux De proie Qui n’ont ni foi
ni loi Proie facile en
vérité A la merci du
reflex numérique C’est bien là
qu’est le hic Que ce voyeur de
l’ombre De scrupules
point ne s’encombre Et fasse
rejaillir en pleine lumière Les travers de
l’intimité Des âmes bien
nées Qu’on le veuille
ou non Paparazzi s’est
fait un nom Et a du chien
comme du nez Il vaut mieux en
rire. Grasjacqs |
CHES ŒUFS D’ECH’ REMET |
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El’
vie a ben cangé ! Dins l’temps, intre voèsins, in s’disot bonjour…. Chés
cinsiers y s’ donnotent in cop d’main
quand el’ grosse batteuse al arrivot dins ch’ villache….. L’hiver, in
allot al soirée à mon d’ chés voièsins. Chés hommes y jouotent aux cartes, au
piquet, al’ manille, au carabin… pindint qu’chés fèmes y papototent et
qu’chés gosses y s’amusotent à faire des carrioles avec des boëtes d’amidon
et des bouchons copés in rondelles. Dins l’temps, chés jones y n’mettotent
point l’ fu à chés poubelles comme ach’ t’heure. Pét’- êt’ parce qu’y n’avot
point. In j’toés chés détritus ed’sus fien au fond d’ech’ gardin, ché
éplucures ed’ légueumes, chés chindres d’el’ kéminée ed’ fu d’ bos, chés
coquilles d’œufs…. Et puis’ qu’in parle d’œufs, ech vos vous raconter in
histoère….. Quind
j’étos gosse, in jeudi, (à ch’ timps lo, in n’fesot point l’école el’ jeudi),
in arvénant ed’ querre ech’ burre dins eune cinse à l’aut’ bout d’ech
villache, dins in remet (*), j’avos trové quat’ œufs d’ glaine. Ech’ les avos
mis dins min béret pour n’ point les casser et j’ les avos rapportés al mason
in pinsant qu’in auro pu faire eune bonne om’lette aveuque. Ché point du tout
comme cho qu’cha s’est passé ! Em’ mère a s’est mis in prousse, dijant
qu’in n’étot point des voleux et qu’y fallot qu’j’aille arporter ché œufs lo
où j’ les avos trovés, ce qu’ j’ai fait illico-presto. Ed’nos jours, j’
n’cros point qu’ cha passerot incore comme cho : Ech pinse qu’in prindro
chés œufs et pis, si possip’,…… el’ glaine aveuque ! (*)
Remet : espace entre deux maisons. Georges RATEL CROISILLES 2006 |
MAMAN… |
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Au clair de la lune, Prête-moi ta plume, Que je te pare d’or, d’étoiles ou
d’argent, Pour briller dans le firmament. Mais aussi belle que tu puisses
devenir, Jamais tu n’égaleras l’éclat du
sourire, De celle qui emplit mon cœur Chaque jour d’un grand bonheur, Tu l’as bien compris évidemment : Je parle de ma maman ! Maman, je t’aime… Guislaine Laurent Institutrice - Ecole Saint Michel de Caudry |
SI TU TE SENS MALHEUREUX |
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C’est quand l’enfant devient ado Que sa
mère se sent vieillir C’est
quand il trouve sa promise Que sa
mère se sent laidir C’est
quand l’ado devient adulte Que sa
mère se sent faiblir C’est
quand le fils quitte le foyer Que sa
mère se sent partir. Nos enfants ne nous appartiennent pas. Ils
sont juste une partie de nous Qui se
détache à plus ou moins longue échéance Comme
un fruit qui mûrit peu à peu. Et un
jour ils s’en vont pour de bon Plus
ou moins douloureusement Comme
une seconde naissance. Thérèse LEROY |
LEVER DU JOUR |
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Chemise de la
nuit, Abandonnée
jusqu’à ce soir. Craquent les
os du jour ; l’aube s’étire. Réveille-matin
piailleur Des oiseaux
déjà vaquant, A leurs gammes
et querelles ; Rosée sur la
frimousse, Petits brins
de toilette, Un fond de
coquelicot Sur les joues
