SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N° 15

 

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Juillet-Août-Septembre  2005

 

Illustration BD page 2

Patrick MERIC

Mon coup de cœur !  page 3

Denise LEPRÊTRE

     JEUNES

 

La force page 4

Préscillia TRIGO

Pomme rouge page 4

Collège RENAUD-BARRAULT

Poème  page 5

FLORENCE

Temps passé   page 6

Christelle LESOURD

Le p'tit oiseau page 6

LUCIOLLE

Premiers instants… page 7

Ecole St Michel

Anonyme  page 7

Caroline LALISSE

     ADULTES

 

T'es où ? page 8

Marie-Antoinette LABBE

Je suis un cœur solitaire  page 8

Thérèse LEROY

Grandir page 8

Suzy DARRIBEHAUDE

Le bengali  page 9

Yann VILLIERS

Elle court  page 9

Floriane KUROWIAK

Bain de jouvence  page 10

Thérèse FABIAN

Pour Mathieu page 11

Marie-Jo WANESSE

La légende de Saint Nicolas  page 11

André NOIRET

L'amour  page 12

Guislaine LAURENT

L'art de vieillir  page 13

A.BLOT

Açvine 6/24  page 13

SAINT-HESBAYE

Trébucher sur … page 14

Brigitte CAPLIEZ

    NOUVELLES

 

La cueillette page 15-16-17

HERTIA-MAY

Le strapontin page 18-19-20

Paule LEFEBVRE

Le service est compris page  21-22-23

GRASJACQS

Histoire de classe page  24-25-26

Jean-François SAUTIERE

Les écheveaux du destin page 27

Alfred LENGLET

Vacances de rêve page  28-29-30

Geneviève DEMARCQ

Un petit rien  page 31

Sortie Min Grind-père y disot toudis page32

Julie VASSEUR

Hector MELON D’AUBIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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 NOUS SOUHAITONS À TOUS NOS LECTEURS

D’AGRÈABLES VACANCES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P1

 

MON COUP DE COEUR !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

La production romanesque française de ces années-ci n'est pas sans intérêt…mais où sont "les très grands" d'il y a 40 ou 60 ans ?

 

Ne soyons pourtant pas pessimistes ni chauvins ; du monde entier, comme l'écrit Michel de Bris, nous vient : "une littérature voyageuse, aventureuse, ouverte sur le monde, soucieuse de le dire…" et je vous avoue tâter, souvent des romans étrangers…

 

L'un de mes derniers bonheur : "seule, la mer" de l'écrivain israëlien Amos Oz accueilli par une presse enthousiaste. Cela se passe à Tel-Aviv : un veuf…une vieille amie, veuve elle aussi, tout leur entourage, parfois un peu inquiétant…le fils du veuf Rico, parti à la recherche de lui-même en plein Himalaya…car cela se passe aussi au Tibet avec les inquiétudes et les rencontres de Rico…mais servi par une façon d'écrire extraordinaire : on passe de la prose poétique au poème, et à la prose tout court…Une page…ou moins…ou un peu plus pour faire avancer l'histoire ou les questionnements des personnages.

 

C'est beau…parfois déconcertant…Tous les héros du livre – et le narrateur lui-même ! – finissent par devenir de votre famille…Un roman –poème ou un poème qui se lit comme un roman ? c'est l'un de ces livres rares que l'on a constamment envie de relire parce qu'on les sent inépuisables comme la vie.

 

D.LEPRÊTRE

"Seule la mer" d'Amos OZ 

chez Gallimard

                               

 

 

P2

 

LA FORCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Je voudrais me donner la force d’exister

Quand tu n’es pas là !

Mais je n’y parviens pas

Un jour je partirai

Un jour je m’enfuirai

Pour te laisser seul sur cette terre

Et pour que tu  puisses faire ta prière.

              Préscillia  Trigo

 

 

 

 

P3

 

POMME ROUGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Pomme rouge

Celle qui vient

De mon arbre

Pourquoi ne tombes-tu pas ?

 

Pomme rouge

Celle qui a la couleur

De mon sang

Pourquoi ne coules-tu pas ?

 

Pomme rouge

Celle qui est acide

Pourquoi le vent ne t’emporte pas ?

C’est mon secret.

                                    Laura

Collège Renaud-Barrault d'Avesnelles

 

 

 

 

 

P4

 

POEME

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Je jouis du présent

J’achève en paix ma vie,

Dans le sein de la liberté

Je l’aime, mais je lui fus infidèle

Je ne peux réparer mes erreurs, mais

Une personne m’a montré quel chemin prendre.

 

Je suis la fleur de ton cœur

Celle qui s’ouvrira quand

Tu penseras à moi, et

Qui fanera, quand

Cet amour s’éteindra.

 

Tu m’as toujours inspirée

Et je ne trouve pas les mots pour te dire

A quel point je t’aime.

 

Parfois je me brûle encore aux images d’hier,

Et ainsi qu’aux souvenirs passés,

Tu as toujours été

Celui que mon cœur désirait le plus au monde.

 

L’amour est comme le vent, il vient sans qu’on s’y attende

Et quand il a décidé de nous quitter,

C’est comme s’il nous arrachait le cœur.

 

La simple pensée

De te savoir juste dans mes pensées me fait mal au cœur

J’espère que nos chemins se recroiseront un nouveau jour.

 

Tu me manques tellement que je rêve de toi sans cesse

Tu vis dans mes rêves que j’ai l’impression qu’ils sont réels.

 

J’ai écrit ton nom sur le sable,

Mais le vent l’a emporté.

J’ai gravé ton nom sur un arbre,

Mais le bûcheron l’a coupé.

Alors je l’ai gravé dans mon cœur

Là où personne ne me le prendra jamais.

Florence

 


 

 

 

P5

 

TEMPS PASSÉ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

La nuit n’est pas encore tombée

Pourtant cette lumière reste allumée

Le fond du gouffre j’ai touché

Quand tes yeux se sont fermés

Il me semble t’apercevoir

Mais, ce n’est qu’un miroir

Celui du passé

Je l’avais oublié

Une épine dans le cœur

Tu es parti comme un voleur

Il me manque cette douceur

Celle qui effacerait la douleur

La lune dort encore

Le soleil se meurt

Tout est éphémère

Même ce goût amer.

 

Christelle Lesourd - 18 ans

 

 

 

 

 

P6

 

 

PREMIERS INSTANTS…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

Oui, je suis né avec toi :

Longtemps tu m’as protégé,

Jour après jour, tu m’as bercé,

De ta tiédeur enveloppé.

 

Dès mon tout premier cri,

Je te retrouve pour le bain.

Mon hurlement retentit,

J’ai même déjà un peu faim.

 

Dès ma première tétée,

Dans le lait, je t’ai trouvée.

Partout, tu t’es cachée,

A moi de te retrouver !

 

Quelle est cette sensation de chaleur,

Oh ! Confort douillet, dont je n’ai pas peur ?

Et oui ! J’ai fait… « pipi »,

Et là, tu es partie !

 

Que veux-tu que je te dise ?

Ce n’est que partie remise…

Car à chaque instant de ma vie,

Je te retrouverai, mon amie :

Car, ensemble nous ferons le chemin,

Et tu me guideras vers demain !

 

Guislaine LAURENT

Ecole Saint Michel

Classe Maternelle

 – Grande section

 

 

 

 

 

 

P7

 

ANONYME

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Je suis la cible

Des flèches brûlantes

D’amours impossibles

De douleurs hurlantes

Je pleure la nuit

Et je fuis la vie.

 

Caroline Lalisse

 


 

 

P8

 

T'es où ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

T’es où ?

T’es où ?

T’es où ?

 

La main en haut

Si c’était beau

Ce serait du Bécaud

 

T’es où ?

T’es où ?

T’es où ?

 

Wagner appelle Verdi

Les Beatles de nouveau réunis

Laideur et cacophonie

T’es où ?

T’es où ?

T’es où ?

 

En coquille, sur l’oreille

Haut la main

Et la lèvre groseille

 

T’es où ?

T’es où ?

T’es où ?

 

Mensonge et noirceur

Pour ces hâbleurs

Les braqués du portable…

 

de Marie-Antoinette LABBE

 

 

 

 

P9

 

CŒUR SOLITAIRE

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Je suis un cœur solitaire perdu dans les ténèbres.

Je suis une âme perdue peut-être à jamais.

Une âme perdue dans la foule.

Les étoiles s’éteignent une à une,

Les ténèbres recouvrent le monde

Et la mort plane sous forme de société pourrie.

Thérèse Leroy

18 mai 1970

 

 

 

 

P10

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

GRANDIR  

 

Grandir, c’est d’abord…

 

 

Dessiner un soleil de notre main d’enfant,

S’inventer des pays plus bleus que l’océan,

Retourner les nuages et découvrir le ciel,

S’émerveiller de tout, voir briller l’étincelle.

 

 

Grandir, c’est encore…

 

 

Embrasser l’univers d’un regard qui apprend,

Accrocher des étoiles au bleu nuit de l’écran, Tenir le gouvernail d’un bateau déroutant,

Incliner d’un degré la direction du temps.

 

 

Grandir, c’est enfin…

 

 

S’interroger sur tout, ne répondre sur rien,

Cueillir la fleur de vie et l’effeuiller sans fin,

Echeveler les anges riants et poupins,

Partir et revenir au pays d’où l’on vient.

 

Suzy   DARRIBEHAUDE

 


 

 

P11

Le Bengali (1)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Je suis le seul oiseau que supportent les roses

Sans pour autant froisser leur corsage entrouvert ;

Si léger que mon poids, sur les fleurs demi closes,

Trouble à peine leur ombre au pied des vétivers.

