SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N°21
Janvier-Février-Mars-Avril 2007
Illustration BD page 2
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Patrick MERIC
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Chronique :
François Cheng page
3
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Denise LEPRETRE
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Edito : page 3
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Paule LEFEBVRE
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JEUNES |
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Le son de ta voix et Ma bonne étoile
page 4
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Stéphanie
BONNEVILLE |
Noël page 5
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Danielle ETHUIN |
Le dauphin page 5 |
Florian CHATELAIN |
Le garçon de
Béatrice page 6 |
Thomas WANESSE
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Le lézard page 6 |
Fanny CANONNE
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HUMOUR et PATOIS |
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Le Noël à
Gaston page 7-8 |
Léonce BAJART |
Vélo volé page 9-10 |
HERTIA MAY |
L'carette page 11 |
Marcel LESAGE |
L'terri d'mes
dix ans page 12 |
Michel DAMEZ |
Euch'l'euro
page 12 |
Hector Melon d'Aubier |
ADULTES |
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Le tilleul et
le papillon et Açvine page 13 |
SAINT-HESBAYE |
Pourquoi ? et Un sourire page 14 |
Claude BOISSE |
Les fauvettes page 15 |
Roger DEVILLERS |
Lourdes page 16 |
Claude SANTER |
Le printemps est arrivé page 17 |
Christelle LESOURD |
Le loup et
l'écureuil page
18 |
Yann VILLIERS |
Nos aînés page 19 |
Jeanne FOURMAUX |
Le verbe aimer
page 20 |
Geneviève BAILLY |
Les étrennes
page 21 |
Paule LEFEBVRE |
Requiem page 22 |
Thérèse LEROY |
Lune rouge
page 23 |
Jean-François SAUTIERE |
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NOUVELLES |
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A toi pépé page 24-25 |
Floriane KUROWIAK |
Julie VASSEUR |
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Le filet mignon
de Manaus page
27-28-29 Le 2° Soir page 30 |
Edouard DESMONS Suzy DARRIBEHAUDE |
Le P.C page 31 |
Paule LEFEBVRE |
* Retrouvez l’auteur dans la revue littéraire. |
Connaissez-vous François
CHENG ? |
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Et
connaissez-vous aussi son chef-d’œuvre : « L’éternité n’est pas de
trop » ? (Albin Michel 2002) François CHENG est à la fois resté très
chinois : il est poète, philosophe, calligraphe, dans la plus pure
tradition de l’Empire du Milieu, et tellement auteur français, reconnu en
France, qu’il est membre de l’Académie Française. Son roman se situe au 17ème
siècle, à la fin de la dynastie Ming. Un moine
qui n’a pas encore prononcé ses vœux se décide à quitter son monastère pour
retrouver, 30 ans après, la seule femme qu’il ait jamais vraiment aimée. Le
roman brasse le passé et le présent, la nature et les temples, la passion et
l’amour épuré, un amour si absolu qu’il ne pourra se réaliser et s’épuiser
que dans la mort. Si vous êtes lassé des fades descriptions d’une sexualité
vulgaire, accompagnez les deux amants… lisez… et vous verrez… D. LEPRÊTRE |
EDITO |
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Cette année je n'ai guère
qu'un seul vœu à formuler, mais ce, avec d'autant plus de force : "que
la Caudriole vive !". Serait-elle en danger ? En quelque sorte…. En
effet, notre brochure a beau être modeste et disposer gracieusement des
services de l'Office Municipal de la Culture et de ses fournitures, elle a un
coût. Les
bénévoles que nous sommes n'ont pas souvent conscience du prix de revient
d'un périodique que l'on veut gratuit pour le lecteur. En effet, où
allons-nous si la culture doit absolument se vendre alors qu'elle a besoin
d'être véhiculée au maximum ! Nous
avons donc cru devoir prendre une décision "économique" pour
assurer la survie de la Caudriole. Cette année il n'y aura que 3 publications
au lieu de 4 – à moins que mes propos affolés n'aient attendri quelque âme
sensible…rêvons ensemble… Formulons
en tout cas nos vœux sincères et convaincus à nos amis lecteurs qui, eux, les
chiffres le prouvent, ne doutent pas un instant de l'efficacité de nos
efforts. Bonne année ! Paule Lefebvre |
LE SON DE TA VOIX |
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J’ai entendu une voix, Elle était loin et tout près à la fois, D’une douceur bouleversante, Comme un homme malheureux qui chante. Au loin sa voix résonne, Les syllabes se déchirent, Me laissant comprendre l’ombre des consommes, Et les syllabes s’éclairaient. J’arrive à entendre mon prénom, Qui peut être cet inconnu ? Pourquoi m’a-t-il choisie pour me parler ? Quel est le secret qu’il veut me révéler ? Pourtant cette voix me rappelle quelqu’un, Une personne que je n’ai vue qu’une seule fois, Dont je suis subitement tombée amoureuse, Et il fera sûrement partie de mon destin. Août
2005 Stéphanie
Bonneville |
MA BONNE ETOILE |
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À des années lumière, Je sais que tu me fais avancer sur le bon chemin, Que tu restes avec moi dans les ombres passagères, Que tu me prépares le plus beau destin. À chaque malheur tu te rapproches, Peu à peu tu me réchauffes, Je reprends ma vie comme elle revient, Les souvenirs restent mais j’ai oublié ce qu’était le
chagrin. Tu brilles plus fort que des yeux étincelants, Tu es plus belle à chaque instant, Tu affrontes les trous noirs Dans cet immense espace dont on ne peut pas tout
voir. De près ou de loin je te regarderai, Le ciel et la terre ne feront qu’un, Même si une grande distance nous sépare, C’est une des plus belles histoires. Sept. 2005 Stéphanie Bonneville |
N O Ë L |
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Aujourd’hui
c’est Noël, nous sommes le 25 décembre. Le
père noël va passer, il parcourt tous les pays du monde entier pour apporter
des petits et des grands cadeaux aux enfants pauvres et aux enfants riches. En
Afrique, en Asie, en Amérique du sud, au Canada, en Amérique du Nord, en
France, etc… Il
offre rarement de l’argent et offre des petits cadeaux aux enfants qui ne
sont pas sages. Souvent
on décore des sapins de noël pour accueillir le père noël dans notre maison. Ensuite
nous allons à la messe. Pour
passer un bon et heureux noël, nous passons beaucoup de temps avec notre
famille et notre petite famille. Souvent
les mamans accouchent le réveillon de noël ou le jour de noël. Ensuite
le père noël saute dans son traîneau pour aller apporter d’autres cadeaux et
beaucoup de joie et de vérité pour ceux qui ne croient pas au Père Noël, et
répète toujours sa même phrase : Oh
! Oh ! Oh! et
Joyeux Noël à tous !!! Danielle Ethuin 9 ans |
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LE DAUPHIN |