des prairies ; Coup de peigne
aux blancs nuages En coup de
vent, Et sautent les
ruisseaux, Courant comme
beaux diables Aux
rendez-vous des confluents ! Et le voici
enfin, Lui, le Soleil, Vraiment très
Grand Seigneur, Qui fait le
paon à la queue d’or Et ouvre grand
la bouche, Nous baillant
belle sa lumière ! Henri
Lachèze |
ALICE
AU PAYS DES PAUVRES |
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Des placards privés de café Des étagères dépourvues de douceurs Aucune bûche dans le foyer Pour ce feu qui se meurt Froid et misérable Le petit logis d’Alice Chaud et inimaginable Le grand sourire d’Alice Marie-Antoinette Labbe |
LES INUTILES |
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Ils
se lèvent…mais pour rien. Ils
se préparent…pour personne. Ils
attendent…mais en vain. Ils
écoutent…nul ne sonne. S’intéressent
volontiers A
ceux qui les entourent
Mais
ceux-là sont des sourds Pour
qui ils sont casse-pieds Voudraient
bien entreprendre, Et
créer et bosser Au
grand œuvre du monde, Voudraient
participer, Et
au progrès prétendre. Pas
de problème, dit-on ! Qu’ils
restent donc tranquilles ! Ce
sont les inutiles. Paule LEFEBVRE |
LES FLEURS
DE MON JARDIN |
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Il y a des fleurs dans mon jardin Qui m’accueillent tous les matins. Les perce-neige, le forsythia Me disent que l’hiver s’en va. Les narcisses et les jonquilles, Sans cesse, étendent leurs familles. Les boutons d’or, sans permission, Envahissent mon estragon. Je vois s’élever, côte à côte, Les tulipes et les échalotes. En haut du mur, la giroflée Embrasse le lilas d’à côté. Au creux de leurs grandes collerettes, Je sens l’odeur des violettes, Et du muguet, qui n’est jamais Au rendez-vous du premier mai ! Viendront les roses, le seringa, Le chèvrefeuille, les dahlias ; Quand il y aura du soleil, Vont bourdonner des cents d’abeilles. J’aime les fleurs de mon jardin, Y a pas seulement ce qui nourrit, Il faut aussi ce qui est joli. Quand, souvent, je redresse mes reins, Je me repose à les regarder, Et quand le vent les fait bouger, Elles me font un petit câlin, Toutes les fleurs de mon jardin. On a chacun, dedans son cœur, Une réserve de bonheur. On y met ses bons souvenirs, Ses grandes joies, ses petits plaisirs. C’est près d’eux qu’on se réfugie Quand on rencontre des soucis, On y retrouve son entrain ; Ce sont les fleurs de son jardin. Marcel Lesage |
AUCUN REPROCHE |
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Aujourd’hui,
je subis L’erreur
de mon inconscience Je
ne peux plus faire confiance En
restant ici. Aujourd’hui,
j’aimerais en finir Pour
ne plus y réfléchir Mais,
demain, Quand
tout sera encore vain Je
reviendrai Encore
et encore Peut-être
même encore plus forte Et,
même si je m’endors Que
le vent m’emporte ! Et,
même si le froid pénètre ce manteau d’or Je
n’enfilerai aucune moufle Et,
dans ce dernier souffle, Je
te le dirai Que
de toute ma vie, Tu
es le seul Que
j’ai vraiment aimé Et,
si l’Enfer est ma seule échappatoire Vu
qu’aux autres, j’ai fait croire Que
je m’étais accrochée Et
pourtant, tu es l’unique à mes pensées Victime
de toi, je suis D’être
la leur, j’ai fui Ne
me demande rien Je
n’ai jamais été aussi loin Même
si l’heure approche, N’aie
aucun reproche. Christelle Lesourd - 19 ans
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QUELQUES MOTS DOUX RIEN QUE POUR TOI |