 

Je ne sais pas chanter de ravissantes choses

Sous la feuillée fleurie dont je suis le trouvère ;

Mais sur les azalées j’ai de charmantes poses

Pour plaire à ma tec-tec (2) au sortir de l’hiver !

 

Bengali je suis roi ! Mon aigrette en couronne

Orne royalement ma modeste personne.

Mon domaine ? La forêt… et là je suis comblé.

 

Mon sceptre est un agave, mon trône une églantine.

Pour palais un grand flamboyant de la ravine

Et, pour liste civile… un simple grain de blé !

 

(1)                                  oiseau endémique de l’île de La Réunion

(2)                                  oiseau également endémique. Il suit le promeneur dans la forêt

de Yann Villiers

 

 

 

 

P12

 

ELLE COURT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Elle court elle court la jeune fille

Elle court avec les yeux qui brillent

 

Elle court elle court les cheveux au vent

Elle court droit devant

 

Elle court elle court mais après quoi ?

Elle court éviter ses soucis et tracas

 

Elle court elle court mais après quoi ?

Elle court peut-être après la vie et ses joies

 

Elle court elle court le nez au vent

Elle court droit devant

 

Elle court elle court les bras tendus

Elle court vers son futur

 

Elle court elle court les mains ouvertes

Elle court fière d’être

 

Floriane Kurowiak

Avril 2004

 

 

 

 

P13

 

BAIN DE JOUVENCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

C’est une maisonnette aux jolis volets bleus,

Sur le bord de la route, elle sourit quand il pleut.

Elle s’offre aux regards, insouciante et sereine,

Je l’ai connue un jour où je traînais ma peine.

 

Un parfum de bonheur flottait dans le jardin,

Envahissait l’espace, imprégnait chaque fleur.

La vie semblait plus belle, illuminée soudain,

Par le rire d’un enfant, rayonnant de douceur.

 

Cascade cristalline, musique adamantine,

Minois de chérubin aux yeux remplis d’étoiles,

Boucles brunes légères que la brise taquine,

Tout chantait l’avenir, sans soucis et sans voiles.

 

Le cœur aussi léger que des plumes au vent,

Peignait dans l’harmonie ce tableau émouvant,

Captait dans la lumière ce qui est essentiel,

Cette félicité éclaboussée de ciel.

 

C’est une maisonnette aux jolis volets bleus,

Mon rêve inaccessible, mon espoir fabuleux.

Dès que je l’aperçois, parée de son mystère,

Je m’imagine en fleur, ourlée de rosée fraîche,

Poussée un soir d’été sur l’un de ses parterres.

 

Thérèse Fabian –

Dechy

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P14

 

POUR MATHIEU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Ce soir, j’ai pensé à l’Exode, ce livre de la bible. Irraisonnée,

J’ai cru voir en toi, mon bébé, cet enfant abandonné,

Dans une arche de papyrus, enduit de bitume et de poix,

Qu’une mère désespérée avait laissé au NIL : elle n’avait plus le choix.

 

Pharaon tenait en esclavage les enfants d’Israël.

Ils se multipliaient, tant et tant, que la tyrannie

Vint s’abattre sur eux : les mâles seraient rebelles,

Plus personne ne devait leur donner vie.

 

Beau comme il était, elle devait le cacher,

Des mois durant, dans la peur qu’il se mette à pleurer

Quand il ne fallait pas. L’aversion n’avait pas de limite,

Et Pharaon l’aurait tué, si sa fille n’avait décidé de l’élever.

 

Trouvé au bord d’une eau limpide, dans son couffin improvisé,

Pleine de compassion, elle fit de lui, Moïse, celui « tiré des eaux ».

 

Quand je t’ai vu, mon enfant, couché dans le panier,

Dormant comme un bienheureux, le chien à tes côtés, 

J’ai voulu et essayé de trouver en toi, celui qui demain

Serait le seul à qui DIEU indiquerait le chemin :

 

La droiture, la paix, la sécurité.

 

Marie-Jo Wanesse

 

 

 

 

P15

 

LA LEGENDE DE SAINT NICOLAS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Si décembre enneigé au vent fort de l’hiver

Regorge d’histoires aux mille chorégraphies

La tradition nous parle de ces 3 petits clercs

Voulant rejoindre Athènes, y faire philosophie ;

Asile d’un boucher les égorgeant sans fards

Il les met au saloir aux cochons mélangés

Nicolas le grand Saint, passant 7 ans plus tard

Les ressuscite sur le champ, la légende est forgée ;

 

En Lycie (en Asie), un soir au monde il vint

Famille très riche issue, influente et Chrétienne

Redistribue fortune lorsque parents défunts

Apaise forte tempête quand la mer se déchaîne ;

Nicolas devint prêtre se promène en terre Sainte

Celui-ci prisonnier, la paix de Constantin

Le libère, il construit des églises sans craintes

Il devint archevêque et fit miracles pleins ;

 

Durant une famine il aurait notamment

Dans la ville de Myre avant qu’il décéda

Nourri population miraculeusement ;

Ainsi naquit légende de ce saint Nicolas.

Aujourd’hui il fait tour des écoles maternelles

Partageant friandises, aux enfants si joyeux

Qui piaillent d’impatience, en attendant Noël

Et Seigneur Jésus-Christ, notre roi dans les cieux.

 

André NOIRET

 

 

 

 

P16

 

L’AMOUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Dans la nature, un arbre resplendit.

Libre, fier, son feuillage épanoui.

A ses pieds, une minuscule liane rampe, … timidement.

Petit à petit, elle arrive aux pieds de l’arbre,

Jour après jour, pluie après pluie,

Soleil après soleil, elle grandit

Et grimpe, grimpe…

Plus belle, plus forte, elle va, confiante,

Remonte jusqu’au cœur de celui qui l’ignore

Et ne se soucie guère de son sort.

Un jour, un beau jour enfin,

Elle arrive à hauteur de ce beau sir

Qui pour elle, soudain brûle de désir…

Côte à côte, ils ont grandi, puis vieilli.

Et un jour ou plutôt une nuit, le vieil arbre s’est endormi.

A ses côtés, sa fidèle liane, complice de chaque jour, se fane…

Se laissant mourir, chaque jour un peu plus.

Les racines enlacées peu à peu blanchissent :

La vie s’en est allée !

Mais à tout jamais subsiste

Pour que jamais ne finisse

L’amour d’une liane pour un arbre,

D’un arbre pour une liane.

L’arbre c’est toi, c’est moi.

La liane c’est moi, c’est toi.

Dans la vie, rien n’est jamais gagné.

L’amour le plus sincère, celui qui résiste à toutes les intempéries,

C’est l’amour du cœur,

Celui qui donne, offre

Qui reçoit parfois, pour être plus fort et se donner encore…

 

Guislaine Laurent

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P17

 

L’ART DE VIEILLIR 

EN 12 LECONS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

 

 

 

Le plus bel âge ; c’est l’âge qu’on a.

Jacques Lebreton

 

 

Plus tard, il sera trop tard, notre vie c’est maintenant.

Jacques Prévert

 

 

Ne pas vieillir comme un mur qui se lézarde, mais comme un arbre qui s’enracine.

Pierre-Henri Simon

 

Le problème n’est pas d’ajouter des années aux années, le problème est d’ajouter de la vie aux années.

Jean Borotra

 

Le seul vieillissement redoutable commence avec la crainte de vieillir.

Gilbert Cesbron

 

 

A quel âge est-on vieux ? Question mal posée.

On est vieux quand on cesse de progresser. Que chacun s’interroge.

Cardinal Saliège

 

Seul le coeur n’a pas de rides.

Marie de Sévigné

 

 

Mon rêve : mourir jeune à un âge très avancé.

Henri Jeanson

 

Un des privilèges de la vieillesse c’est d’avoir, outre son âge, tous les âges.

Victor Hugo

 

Au contraire des piles Wonder, le vieux ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.

Guy Gilbert

 

Ce n’est pas parce que je suis un vieux pommier que je donne de vieilles pommes.

Félix Leclerc

 

Nous n’avons pas l’âge de nos artères, nous avons l’âge de nos ferveurs.

Stan Rougier

 

« Citer les pensées des autres, c’est souvent regretter de ne pas les avoir eues soi-même et c’est en prendre un peu la responsabilité. »

André Blot

 

 

André Blot

 


 

 

P18

 

TREBUCHER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

Trébucher sur le bord de son cœur,

Et puis s’arrêter là,

Bercé par sa douceur.

Se réjouir alors

D’un fruit qui est trop mûr

Comme si son goût sucré

Pouvait fermer les plaies !

 

Trébucher sur le bord de sa vie,

Et puis s’accrocher là,

Bercé par son ennui.

Se réjouir alors

D’un soleil qui éclate

Et croire que ses rayons

Feront ta guérison.

 

Trébucher sur le bord de son rêve,

Et puis s’envoler là,

Bercé par une trêve.

Se réjouir alors

D’un vide qui étourdit

Comme si une falaise

Mettait fin au malaise !

 

Se relever d’un bond !

Et puis soigner ses bosses

A grands coups de bonbons,

Du temps où t’étais gosse !