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Il était une fois un dauphin qui n’avait pas de
copine. Un jour il rencontre une dauphine, alors ils firent
connaissance. C’était un dauphin qui parlait toutes les langues, il avait de la chance car la dauphine parlait chinois
alors il comprend. Et ils deviennent copains. Soudain, un requin fonce sur eux mais ils nagent très
vite et réussissent à s’échapper… ouf ! Et un jour ils tombèrent amoureux et ils se marièrent et eurent plein de petits dauphins. Florian
Chatelain – 8 ans |
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LE GARÇON DE BÉATRICE |
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Il était une fois une
jeune fille qui s’appelait Béatrice Trick, elle était très
gentille avec ses parents mais ses parents
n’étaient pas très bien avec elle. Elle rencontre un
jeune garçon, il habitait dans un
appartement très grand, il lui proposa de vivre avec lui. Ils avaient même un
travail tous les deux. Ils eurent un enfant
qui a 1 an aujourd’hui, ils sont heureux dans
leur belle vie. Notre histoire se
termine là. Thomas WANESSE |
LE LÉZARD |
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Le lézard qui est motard Va dans sa mare Pour faire une tarte aux poires. À son travail il arrive en
retard Parce qu’il mangeait du homard Avec son copain le canard. Dans son armoire, Il mange du caviar En faisant ses devoirs. Tu sens des panards Dit son têtard ! Fanny CANONNE 11ans |
LE NOËL À GASTON |
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Petit père Noël, c’est moi Gaston, Gaston Baudoux, le n’veu à Batisse-guette Du zéro-un d’ la rue longuette… Te sais où qu’ c’est ? en haut d’
Beumont. J’ai pris des pages à min cahier, Pis un’ env’lop’ chez l’épicier, Et j’ t’ai écrit, hier, en classe Mais comm’ m’ plume al’ fait des trous M’ lettre elle est toute dégueulasse Lis-la quand même, dis, jusqu’au bout… D’abord Père Noël, faut que j’ te dise Que j’ crois à toi malgré qu’ j’ suis
grand Tu penses j’ viens d’avoir mes huit ans Mêm’ que j’ t’ai vu au fond d’ l’église Quand l’ ratichon, jeudi tantôt, Nous y a emm’nés, après l’ patro. Te pionçais au milieu d’un’ crèche Aveuc d’el’ paille comme oreiller, Pour qu’ te soy’s comme ça dans la dèche Ton vieux, y d’ veux être
prisonnier ? Pourtant, au ciel avec les anges, Parait qu’ te tiens un grind bazar Avec plein trucs pour les mignards Des jouets, des bonbons, des oranges… Pis des godass’s qui prenn’ent pas l’eau Et pis des fringues ousqu’on a chaud… Alors, avant que tu descendes Dans les ch’minées comm’ tous les ans Je viens t’ passer ma p’tit’ commande En douce pour mi et pour moman… Dis, pour moman’ te s’ras un pote Si ti metteux dans ses croqu’nots Du vrai café… un p’tit kilo Bien planqueux au fond d’ ta hotte… Pis un fichu pour son lavoir… T’auras tout ça au marché noir ! A sa place il faut ben qu’ j’ cause Car dans la lettre qu’ell’ t’écrira, Ell’ te mand’ra pour elle qu’un’ chose : Papa…
papa… oui, rien qu’ papa… Pour mi, j’aros voulu qu’ tu mettes Dans mes souliers… Ah zut… j’os’ pas… Un fort avec des tas d’ soldats… Comm’ qui au môm’ de la pipelette. Et pis aussi… c’est p’t’ être
charrier ? Un’ panopli’ de menuisier, Ou un’ auto qui marche tout’ seule Ou ben alors te va t’ marrer, Un p’tit bonhomme qui s’ cass’ la gueule Quand in l’ remonte avec un’ clé. Pour les bonbons ou les oranges Mi, j’ trouve pas ça assez calan. Et pis si t’ reste assez d’argent Pour mettre aussi quéqu’ chose qui s’
mange, Alors j’ voudros un bat’ gâteau… Tiens, un’ bell’ tarte aux abricots, Ou ben, plutôt, un pain d’ quatr’ livres, Un pain maouss, chaud, bien doré, Qu’on s’ foutrait tout dans les gencives Avec moman… à s’en crever l’ bonnet… J’ te demande pardon… v’la que j’
débloque, Papa… du café pis des jouets… Et pis du brich’ton sans tickets… Te vas m’ trouver un peu sinoque ?... Si te m’ donnes c’te collection Pour un Noël ed’ restriction, Qu’est c’ qu’on r’filerait aux gosses de
riches ? Comm’ dit moman : nous les mouisards, Avec la vie faut pas qu’on triche… Faut raisonner, mêm’ tout mignard. Alors, Père Noël, fini les blagues… J’ te demande qu’un’ seule chose par
souyer : Pour moman, y a pas à s’ gourrer : Tu ramèn’s papa du « Stalague »… Mi laiss’ tomber, va, pour les jouets, R’ fil’ meu l’ pain d’ quatr’ livres sans
tickets, Et mêm’, te vos, si dans la hotte, Te peux t’ mouiller qu’ d’un truc pour
nous, Pour pas qu’ moman, l’ soir, ell’
sanglote, Mets-y papa… L’ reste ! On s’en fout. Jean-Charles
Jacquemin Alias
Jean-Charles de Beaumont |
VÉLO VOLÉ |
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Un
samedi soir, sur la planète Nord, dans un café de village étouffé de fumée
bleue. Un
soir chaud de début d’été. Les
tablées de beloteux rient et boivent. -
« Tiens, t’ remettras un d’mi ! » demande Claude, le cigare
vissé dans la bouche. Les jeunes du quartier jouent au baby-foot ou aux
astiquettes. Malgré la chaleur, la porte du couloir reste fermée sur les
injonctions du patron. Le bistrotier ne supporte pas les portes
ouvertes ! Une
ambiance classique dans les années soixante. « Et dix de
der » : un joueur abat sa carte avec violence sur le tapis
vert ! Une
odeur de café vient de la cuisine. Il sera servi avec du « g’nief »
pour en faire une bistouille. Un
client entre, faisant sortir un nuage de fumée. « R’ferme
t’ porte, vins dious ! » Un
jeune vient de mettre un but, entraînant un bruit de roulement. Un
autre bruit, plus métallique, survient ! « Y’
a quelqu’un dans le couloir ! ». Un silence fige les regards, même
la fumée semble stagner au-dessus des tables, attentive. Après
cet instant de surprise passé, les jeunes se précipitent dans le couloir.
Premier réflexe : les vélos sont toujours là, posés sur le mur. « Il
manque une pompe ! ». Une fraction de seconde plus tard, les plus
rapides du groupe sont sur le trottoir, examinant la nuit et la rue.
« Il n’a pas pu partir bien loin ! » En effet, les cachettes
sont rares dans les environs. Les yeux de lynx trouent la nuit et trouvent
dans un recoin de la porte du garage une paire de souliers ! Le voleur
n’a pas eu le temps de s’éloigner. Repéré, il s’enfuit, laissant tomber la
pompe ! Une vaine poursuite est engagée mais l’indélicat se terre dans
un jardin proche. L’événement connaît donc une fin heureuse. « Combien
de cafés ? » La patronne apparaît avec la cafetière émaillée et le
sucrier. Les bouteilles de genièvre et de rhum ambré suivent. « Mi, t’
mettras plutôt un triple sec ! ». Autour des bistouilles fumantes,
les histoires de vélos resurgissent du passé. « Ein’ne
fô, j’ai eu un drôl’ d’ tour, j’avos laissé min vélo sur l’ mur chez
Jojo ». La pipe coincée dans la bouche, le visage mangé par une barbe
qui lui donne un air de vieux loup de mer, Hubert V. repose sa tasse.