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Je t’aime tant Que chaque fois Que tu n’es pas Près de moi, Le temps passe Trop lentement. Je t’aime tant Qu’aussitôt que tu reviens Dans mes bras, Tu ramènes le bonheur Dans mon cœur. Je t’aime tant… Petits bisous d’amour. Claude Boisse |
CHEZ
PAPI-MAMIE |
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1 Dans le grenier de grand-mère Où règnent encore plein de mystères, Sous la poussière sont cachées Des merveilles du temps passé : A côté d’un landau bleu ciel Il y a des robes de dentelle Des gants de laine, des tabliers Et un gros fer à repasser. Dans un tiroir, j’ai découvert Ses anciens livres d’écolière Avec ses cahiers de fillette Ecrits
à l’encre violette… 2 Le
cabanon de mon grand-père Contient
son petit univers ; On y voit
entassées pêle-mêle Des
choses peu habituelles : Un établi
et des sabots, Contre le
mur un vieux vélo, Et son
matériel de pêcheur Qui
rappelle de bien belles heures. Il y a
aussi tous les outils Qui lui
ont bien souvent servi A
jardiner, à bricoler Pendant
de si longues années… 3 La maison de Papi-Mamie C’est
un endroit où, par magie, S’envolent
les petits tracas Et
je me sens si bien là-bas. Quand
leurs yeux remplis de malice Echangent
un regard complice Je
crois entendr’ battre leur cœur Au
rythme du temps du bonheur. Jacques
Machu |
LA VERITE… |
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Il a fallu vingt
quatre ans Pour que je te
dise maman Qui est mon
père ? Dans toute cette
galère Cela fait
longtemps Que j’attendais
ce moment Ce dimanche,
quand je t’ai appelée J’étais fort
angoissée Tu m’as dit la
vérité Et cela m’a
éclairée Il a fallu la
terrible maladie Pour en savoir
plus sur ma vie Maintenant je
suis mal Mais je garde le
moral Je ne sais même
plus pleurer Et j’en suis
déprimée Dans cette
atmosphère de glace Je ne trouve pas
ma place Je suis mal dans
ma peau Car on parle sur
mon dos Je te dis merci Pour ce que tu
m’as appris Je ne sais plus
où j’en suis On dirait que je
suis au fond d’un puits J’espère vite
remonter la pente Peur de
rattraper la descente J’en ai déjà
supporté Mais je ferai
tout pour me soigner Maryse
Marécaille |
L’AMITIE |
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. Pourquoi
l’amitié N’est-il
qu’un simple mot Et
pourquoi tant de monde Le
crie t-il si fort En
pensant à toute autre chose ? L’Amitié,
c’est une caresse Que le
cœur donne sans penser. C’est
un regard, un sourire Sans
même parler. L’Amitié,
c’est donner Son
amour sans compter, C’est
prendre la main De ce
garçon en haillons Sans
rien lui demander. L’Amitié,
c’est briser son pain En
partage avec ses frères !... C’est
prendre les injures Sans
penser de les rendre, Et
surtout en ce monde L’Amitié,
c’est de chérir Les
fleurs pour les hommes de demain. Michel Mely -
Maretz – Août 2006 |
LE
TEMPS |
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Plus
précieux que l’or et l’argent Pour
freiner sa course, on ne l’achète pas… le temps. Il
file comme une étoile dans le firmament Et
sans cesse il cavale, Pour
ne pas perdre son temps… le temps. Sur
nos épaules il fait peser le poids des ans Qui
s’accusent par des cheveux gris ou blancs, Et
remet en mémoire nos rêves d’enfant… le temps. Il
délimite la durée des quatre saisons Qui
influencent nos sautes d’humeur Par
leurs variations Et
bercent les êtres de leurs illusions… le temps. Comme
il passe vite, le temps ! Mais
jamais il n’efface Les
souvenirs d’antan… le temps. Et
comme le temps d’une vie Ne