 

Brigitte Capliez

 

 

 

 

P19

 

LA CUEILLETTE DES CHAMPIGNONS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Rien à dire ! Impeccable ! Le trajet concocté par Maurice M., adjoint, ne laissa pas indifférent. Les plus jeunes firent ainsi connaissance avec le patrimoine local : le bois du mont aux villes, le pont d’Inchy, les remblais, le bois de Gatignie, la sotière, etc…

 

Plus de cent cinquante participants (154, me souffle l’adjoint aux sports). Une bonne réception aussi au resto scolaire avec jus de fruits variés, casse-croûtes, café et chocolat… Le fameux discours du maire Jean O.

 

Le petit plus de cette journée : la collecte de champignons trouvés sur les sentiers : chanterelles, lépiotes, faux mousserons, coprins chevelus, agarics, etc…

 

Un gobelet de café à la main, nous nous rapprochâmes des végétaux parasites rangés sur une table et nous évoquâmes les « parties » de cueillette. Je me revis dans les pâtures avec Dédé de l’Aveyron, traquant les lépiotes pudiques sur la route de Reumont, figé devant les hygrophores perroquets aux teintes magnifiques et multiples. Je crus longtemps avoir rêvé en repensant à ces basidiomycètes bleus, oranges, verts ou jaunes !

 

Dani le coiffeur vint nous rejoindre, montrant les girolles placées près des pagnottes préparées par Bernard le boucher.

Guy L. nous remémora un célèbre rallye de l’amicale laïque. « Avez-vous en mémoire la fameuse épreuve où il fallait que chaque équipage ramène un satyre puant ou phallus impudicus ? » Nous sourîmes : c’était le prof de sciences naturelles qui parlait.

 

« Vous allez rire ! » Le groupe se retourna sur Bertrand L., dit le « canari » à cause de sa passion pour les oiseaux. « Vous allez rire ; gamin, j’allais aux quatre patûres sur le chemin de Maretz. Il faisait à peine clair quand je vis derrière les « baillages » de multiples taches blanches. Je retirai mon gilet et sautai les fils de fer barbelés. Me penchant pour prélever délicatement mon repas, je me trouvai en face de cailloux de craie destinés à l’amendage ».

 

Je ne pus m’empêcher de lui rétorquer : « c’est de famille, c’était pas ton frère qui avait vu un ovni dans ce coin ? »

 

Un autre personnage tourniquait depuis dix minutes dans son coin avant de se décider à se rapprocher de notre petit comité qui gagnait en nombre à chaque récit :

Hubert, le visage encombré d’une barbe digne du capitaine Haddock et d’une casquette de vieux loup de mer, armé d’une pipe pour dernier décor. Ne s’encombrant pas de grandes phrases : « Et Dédé qui ramenait des dizaines de kilos de pieds bleus, le dimanche au café ? » « Tu parles : Dédé qui rageait quand Alfred B. était passé avant lui, laissant comme traces des cadavres de ces magnifiques tricholomes ». Nous tentions alors de convaincre les clients de les cuisiner à la poêle comme un steak. « Pierrot m’en a encore reparlé l’autre jour à Inter. Je ne l’avais pas vu depuis plus de dix ans et l’anecdote qui lui est revenue était cette histoire de champignons ! »

 

Alors que les derniers participants traînaient encore pour finir la matinée devant un apéritif, du moins l’espéraient-ils ; alors qu’Antoine et les autres ados finissaient de ranger les chaises sous les ordres de Maurice et de Claude ; alors que Jean-Luc commentait une soirée de chasse aux coprins à la lampe de poche sur le campus ; Guy T. se lança dans un récit tragi-comique.

Je redoutais ce moment mais c’était couru d’avance.

 

Guy T. était un vieux copain d’adolescence. Nous nous étions connus à l’école de musique et entre deux séances de solfège ou répétitions de musique, il avait toujours une bonne blague à diffuser ! A chaque fois que je le croisais, je l’associais à cette visite du cimetière, pour voir les « feux follets » en compagnie de Georges F. et d’Henri !

Bref : Guy T. était le dénominateur commun de toutes les sorties et aventures douteuses : les parties de pêche, le carnaval avec les manteaux de cow-boys, le jeu du tirlipot aux anciennes écoles, les séances de ping-pong, la relance du football en 1968, et les répétitions de théâtre dans la salle du presbytère…

 

Avec son physique de « Grand Duduche », il était redoutable quand il abordait ses récits. Le vin était tiré, il fallait le boire !

 

Sa joute oratoire faisait d’autant plus mouche qu’il prenait les autres à témoin et ce témoin, cette fois-ci, était votre serviteur !

 

« Et la boum, la fameuse boum où nous sommes revenus vers deux heures du mat avec Marcel D., Pierre M., Simon L., Charles M., tu rangeais les disques ! » Je dus répondre en en convenant :

« Il s’agissait de la fin de la soirée aux anciennes écoles, l’argent était destiné à financer les futures activités du club des jeunes. Il fallait terminer à deux heures comme c’était d’accord avec le Maire. Nous restions à nettoyer la salle avec Bernard, Claude, etc…

 

Pour me débarrasser gentiment de ces visiteurs, je leur lançai l’idée d’une cueillette de champignons. Je proposai de retourner chacun chez soi pour se changer et nous nous mîmes d’accord pour se retrouver chez Charles M. Descendant la rue avec mon sac de disques car je faisais souvent le DJ ; habillé en tenue adéquate, je remontai la ruelle à Baudet, puis la ruelle de Fervacques et les retrouvai devant la dite maison. Les copains attendaient sur l’escalier. Nous entendîmes le père de Charles vociférer, réveillé par les bruits que faisait son fils.

 

« Quoc’chè qu’t’fous ? » Réponse : « J’vais à champignons ! »

« A deux heures du matin ? Mais t’es fou, min gaillard ! »

Nous le vîmes enfin sortir, le litron sous le bras !

 

J’informai alors mes compagnons des meilleurs coins à agarics : les terrains devant l’ancienne brasserie, sur la route de Clary, et nous voilà partis rue Delory.

 

Passant devant une maison restée allumée, Marcel sonna. La fille aînée nous ouvrit et fit du café. Nous arrivâmes dans la pâture vers trois heures et ne trouvâmes que quelques psalliotes. Il faut dire que nous n’étions que fin août !

 

Quelques bouteilles vides plus tard, Simon nous persuada de pousser jusqu’à Clary où il avait un vieux collègue de stage. Sur la route, nous croisâmes Monsieur le curé, revenant d’aller dire la messe. Nous lui montrâmes le résultat de nos pérégrinations : quelques végétaux frêles et maigrichons !

 

Arrivés devant la boucherie du copain, Simon sonna. Son ancien collègue nous ouvrit, en même temps que sa boutique et fit le café ».

 

Guy reprit alors la parole, jugeant que j’avais trop parlé :

 

«C’est alors que le boucher, le regard mauvais depuis le début de la rencontre avec notre troupe, se saisit des bouteilles de pinard encore valides et les vida devant nos yeux médusés dans le lavabo ».

 

Le copain de Simon faisait partie de la ligue anti-alcoolique, mais bien sûr, Simon l’ignorait.

Hertia  May

Avertissement aux lecteurs : les prénoms sont purement fictifs. 

 

 

 

 

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LE  STRAPONTIN

 

ou

 

Les malheurs d’une octo… comme ils disent

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Il était une colonne qui méritait amplement son statut de colonne. Elle tenait !

Et puis elle devint la grincheuse que je connais aujourd’hui, avec ses sautes d’humeur, ses exigences, ses revendications. Et cela, en douceur, presque à mon insu. Les années vous prennent ainsi, subrepticement. Souvent la priorité va aux « sacrées », qui ne le sont pas puisqu’on y touche, et les lombaires suivent, en bonne place. Et la marche se fait hésitante, trébuchante, le regard apeuré. Rien que cette allure tâtonnante vous donne vingt ans de plus.

Ca s’appelle l’arthrose. Ca se soigne un peu, et puis on fait avec.

Mais ça ne fait pas mourir, ma petite dame, au contraire, c’est un gage de longévité…

Bien sûr ! Mais c’est surtout l’interlocuteur que cela soulage, de ne pas être tenu de s’appesantir sur les maux de l’âge. Pas encore…

 

II

 

J’aimerais bien, comme d’hab, disent les jeunes, m’attaquer aux mots croisés de la Voix du Nord.

Difficile ! Les caractères sont petits, même quand j’ouvre grand les yeux.

J’écoute les infos du matin, mais les journalistes ont une diction épouvantable. De mon temps… Et cette musique qui les submerge ! Alors je grogne.

Même les aliments me trahissent…, mais où sont les madeleines d’antan, mon pauvre Proust ?

Jusqu’aux miroirs qui me renvoient une vieille dame revêche et inconnue. Je les répudierai un jour prochain, pour me mentir plus aisément.

 

III

 

Nous avons un club, comme il se doit, c’est si stimulant de se retrouver entre vieux !

N’y aurait-il pas quelque part un jeune, ou deux, à nous attribuer en retraite complémentaire ? Cette ségrégation par l’âge est immorale. Elle n’existe pas dans les prisons !

Nous jouons à Pyramide, un jeu de connaissances et de réflexes que la télé a cru bon évacuer de ses programmes et auquel nous sacrifions avec plaisir chaque semaine. Il paraît que cela stimule les neurones. Mais cela démoralise aussi quand le cerveau répond mal. Mais l’ambiance est bonne.

Je suis la doyenne. La doyenne des vieux. C’est de l’acharnement ! Ce titre, que je n’ai jamais revendiqué, m’est servi avec une parfaite courtoisie, et comme personne ne veut prendre mon tour… Il faut faire face à l’élimination naturelle, le renouvellement du monde est à ce prix.