« En sortant, pus de vélo ! » « T’avos
oublié qu’ c’étot l’ jour des encombrants ! » intervient Claude C.
surnommé le « ranchman » depuis qu’il s’est installé dans une
vieille ferme, à la sortie du patelin, du côté de la « Fontaine
Jamais ». « C’est
vrai, j’ m’en rappelle, j’étos avec Edgar, André et le « merle blanc »
en rajoute Lucien D. « À
l’occasion, tin vélo, il a fini chez min voisin qui retapot les vieux clous à
tout cœur ! » C’est
alors que Bertrand L. dit le « canari » choisit de raconter une de
ses histoires qui font sa réputation.* « Vous
allez rire ! » Le ton étant donné, les auditeurs se taisent,
suspendus aux lèvres du grand communicateur. « T’
r’mettras un g’nièvre quand même ! » « Ça
remonte à quelques années. Nous les brodeurs, après les longues journées à
guetter le moindre défaut, il nous arrive de faire un tiot tour à vélo.
C’étot un dimanche, vers dix heures du soir, j’ardekends la rue Pasteur et
vais boire un café chez Mélanie. Y s’étot tertous là. Y m’ont fait goûter s’
goutte et vous allez m’ croire si vos voulez mais l’ Bertrand y’ avot des
tiot yux en sortant. Y’ étot bin minuit. Les rues étaient éteintes !
Mais surtout : pus de vélo ! Imaginez
ces gins, tous épantés ! Pus de vélo ! En
s’est vite retrouvé à pus de dis dans l’ rue, à crier, à ameuter les
visins ! » « Qu’y-a-t-il ? ».
« On a volé le vélo du canari ». -
« De qui ? » - « Du canari ! » - « Où ‘
k’y étot, le vélo ? » - « Sur le mur ! »
-« Comment y va faire ?"
- "Y va r'partir à pinces" « Tout
un joyeux groupe, bien éméché, s’en va donc arpenter la place de la gare. Vlà
tit pas qu’in vot de l'lumière dans le camion à bourlettes du « grand
gourmet » qu’yétot stationné devant chez Roger. En se rapprochant, on
voit ti pas l’ vélo posé sur l’ camion. Notre voleur était réfugié dans la
boutique ambulante et, à la suite du rafus qu’on faisait, avait eu le temps
de s’éclipser par le Chemin d’Aisances. C’est alors que Guy, le beau-fils de
Roger, certainement à l’affût depuis un bon bout de temps, surgit tel un
diable de sa boite et nous met en joue avec son fusil ! » « Fais
pas le con, ch’est nous ! » « Et c’est ainsi qu’il nous
raconte : le camion avait reçu des visiteurs ces derniers jours et il
faisait le guet , et que si on n’avait pas fait autant de bruit, il aurait
pris son voleur de bourlettes (qui était bien sûr notre voleur de
vélo !) » « T’
remettras ein’ne tournée ! » « Et les
voleurs ? » - « Ils ont été pris par les gendarmes de Bus’gny.
Ils ont été condamnés à des travaux d’intérêt collectif ! C’étot des
gamins ! » « Et
min g’nièf, c’est pour demain ? » Un
samedi soir, sur une planète bleue, dans un village du Nord. Hertia-May *dernièrement,
lors d’une observation organisée par le club d’astronomie, sur le chemin de
Maretz, B.L. dit le « c » nous fit encore rire avec une histoire de
garde forestier, le soupçonnant de braconner dans le coin, à onze heures du
soir ! |
L’ CARETTE |
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C’étot
pendant la guerre : pour aller voyager, On
avot point d’essence pour faire rouler l’ s'autos, Fallot
bin s’ contenter d’une carette et d’un g'vo. C’est
ainsi qu’ sen allot François le boulanger Pour
distribuer l’ pain dans l’ village d’à côté. Cor
moins bileux qu’à ch’ theure, ce qui n’est pas peu dire, Il
perdait beaucoup de temps à blaguer et à rire. Cette
journée là pourtant, sérieux, il l’avot été Et
s’en revenait à l’ brune, au p’tit trot de s’ coquette. Lui
restait une maison, c’était un cabaret Où y
avait trois gaillards qui étaient aux aguets. Il entre
avec ses pains à la porte laissant s’ carette, Ils
l’attrapent aussitôt pour faire une tiote belote Et
deux minutes après, les cartes all s’abattotent. Le
temps d’ faire une partie, la revanche et puis la belle, Et mon
François soudain de s’ carette, y s’ rappelle ! ; Il
court à l’ porte, l’ soir était descendu Et il
faisait si noir qu’on se serait cru perdu. Y’
entend dans le silence des pas d’ gvo résonner Et le
bruit d’une carette sur la route s’éloigner. « Ça
y est, qu’il dit, Coquette, elle est partie sans mi. » Il
ramasse sa sacoche, il s’élance dans la nuit, Il
fait cinq mètres et pan ! L’ vlà par terre assommé ! Du
bruit, dans l’ cabaret, les verres en ont tremblé, Et
tous ceux qui sont là sortent émotionnés. Sur l’
front, y a un boursot, gros comme un œuf de dinde, Le
sang coule de son nez, qu’y en perdra plus d’une pinte ! Il
comprend tout doucement ce qui est arrivé : C’est
un autre équipage, qu’y avot ouïe roulé Sa
brave coquette, elle n’avot point bougé, Et
dans l’ cul de s’ carette, y étot allé se ruer ! Marcel Lesage |
L’ TERRI D’ MES
DIX ANS |
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LE TILLEUL ET LE
PAPILLON |
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Bonjour !
Bonjour ! répète le Tilleul Au Papillon Tout seul Que viens-tu faire
sur mes fleurs Prononce l’arbre de
senteurs Je me repose d’un
voyage au Japon Répond l’intrus aux
écailles de soleil Inquiet d’être
chassé de ce paradis Pourquoi ne
visites-tu pas les jardins Ajoute le Tilleul où
tant de plantes à parfums Enchanteraient
encore tes aventures Et toi murmure le
Papillon palpitant N’as-tu pas la
crainte des orages Lorsque du
tourbillon des îles La tempête te
fouette le feuillage Non non dit-il en
rassurant le volatile Je n’ai peur que de
mon âge… … Et en t’abritant
comme un moustique Sous l’ombrage Tu ne vis que
l’espace d’un aurore Certainement
renchérit le visiteur à mimiques Mais je peux pondre
des œufs par plaisir Dans l’écorce de ton
corps Et les chenilles qui
viendraient à sortir Te mangeront
silencieusement le visage
Saint-Hesbaye |
POURQUOI ? |
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Dans les grands livres de
lois, Peut-on y trouver le droit de tuer ? Au nom de quoi ou pourquoi Y a-t-il autant d’actes de cruauté ? Ne peut-on pas vivre sans violence ? Pourquoi, dans ce monde de compétences, Ne trouve t-on pas un terrain
d’indulgences ? La violence n’apporte que de la violence. Claude BOISSE
UN SOURIRE Un sourire ne coûte
rien et produit beaucoup Il enrichit ceux qui
le reçoivent Sans appauvrir ceux
qui le donnent. Il ne dure qu’un
instant Mais son souvenir est
parfois éternel. Personne n’est assez
riche pour s’en passer Personne n’est pauvre
pour ne pas le mériter Il crée le bonheur au
foyer, soutient les affaires Il est le signe
sensible de l’amitié Un sourire donne du
repos à l’être fatigué Rend du courage aux plus découragés Il ne peut ni s’acheter, ni se prêter, ni se
voler Car c’est une chose qui n’a de valeur Qu’à partir du moment où il se donne Et si quelquefois vous rencontrez une personne Qui ne sait plus avoir le sourire Soyez généreux, donnez le vôtre Car nul n’a autant besoin d’un sourire Que celui qui ne peut en donner aux autres.