dure qu’un certain temps… Croquons-le
comme une pomme Savoureuse,
à pleines dents… le temps ! Yan
Villers |
FRERES JUMEAUX |
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Mon
premier regard sur un visage Ce
regard qui me dévisage. Que
fais-tu dans mon berceau ? Je
suis ton frère jumeau. Qui
suis-je ! Je suis toi. Qui
es-tu ! Tu es moi. Ce
même visage Le
même ramage. Si
tu es moi Moi je suis toi. J’étais
sa doublure Sans
aucune couture. Toute
ma vie à te ressembler Condamné
à te doubler Son
regard dans la glace Je
suis à sa place. La
guerre d’Algérie nous a séparés. Embarqués
sur un rafiot, Enfin
libérés de retour en bateau Nous
sommes revenus meurtris, blessés. Je
te retrouve devant moi, gueule cassée A
te contempler, je te ressemblais. Qui
est Charles ? Qui est Jean ? Le
doute s’installe parmi les gens. Dans
ce berceau d’autres sont nés André
et Jacques les frères aînés. Pierre
et Céline notre petite sœur. Maman
aimait nous serrer sur son cœur. Enfin
deux dons du ciel Les
deux derniers Paul et Gabriel. Que
cette grande famille est belle En
voyant cette ribambelle, Huit
frères et sœur, Que
du bonheur. Charles-Jean Jacquemin Alias :
Jean-Charles de Beaumont |
INSPIRATION
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Les maux de mots, maux
de mots mis En vrac, tout
desséchés, démis, T’ont laissé l’âcre
incertitude Que seul un brin
d’humour élude. Ecrire à tord et de
travers T’est même une gageure
et vers Le ciel où ta Muse se
penche S’évapore une page
blanche. Pourtant tant
d’arbres, tant d’oiseaux, Mille esprits jouant
sur les eaux Ont inventé pour toi
des rêves Qui cachent des
trésors, des fèves. Or, toujours, les
mêmes chansons : La peur du vide, les
soupçons De la Source tarie,
absence, Mort le cœur en
convalescence ! Dis, poète, où donc
est ta foi En ces traits si purs
d’autrefois Qui se bousculaient à
la porte De ton jardin, verte
cohorte ? L’appel du rêve s’est
brisé Comme un œuf sur un
fil posé Et cet élan
mathématique De tes vers beaux
hélas ! claudique. Seul te reste, pauvre
jouteur, Histoire de sauver
l’honneur Le loisir d’écrire un
poème Avec les mots de maux
pour thème. Jean-François
Sautière |
LUMIERE TOXIQUE
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Ce soir, l’astronome jubile Pointant sa lorgnette d’une main habile Vers la lune grimée en arlequin vénitien Sifflotant sur un air ancien. Mars montre son nez à la poterne Bijou rutilant d’un habit terne. Saturne ira danser dans ses anneaux d’or Au moins jusqu’à l’aurore. L’index de Jupiter, brillant au firmament, Invite le mécréant à savourer le moment. Mais les myriades de stars magiques Engluées dans les nuées des jours
électriques ?? Cette nuit, l’astronome a mal à son ciel : La clarté parasite envahit l’écran noir d’une
façon exponentielle. Luit une lune enlaidie au parvis zénithal Apostrophe argentée d’un clocher suranné. L’observateur privilégié des Dieux au mental Abîmé, rêve aux astres damnés… Hertia-May – 2006 |
IL Y A LA TELE |
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Il y a la télé, Pour tout oublier : L’enfant qui a chié, Le verre qui est cassé, Le boulot damné, La cuisine cramée, Le temps détraqué, Les notes à payer, Bobonne qui a
gueulé ! Il y a la télé, Pas besoin de
penser ! Pas besoin de
rêver ! Il y a la télé, Faut vous
réveiller ! Avant d’en crever ! Brigitte
Capliez |
DESILLUSION |