Ce faisant, j’ai tendance à m’angoisser et à m’enrichir de tous les symptômes des maux en vigueur et cela va de l’infarctus en puissance à la congestion cérébrale, avec un clin d’œil en direction de Parkinson et son pote Alzheimer.

Mais pour cette fois j’ai dû rendre les armes devant une gastro ridicule que j’étais bien la seule à ne pas connaître et dont le compte fut réglé en quarante huit heures.

On ne peut se fier à personne !

 

IV

 

La maison est vide, d’autant plus vide qu’elle fut pleine. Vous voyez ce que je veux dire ! Le silence brutal et entier est angoissant. Et il devient, de plus en plus, le sinistre privilège de l’âge.

Forcément ! Les sorties sont devenues de véritables expéditions. Il faut être accompagnée, avoir la forme, pouvoir prendre son temps. Nous sommes devenus des freins à main, après avoir été de piaffants moteurs. Dur dur d’être un passif !

Mais on peut encore geindre… et regarder ce monde qui nous quitte !

J’aimerais seulement que l’aide-soignante de la clinique ne m’appelât pas « mamie » et cessât de ne voir en moi qu’une demeurée. Et que le jeunot qui me regarde tenter ma chance sur ordinateur, dissimule avec plus de soin une supériorité, pas si évidente que ça…

Ceci dit, on s’y fait.

Il reste un sujet à notre portée : la maison de retraite !

On visite…

Côté hygiène, soins, accueil, c’est ok ! Il y a contrôle. Et compétence souvent.

Mais nulle part je n’ai trouvé un « lieu de vie ». Ce qu’on rencontre, c’est un lieu d’attente, de convalescence peut-être, enfin un lieu provisoire, pour séjour souvent définitif !

Les fenêtres donnent sur des talus d’herbes mortes que personne ne foule, pas même un chien. Et le ciel, par-dessus le toit ? Même pas ! Une frange bleu sale qu’on évite de voir.

A vous serrer le cœur !

J’espère que les architectes de ces alvéoles vieilliront !

 

V

 

Elle est debout la Mamie, toute fringante !

Debout dans cette petite salle des fêtes où la famille s’est assemblée en l’honneur d’une petite fille qui fait ses débuts de comédienne.

Mamie n’a pas de place. Nul n’en a cure. On est transparent quand on a vieilli.

Tout de même un petit-fils a réalisé, et il parcourt les lieux d’un regard inquiet.

Ah ! Voilà ! Dit-il avec soulagement.

Viens Mamie ! Là-bas… Sur le côté… Je t’ai trouvé un strapontin !

Il est gêné le jeune garçon, la place n’est guère confortable.

Mais la grand-mère, gaillarde, balaie les regrets d’un sourire, une place en vaut une autre ! Et, désormais, il faut bien en convenir, et sans la moindre aigreur, le strapontin, c’est la sienne !

Paule Lefebvre

 

 

 

 

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Le service est compris.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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« Dumerbion » : caserne austère en plein cœur de Mézières, petite ville accueillante des Ardennes. Le troisième régiment du Génie y a jeté l’ancre depuis une bonne cinquantaine d’années, façon de s’exprimer dirons nous, on a là-bas plus les pieds sur terre que dans l’eau, quoiqu’il arrive  aux bidasses de naviguer sur la  Meuse ou d’y construire des ponts factices et de les démonter en un temps record, tâche bien souvent impartie aux petits bleus, ces jeunots tout frais émoulus du giron de leur mère et à qui on donne un clé à mollette pour remplacer le biberon. Certains grands bébés, les sursitaires a-t-on coutume de les désigner, frisent les vingt-sept printemps et cohabitent avec des nourrissons de dix-huit ans. Il est parfois délicat de rompre la glace au vu de ces grandes  différences d’âge mais bien souvent un boute-en- train trouvera le moyen de détendre l’atmosphère.

Lemoine avait tenté l’impossible pour se faire réformer : père en longue maladie, maman sans travail, loyer de maison élevé mais il n’était pas sourd, pas assez myope, n’avait pas de malformation cardiaque, pas de député pour le pistonner alors ses piètres arguments  n’eurent pas voix au chapitre et il se retrouva  sous les drapeaux le premier Novembre 1967. L’armée n’était pas sa tasse de thé mais ça valait sûrement mieux que le couvent. A l’époque, on ne badinait pas avec les «  classes » : deux mois sans permission où on menait une vie quasi monacale, où on se farcissait d’insipides corvées dont je vous épargnerai le détail, par décence. Le menu était épicé : il fallait en baver pour mériter la fourragère mais le « troufion » possède de solides capacités d’adaptation et aime se regarder dans une glace lorsqu’on lui confie une délicate mission, si puérile soit-elle. De plus, pas un bleu n’aurait osé contester l’autorité du « cabot chef » ou pis encore du «  juteux » ! Lupin serait entré dans une colère BLEUE et l’affaire se serait soldée par « huit jours de trou » ; inutile de l’apitoyer, il avait un cœur de glace et était intransigeant sur le chapitre de la discipline.

Dans le civil, Lemoine était instituteur remplaçant. On pouvait alors enseigner sans passer par l’Ecole Normale à condition d’obtenir son CAP d’enseignant à l’issue de deux années de remplacements. Formation pratique, directement sur le terrain en présence d’élèves, assortie d’un apprentissage théorique à raison d’une conférence hebdomadaire et d’une dissertation à rendre tous les quinze jours. Très rébarbatif d’ergoter par écrit sur la pédagogie, si peu motivant que Lemoine, pourtant titulaire du bac Philo, rédigeait son pensum la veille de rendre le devoir, à l’emporte-pièce, sans aucune recherche préalable, sans aucune motivation. Ce qui devait arriver arriva : recalé à l’écrit du CAP, il devait repiquer une année mais le spectre de l’incorporation se profilait. Il décida de lever l’ancre et de casser le sursis : de toute façon, il en avait marre et éprouvait le besoin de prendre du recul. Après tout, on n’entre pas dans la grande maison Education Nationale comme dans un salon de thé.

Bien sûr, comme un bleu, «  l’instit. » emporte dans son barda la photocopie du diplôme du bac et pas l’original. Fatale erreur. Au moment de l’accueil, il tombe sur un « serre pattes », très zélé et froid comme la glace qui lui sort d’une traite : « Ici, pas de toc, du vrai, pas de photocopie ; de toute façon, elle n’est même pas certifiée conforme ; règlement, règlement, jugulaire, jugulaire. Pour la peine, comme vous avez une bonne tête, je vous mets sur votre livret militaire, par protection, Certificat d’Etudes Primaires, et je suis bien bon, croyez-moi ». Déchu de son niveau d’études et un instant décontenancé, le maître d’école enrôlé de force ne se hasarde pourtant pas à protester : « Le Chef a toujours raison, même s’il a tort ». Si le besoin s’en fait sentir, il apportera l’original au retour d’une permission et tout le monde sera content. Au pire, en dernier ressort, contre quelques paquets de clopes et sur production de la pièce authentique, il trouvera bien moyen de faire corriger le tir en magouillant et les supérieurs  n’y verront que du bleu.

Contre toute attente, les classes se passent sans encombre et, au retour de la première permission, Jules Lemoine emmène dans sa valise le précieux document dont il se jure de tirer profit à la première occasion. Désigné de corvée pour entretenir la chambre d’un sous lieutenant, il lui raconte sa rocambolesque histoire et ce dernier, sans sourciller, rectifie la bévue de sa propre main. L’honneur du corps enseignant est sauf !

A force de persuasion et démonstration de bonne conduite, le disciple de Ferry se vit confier la délicate mission de préparer au certificat d’études les demeurés du contingent. Pas question de se planter sur ce coup-là : l’armée ne transige pas avec les incapables. Ses angoisses n’étaient pas fondées, et pour cause : il obtint  des résultats plus qu’honorables pour la classe mobilisée. Sa réputation d’éminent pédagogue arriva aux oreilles du lieutenant colonel,  l’officier conseil. Tout se sait à la caserne. Ce dernier lui fit surveiller des épreuves d’admission à Saint Cyr, mission de la plus haute importance. Bien qu’étant toujours« deuxième pompe »,  la bleusaille avait pris du galon.

Avril 1968. Des rumeurs circulaient. La révolution grondait sur Paris. Le troisième Génie n’était pas loin de revêtir ses bleus de travail  pour participer à la neutralisation de la capitale. Mai68. On diffusa la nouvelle à la vitesse de la poudre : toute la caserne était partante, à l’exception de quelques planqués, du personnel d’intendance et de quelques veinards partis dans leurs foyers et dont les trains de retour étaient passés au bleu. L’officier conseil ne voulut pas se priver des services du « premier sapeur »Lemoine, monté en grade pour services exceptionnels d’instruction rendus à la patrie en péril. Son propre commandant le déclarait « Bon pour Versailles » mais il dut s’incliner devant l’autorité supérieure à l’issue d’une joute verbale aux propos épicés, spécialité de la gent militaire : quand un commandant croise le fer avec un lieutenant colonel, les lames bleues des bretteurs font rougir de honte leurs épouses qui prennent le thé !

