SOMMAIRE DE LA CAUDRIOLE N° 12
Octobre-Novembre-Décembre 2004
Illustration BD page 2
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Patrick MERIC
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Christian Signol page 3
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Denise LEPRÊTRE
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JEUNES
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Si j'étais page 5
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Ecole Ferdinand
Buisson |
Tristesse page 6
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Natacha LEROY |
En mémoire de mon chien page 6 |
Maxence VALLEZ |
C'e st le destin page 7 |
Anthony CANONNE
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Mon enfant page 7 |
Christelle LESOURD
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Renard et l'écureuil
page
8 |
LUCIOLLE |
HUMOUR
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Scène de ménage page 9 |
Auteur inconnu |
Incrédulités
page
10 |
Hector MELON
D'AUBIER* |
Méditations page
10 |
Daniel CARLIER |
J'ai compris page 11 |
Léonce BAJART |
L'z années qui passent page 12 |
Jacques HUET |
ADULTES |
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Tombe la neige… page 13 |
Thérèse LEROY |
A la mémoire des chœurs page 13 |
Jean-Charles
JACQUEMIN |
Trouver son étoile page 14 |
Guislaine LAURENT |
Sur les bancs de l'école page 15 |
André NOIRET |
Je sais… page 16 |
Paule DELANNOY |
L'amour est un joyau page 17 |
Jocelyne FERON |
Cœur n'est pas Pensées page 18 |
Floriane KUROWIAK |
Açvine page 18 |
SAINT-HESBAYE* |
Les SDF à la maison page 19 |
Paule LEFEBVRE* |
Un rossignol chantait page 20 |
Jeanne FOURMEAUX |
Ce jour là… page 21 |
SAINT-HESBAYE* |
Rose d'espoir page 22 |
HERTIA MAY |
Un si doux breuvage page 23 |
Henri LACHERE |
Jalouse fantaisie page 24 |
Jean-François
SAUTIERE* |
D'hier et de jadis page 24 |
Geneviève BAILLY |
NOUVELLES |
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La communion du "tiot" page 26-27 |
GRASJACQS |
Tous les
chats sont gris page 28 |
Hector MELON
D'AUBIER* |
Rouge Pivoine page 29-30-31 |
Denise DUONG* |
* Retrouvez
l’auteur dans la revue littéraire. |
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Christian SIGNOL, un romancier de
terroir ? |
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La plupart des
Français, et même des francophones avaient beaucoup apprécié, il y a quelques
années « la rivière Espérance » de Christian SIGNOL, c’était
l’adaptation, à la télévision, de son roman en trois tomes : le
sud-ouest profond… les aventures batelières revisitées, une intrigue
amoureuse bien ficelée… voilà ce qui consacra SIGNOL à cette époque. Il continua
patiemment à creuser son sillon…et des ouvrages comme "les vignes de
Sainte-Colombes", "une année de neige" après "l'enfant
des terres blondes" lui assurèrent la fidélité des lecteurs. Peut-être des
personnes plus intellectuelles auraient tendance à ignorer ce genre
d’ouvrages… quitte à se régaler de leurs adaptations au cinéma ou à la
télé ? J’avoue avoir été « frappée », à l’étal d’un libraire,
par son dernier roman : « cette vie ou celle d’après ». La beauté sobre de la couverture ? Les
vers magnifiques d’ELUARD en exergue ? Le résumé qu’en fait
l’éditeur ? « Inoubliable portrait de femme, livre nostalgique et
grave »… c’est vrai… « Langue forte, à la fois sobre et
évocatrice » c’est juste… « Bouleversant roman d’amour », oui… Lisez comme
moi : cela vous atteint au plus profond et c’est quelquefois bon d’être
ainsi visité… Denise LEPRETRE |
Si
j’étais |