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Dans la lavande se cachait Une simple et fidèle ortie Dont la racine à tout jamais De leur jardin faisait partie. Piquant et sauvage parfois Tu lui ressembles riait-elle ; Mais elle y perdit son sang-froid, De le découvrir infidèle. Froidement, sous un pied vengeur La mauvaise herbe sans attendre Fut sacrifiée. Et de rancœur Elle rêva de le pourfendre ! Pénélope en eut convenu, Il manqua de galanterie Lorsqu’il lança : Comme l’ortie A tes pieds, je suis revenu ! Quand la plante repoussera, De lui mitonner une soupe, Là, gageons qu’il s’amendera, Repenti, le nez dans la coupe… Geneviève
Bailly |
MARIAGE |
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J’ai vécu tous
ces jours, j’ai vécu toutes ces nuits Pour arriver
enfin en ce temps d‘aujourd’hui Où je donne
sans crainte à l’avenir certain Tout mon
amour, tous mes émois, tous mes matins A t’aimer sans
détour, à t’aimer tendrement A ne faire de
toi qu’un bouquet d’agrément Un livre de
passion aux mots d’amour si doux Que tous les
dieux du ciel en deviendraient jaloux Où j’écrirais
chaque jour une nouvelle page En bénissant à
jamais notre Mariage Moment délicieux de deux cœurs
qui s’unissent Amour partagé pour le meilleur et
le pire Radieux espoirs d’un foyer qui se
tisse Interminables échanges de mots
doux, de soupirs Anneaux scellant un bonheur
infini Goutte pure de rosée qui fait
fleurir vos âges Et mûrir votre amour en un
superbe fruit Deux âmes qui
frissonnent c’est cela le mariage. S’aimer l’un
l’autre la main dans la main Et triompher
traversant les orages Se retrouver tout
au bout du chemin La route est longue
pour ce très beau voyage Chantez dansez
ensemble soyez joyeux Que vos cœurs
vibrent sur la même harmonie Remplissez la
coupe de l’autre et tout heureux Savourez ainsi
cet amour qui vous unit L’âme du vent
nous raconte sa romance Demain le
printemps où tout se renouvelle Où le soleil
chauffe l’herbe qui danse Annoncera
fièrement la nouvelle Tintez grelots
tintez cloches tous en chœur Entre vos bras
ouverts le bonheur a sonné Les anges du ciel
chanteront l’amour vainqueur En annonçant la
naissance d’un nouveau né André
Noiret Août 1995 |
LE BUFFET |
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Elle adorait l’océan,
le sable qui coule entre les doigts impuissants, l’odeur vivifiante des
algues abandonnées par les vagues et prisonnières de la plage, l’écume qui
disparaît peu à peu en formant de jolies stries. Il aimait la haute montagne,
entendre la neige poudreuse crisser sous les pas, celle qui colle aux
semelles et dont on se débarrasse en claquant du pied sur le paillasson de
coco. Elle parlait beaucoup,
lui peu ou pas. Elle savourait la vie à pleines dents alors que lui, la
goûtait du bout des lèvres. Pour elle, le contact avec les autres, amis ou
quidam, était indispensable à son équilibre. Il préférait la solitude et
manifestait peu d’intérêt envers ses congénères. Il donnait l’impression
d’être ailleurs et semblait hermétique à toute forme de communication. Quand
elle bougeait, il était immobile. Elle nageait comme un poisson dans l’eau, il
avait failli se noyer. Elle aimait le salé sucré, les épices, les plats
exotiques. Il appréciait les pot-au-feu et les recettes traditionnelles. Elle dévorait les livres, il ne lisait jamais. Elle
suivait scrupuleusement les nouveautés cinématographiques et ne ratait jamais
une sortie de film. Il n’affectionnait pas l’ambiance des salles obscures.