Mine de rien, Jules se la jouait très fine et préparait ses arrières à Dumerbion. Certes, sa brillante promotion du « certif » ne manquerait pas d’aller servir un thé glacé aux manifestants du Grand Trianon, ce qui le mettait d’office au chômage et le rendait mobilisable par ce regrettable coup du destin, mais il s’était laissé dire que le barman du mess, en permission ne pouvait rentrer chez lui faute de locos et wagons ensevelis sous les barricades.  Le dénommé Vichy, serveur patenté mais qui ne buvait jamais d’eau, sauf durant le service, avait donc provisoirement pris sa place derrière le comptoir et une place en salle attendait celui qui saurait saisir l’opportunité. Heureusement la concurrence était maigre, les sapeurs s’affairant à préparer le barda et lever l’ancre, en camions bondés, cap Sud Ouest, sur l’île de France. L’officier conseil, d’une éternelle reconnaissance, lui offrit sur un plateau, son tablier de serveur :

- Sapeur Lemoine, vous êtes dispensé de grande manœuvre pour le moment. Votre devoir de soldat vous appelle au mess à servir en table. A en juger par votre prestance, vous n’aurez aucun mal à livrer sans encombre les biftecks bien bleus aux « sous off ». Quand l’insurrection sera matée, il sera temps pour vous de rouvrir avec les potaches le livre au chapitre où vous l’aviez laissé. Attention, ce n’est pas une sinécure : cent cinquante couverts à vous répartir à trois, trois services dans la journée, matin, midi et soir. Ce n’est pas un boulot de petit bleu : toujours le sourire, tenue irréprochable, pas le droit à l’erreur : «  viré » si la tasse de thé passe par dessus bord ou si l’assiette atterrit sur la vareuse. A Dumerbion, on ne décore pas les galons avec les macaronis, c’est bien compris ? ! Des questions ?

- Est-ce que nous sommes soumis au même régime que les autres ?

- Non, non, vous faites bien de me le signaler, j’oubliais : exempt de tir, de corvée, de défilé,  de manœuvre, de revue de casernement. Permission à tour de rôle, une semaine sur trois, en rotation. Quartier libre tous les après midis, après la corvée de vaisselle, soit de quinze heures à dix -huit heures. En un mot, vous servez le pays en servant à table. Rien d’autre ?

- Ce sera tout mon lieutenant colonel ; à vos ordres !

- Rompez, sapeur Lemoine ! Je suis plus qu’en retard ; mon épouse donne un thé. Si elle ne me voit pas débouler avant cinq minutes, je vais me faire remonter les bretelles. Vous savez ce que c’est  avec les femmes d’officier, les maris n’ont pas voix au chapitre : ces diablesses portent la culotte !

Emoustillé par ses nouvelles fonctions, Jules s’en donnait à cœur joie et se dépensait sans compter, virevoltant d’une table à une autre avec grâce et élégance, répondant finement aux propos épicés, devenant jour après jour un pilier du mess apprécié à sa juste valeur pour sa compétence notoire et sa grande affabilité. « Quel faillot ! », diraient certains dans le jargon militaire. Pendant ce temps-là, les « Gavroches » du vingtième siècle balançaient leurs derniers pavés sur les boucliers des CRS. La rupture de stock devenait inéluctable et sonnait le glas des revendications. Sur fond de paix sociale retrouvée, le régiment au grand complet, pas une victime, pas un blessé, ni même une égratignure, la gloire en quelque sorte, fit sa grande rentrée à Dumerbion mieux que Jules César, pas Lemoine, celui-là avait su se planquer, au retour de campagne. Les derniers incorporés avaient même construit un arc de triomphe métallique : autant que l’entraînement serve à quelque chose. Parades, défilés, discours grandiloquents rendirent hommage aux sauveurs de la nation ; les  bleus du dernier cru avaient les larmes aux yeux, les vieux baroudeurs à la vareuse criblée de décorations restaient de glace : « Ils en avaient vu d’autres ». La démonstration de force inquiétait  le sieur Lemoine sur le chemin de la destitution. Encore une fois, il fut sauvé par un fabuleux concours de circonstances : Bouvier, le barman, avait pu enfin prendre le train, les voies étaient déblayées ; sitôt rentré à Mézières, il rendit ses effets militaires et regagna définitivement ses foyers. Le paquetage à la sortie était bien lourd : quelques treillis passèrent au bleu, moyennant trois paquets de « troupes » pour acheter la discrétion du douanier, fumeur invétéré. Ces «  bleus de travail », de couleur kaki, sont d’une solidité à toute épreuve et d’autant plus appréciés quand on peut les chaparder. Faut bien conserver un souvenir  du service militaire pour que son utilité soit comprise par la  famille du bidasse ! Au final, tour de passe-passe : Vichy devient barman en titre, gare à l’alcootest, Lemoine est promu au grade de serveur titulaire, les ouailles analphabètes attendent un remplaçant, ça doit pouvoir se trouver dans le campus.

Les conditions de travail devinrent moins exténuantes : en effet, lors des événements de Mai 68, des régiments faisaient escale à Dumerbion et il était courant de servir cent cinquante, deux cents couverts trois fois par jour ; ça n’avait rien à voir avec un salon de thé peinard ! Le calme revenu sur la Gaule, les guerriers de passage réintégrèrent leurs tribus au grand soulagement des serveurs dont la liquette, en fin de service, avait une odeur particulièrement épicée. On divisa par trois ou quatre le nombre de couverts servis à chaque repas. Il fallut « meubler » pendant les trois heures de récupération de l’après midi. C’est alors que Lemoine, gagné par la sagesse, décida de passer par correspondance son CAP d’instituteur au lieu de taper la belote ou picoler avec les copains. Bien lui en prit : il obtint des notes brillantes aux dissertations proposées et, libéré par anticipation deux jours plus tôt pour cause d’examen pédagogique, fut reçu premier des « bleus de la promotion des instituteurs remplaçants ». Démonstration fut faite par le sapeur Lemoine que « Lorsqu’on ne suce pas la glace à l’armée et qu’on préfère la pédagogie aux mets plus épicés, on a voix au chapitre de retour à la vie civile et on peut lever l’ancre pour des rivages enchanteurs ».

Méfions nous de l’expression : « L’armée n’est pas ma tasse de thé ».

Grasjacqs. 

 

 

 

 

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HISTOIRE DE CLASSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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« Lebrun, viens ici ! »

 

Deux jours plus tard c’étaient les vacances. D’un air très mal assuré l’intéressé se lève. Sans faire de bruit repousse sa chaise en arrière et timidement se dirige vers l’estrade où trône le bureau. Dans la classe règne un silence solennel mêlé de crainte et de curiosité : Lebrun va déguster : au moins cinq coups sur le bout des doigts !

Derrière le bureau se tient le maître, droit, le nez pincé et les lèvres serrées, semblable à une araignée qui voit venir à elle la mouche imprudente. Il tient dans sa main sa terrible règle que tout le monde redoute tant.

Le maître c’est Monsieur Penson, instituteur à la Communale depuis plus de vingt ans. Il fait classe aux « Cours Moyens 2ème année », les grands. Partant du principe que les grands il faut les mater, il a établi une discipline de fer, inconditionnelle. Les punitions et les châtiments tombent sur les élèves comme les giboulées du mois de mars. Pour les dictées par exemple, autant de fautes, autant de gifles. Toutefois pour prévenir les gifles monsieur Penson, pendant qu’il dicte, passe lentement entre les tables des élèves et jette de temps à autre un coup d’œil sur les cahiers. Et comme au fond il a bon coeur chaque fois qu’il remarque une faute il tousse un coup sèchement comme pour dire : «Attention ! Il y a une faute, tu peux encore l’éviter ; cherche ! » Chercher soit, mais à quel endroit ? Au début, au milieu, à la dernière ligne du texte ? On cherche, on cherche… On ne suit plus ce que dicte le maître. C’est la panique. On essaye de se rattraper en regardant sur le voisin.

« Ah !   Ah !    On triche pendant que j’ai le dos tourné ! Tu me copieras trente fois… »

Avec les gifles ce sont aussi les joues qu’il agite frénétiquement entre le pouce et l’index. Ceci se passe le plus souvent en leçon d’arithmétique.

 

- « 9 fois 8 ? »

- « Heu… »

- « Mon petit ami il va falloir apprendre tes tables de multiplication » conseille-t-il en tirant la joue comme s’il s’agissait de caoutchouc. Après un tel traitement, certes, on prend des couleurs.

Enfin les retenues du samedi après-midi font terminer les semaines en beauté : une heure, deux heures pendant lesquelles on écrit, on compte, on sèche, refaisant les exercices et les devoirs nécessaires. Monsieur Penson lui n’est guère pressé de rentrer. Il fait les corrections et prépare ses cours dans la classe au lieu de le faire chez lui, tout simplement.

Mais finalement la punition la plus terrible, la plus redoutée et la plus douloureuse de toutes est certainement celle de la règle.

Monsieur Penson demande à l’infortuné élève de présenter une main, les doigts serrés, paume vers le plafond et bras tendu. Le principe est simple : le maître essaye de frapper des doigts de l’élève mais celui-ci peut, s’il est suffisamment rapide, se retirer à temps. S’il y parvient la punition est annulée. Bien sûr, tant que le bourreau n’a pas frappé vraiment, l’élève garde le bras tendu. C’est ce châtiment particulièrement amer que devait subir Lebrun. On avait estimé qu’il ne s’en tirerait pas à moins de cinq coups de règle vu la gravité de sa faute : pendant que le maître écrivait au tableau Lebrun s’amusait à faire des grimaces au plus grand plaisir de son entourage. Un rire non retenu fut cause du vif retournement de l’instituteur qui surprit le clown tirant sur sa bouche tout en passant la langue. Un mouvement d’emportement contenu fut aussitôt suivi d’un malin rictus sur le visage du justicier.

Mais contrairement à ce que tout le monde avait pensé dans la classe Lebrun ne fut condamné qu’à quatre coups de règle dont il parvint de justesse à échapper au dernier. Mais en revanche il obtint trois heures de retenue pour le samedi après-midi suivant.