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Si j’étais un
rhinocéros Je me promènerais dans la savane Je défendrais mes bébés rhinocéros Je
foncerais dans les arbres Je me battrais contre les lions Je dirais bonjour aux serpents Je me roulerais dans la boue J’aurais comme amis les oiseaux. Kévin Si j’étais un chat Je m’appellerais Minette. Je serais coquette. J’irais dehors toute la journée. Et puis je miaulerais. Je
chasserais les oiseaux Dans les arbres. Je les mangerais. Britany Douchet Si j’étais un furet J’irais dans les trous de lapin Et je les chasserais. J’irais dans les autres trous, Et après je sucerais le sang du lapin, Je m’endormirais jusqu’au lendemain, J’irais encore dans la maison Et je jouerais dans les cartons. Rodrigue Van Malder Si j’étais une
chienne Je m’appellerais Charlotte. Je me promènerais la nuit Et j’attraperais des souris. J’irais chercher des bâtons Et les ramènerais à la maison Je
jouerais à la balle Et la mettrais dans la boue Pour qu’elle soit toute sale. Estelle Cano Si j’étais un chien Je mangerais des croquettes et j’aboierais. Je jouerais à la balle dans la maison et dans l’herbe. Je me promènerais à la laisse dehors. Je grognerais si on m’approchait. Mais je ne suis pas un chien Et je m’appelle Sébastien. Sébastien Drode Si j’étais un lion Je
me promènerais dans la savane. Si j’étais un lion, Je mangerais les petits animaux. Je ferais la sieste toute la journée. Je me battrais avec les autres lions Et je gagnerais Parce que je suis le roi des animaux. Timothée Si j’étais un oiseau Si j’étais un oiseau Je m’appellerais Ho, ho. Je ferais des farces aux chats Je mangerais les piranhas. Je monterais au sommet des toits Je monterais la garde des oies. Je ferais attention aux chiots Mais je ne suis pas un oiseau. Cassandra Dupont Si j’étais un
caméléon Je me camouflerais Contre les rochers. Si j’étais un caméléon Je mangerais des mouches. Si j’étais un caméléon Je lancerais ma langue. Si j’étais un caméléon Je serais multicolore. Maxence Ecole Ferdinand Buisson -Cambrai Classe de CE1 Mme Boulin |
TRISTESSE |
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Triste je suis sans toi Désemparée je suis Quand
je me souviens des moments passés ensemble Heureuse j’étais dans tes bras
et dans ton cœur. Je t’ai aimé Tu m’as aimée Notre histoire a été la plus
merveilleuse Et la plus belle de toute mon
existence Le jour où nous nous sommes
quittés Mon cœur s’est dispersé en un
million d’étoiles. Natacha L. 18 ans |
EN MEMOIRE DE MON CHIEN |
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Mon chien était un très
beau chien Il était doux et je
l’aimais bien Il est parti un beau matin J’ai eu beaucoup de chagrin. Je pense souvent à mon chien Chaque matin il me léchait les mains Je savais qu’un jour il partirait loin Mais là où il est il est bien. Maxence Vallez 8 ans |
C’EST LE DESTIN… |
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MON ENFANT |
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Un enfant est né Celui de notre union Celui de ma soumission Un enfant est né Je me retrouve seule à
l’élever Seule à l’aimer Un enfant est né Il ne l’avait pas mérité Grandir sans papa Il en pleure déjà Un enfant est né Né d’une mauvaise action Mais, restant une
bénédiction. Christelle Lesourd 18 ans |
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SCENE
DE MENAGE |
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B - J’boros bin
inn’ tiote tasse ed’jus pou m’récauffer : j’sus ing’lé L - T’as qu’à
t’servir ! L’caf’tière all’est su l’coin du poêle. Tié, au fait !