Elle rêvait de voyages et d’évasion, il était très attaché à ses racines. On pouvait donc se demander comment ces deux-là
avaient pu se plaire et s’aimer. Ne dit-on pas que les contraires
s’attirent ? Peut-on se souvenir des expériences faites en classe avec
les aimants ? Le positif affrontant le négatif, le noir contre le blanc,
le rire face aux larmes… Les jours s’étaient écoulés doucement. Les enfants
attendus étaient arrivés. Le projet d’achat de la maison fut concrétisé. Les
grandes vacances venaient ponctuer ces années où tout paraissait en ordre.
Tout semblait limpide, lisse. Un matin, alors qu’elle parcourait les petites
départementales de la région dans sa vieille automobile branlante, visitant
les brocantes, toujours à l’affût du petit bibelot, du vieux meuble qui la
ferait craquer et fondre d’émotion, elle aperçut dans l’ombre de la grange
mal éclairée du brocanteur, à demi caché derrière une garde robe cossue du
début du siècle, un petit buffet art déco. Il semblait là depuis très
longtemps car il était couvert de poussière. Elle s’avança et tenta de se
frayer un chemin parmi toutes les vieilleries qui encombraient le lieu. Elle
tendit le bras tout en enjambant un cheval à bascule qui n’avait plus
d’oreille. Puis, gardant son gant de laine, elle frotta énergiquement une
petite surface de l’une des portes restée ouverte pour découvrir la couleur
du bois et son origine. Comme chaque fois dans pareille situation, elle était
curieuse et impatiente d’identifier la nature du bois dans lequel l’objet
avait été fabriqué. Etait-il en pin ? Avait-il, au contraire, été
réalisé dans une essence plus noble comme le châtaigner, l’orme ou le
merisier ? Elle ôta son gant noirci par la crasse, porta la main près de
ses lèvres entrouvertes, expira l’air chaud de sa bouche pour réchauffer le
bout de ses doigts engourdis par le froid. Elle oubliait trop souvent que ces
endroits qu’elle affectionnait particulièrement, étaient rarement chauffés.
Afin de mieux y voir, elle sortit sa lampe de poche, outil indispensable à la
parfaite chineuse qu’elle était devenue. Le faisceau lumineux balaya le
meuble de haut en bas, de gauche à droite. Après réflexion, elle jeta un dernier regard et
décida d’acheter le buffet. Aussitôt, comme chaque fois qu’elle prenait une
décision seule, elle ne put s’empêcher de penser à lui… Comment allait-il
réagir ? Allait-il lui plaire ? Inévitablement, comme toujours, il détesterait ce
qu’elle chérissait. Rendez-vous fut pris pour la livraison. Satisfaite de son
achat, au volant de sa petite voiture, elle énuméra les courses qu’elle
devrait bientôt prévoir pour la restauration du buffet. Elle n’était pas
novice et savait qu’elle passerait de nombreuses heures dans le petit atelier
qu’elle s’était installée au-dessus du garage. L’endroit était suffisamment éloigné de la maison.
Elle s’y sentait à l’écart des regards et des bruits indésirables, nuisibles
à l’inspiration, à la création et à la plénitude dont elle avait besoin pour
inventer, concevoir toiles et réalisations de toute sorte. Elle pouvait tour
à tour, au gré de son imagination laisser ses pinceaux courir sur les murs,
les panneaux de bois, les morceaux de jute odorante, et fondre les pastels sur
le papier gros grains, buveur et gourmand, pressé de se voir recouvert d’une
frimousse de bambin, ou de quelques chatons endormis. Un coup de klaxon, deux phares ronds dans la brume
matinale, la camionnette du brocanteur roula dans l’allée. Enfin, il était
arrivé. Le petit buffet allait commencer une nouvelle vie. Elle salua le
chauffeur et proposa de l’aider à transporter le meuble dans l’atelier. Il
sembla surpris. Sans doute lui paraissait-elle trop menue pour porter une
charge aussi lourde. Il ne pouvait pas savoir, mais elle était habituée à se
débrouiller seule dans ce genre d’entreprise. Après un dernier effort dans l’escalier étroit qui
menait à l’étage, le buffet fut placé près de l’unique fenêtre de l’atelier.