D’ailleurs il faut préciser que l’habitué des corrections en tout genre n’était pas Lebrun mais Truchon. Cet élève, il faut l’avouer, n’avait jamais fait grand-chose à l’école et ne pensait qu’à chaparder des bonbons chez les épiciers, à pratiquer des échanges de toute nature et à faire la chasse, quand le temps le permettait, aux moineaux et aux lapins des champs. Toute la classe l’admirait. On ne comptait évidemment plus les punitions et les corrections que lui administrait monsieur Penson et chaque fois qu’il faisait des siennes c’était pour la classe un heureux moment de répit.

Voici donc le petit monde de ce C.M.2 de la Communale avec ses éléments perturbateurs et son maître intransigeant et soucieux d’inculquer à ses élèves une conduite et un savoir dignes de ces noms.

 

 

C’est ainsi qu’en cette fin de premier trimestre tous les regards sont tournés vers la plus merveilleuse fête de l’année, enrubannée de scintillements et de poésie : Noël. Bientôt près de la crèche chacun recevra les jouets convoités au pied du sapin enguirlandé de lumière et l’on pense déjà aux huîtres et à la dinde du réveillon. Noël est dans tous les cœurs. Et pour parfaire le tout la neige commence à tomber du ciel bas et gris.

Le maître vient de commencer la leçon de calcul, se démenant à rappeler le mécanisme de la règle de trois. Tous les yeux suivent les flocons blancs qui glissent du ciel. Quelques rappels à l’ordre… L’explication reprend son cours.

 

Les élèves ont cependant remarqué que la place de Truchon est vide. Sans doute en voyant le temps a-t-il décidé d’aller s’amuser dans les caniveaux gelés ou à faire des bonshommes de neige plutôt que d’aller en classe. La leçon est commencée depuis un quart d’heure : toujours pas de Truchon. Monsieur Penson continue. Soudain, au beau milieu d’un exercice, on frappe à la porte.

 

- « Entrez ! »

On entre. C’est Truchon. Un Truchon tout contrit, timide, qui ose à peine franchir le seuil de la salle de classe.

- « C’est à cette heure-ci qu’on arrive ? Sans doute le réveil n’a-t-il pas encore sonné ce matin ? »

Truchon s’avance.

- « Monsieur dit-il en montrant son bras droit bandé, je me suis blessé. Le docteur a dit de garder le pansement au moins une semaine ».

 

En voyant le bras ainsi enveloppé le maître aussitôt se radoucit et invite l’infortuné à ôter ses vêtements et à reprendre sa place qui l’attend près du radiateur. Puis une fois l’émotion générale passée la leçon reprend là où elle avait été interrompue.

Désormais Truchon ne peut plus recevoir de coup de règle pendant une semaine. Quelle chance ! Tout le monde l’envie.

 

A partir de ce moment les jours s’écoulèrent pour lui paisibles et doux. N’ayant plus à faire ni dictées, ni rédactions ou problèmes de trains qui se croisent, l’école était devenue pour lui un paradis. On ne l’entendait plus, il ne se faisait plus remarquer et même il apprenait ses leçons d’histoire et de géographie comme il ne l’avait jamais fait jusqu’alors.

Monsieur Penson lui demandait de temps à autres si sa main allait mieux, ce à quoi Truchon répondait qu’elle le faisait encore souffrir et qu’il retournerait vraisemblablement chez le médecin si cela continuait ainsi.

- « Tu as raison Truchon, il faut être prudent ».

 

Cela faisait maintenant cinq jours qu’il avait l’avant-bras bandé. Il avait essayé à maintes reprises d’écrire mais chaque fois ses efforts étaient restés vains et son crayon était retombé impuissant. Sa main le faisait toujours souffrir. Le maître de la classe , ses camarades dans la cour de récréation ne pouvaient que lui conseiller de rendre une nouvelle fois visite à son médecin. Tout le monde se préoccupait réellement de sa santé. Avec les jours qui passaient l’élève meurtri prenait même figure de héro antique tel qu’il apparaît dans les livres d’histoire, figé dans une attitude à la fois fière et magnanime. Plus encore ses camarades, envieux de sa position privilégiée face au travail scolaire que son inaptitude avait favorisée admiraient maintenant cette renommée qu’il commençait à acquérir.

 

Et Truchon, lui, se sentait bien.

 

Il faut l’avouer : au début Monsieur Penson avait semblé préoccupé. Puis, petit à petit cette inquiétude s’était changée en étonnement. Dix jours sans amélioration, dix jours pour un bandeau, cela était tout à fait curieux même si Truchon affirmait que sa main allait beaucoup mieux et qu’il fallait attendre encore un moment avant qu’il puisse s’en servir de nouveau aisément.

Et toute la classe le plaignait et l’admirait.

 

Le lundi qui précédait les vacances le maître décida de commencer la journée par une dictée au titre évocateur : « Le jour de Noël ». On respirait cette fin d’année à pleines narines : ses cadeaux, ses vacances, sa neige. Les esprits étaient transportés de joie dans ce proche avenir. Truchon lui ne se sentait toujours pas capable de tenir convenablement un crayon. Cela ne satisfit pas le maître qui avait ruminé son coup depuis quelques jours. Il fallait maintenant passer à l’acte.

 

- « Truchon, viens ici ».

 

Ce dernier s’étonna. Il n’avait rien fait de mal, pas de faute, pas de tâche sur son cahier, rien… Il se leva pourtant et s’avança vers le bureau, ne sachant s’il fallait sourire ou pas. La classe pressentait quelque chose.

 

- « Approche… Montre ta main… Non, l’autre, celle qui est bandée ».

 

A ce moment Truchon devint plus rouge que les plumes du rouge gorge de la gravure accrochée au fond de la classe. Le visage de Monsieur Penson s’éclaira quelque peu. Il dégrafa l’épingle qui maintenait le bandage puis, presque religieusement, se mit à dérouler celui-ci pour libérer la main. L’attention très grande n’était altérée d’aucune sorte. Encore trois tours, deux tours, un tour… Soudain le pansement tomba, laissant la main de Truchon à l’air libre, une main intacte sans la moindre petite trace de blessure.

Jean-François Sautière

 


 

 

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LES ECHEVAUX DU DESTIN

(Extrait)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Joseph se présenta finalement au centre de mobilisation de Lyon, le 1er mars 1916, alors qu’un nom nouveau avait fait son apparition dans l’histoire de France : Verdun.

A quelques mois de son incorporation, son engagement fut accepté après une rapide visite médicale. Pour la première fois de sa vie, Joseph fut confronté à la promiscuité de la vie collective, se retrouvant au milieu de beaucoup de jeunes gens de son âge, qui, partageant le même enthousiasme, voulaient servir la mère patrie, sans état d’âme.

Dans une caserne grise et froide, après avoir remarqué que le pantalon rouge tant décrié par son grand-père avait disparu du paquetage, Joseph fit le dur apprentissage de la vie militaire. Les exercices s’enchaînaient sans laisser aux nouvelles recrues le temps de se reposer. Il fallut apprendre à manier le fameux fusil Lebel, les grenades, mais aussi des armes collectives, et en particulier la mitrailleuse Hotchkiss. Joseph se fit remarquer pour son entrain et son courage. Sachant réconforter ses camarades prêts à craquer, il joua un grand rôle dans la cohésion de sa section d’instruction. Mais ce temps de formation passa bien vite et, après quelques semaines, les nouveaux soldats furent dispersés dans des unités différentes. Ils se séparèrent le cœur serré, certains que nombre d’entre eux alimenteraient la liste déjà très longue des victimes du conflit. Joseph Fervel fut affecté au 65e régiment d’infanterie, qui devait être dirigé vers le front de Verdun, où fondaient, comme dans un chaudron diabolique, les forces vives de l’armée. Là se jouaient la guerre et le destin du pays. Malgré des privations, une misère psychologique et matérielle toujours plus forte, Joseph ne se plaignait jamais. Il avait choisi sa condition de soldat.

Le véritable baptême du feu pour Joseph Fervel eut pour cadre, le 6 mai 1916, la côte 304, haut lieu de l’héroïsme de l’armée française. Son régiment avait été conduit par camions jusqu’à quelques kilomètres des combats. L’approche du secteur de première ligne fut ensuite très pénible et lamina d’entrée les forces des combattants. Plusieurs fois, Joseph ferma les yeux quelques secondes afin de reprendre ses esprits, et se mordit la langue pour ne pas pleurer.

Bouleversé par l’artillerie, le terrain ne permettait plus le creusement de galeries. Comme ses camarades, Joseph progressait le dos courbé, écrasé par son barda, son fusil, ses munitions et ses vivres de réserve. Cette approche sur plus de deux kilomètres se fit sous le tir incessant des canons et des mitrailleuses. La compagnie de Joseph mit ainsi plus de dix heures pour enfin prendre position, en pleine nuit.

Joseph découvrit dans cette première grande épreuve la signification du mot fraternité. Certains soldats tombaient dans des trous d’eau béants où ils auraient pu se noyer. Rapidement, plusieurs camarades se précipitaient pour les aider à sortir du piège. On échangeait alors une gorgée d’eau, un bout de pain. Ces premières heures, Joseph les trouva interminables, d’autant qu’il tomba lui-même dans un de ces trous et qu’il en sortit trempé jusqu’aux os. Sans vêtements de rechange, il n’eut ni l’occasion de se plaindre, ni le temps d’y penser. Il passa la nuit à trembler.