Claude Boisse
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LES
FAUVETTES |
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Te souviens-tu, tendre
brunette Quand nous allions, près
des roseaux Écouter chanter les
fauvettes À l’ombre des vieux
ormeaux. Le laboureur creusait la
terre Du soc luisant de sa
charrue Et du brun sillon, vers
les nues Montaient les parfums de
la terre. Nous étions bien, près
des roseaux Te souviens-tu, ô ma brunette ! Te souviens-tu, tendre
brunette Quand nous étions, près
des roseaux Où se cachaient les
fauvettes Nos deux voix faisaient
un duo Qui effarouchait les
pauvrettes Par le langage des
amoureux À la chose à vous
remédier La bouche close par un
baiser Vous bécotant, à qui
mieux mieux Comme dans les roseaux,
les fauvettes. Roger
Devillers |
LOURDES |
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Assise auprès du Gave, La Vierge me sourit. Ce n’est pas un miracle, Et pourtant, Elle vit. Je prie, je chante, je crie Ma joie de La revoir ; Un an, ça passe très vite, Mais mes yeux veulent voir. Elle a changé ma vie, Un jour, et puis, et puis, J’ai transmis cet Amour Qui chasse mon ennui. Vierge Marie, Pleine de Grâce, Et puis Sainte Bernadette Vous apportez la paix Mais aussi le courage Courage de ceux qui peinent, Courage de ceux qui aident. Vous nous aidez à croire, Nos cœurs sont pleins d’espoir. Remplie de cette ardeur, Je garde La Ferveur De Vous revoir un jour, Là-Haut, près du Seigneur. Claude
Santer Août
2003 |
LE PRINTEMPS EST ARRIVÉ |
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Flotter dans l’air Oublier ce désert Etre adroit Pour ne pas tomber dans le désarroi J’entends une hirondelle Elle est si belle Le printemps est arrivé Je l’avais deviné Tout serait parfait Si je ne t’avais pas rencontré Je ne t’en veux pas J’ai trop besoin de toi. Je te suivrai pas à pas Même si j’en perds la foi J’ai traversé la Terre Pour remettre son mal à l’Enfer Je combattrai la Terre entière Pour que tu me reviennes. Je t’ai connu hier Avant que le soleil pénètre Que gagne la haine Puis, je t’ai vu disparaître Mais, que puis-je faire ? Si ce n’est me taire. Christelle
Lesourd 19 ans |
AU LECTEUR STUDIEUX DE « LA CAUDRIOLE »… |
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Je
chante les héros qu’anima La Fontaine, Légion
dont l’histoire, encore qu’incertaine, Renfermant
la louange et la sévérité, Enseigne
des leçons valant des vérités. Comme
aux temps révolus, écoutons leur parole ; Profitons
du bon sens et de la parabole. Tout
vit dans nos récits et même les poissons ; On
les sent palpiter ; ils parlent, donc ils sont ! Studieux
habitant de ce monde moderne, Ces
fables sont pour toi, sache qu’elles te concernent. Notre
bon La Fontaine, écrivant autrefois, Dédiait
son ouvrage aux dauphins de nos rois ; Aujourd’hui
que la roue a tourné, c’est toi l’être À
qui vont nos espoirs : tu trouveras peut-être, En
ces thèmes légers, de chétifs agréments… Mais
sauras découvrir de bons enseignements. LE LOUP ET L’ECUREUIL Le loup l’emporte et puis le mange, Sans autre forme de procès. Mais Grillot s’en vint à passer. Il dit : « Il faut que je le venge ; Allons quérir Médor, le bon chien de berger. » Il va chercher Médor, mais le trouve allongé, Séduit par quelque rêve et ne
voulant bouger. Il va trouver le pâtre, Mais celui-ci, fâché, Menace de le battre, De le faire hacher, Pour venir raconter des mensonges pareils. « Je suis sûr du troupeau ; qu’il est en
place sûre ; Que jamais un mouron ne part à l’aventure ; Que mes chiens de berger sont toujours en éveil. As-tu seulement vu Médor monter sa
garde ?... » - Médor ? Il dort ! - « Je te l’avais bien dit : rien à craindre,
prends garde Que je ne puisse plus céans te
supporter. » Grillot quitte le pâtre et s’en va rapporter Tous les détails du crime au patron du domaine. Mais celui-ci, cloué pour de longues semaines Sur un lit de douleur, ne put à l’animal Que dire ses regrets, crier ses plaintes vaines, Echafauder des plans, pestant après son mal. Alors Grillot Part aussitôt, Court au village, Fait du tapage, Revient menant Tous les manants. On organise une battue, On prend le loup et on le tue… Ici finit un grand orgueil : Il fut vaincu par l’écureuil. Yann Villiers |
NOS AÎNÉES |
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A l’automne de leur vie, Nos aînées suivent leur
destin fragile, Partant parfois dans le recul
des ans, Bien loin du temps présent. Dans leurs cœurs gravés Par la
ronde des années, Le sourire mélancolique, Au hasard des souvenirs, Comme un joli songe, Avec nostalgie et abandon, Elles revoient leur jeunesse Dans un décor de rêve. Le front baissé, songeur, Evoquant avec douceur Le temps heureux des bals
musettes Où, jolies midinettes Amoureuses, silencieuses, Cruelles ou généreuses, Elles valsaient au son Des joyeux accordéons. Dans un soupir profond, Chassant les jolis songes, Les instants ardents de
bonheur Enfouis au fond de leur cœur, Fuyant la solitude Se greffant en habitude, Elles recherchent, discrètes, Chaleur et tendresse. A l’automne de leur vie, Nos aînées suivent leur
destin fragile, Se berçant d’une grande
espérance, Comme de petits enfants. Jeanne
Fourmaux |
LE VERBE AIMER |
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De saisons en saisons, après les épousailles, D’un édredon moelleux à la porte du four, Et des odeurs de soupe, en obscures chamailles, Du fond de la marmite… Il repêche l’amour ! C’est le lien
éternel aux multiples visages, Rebrodé de
tendresse au fil de chaque jour, Entre la
polémique et les raccommodages, Un mélange
étonnant de sarcasme et d’humour. Pour les bleuets offerts au détour d’une route, Bouquet de souvenirs des campagnes d’antan, Il laisse s’envoler la rancune
et le doute, Sous le charme imprévu, d’un romantique instant. Et puis bravant
les flots quand l’océan délire, Il sauve le
bateau, d’un élan vertueux, Le ramenant au
port avant qu’il ne chavire, Pour un chant de
sirène, assez voluptueux… Dans les quatre saisons des chemins d’aventures, Du berceau de la vie, au départ sans retour, Il palpite en nos cœurs par-delà nos blessures, Et vibre, à tous les temps, ce verbe de l’amour. Geneviève
Bailly |
LES ETRENNES |