Comme chaque fois qu’il lui livrait une pièce de taille, elle prépara un café
corsé qu’elle versa dans des jattes de porcelaine bleue qu’il reconnut avec
un sourire non dissimulé. Il prit place dans le vieux club dont le cuir était
si tanné qu’il ne brillait plus. Elle s’installa face à lui, sur le coffre clouté qui
servait de rangement aux pots de peinture, aux pinceaux et chiffons. Une
odeur d’essence de térébenthine se répandait dans la pièce. Elle appréciait
ces moments simples et authentiques. Ils bavardèrent un moment puis il prit
congé. Une fois seule, elle se plaça bien en face du buffet
et se mit à l’observer longuement. Le soleil encore haut en ce jour hivernal
pénétrait la pièce presque entièrement. Ses rayons, en traversant les
carreaux, rendaient visibles les poussières en suspension. Elle s’adressa au
buffet à voix haute, comme à une personne : « Et maintenant, à nous
deux… » D’abord, il fallait le nettoyer et l’assainir. Elle
prit de l’eau bien chaude dans laquelle elle versa un paquet de lessive que
lui avait conseillé Marcel le brocanteur, « pour casser le vernis,
disait-il. » L’exercice était de taille. La difficulté résidait dans le
fait qu’il fallait laver « sans mouiller » le bois. C’était du
chêne. On ne le mouille pas sous peine qu’il noircisse définitivement.
L’opération était risquée mais elle se dit que ce n’était pas la première
fois qu’elle était confrontée à ce problème. Elle entreprit la toilette du
meuble. Tout en tordant au maximum la grosse éponge, elle frottait en formant
des petits cercles, toujours dans le même sens. Au fur et à mesure qu’elle
plongeait l’éponge dans la bassine, elle voyait l’eau noircir et devenir
épaisse. Il fallut en changer plusieurs fois. Petit à petit, le buffet
dévoilait ses veines, ses coups, ses griffes, ses renflements. C’était un buffet
deux corps. Les portes du haut étaient flanquées de petits carreaux
biseautés. Aux quatre coins, des mains habiles y avaient sculpté de grosses
cerises et des feuilles qui donnaient un air gourmand à l’ensemble. C’était
comme une invitation aux papilles, à l’appétit, à la bonne chair. Deux
tiroirs identiques apportaient au meuble un certain équilibre. Leur ouverture rendue difficile à cause du
gonflement de leurs fonds était due à l’humidité ambiante dans laquelle le
buffet avait séjourné. Les portes du bas avaient été ôtées ou perdues par les
derniers propriétaires. Elle se dit que ce défaut avait sans doute découragé
plus d’un acheteur. Mais elle, au contraire, avait tout de suite pensé qu’il
serait différent. Oui, bien sûr, il devait être réhabilité pour bons et
loyaux services. N’avait-il pas au fil des ans rempli sa mission ? Ne
l’avait-on pas sollicité maintes fois ? N’avait-il pas été empli,
désempli, chargé de vaisselles luxueuses ou ébréchées, de boites à biscuits,
de confiseries fines, de délicieuses confitures de grand’ mères ?