Dès le petit jour, l’artillerie allemande se déchaîna. Joseph apprit à cette occasion ce que recoupait le terme « feu roulant ». Dans la tranchée, les hommes se serrèrent un peu plus, ne pouvant rien opposer d’autre que leurs poitrines aux orages d’acier qui éclataient au-dessus de leurs têtes.

Alfred Lenglet

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VACANCES DE REVE

 

Henri lève les yeux par-dessus ses lunettes. Quel silence ! Un silence inquiétant. Il se précipite ; ce qu’il voit ne l’étonne pas : Claire est agrippée à la table de la cuisine, suffoquant.

Il cherche dans la poche de son tablier le médicament sauveur : l’inhalateur qui ne la quitte jamais. Elle le trouve, inhale une ou deux bouffées, retombe sur le tabouret, épuisée.

Henri retient le sermon habituel qui exaspère Claire et aggrave son état.

« Tu ne dois pas te fatiguer… il faut être raisonnable ».

Or Claire n’est pas raisonnable ; depuis trois jours, Henri, mi amusé, mi agacé, a dû subir en son entier le répertoire de Charles Trenet, chanté par une Claire au mieux de sa forme, passant l’aspirateur, chassant le moindre grain de poussière, vaporisant l’insecticide (ô l’imprudente !), préparant les conserves de petits pois et de haricots verts frais cueillis. Elle est heureuse, exaltée, épuisée.

Henri tente timidement de calmer son ardeur :

« La maison est impeccable. Inutile de te donner tout ce mal ! Crois-tu que les enfants vont inspecter les armoires, passer le doigt sur les meubles pour vérifier l’absence de poussière ? » 

« Oh toi ! », marmonne Claire, tout en continuant à astiquer, frotter, brosser.

Henri hausse les épaules, affectant de sourire pour cacher son inquiétude. Il pressent, redoute la catastrophe : la crise grave qui nécessite l’hospitalisation. Il propose son aide.

« Bon ! Alors, monte donc tout ça au grenier… Moi, je n’en ai plus la force. »

Henri considère « tout ça » avec une certaine inquiétude. Le pourra t-il, lui ? A plus de soixante dix ans, avec ses rhumatismes, son arthrose ! Comment avouer ses faiblesses à Claire ? Les rares fois où il a fait allusion à son âge, à ses problèmes de santé, Claire a blêmi.  Son inquiétude faisait peine à voir. Henri s’en est tiré par sa plaisanterie habituelle :

« Ne t’en fais pas, j’en ai encore pour une petite cinquantaine d’années ! »

Pour l’heure, il se contente de dire :

« Bon ! Il faudra plusieurs voyages. »

« Ensuite, tu m’aideras à recouvrir les pots de confiture », poursuit Claire, impitoyable.

Là, c’en est trop, Henri se fâche :

« Quelle idée saugrenue de te lancer dans la confection de confitures, en ce moment ! »

Il se fait rembarrer de la belle manière :

« Tu sais bien que « les petits adorent mes confitures ».

Les petits, actuellement âgés de quatorze et douze ans, s’intéressent davantage aux jeux vidéos et aux skate-boards qu’aux confitures de Mémé. Henri a surpris une conversation révélatrice qu’il s’est bien gardé de rapporter à Claire :

« Tu les aimes, toi ? » disait Sébastien en désignant du doigt les pots sagement alignés sur la table.

« Bof !... Je préfère celles que Maman achète au supermarché», avait répliqué Sophie, impitoyable…

« Mais chut… faut pas le dire à Mémé, ça lui ferait de la peine ! »

Ils sont gentils, ces enfants !

Henri se réjouit de les revoir ! De quand date leur dernière visite ?... Dix huit mois !... Oui, c’est ça, dix huit mois !... L’avant dernier Noël. Chaque fois que les enfants annonçaient leur visite, un événement contrecarrait leur projet : les oreillons de Sophie, l’appendicite de Sébastien, et l’an dernier l’invitation des Dumont qui venaient d’acquérir une propriété à Bormes-les-Mimosas.

Comment résister ? La Côte d’Azur, le soleil, la mer toute proche, les copains de leur âge, les sports nautiques.

« Aussi variés que dangereux » avait rétorqué Claire en brandissant le journal.

« Tiens… Lis toi-même… Deux jeunes nageurs imprudents se noient… Un surfeur est recueilli de justesse par un yachtman ! »

« Les enfants seraient bien mieux ici… dans la piscine ! » Henri avait retenu de justesse un sourire ironique en contemplant la dite piscine tout juste bonne aux bains de pieds rafraîchissants qui faisaient tant de bien à Claire.

« Enfin, cette année nous les aurons ! » soupire Claire qui a suivi et deviné les pensées d’Henri.

« Tu te souviens de la joie des enfants quand nous avons acheté la maison ? »

« Oh ! Papa… ce sera formidable pour les vacances ! » avait clamé Xavier, jeune enseignant, fiancé à une collègue.

« Oh ! Oui, ce sera formidable ! » avait renchéri Hélène la cadette.

« Au moins, nous saurons où passer nos vacances… et quand nous aurons des enfants !!! »

Claire et Henri imaginaient déjà des bébés aussi nombreux que beaux, barbotant dans la piscine, car il y aurait une piscine et des balançoires, et des agrès, un endroit spécialement aménagé pour les bains de soleil !... Le rêve ! Un rêve ? Non ! Une réalité : une vieille maison à restaurer, découverte dans le sud de la France par le plus grand des hasards. Une affaire à saisir « de suite », c’est ce qu’annonçait la pancarte.

« Il y aura des travaux ! »

« Ce n’est rien !... On t’aidera, Papa ! »

Ils étaient devenus les heureux propriétaires d’une maison où pratiquement tout était à refaire. Mais, Dieu, qu’ils étaient heureux ! Heureux et fatigués.

Les vacances scolaires étaient bien employées : maçonner, peindre, tapisser, installer une salle de bains, des W.C, entretenir l’immense jardin. Avec l’aide de Xavier, de sa fiancée Sabine et d’Hélène… les travaux avançaient vite.

 Hélas, l’année suivante, Xavier et Sabine mariés étaient partis en voyage de noces à la Réunion. Hélène effectuait un périple linguistique aux U.S.A. Claire et Henri s’étaient vus contraints de faire appel à des professionnels. Les maçons, les plâtriers, les menuisiers, les carreleurs, unanimes, avaient décrété que le travail avait été, selon leur expression, « salopé ». Ils avaient donc démoli presque tout ce que Claire, Henri et les enfants avaient édifié à grand-peine.   

Claire s’affolait de vivre dans un chantier tandis que s’accumulaient les factures et que le compte en banque fondait à vue d’œil… Henri s’efforçait de se rendre utile mais, selon les hommes de l’art, faisait pire que mieux. Découragé, il avait abandonné et s’était remis aux mots croisés.

Enfin, au bout d’un an, la maison était habitable, sinon confortable.

Henri et Claire, maintenant retraités de l’Enseignement, s’étaient installés définitivement en Corrèze.

Xavier et Sabine avaient annoncé leur visite pour le mois de Juillet. Folle de joie, Claire, envisageant un long séjour, avait accumulé les provisions, aménagé les chambres, brossé, frotté, ciré. Tout devait être impeccable. Beaucoup de fatigue pour peu de chose : un court séjour de moins d’une semaine ; une semaine qui avait filé comme l’éclair. « Déjà ! » avait murmuré Claire en les accompagnant vers la voiture toute neuve qui devait les emporter vers l’Italie.

« Nous aurions dû nous installer sur la Côte d’Azur ! »

Henri s’était bien gardé de faire remarquer que cela n’aurait pas changé grand-chose à la situation. Comment rivaliser avec les amis de leur âge ? Eux, ils n’étaient que les parents : la Révolution de 68 était passée par là.

En ce qui concerne Hélène, c’était pis. Elle s’était installée aux U.S.A et avait fait la connaissance de Donald, qu’elle comptait épouser. En dix huit mois, une brève apparition pour annoncer qu’elle se mariait le mois suivant dans la plus stricte intimité. Il n’y aurait ni cérémonie, ni réception.

« De toutes façons, si on réfléchit bien, ça ne concerne que Donald et moi. »

« Prends ça dans les gencives », avait pensé Henri.

Claire, profondément déçue, n’avait pu s’empêcher d’exprimer sa pensée :

« Moi, j’appelle ça se marier comme des voleurs ! »

Désormais, Claire et Henri s’installaient sur le vieux banc de pierre adossé au mur de la maison et contemplaient les champs de lavande.

« Bah, tout changera quand ils auront des enfants ! »

« Tu crois ? » disait Claire, en levant vers Henri un regard triste où brillait néanmoins une lueur d’espoir.

« C’est évident ! »

« Quand même, nous avons eu tort de venir nous enterrer ici. Non seulement nous ne voyons plus les enfants, mais nous sommes loin de tous nos amis. »

« Tu n’es jamais contente », bougonnait Henri.

Mais il partageait l’opinion de sa femme. C’était loin, beaucoup trop loin de leurs racines, et trop grand, beaucoup trop grand pour deux retraités vieillissants. Bientôt il faudrait faire appel à une entreprise pour entretenir l’immense jardin et le verger qui produisait des fruits qu’on ne cueillait jamais, Claire s’opposant au projet d’Henri de grimper à l’échelle pour une récolte de qualité médiocre. Ne devient pas pépiniériste qui veut ! Henri avait cédé d’autant plus facilement qu’un voisin plus tout jeune était tombé en voulant cueillir des fruits et s’était empalé sur une bêche retournée. Depuis il traînait d’hôpital en hôpital.