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Ce pourrait être de
l’argent, Ou des gaufrettes en
dentelle, Ô que nenni, mes
braves gens, Dans mon histoire, y
a rien de tel ! C’était l’époque où
les mamies Se perdent un peu en
souvenir, L’époque de la
nostalgie Où le passé tue
l’avenir. Soudain, du sein du
chapelet Egrené bas, en
confidence, Jaillit, du monde des
secrets, Plus qu’un regret,
une souffrance. « Je l’ai
perdu ! » crie la Mamma, Je l’avais pourtant
retrouvé, Et puis écrit sur
l’agenda, Ce nom d’amis que
j’ai aimés ! Mais l’agenda, je
l’ai perdu, Perdu le nom, perdu
la tête, Perdus les mots, oh
c’est trop bête, Et chaque jour, c’est
un peu plus ! « Mais non
Mémé, » dit la Mignonne, Tendant la main, semi
fermée, « C’est mon
étrenne, je te la donne, Voilà ton nom, je
l’ai trouvé ! » Paule Lefebvre |
REQUIEM |
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Thérèse Leroy - 03/02/73 |
LUNE ROUGE |
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Lune rouge, lune orange, Quel est donc ce doux mélange Dans mon cœur tout en
émoi ? Est-ce le clair bleu du ciel, Les prés verts, le pain, le sel Qui me font rêver à toi ? Je parle des fruits sauvages, Des ruches, des vieux villages Et tout cela va de soi. Est-ce le goût de la menthe Qui a nourri mon attente De ce qui deviendrait toi ? Universalité ! Est-ce Ta puissance qui sans cesse Déverse en mon cœur l’émoi Ou simplement qui palpite Dans un bonheur sans limite L’amour vrai que j’ai pour
toi ? Jean-François Sautière |
A TOI PEPE |
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Mon cher pépé, Voilà un
an passé qu’un vide nous a envahi. Un an avec toujours tant d’images devant
les yeux, tant de sensations à y repenser, tant de sourires et même de rires
rangés au fond de nos cœurs. Rangés dans un petit coin qui ne veut pas
s’effacer. Voilà donc un an passé que tu as pris la décision de partir en
solitaire pour un voyage que nul vivant ne connaît. Et moi, pendant tout ce
temps, je me suis dit que j’avais un grand nombre de choses à te dire. Je
voulais t’écrire, te dire combien tu me manques, ou plutôt combien tes
bêtises qui me faisaient rire me manquent. Oui, toute ta personne me manque
et dès ton départ j’ai eu l’esprit vagabond à des pensées lumineuses, des
souvenirs et tout ce que tu m’as apporté.
Dommage qu’il pleuvait
le matin où l’on t’a mis en terre. Ce jour là, j’ai eu envie de prendre mon
calepin et de t’écrire. Je pense que je voulais m’adresser à ce grand
monsieur aux cheveux gris hirsute, glissé au fond de son vieux lit, toujours
heureux de me revoir débarquer à Caudry. Je voulais te parler pour ne pas
garder l’image de toi, seul, dans une boîte pas plus grande que ta taille et
dans une petite pièce presque aussi froide que l’hiver de cette journée. J’ai
voulu courir après une réalité qui n’était plus, mais je n’ai même pas eu le
temps pour ça. Et puis entre nous, tu sais bien que maman aurait bondi à
l’idée de voir mes fesses sur ta dalle fraîchement reposée. Elle a tellement
de principes ta fille ! Je pense que ce jour là, je t’aurais écrit une
lettre contenant mes joies et mes peines de jeune fille à la fois étudiante.
Chose que je n’avais jamais faite avec toi. Finalement,
avec le temps qui passe, ma vie qui continue et qui s’enrichit, ce sont les
souvenirs qui ont repris leurs places et balayé cette morne image de toi. Et
maintenant, c’est avec mon pépé en pyjama bleu au fond de son lit avec qui je
discute. Bien sûr, je n’oublie pas la télécommande de la télévision que tu as
dans la main gauche à toujours tripoter pour ne plus savoir comment revenir
aux chaînes visibles et donc rester planté devant du crypté ! Certes ça
t’occupait, mais mémé, elle, n’était pas sourde ! Ça me fait rire de te parler
comme ça à nouveau. Comme tu le vois, je n’ai pas changé ma façon de
m’adresser à toi. Certains diront que je te critique. Mais dans ton cœur, tu
savais très bien que je te taquinais, que je remuais mon pépé tout vieilli,
que c’était comme ça que je te montrais mon amour et oui, tu le savais très
bien. Et puis comme tu disais, qu’est-ce qu’on en a à faire des mauvaises
langues ! D’ailleurs, je suis sûre que malgré ton opposition, tu ne m’en
veux pas trop de t’avoir veillé. Car tu savais que ton chameau préféré l’aurait
fait pour soutenir maman (ton autre chameau). Je ne m’inquiète pas, tu ne te
retournes pas dans ta tombe là !
Le
seul problème que je rencontre depuis le début de ton voyage est une simple
habitude que je n’arrive pas à perdre. Elle est juste présente quand je
rentre à Caudry. Je rentre dire bonjour à tout le monde et je passe donc
naturellement chez toi. Ton chez toi durant cinquante ans passés. Cette porte
tout en débris, le couloir que papa a refait en vert flashi, puis à droite la
chambre. Et au beau milieu de cette chambre, le lit dans lequel tu te tenais
sur la droite (ou sur la gauche si on regarde le lit en face). Il est
maintenant un peu vide et seul avec mémé toujours à gauche. Seule dans ce lit
mais un lit du coup neuf ! Ah oui, tu peux faire l’étonné, ton chameau
de fille a encore désobéi. Et elle a enfin opté pour un matelas et un sommier
tout neuf. Ce n’est pas mémé qui va s’en plaindre au contraire ! Comme
elle dit, dommage que son vieux mari avait tant de sentiments pour ces débris
de literie. Allez, range tes gros sourcils froncés et broussailleux, tu
savais que c’était nécessaire. Tu
vois, je commence à peine à te parler et toutes mes idées sortent dans le
désordre. Mon crayon file plus vite que mes doigts, plus vite que toutes les
images de toi qui passent au fond de mon cœur et dans ma tête. Ah forcément,
je m’y arrête à ces images, et de multiples souvenirs viennent s’y coller.
J’aimerais tellement les partager. Dire au monde entier les souvenirs que
j’ai de mon pépé. Pourquoi je l’aime tant. Accepteras-tu seulement que
quelqu’un raconte quelques bribes de ta vie ? Et voudras-tu seulement
que ce soit moi ? J’ai soudainement une petite honte qui m’envahit,
voire même une déception. Je me rends compte un peu tardivement que je ne
t’ai jamais fait lire ce que j’écrivais. Tout le monde me sait poète, enfin,
le mot est vite dit. Tout le monde me sait romantique dans mes écrits.