T’iras remplir el’ carbonnière à l’cafe. Pis après y faurot arcoper du tiot
bos pou rallinmer l’poêle d’min matin. B - Eh, douchemint ! In n’est
pos aux pièches !!! L - Ah, cha s’rot
pou alleu godailler à mo Gros Louis, teu s’ros pus infourché ! Surtout
si t’y artrouffe tin comarate Fernind… B - Laisse Fernind
trinquile ! Y n’té dos ré ! L - N’impêche
qu’ché in rude chucheu. Ré qu’à vir s’min-ne toute rouche ! Et sin
né ? In dirot inn’ grosse fraisse bé mure. B - C’n’est pos
parce qu’y beu. Y a des problinmes d’chirculachion . L - Des problinmes
d’chirculachion !!! Y n’d’a surtout
quind y ardéquint d’mo du Gros Louis. Y fait tell’mint d’rutes
chinquartes qu’in cop y s’est déchoulé su inn’ fimme et qu’y la fait
quéhir !!! Au lieu
d’installer des radars automatiques pou l’z’autes y frottent miux d’installer
des radars pou prinne les buveux qui déquintent du bistrot. B - Ah, ti ! Toudis à démépriser ché gins. Si y
avot des radars détecteurs d’indoulle te s’rot souvint su l’photo ! L - Quoque teu
berdoulle ? J’n’déméprise mi ché gins ! B - Ah, non !
Va dire cha à in g’vieu, t’aras pos d’cop d'pied. Et ti ?
Quoque t’fais des heures intières à mo Amélie quind teu vas boire du
café ? Infin, j’diros putôt d’eul’charloute. L - Et ti !
Quind teu passes des après midi intieures à mo du Gros Louis aveuc Fernind et
d’z’autes buveux ? B - Nous in parle
pos su l’dos des gins, in parle ed’politique. L - Ah cha, ché
l’milleur ! Eut’ti connos in politique comme in pourcheu à l’z’étoiles.
N’oublie pos qu’quind in va voter, ché mi qui t’donne tin bulletin, o bé teu
votros cor pou ch’ti chi ou pou ch’ti lal. B - Dis qu’j’ sus
in ébreu pindint qu’t’y es ! L - T’n’as quind
minme pos invinter l’fil à coper l’bure ! Et t’n’es pos sot pou tout.
Par eximpe, quind te surque l’jonne fimme qu’all’ resse au coin
d’el’rue ? B - J’eul’
surque ! J’eul’surque ! J’ravisse ché tout. Te commince à
m’énerver. Ché sûr, qu’ché pu agréape d’raviser s’n’avint scène qu’eul’
ti-inne ; t’as cha gros comme deux gueuques ! C’n’est mi étonnint
qu’je n’guin-ne jamais au tiercé ou bé à l’lot’rie. In dis toudis qu’pou
guin-ner y feut avoir inn’ chince ed cocu. Agonnée comme té, coiffée comme
té, aveuc té cotrons in lonne épaisse, cha n’risque pos qu’in eute homme y
t’arluque. Alors je n’peux mi guin-ner aux jus. L - N’impêche
qu’t’as été contint d’m’trouveu quind t’étot jonne. Quind t’allos au bal à
l’salle Tofflin. Pos inn’ jonne fille a n’voulot dinser aveuc ti !!! B - Te mins comme
in arracheu d’dints. L - Au lieu
d’toudis bertonner, te f’ros miux d’mette t’vielle casaque avint d’sortir. Té
toudis dégaverlé quind te vas à l’cour. Feut mi t’étonner si après te
toussionne tout l’nuit et si t’avale des lites d’sirop d’naviots. Mi, j’creus putot
qu’t’finmes trop. Te t’rinds compte, te finmes pus d’in paquet d’toubac per
jour ! B - Si j’attrappe
freu, ché qu’teu m’oblige à aller finmer à l’cour ! A mi ché rue ! L - Tin toubac y
pu. Y sint l’brin d’cat. B - Arrête !
Déquind d’min dos. Quind j’s’rai in tron d’mier les pissoulis pas ché
rachin-nes, t’aras l’timps d’braire. L - T’as inn’sinté
d’fer ! B - N’impêche
qu’tout in étint vacciné j’ai fé eul’grippe et inn’ bronchite qu’all’ a duré
tros s’monnes. L - Pourtint aveuc
tout l’alcool qué tu bos les micropes y z’areutes du morir vite fait ! B – Ti, y n’a pos
dinger qu’t’l’attrapes. In arrivint su ti y trouf’tent pu méchints qu’eusses,
alors y débuqu’tent ! Au fait !