« Tu vois ! avait dit Claire. Nous n’avons plus l’âge de faire le guignol sur une échelle. »

Le guignol avait rétorqué :

« Toi non plus tu n’as plus l’âge d’entretenir seule cette immense maison. Il faudrait engager une femme de ménage. »

« Jamais de la vie !... Je servirais à quoi, moi !... et puis je n’aime pas qu’on déplace les objets… et puis je n’aime pas qu’on tripote mes affaires personnelles… et puis je ne tiens pas à avoir quelqu’un dans mes jambes… et puis, et puis, et puis… La liste des récriminations était interminable.

« Quelques heures par semaine ?... »

« Non, non et NON ! »

La discussion menaçant de s’envenimer, Henri s’était efforcé de la détourner :

« Enfin !... cette année, les enfants viennent nous rendre visite. »

« J’espère qu’ils resteront au moins trois semaines !... au moins… »

Et voilà Claire repartie au Pays des Illusions dont elle revient à chaque fois plus déçue… Henri s’affole, sans le montrer : elle est devenue si fragile !... il prêche la prudence :

« Trois semaines ?... C’est peut-être beaucoup demander… Sabine voudra certainement rendre visite à ses  parents… en Alsace. »

« Non !... cette année, c’est notre tour !... affirme Claire… D’ailleurs j’ai déjà tout préparé ! »

Que dire ? Henri soupire. L’amour maternel ôte à Claire toute lucidité. C’est pourtant une femme intelligente, mais quand il s’agit de SES enfants, elle perd toute faculté de raisonnement logique.

Et voilà ! Tout est prêt. Tout le monde est au garde-à-vous, même les pots de confiture dûment étiquetés et datés qui s’alignent comme des soldats le 14 Juillet.

« Bon, je leur réserve douze pots !... Va me chercher un carton au grenier… Bien solide, le carton !... Je dois y mettre aussi les confits de canard. »

 Henri fait justement remarquer que la voiture de Xavier n’est pas un camion… et qu’ils ont probablement beaucoup de bagages.

« J’attends le carton !!... Tu te dépêches ?... »

Résigné, Henri s’exécute et le carton est rempli ! Il ne reste plus qu’à attendre le coup de téléphone promis.

« Xavier a dit : « J’appellerai vers 17 h » et il est déjà 17 h 30. »

« Bah !... Un imprévu… des embouteillages… C’est normal en période de vacances ! Ca nous est arrivé souvent… Rappelle-toi !... »

Claire se rappelle mais cela ne l’empêche pas de s’inquiéter… Elle regarde la pendule, puis Henri qui feint le calme, ce qui énerve Claire. Enfin le téléphone ! Il se précipite. Trop tard ! Comme toujours, Claire a saisi l’écouteur la première. Elle sourit.

« Ah ! C’est toi Xavier ?... Nous commencions à nous inquiéter, ton père et moi… A quelle heure serez-vous ici ?... Ah !... Ah !... Oh bon !... Non, non !... Ne vous en faites pas pour nous !... Nous t’embrassons !... Surtout, soyez prudents !... Dis aux enfants de ne pas nager trop loin de la côte !... Oui ! Ah !... Peut-être au retour ?... C’est parfait. Papa vous embrasse. »

Claire raccroche lentement ce maudit téléphone. Elle ne dit rien, c’est inutile, Henri a compris :

« Ils ne viennent pas ! C’est une affirmation. »

« Peut-être au retour ! »

« Oui… Oh ça !... Je n’y crois pas ! »

Claire acquiesce !... Elle pleure ! Henri, lui, ne pleure pas, mais il est triste, inquiet pour Claire, il la connaît, elle va se rendre malade. Les enfants n’en sauront jamais rien ! Elle le lui a fait jurer : elle refuse le chantage aux sentiments. Elle trouve cela mesquin. Henri a promis. Il tiendra sa promesse. D’ailleurs, à quoi servirait d’exiger une visite et d’accueillir des enfants maussades, pressés de retrouver leurs amis ? Ce serait pis que tout. Henri s’approche de Claire, l’enlace, retrouve les gestes d’autrefois quand ils se sont connus… il y a longtemps, si longtemps. Elle le regarde. Il lui dit :

« Je suis là, moi ! »

Elle acquiesce, retrouve un sourire pour répondre :

« C’est vrai !... Tu es là… Tu es toujours là quand j’ai besoin de toi ! »

Elle ajoute tout bas :

« C’est l’essentiel ! Nous avons beaucoup de chance. »

Geneviève Demarcq

 62 Wimereux

 

 

 

 

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UN PETIT RIEN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haut

 

 

Tu as souvent ce regard perdu, cet air pensif. Quand on t'appelle par ton nom, tu ne réagis pas. J'aimerai savoir où tu t'en vas.

Quand tu sors de ta méditation, on dirait que tu viens d'accomplir un marathon et que tu as terminé premier.

Est-ce beau là-bas ? Y a-t-il une de ces fontaines romanes où tu puises ta force et ton sourire ? Tu ne me le dis jamais, tu me réponds seulement que c'est un drôle de voyage.

Pourtant, tu parais si triste, seul sur ton gros caillou face à ta mer tant aimée ! Tu parais si mélancolique…j'ai souvent envie de te prendre dans mes bras, de te consoler comme un enfant. Des fois aussi, j'ai envie de te secouer pour te dire de revenir sur terre. Mais je sais que c'est dans ta nature, que tu as besoin de faire à la fois le vide et le plein.

Mais à quel prix ?

Chaque fois est plus longue que la précédente. Un jour, tu partiras pour de bon dans ton pays à toi. Mais ça n'aura plus aucune utilité. Tu me disais que tu faisais ça parce que, là où tu allais, tu dis qu'il n'y a personne, et que tu es libre de faire ce que tu veux. Tu dis qu'il y coule un ruisseau et que tu bois son eau glacée. Tu penses y mener un jour nos enfants, mais pas pour tout de suite. Tu dis tellement de choses belles, pourquoi ne sont-elles que pour toi ?

Es-tu le seul à connaître ce monde apaisant ?

J'aimerai partir avec toi, que, main dans la main, nous allions toucher l'horizon.

Oh, emmène-moi !  Laisse-moi voir tout ce que tu vois !

Non, ne fait pas cette tête. Tu me l'as déjà répété : il ne tient qu'à toi de me suivre. Je n'y arrive pas. Et tu m'abandonnes, tu me laisses seule en moi-même.

As-tu conscience de ce que tu fais ? Je me sens perdue en ce monde, qu'adviendrait-il si tu venais à disparaître ? Je me laisserai dépérir sans doute.

 Encore aujourd'hui, tu m'as enlacé sur ton rocher avant d'y aller. Te suis-je un moteur, petit mais puissant ? Tu ne dis jamais rien, comment veux-tu que je saches ?

Aveugle, tu l'as toujours été. Tu prétends pourtant que je suis la plus belle, celle pour qui ta vue a été rendue. Je ne sais pas si tes yeux morts voient vraiment quelque chose, je crois que oui finalement : tu me racontes avec tant de détails tout ce que tu as observé sur ta route solitaire !

Muet pourtant, tu ne l'es pas de naissance. Tu t'es enfermé seul dans cet endroit magique.

As-tu peur du reste ? Qu'y a-t-il de si impressionnant là bas, que même tes mots ne parviennent à le décrire, au-delà de toutes les beautés que tu m'as déjà conté ?

Tu es si distrait quand tu rentres pour le souper. Au début, je trouvais ça drôle, puis, ça m'a inquiété quand le phénomène s'est amplifié. Tu te rends à peine compte que je suis là, en face de toi, et que j'attends que tu me dises quelque chose.

Dans la région, les enfants te prennent pour un fou, mais ils ont beau tourner autour de toi comme des bêtes de proie, ils n'osent jamais plonger. Cet amour naturel dont tu émanes force le respect. Il est à la fois ta force et ta faiblesse. Même les fleurs le matin s'ouvrent pour toi et la lumière existe pour toi. Tu es l'incarnation de la vie même.

Alors, tu comprendras que j'ai peur. Peur de te perdre à jamais, toi dans ton nirvana secret et moi pleurant ta dépouille sur ton caillou préféré. Tes cheveux bouclés agités par un vent inconscient de la tragédie. Tu ne sentiras plus ses douces caresses ni ses claques sèches, pas même l'odeur salée de la mer. Tu n'entendras plus le rire des mouettes, tu seras mort.

Mais même mort, tu ne cesseras d'être beau ni cesseras d'aimer, car tu auras toujours ce sourire accroché à tes lèvres comme un poisson à son corail. Tu souries à la mort et la vie par la même occasion.

Tu es un être formidable, et je pourrais le répéter des centaines de millier de fois sans me lasser. D'un pas, tu enjambes tous les rêves et toutes les connaissances pour aller dans ton pays… imaginaire ? Loin de tout, et si proche pourtant ?

Allez, donne-moi la main, juste une fois, et entraîne-moi là où je ne peux te suivre. Fais, car je suis prête désormais.

Juste un pas en avant, un si petit pas pour nous…et un encore  plus petit pour l'humanité.

de Julie Vasseur

 

 

 

 

 

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HECTOR MELON D'AUBIER

 

… après '' LE RESSUSCITE ''

présente

 

 

MIN GRIND PERE Y DISOT TOUDIS

En nouvelle version rééditée

 

Recueil anecdotique d'histoires patoisantes, de faits divers, de situations cocasses que toutes et tous, nous avons connu ou dont nous avons entendu parler.

 

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