Certaines de mes œuvres (qui ne le sont pas d’ailleurs) sont même publiées
trimestriellement dans une petite revue de Caudry. Et toi, je ne te les ai
jamais fait lire. Je ne t’en ai même jamais parlé. Alors comment puis-je
espérer ton accord pour écrire les souvenirs d’un pépé et de ses deux petites
filles ? J’attendais peut-être de trouver mon style, ce que je comptais
réellement écrire, ce que j’aurais décidé de faire publier. De plus, je te
savais grand littéraire même si tout le monde te pensait scientifique. Tu
dévorais des livres entiers en si peu de temps. Et par ma fierté, je n’ai
certainement pas voulu te décevoir. Voilà qu’il est trop tard pour me
rattraper. Mais seras-tu heureux de voir nos souvenirs devenir ma première
publication ? Floriane Kurowiak Mai
2004 |
NEIGE |
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D’épais
nuages chargés de froid et d’obscurité tuent le ciel. Le jour devient la nuit
et la nuit devient le jour, et tout s’emmêle et s’entremêle. Comment ne pas
s’empêtrer dans le temps comme on s’empêtre dans la boue ? De se laisser
aller, de ne plus regarder les secondes qui s’écoulent, plus lentement que
jamais ? Moi,
je suis dans la rue. Il fait un peu froid, et c’est pourquoi je suis
chaudement vêtue. Il n’y a personne à pied. Quelques voitures passent, pleins
phares, et m’éblouissent. Je continue pourtant. Bientôt, des flocons viennent
s’écraser sur mes joues rose vif. Puis, c’est une multitude qui m’attaque. Au
secours ! Tout est blanc, tout est froid, tout est mouillé, tout est
lumineux et tout est sombre, le haut devient le bas, l’envers est l’endroit,
et quand j’ouvre la porte de ma maison, je meurs du choc thermique. Quoi ?
Elle est pas bien ma chute ? BOUT
DE CIEL Il
se passe tant de choses dans un petit carré de ciel. J’aime
regarder mon petit carré de ciel, parce que je sais qu’il n’appartient à
personne. Il
n’y a pas seulement des oiseaux se pourchassant à la saison d’amour, ni ces
petits fils blancs si jolis qu’on appelle nuages, mais ce petit bout de ciel
en lui-même. Un moment privilégié entre lui et moi, où le temps reste
suspendu. C’est dans cet instant où je me plonge en lui et qu’il se plonge en
moi que je suis vraiment heureuse. Il fond en moi comme si tout l’univers se
mettait à remplir mes yeux. Il me raconte des tas d’histoires ce carré de
ciel, mais je ne les comprends pas toutes. Mais ce n’est pas grave parce que,
quand il entre en moi, rien n’a plus d’importance. Je voudrais le veiller
toute la journée, rester accrochée à son sourire éternel. Le
meilleur c’est la nuit, quand ce petit carré de ciel est complètement nu.
Alors on voit à travers. Un peu comme un fantôme sauf que le ciel ce n’est
pas vraiment un fantôme. Il y a des petites lumières en son cœur, qu’il
allume dès que le soleil s’en est allé. Le soleil c’est un peu sa couverture,
vous voyez, pour le protéger. Et la nuit, mon petit carré de ciel se
découvre. C’est là qu’il est le plus fascinant. Il montre l’infini, il montre
l’éternité, il montre la mort, il montre le passé, et tout son être me fait
peur. Je me fais toute petite en regardant son moi, j’essaye de savoir à quoi
il pense ce petit carré de ciel. Il doit se sentir bien seul. Heureusement,
je parle avec lui. Il
se passe si peu de choses dans un petit coin du monde. DELIRE
FERROVIAIRE « Prenez
garde à la fermeture automatique des portes. Vous êtes priés de n’y laisser
ni bagages, ni quelque membre de la sécurité ferroviaire. Tout oubli
volontaire ou non sera considéré comme infraction à la loi et puni comme tel.
Le train s’arrêtera en plein milieu de la campagne, et vous devrez vous
débrouiller par la suite pour retourner chez vous. Attention en descendant
sur la voie : un train peut en cacher un autre. Les
issues de secours se trouvent à la gare. Je vous souhaite un agréable voyage
en notre compagnie. « Huruk-Haï
compagny vous divertira tout au long du trajet, avec comme activités
proposées aujourd’hui : dissection de gobelin (à but pédagogique,
n’hésitez pas à vous approcher pour de plus amples explications) et un saut
par la fenêtre sans élastique (celui qui établira le bon timing du crash
remportera le gobelin disséqué). « Bonne
journée à tous. » Tulu. JULIE VASSEUR |
LE FILET MIGNON DE MANAUS |
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Nouvelle Ce
soir, mercredi 13 juillet 1994, Manaus la capitale de l’Amazonie brésilienne
vit sans conteste, comme tout le Brésil d’ailleurs l’un des événements
primordiaux de l’année. En effet, aujourd’hui se joue la demi-finale de la compétition
mondiale de football qui oppose le Brésil à la Suède. Dans
ce pays, encore plus que chez nous, le sport est roi. Deux réjouissances font
battre intensément le cœur de tout brésilien : le football et le
carnaval. Le touriste a nettement l’impression que ces deux activités
ludiques prennent le pas sur toutes celles qui, à priori, semblent devoir
assurer la bonne marche du pays. Manaus
se trouve située dans une région à très faible démographie. Pourtant depuis
hier déjà, la ville est en liesse. Ce vocable n’est d’ailleurs pas assez
fort : en fait c’est un euphémisme pour signaler qu’elle est en… folie. Une
foule immense déferle comme une houle. Elle occupe, colonise et investit
toutes les rues de cette capitale régionale aussi peuplée que Lyon ou
Marseille. L’agitation est délirante ; chacun se croise, se presse,
gesticule, court en tous sens, s’interpelle et se congratule en vociférant et
bien entendu une pléthore de pronostics alimente généreusement ce bavardage
sonore et térébrant. Jusqu’à une heure avancée de la nuit il est prévisible que, quelque
soit l’issue de ce combat porté à la démesure, acharné, cruel et dantesque,
sécrétera une rumeur incessante, se nourrissant de son exacerbation, au sein
de ce gigantesque magma humain. Certains touristes insensés, c’est bien connu, sont avides de tout
voir de près. Imperméables au danger, avec beaucoup de légèreté et
d’inconscience, ils confient leurs anatomies à cette immense marée mouvante,
et se trouvent engagés dans un dangereux malstrom. On peut se noyer dans
cette foule… car toute brasse ou crawl est impossible. La moindre mésaventure qui puisse arriver aux intrépides c’est de se
faire voler sa montre ou son portefeuille ou son passeport. Car, ici autant
qu’ailleurs, les pickpockets… ratissent large avec une incroyable prestesse. Pour ma part, j’adopte et j’écoute la voie et la voix de la sagesse en
fuyant cette fièvre obsidionale et exponentielle, en demeurant à l’hôtel. De la fenêtre de ma chambre où, de la terrasse située au treizième
étage, je pourrai suivre sans danger les évolutions de la pantomime endiablée
de tout un peuple… qui sera au moins heureux et sans souci pour un soir. Le prologue de ce match s’étire pendant une heure ou deux et je me
rends compte qu’arrive enfin la présentation des deux équipes… un peu avant
l’heure du dîner. Je décide donc de monter au treizième étage où se trouve le
restaurant-terrasse, car, en particulier ce soir, il est déconseillé de dîner
en ville, surtout si l’on désire être correctement servi ! L’établissement
n’est pas fermé… puisque la porte est ouverte. Pourtant je me rends compte
aussitôt que mon arrivée surprend et paraît inopportune, car je suis et je
resterai le seul client durant toute la soirée. Les
regards du personnel, réduit pour la circonstance, sont aimantés et rivés sur
le petit écran. Il est à présumer que je serai ce soir persona non grata
mais, sans me faire de tracas j’attends patiemment qu’un serveur vienne…
prendre connaissance de la raison de ma présence ! Il
faudra plusieurs toussotements préliminaires pour que l’un d’eux consente à
regret à échapper un instant à la séduction de l’image. Dans
un portugais approximatif je lui fais comprendre que je désire déguster un
filet mignon « non passado » c’est-à-dire saignant ou
« bleu », avec légumes, le tout accompagné d’un excellent vin blanc,
brésilien ou chilien, vin qui porte d’ailleurs souvent un nom français,
coûtant environ 10 réals, soit 60 francs la bouteille. Ce désir particulier
semble… aggraver mon cas. En effet les brésiliens produisent peu de vins et
ce sont surtout des amateurs de bière.