Pindint qu’j’y pinse. As-tu invo-ié l’chèque pou l’Noël des Deshérités à la
Voix du Nord ? L - Ti ché putot
du cerveau qu’té déshérité ! Si in pouvot tin gréffer in eutes … B - Eh, arrête
d’inmarvoïer. In v’va quind minme pos passer l’innée 2004 à l’terte l’in
d’l’eute ? L - Allez gros
malin, j’t’ai cair quind minme. Tié, vié chi qu’j’ te claque inn’
baisse !!! Auteur
Inconnu … |
MÉDITATIONS (Haïku) |
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Les mots du poète Sont sur la feuille bouquets De signes en fleurs. … La charrue écrit En lettre de terre : automne … au gré du sillon. … La plume et la langue Sont parfois plus meurtrières Que le mousqueton DANIEL CARLIER |
J’AI COMPRIS |
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In cinsier iaveut in varlet
qu’iéteut inne miette tournis, in peut même dire qui n’ d’aveut in
gron ! In jour qu’el varlet iaveut été au
bal, v’là ti po qui s’amourache d’inne tiote gadrouillette qu’al fait si bé
d’ ses pieds, d’ ses mons et pi d’ess bouque, tell’mint qu’al l’imbrasseut,
qu’au bout d’ huit jours i s’ metteutent à l’affiche pou s’ marier. I feut bé croire èqu’ pouleur tout
i marche à l’estricité : treus meus après l’ marioche, jour pour jour,
ess’ fimme al metteut in infint au monne ! Tout nunu qu’iéteut l’ varlet i n’
d’aveut quin même été estomaqué. Avoir in infint au bout d’ treus meus d’
marioche, ça l’iaveut sinné inne miette dreule et i n’arrêteut pos d’ busier. In bé jour, n’y t’nint pus, i s’in va vir sin visin,
tiot Hinri mo d’el crimpette, pou li raconter s’ n’avinture. I li dit
qu’iaveut toudis intindu parler qui folleut neuf meus pou acater in infint. Tiot Hinri, qui n’ voleut pos
brouiller l’ minnoche, i li d’minne : -
Ia combé d’
timps qu’ t’es marié ? -
Bé, qui répond l’
varlet, ça fait jusse treus meus. -
In bé, qui dit
Hinri sins béguer, ça fait ti pos l’ compte : ia treus meus qu’ t’es
aveuc ett’ fimme… treus meus qu’ett’ fimme al est aveuc ti, ça fait six… et
pi treus meus qu’ vos êtes insinne… ça fait ti pos les neuf meus !!! -
Ah bé, qui dit l’
varlet, feut i qu’èj’ suche bête… j’ai compris à c’ t’heur. Et d’puis c’ timps-là, vos m’
crérez si vos volez, pou indormir l’infint, c’est li qu’iallotte el berce à
tirelarigo !!! Léonce BAJART |
L’ Z ANNEES QUI PASSENT… |
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I
n’y a pos d’départ in r’traite sans discours. Et d’quo qui est fait
ch’discours ? Du résumé dé l’ vie de ch’ti qui s’in va. Comme si, li, i
n’savot pos chu qui avot fait d’pu s’n éfance jusqu’au momint dù qu’i
s’artreuve atteint par l’limite d’âche ! D’ailleurs,
pou l’majorité d’cheux qui ont c’minché à travailler bin avant 18 ans, ch’est
à dire des gins comme mi, tout près d’leus 70 ans, l’parcours i est à peu
près l’même : Tant
qu’in est tout tiot, l’vie al est facile : ches parints i pinsent à nou
plache et l’pu dur ch’est d’apprindr’ ses leçons et faire ses devoirs in
busiant à ches grandes vacances. A
14/15 ans in est aucor ein gosse et, d’ein seul cop in bascule dins l’mond’
ed « ches grands », ein univers fait d’gins ed tous l’z âches et
non pu d’comarates de l’même classe, de l’même école communale. Ch’est
l’momint dù qu’in comminche à travailler, à s’elver pu timpe au matin, à