C’était un vieux monsieur ce buffet. Elle se demanda tout à coup, ce qu’il
lui aurait raconté s’il avait pu parler et livrer ses secrets. Lorsqu’elle eut fini de le nettoyer, elle laissa la
fenêtre entrouverte, malgré le froid, pour chasser l’odeur de lessive et
accélérer le séchage du bois. Avant de quitter son atelier, elle constata
avec satisfaction que son travail avait porté ses fruits. Le buffet était
bien éclairci et propre. Contente, elle regagna la maison où l’attendait
impatiemment sa tribu. Le sujet de conversation du repas, ce soir-là, fut
alimenté par le buffet. Il n’était pas question de sa restauration, mais de
la place qu’il occuperait dans la maison. Comme toujours, il était réticent
et trouvait qu’il n’y avait plus d’espace à investir, qu’elle avait été
peut-être un peu rapide, qu’elle s’était emballée. Elle soupira et, patiente, lui demanda d’attendre la
totale remise en état du buffet. Comme à son habitude, il était incapable d’anticiper,
comme elle, sur le résultat définitif. Elle passa les jours suivants dans son
atelier. Lorsqu’il fut séché, elle entreprit de poncer le buffet. Elle
gardait en mémoire une technique transmise par un gars de métier qui
consiste, à l’aide de petits morceaux de verre faisant office de minis
rabots, à enlever une fine pellicule de bois. Puis elle frotta le meuble à la
laine d’acier pour éliminer les rugosités qui auraient pu résister aux
traitements précédents. Le buffet ainsi mis à
nu était prêt à recevoir le vernis, la peinture, la patine, la cire, bref, ce
qui allait lui donner l’aspect définitif désiré. Elle savait exactement,
depuis le jour de sa découverte chez Marcel, quel aspect lui donner. Elle
prit un rouleau qu’elle plongea dans une laque bordeaux et commença à peindre
l’intérieur. L’odeur était forte et elle n’aimait pas trop cela. Elle passa
deux couches pour atteindre l’effet miroir escompté. Une fois cette pénible
étape passée, la suite lui parut facile. Elle recouvrit de deux couches de
peinture ivoire le reste du buffet. Puis elle appliqua une cire foncée
presque noire sur le meuble qui prit peu à peu une couleur soutenue tirant
sur le jaune. Au fur et à mesure qu’elle frottait, elle voyait réapparaître
les veines du bois qui s’imprégnaient de cire. Elle était en sueur, mais
heureuse du résultat. Restait la touche finale, la patine définitive obtenue
grâce à la cire blanche. C’était une étape délicate. Il ne fallait pas
compromettre le travail fourni afin de rendre au buffet son âme et sa beauté. Elle commença par les tiroirs qui lui avaient donné
du fil à retordre, lorsqu’ils étaient gonflés et difficiles à ouvrir. En les manipulant, elle songea à ce qu’ils avaient
contenu. Envahie par un sentiment étrange, elle vit défiler, tour à tour, les
photographies sépia d’un soldat amoureux trop jeune pour mourir, d’un bébé nu
sur sa peau de mouton, d’un mariage au temps des années folles, où les
familles endimanchées portaient gants et chapeaux et souriaient à l’éternité,
leurs enfants assis par terre jambes et bras croisés. Elle crut voir un
livret de famille jauni ouvert à la page des naissances. De vieux prénoms
revenus à la mode y étaient joliment inscrits à la plume, en pleins et
déliés. Elle ferma les yeux et entendit le mécanisme d’une pendule
imaginaire. Le tic tac brisait le silence comme pour rappeler le temps qui
passe. Submergée par une émotion qu’elle n’avait pas
éprouvée depuis longtemps, elle s’aperçut qu’elle était encore capable de
s’émouvoir. En imaginant les vies passées dont le buffet avait été témoin,
elle fit le constat de sa propre existence et prit soudain conscience qu’il
n’était pas trop tard. Elle devait partir. Le vieux buffet venait de lui
donner un passeport pour une autre vie. De tout ce qu’elle possédait, elle
n’emporta qu’une seule chose, le buffet. Celui-là même par qui tout était
arrivé.
Brigitte
Cogez 1er Prix Concours de nouvelle DAEU Passeport pour l’avenir |