Ouf !
Ma commande est passée… mais je me demande si le serveur m’a bien compris,
car il affiche un mutisme déconcertant et retourne vers la télévision,
apparemment sans se soucier de transmettre ma commande. A
l’heure présente, des dizaines de millions de paires d’yeux, en Amérique, en
Europe et ailleurs vont pouvoir admirer et savourer… la
« victoire » du Brésil sur la Suède, car celui-là est le grand
favori. Pendant
que j’attends, au début avec un flegme imperturbable, j’observe quelques brelans
de brésiliens à la mise un peu débraillée qui attendent comme moi… un autre
genre de distractions. Ils se trouvent à quelques mètres de moi, ne
m’accordent jamais un regard et vident un grand nombre de canettes de bière
en conversant sur le mode majeur. D’une voix truffée de tonitruance, ils
s’expriment avec prolixité en ponctuant leurs propos à bâtons rompus de rires
homériques et forcés à sonorité métallique. Imbibé
de ce tohu-bohu invraisemblable je ne risque pas de m’endormir, mais jusqu’à
présent mon entêtement fait prime sur mon impatience. Une
bonne demi-heure s’écoule encore sans que rien ne bouge à mon
intention ; suis-je un savoir ! cloporte ou un infusoire, un ciron
ou un ectoplasme, ou même simplement une ombre : allez savoir ! A la
suite d’une première réclamation on m’apporte enfin le vin blanc, de façon à
me permettre d’user l’attente. Comme il est tiède, il faut que je réclame un
seau de glace, impératif, qui remplit le serveur d’étonnement… mais le mien
n’est pas moindre quand je vois arriver de gros blocs mal équarris dont le
diamètre est presque supérieur à celui du verre ! Tout
en dégustant mon vin blanc je regarde la télévision d’un œil terne car je ne
suis pas un « fan » du football et, de quart d’heure en quart
d’heure, j’aurai bu les trois quarts du contenu de la bouteille sans
qu’apparaisse le steak tant désiré. Le serveur à qui je m’adresse à nouveau vient vers moi sans
empressement, un œil vif sur l’écran et l’autre vide sur mon encombrante
personne ; pourvu que cela ne lui occasionne pas de strabisme divergent,
me dis-je ! Bref, voyant que je perds vraiment mon calme, il se résout à alerter
le maître d’hôtel qui vient vers moi en me disant : « Monsieur,
sincèrement vous voulez que l’on vous serve un filet mignon », et je rétorque
aussitôt « bien entendu, puisque le restaurant est ouvert, que ce plat
figure sur la carte et qu’il y a maintenant plus d’une heure et demie… que je
patiente sans résultat ». Ce
fonctionnaire marmonne quelques mots entre ses dents et sans autre commentaire
s’en retourne d’où il vient. Peu après arrive une dame alerte et sémillante,
le sourire aux lèvres, parlant un peu français. Elle aussi s’étonne que je
veuille me faire servir ce plat « un soir comme celui-ci !! »
Comme je maintiens ma demande, elle me quitte en me disant aimablement
« je vais voir ». Je
m’entends dire en aparté : enfin, un tel retard est insolite. Si ma
patience a des limites par contre mon humour n’en a jamais et j’ajoute :
au fait, on est peut-être seulement en train de tuer le bœuf ! Vingt
minutes s’écoulent encore et l’on m’apporte le steak tant désiré, avec un
grand plat de légumes et de riz. Il y a de quoi nourrir au moins quatre
personnes car le steak lui-même doit peser au moins 600 grammes. Il faut
signaler qu’au Brésil la viande de bœuf de premier choix que nous payons chez
nous 140 à 150 francs le kilo vaut environ 6 réals… soit 36 francs. Maintenant
il va falloir que je mange avec grand appétit une partie importante de ce
plat succulent… ne serait-ce que pour prouver que j’avais vraiment faim et
que mon entêtement était justifié. Les
préparatifs du match ayant pris également beaucoup de retard c’est au moment
précis où il est procédé à la présentation des deux équipes que je m’attaque
à la mastication délectable de cette viande rouge grenat, pleine de saveur. Au
cours de cette manducation il m’est donné de me rendre compte à quel point
peuvent se comporter différemment deux races des antipodes : les suédois
défilent dans le calme, avec sang froid et dignité alors que les brésiliens
le font avec jovialité, en gambadant comme de jeunes poulains, et avec un
certain air de forfanterie et de suffisance… comme si le match était gagné
d’avance. De plus ils se tiennent tous par la main, attitude très américaine. Alors qu’aucun essai n’a encore été marqué un crépitement de pétards
retentit dans toute la ville. A ce hourvari assourdissant vient se mêler le
vacarme discordant des klaxons. Cela paraissait assez prématuré en un temps
où la victoire était loin d’être assurée. Sans conteste la télévision brésilienne est d’une qualité inférieure à
la nôtre à telle enseigne que parfois les couleurs se modifient à un tel
point que les maillots prennent la place de celle des concurrents et
inversement, ce qui ne facilite pas le repérage permanent des deux
équipes ! Pour conclure, l’équipe brésilienne aux allures fanfaronnes gagna de
justesse 1 à 0 et ce fut presque une sorte de victoire… à la Pyrrhus,… ce qui
ne rendit d’ailleurs pas les joueurs moins matamores ! Je resterai à table environ trois quarts d’heure et comme je regagnais
ma chambre au 8ème étage je me fis cette réflexion… mais alors si
j’avais demandé un steak bien cuit, j’aurais encore attendu… au moins
vingt minutes de plus ! Le
lendemain j’ai narré ma mésaventure à mon guide brésilien. Il m’a semblé que
cela allait le faire rire, mais ça ne fut pas le cas. Peut-être fut-il
indisposé par mon allusion, relative aux carences de l’hôtellerie
brésilienne. Désirant faire diversion il me dit simplement :
« aujourd’hui 14 juillet, en France c’est l’évocation de la Révolution
Française, mais ces cérémonies ne passent pas à la télévision
brésilienne, car nous ne nous intéressons qu’aux choses… sérieuses ! Je
me suis bien gardé d’ouvrir une polémique en observant que la susceptibilité
est un grave défaut répandu sous toutes les latitudes. Edouard Desmond |
2ème SOIR : IL FAUT TOUJOURS UN
PROBLEME QUAND TOUT VA BIEN |
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Ce
soir c’est avec un moral bien à plat que je vous écris. Pourtant, et pour une
fois, je ne l’ai pas provoqué. Et bien oui, ne nous voilons pas la
face : les trois quart du temps, les filles s’infligent à elles-mêmes le
moral à zéro. Mais passons, là n’est pas le sujet. Ne
vous est-il jamais arrivé de vous sentir bien en soirée ? Si si. Vous
écoutez une musique qui vous fait vibrer ou lisez votre livre de chevet du
moment, que d’ailleurs vous dévorez à une vitesse inouïe. Vous n’avez rien à
l’esprit ce soir, il est libre, tout léger. La journée n’était pas trop dure,
pas trop stressante et vous avez fait un bon repas. Bref votre soirée est
agréable. Seulement, il y a un hic. Trop bon pour que ça dure me direz-vous.