s’armuer d’avantache qu’su ches bancs d’école. Mais ch’est aussi à partir ed
là qu’in a drot à ein tiot peu d’argent d’poche : « achteure que te
travalles, ch’est normal qu’in t’donne ein pu gros diminche ! ». Et
aussi qu’in euche l’autorisation officielle ed feumer. (Pasque jusqu’à là,
fallot s’mucher pou griller ein’ « Parisienne ou ein’High Life »). Diu,
qu’cha paraît bon d’pouvoir s’prom’ner l’cigarette au bec, sans ête obligé
d’miler si in n’va pos rincontrer ch’maîte d’école, ch’curé, ou bin cheul’
voisine qui moucharde ! Et même si in n’sait pos aucor que l’fait dête
accroché derrière ein mégot, cha n’fait pos d’nous ein homme, comme qu’in est
heureux et fier d’pouvoir d’vant ches jones filles alleumer ein’cigarette, à
l’abri d’ses deux mains comme i’l’faisottent Humphrey Bogart ou John Wayne au
cinéma ! Et
pi arrivent aussi : l’drot d’rintrer in peu pu tard l’sam’di et
l’diminche, l’autorisation d’boire ein tiot peu d’vin à l’tabe familiale ou
ein’ bistoulle dins ches grandes occasions. Mais aussi d’participer à
l’conversation d’ches « grands » adon que, jusqu’à là quand ches
parints i discutotent ed politique ou d’histoires ed fesses in nous
dijot : « allez tiot, va-t-in juer aveuc les gamins de t’n
âche ! ». Ch’est
l’momint dù qu’in comminche à s’intéresser sérieus’mint au corsache ed ches
filles, ou in s’inthousiasme pou l’foot-ball, Paris-Roubaix et l’Tour de
France, pou l’définse ed ses comarates : in est fin prêt à tout faire
pou canger l’monde ! L’z
années si longues quand in es tiot, s’mettent à défiler. In s’in va au
service militaire et à c’qui paraît, in arvient ein « Homme »
d’avor ‘té soldat pindant 12 ou 18 mos ! Et pi ein biau jour, in s’marie
et même sans gramin d’sous in est heureux. Au
boulot d’timps in temps in assiste à ein départ, in trinquant à l’santé de
ch’l’artraité. In n’se sint pos concerné : ch’est aucor lon l’momint
d’arrêter d’ouvrer ! In d’vient père ed famile. Sans qu’in s’in rinde
compte ches soucis à cause ed ses gosses et d’cheux qu’in rinconte à
l’ouvrache cangent nou visage et comminchent à mette du sel dins nous caveux.
Et p’tit à p’tit in vot arriver d’nouvelles contraintes : ches
cigarettes n’ont pu tout à fait l’même goût excitant du début et pourtant in
n’arrive pos à passer d’vant ein débit d’toubac sans y intrer. Même si
ch’docteur nous avot viv’mint conseillé ed diminuer l’ration quotidienne ed
nicotine. Ches « plaisirs de la table » qui insensiblemint passent
avant ches plaisirs du lit dotent pourtant ête freinés. In décoeuvre alors
des mots nouviaux qu’in n’connaîchot pos quand qu’in étot jones :
cholestérol, triglycérides, acide urique… In somme dév’nus adultes in est
arvénus comme du temps qu’nou parints et ches maîtes d’écoles nous
prév’notent que l’tabac et l’alcool cha peut dév’nir dingereux. Seul’mint
quand qu’in arrive pas lon de s’pinsion, in sait tout cha, in est même capabe
de s’juger, mais qu’ch’est dur ed devoir s’punir li-même ! In
est aucor costaud mais in s’rind compte que l’tierre al est d’pus in pu basse
et qu’i nous faut deux fos pu ed temps pou artourner sin gardin ou armonter
ses pen’tières. Et
pi ein biau jour ch’est nous qu’in est artraité. Ch’est l’z autes qui
s’cotisent pou nous offrir ein cadeau et in leur paye l’cop pour l’z armercier.