C’est toujours mon cas ! C’est à ce moment précis qu’il faut qu’une
« aimable » personne vienne me fracasser ma soirée. Un appel, une
visite, un texto, un mail… tout est bon. Votre ex, par exemple, qui, trois
mois plus tard, vous envoie un message pour savoir comment vous allez alors
que c’est lui qui vous a quitté et qu’il sait que vous étiez en dépression.
Et il ne trouve pas mieux après trois mois de silence que de revenir hanter
votre esprit. Sadique ? Salop ? Méchanceté ? Vengeance ?
Ou tout simplement inconscience ? Autre exemple : votre mère que
vous n’avez pas appelé depuis 48 h qui nerveusement s’inquiète. Vous avez
beau lui dire que tout va pour le mieux, elle insiste « Tu es sûre que
tu vas bien ? » « C’est tout ce que tu as à me
dire ? » « Tu passes quand nous voir ? » « Et
ta santé ? Tu as la voie cassée ! ». Bref, de quoi vous
énerver ! J’oubliais, le charmant voisin qui tout à coup fait une crise
de solitude et vient squatter votre palier pendant une heure. Même en ne
répondant que par des « oui » « mmmh » « ha
bon », il tient quand même son monologue ! Bref,
il y a toujours quelque chose pour vous saper le moral quand vous trouvez
enfin la plénitude. À cela, il existe quand même un remède : éteindre
son téléphone portable, débrancher le téléphone fixe, ne pas allumer
l’ordinateur ou ne pas aller voir les mails, ne pas se connecter au chat,
enlever le fusible de la sonnette et prendre garde d’avoir bien fermé les
volets afin qu’on ne voit pas la lumière. Dès lors, votre soirée et votre nuit seront
plus agréables mais gare au lendemain matin ! Suzy Darribehaude |
LE P C |
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Bien sûr que non, il ne
s’agit pas du parti communiste. Ce serait un peu irrévérencieux, dans un
titre, de le réduire à deux initiales. Rien à voir non plus avec
l’informatique. C’est seulement ainsi qu’on appelait, affectueusement, et
pour faire court, notre ami-l’ennemi, Le Père Curé. C’était en l’an 1955, à Palavas-les-Flots, avant
la poussée en hauteur de La Grande Motte, aux temps heureux où la plage était
encore abordable en maints endroits, avant les constructions abusives. La
colonie de vacances « Crabes et Mouettes » imposait déjà son énorme
bâtisse aux petits pavillons voisins que les touristes occupaient durant
l’été. La sacro-sainte pétanque de 17 heures attroupait
joueurs et badauds dans le chemin étroit qui menait au camping. Un monsieur y sacrifiait régulièrement, en tenue
adéquate, tee-shirt et short, mais assortie bizarrement de chaussettes et de
chaussures noires qui tranchaient sur des mollets maigres et blancs. Il était souvent dérangé par quelque enfant qui
l’appelait « Père ». Je n’ai compris que plus tard que ce père
innombrable n’en était pas un, et qu’il avait, sans complexe, adopté tous les
enfants du monde. Heureusement pour lui et pour nous, il aimait aussi la gent
féminine et le pastis. A notre première dégustation, suite à une Fanny
qu’il fallait laver, je mis les choses au point. Il était un curé, nous
étions résolument athées. Il eut l’air absolument ravi ! Se sentait-il
une âme d’évangéliste qui se met, aussi sec, au repêchage des âmes
perdues ? Non ! Je n’en eus pas l’impression. Il trouvait seulement
reposant, peut-être drôle, d’être loin de ses paroissiens, de côtoyer
d’autres gens, de renouveler l’intérêt en quelque sorte. Il n’était pas de
service, tout simplement. On le lui fit bien voir ! Tout ce qui pouvait
le choquer, en taquinerie s’entend, fut dûment exploité par les chipies que
nous étions. Rien à faire, il était ravi ! Et dans ce jeu, quelque peu
pervers, prit naissance une belle amitié. Nous hantions ses pensées. Il parlait de nous en
chaire, sans nous nommer bien sûr, pour affirmer que certains athées valaient
mieux que certains chrétiens. Avec nous, aucun prosélytisme direct. Je crois
qu’il nous aimait. Il ne tarda pas à nous associer à toutes les
sorties de la colo. Celle de Méjanes-le-Clap fut de célèbre mémoire. Notre
PC, déjà enclin à la chose, fut légèrement éméché et gentiment aguicheur.
Paix à son âme, le pauvre ami n’est plus. Il sourirait à cette évocation. Une
certaine faiblesse, reconnue, vous grandit parfois un homme. Nous étions invités souvent aussi aux diverses
agapes, et quand nous étions à table, on supprimait le
« bénédicité » pour ne pas nous gêner. Je crois savoir que le
Très-Haut a pardonné derechef à son fidèle serviteur. Un jour
nous crûmes bien l’avoir fâché. Il adorait les blagues, et c’était monnaie
courante que de voir disparaître pour quelque temps, notre matériel de jardin
ou notre faitout en cours de mijotage. « On a volé le lapin ! » criait la
marmaille faussement effarée. Mais le lapin continuait sa cuisson à la colo
dans une superbe indifférence. Et c’est là que notre riposte a fait mauvais
effet. Nous lui avons volé sa soutane ! En avait-il un besoin immédiat ? Etait-ce un
sacrilège ? Il a bien failli le prendre mal ! Et puis un jour il arriva que sa hiérarchie le
jugeât trop vieux pour diriger le centre. Il tenta de s’assurer dans la
maison une chambre pour, l’été, passer d’éventuelles vacances à nos côtés.
Mais nous n’avons pas compris son appel. Nous avions envie de bouger un peu.
Nous irions en Provence plutôt. Il avait vingt ans de plus que nous. Il
voulait se ménager un cocon, nous avions besoin d’air. Le serrement de cœur de la séparation fut sans
lendemain pour nous. Quelques coups de fil, un courrier qui s’étire… Et voilà
quinze étés consécutifs balayés d’un revers de décision, sans raison valable.
Nous étions encore trop jeunes pour mesurer. Par la suite, nous avons eu les nouvelles
suivantes : « Libéré » de sa paroisse dont il était chanoine,
il avait été affecté dans un couvent, comme aumônier je présume. Il s’y était
montré exigeant, autoritaire, voire odieux. Son neveu, qu’il avait couvé
pendant ses jeunes années, ne le supportait plus. Sa mort fut une bénédiction
pour l’entourage. Les avis de décès, dont il avait prévu l’envoi en
une liste très complète, ne parvinrent à personne… Et voilà l’histoire banale de notre PC, dont la
forte personnalité nous avait impressionnés, que nous avions lâché, puis totalement
oublié. C’est bien là notre infirmité à nous, nous ne
savons guère aimer longtemps, ni très fort. Paule Lefebvre
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