In est heureux d’arrêter d’courir pou ête à l’heure à l’ouvrache, mais in a
ein’ tiote boule dins s’gorge ed devoir quitter des gins, des comarates aveuc
qui in a passé tant d’années. In
va arjoinde l’conférération d’cheux qui n’sont pu esclaves d’ein rével ou
d’ein’ pointeuse. Qui s’lèvent au matin ou qui faitent l’sieste quand qu’i
n’n’ont invie. Et qu’i n’ont pu d’ordes à r’chevoir sauf… d’leu finme
naturell’mint. Diu
qu’cha passe vite ein’ vie ! Jacques Huet |
TOMBE LA NEIGE … |
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Tombe la neige sur le
sol, couvre les toits, cache la boue Tombe la neige sur mon
cœur, couvre mon corps, cache mon âme La neige cache ses méfaits
dans sa blancheur immaculée La nuit est blanche
maintenant Et le vent souffle et
crache sa haine Siffle comme un
serpent, arrache et brise et gifle et brûle… Vent éparpille la neige
en poussière d’argent pour en faire des étoiles La neige a posé ses
doigts de glace sur la nuit Et peu à peu l’a
couverte d’un grand manteau d’argent La nuit a posé sa large
main sur les yeux des hommes Quelqu’un m’a
dit : « N’écoute pas la voix du vent », mais il y a si
longtemps que Je ne sais plus Le ciel avait pleuré et
l’on pouvait voir sur ses joues De longues traces
noirâtres se traîner jusque sur l’horizon Nuit, mon amie, de qui
donc es-tu en deuil pour te parer ainsi de blanc ? Quelle âme tourmentée
prête aujourd’hui sa voix au vent ? Thérèse
Leroy Extrait de « Eclats d’âme » |
A LA MEMOIRE DES CHŒURS |
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De l’abîme
profond, Seigneur je crie vers toi Ma peine est
immense. Pitié, Seigneur pour moi Mon âme crie et t’implore
sans cesse Du fond d’iniquité,
elle crie sa détresse Si tu comptes à
chacun ses péchés Perfides biens
dont mon cœur est attaché. Ah ! Qui donc
Seigneur tourne voir ta face Ah ! Bonté
divine plonge-moi dans ta grâce De même le
veilleur attend le point du jour, Mon âme espère en
toi qui es le Dieu d’amour, Car l’immense
pardon, Seigneur, est en toi. Je t’attends O mon
Dieu et je crois en toi. Souvent je suis
tombé, mais tu m’as racheté, Malgré mes
turpitudes et mon iniquité Ah !
Donne-moi, Seigneur, repos sans inquiétude Dans l’éternel
bonheur de la béatitude. Heureux ceux qui
sont morts et qui chantaient tes louanges Car ils sont
retournés dans l’unique lumière Chanter avec les
saints et tous les chœurs des anges L’éternel Hosanna
dans la maison du Père. JEAN-CHARLES JACQUEMIN alias
J.CH DE BEAUMONT |
Trouver
son étoile… |
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Si on
dit : « Trouver son
étoile », C’est
comme peindre une toile. Il
faut du temps, Souvent
de la patience. Nul n’est besoin de
sciences, Ni
même d’argent. Il
faut juste fermer les yeux, Et
se retourner vers les cieux. Il
faut chercher Au
plus profond de son être : La
vérité… Ou
plutôt ce qui pourrait l’être. Chercher
ce qui peut correspondre A
une illusion de réponse, Si
c’est le cas, allez on fonce ! C’est
ça ; quand on ne peut pas répondre, La
question reste posée… Mais
on croit détenir la vérité. On
commence alors le grand chemin Qui
va certes, toujours vers demain, Mais
aujourd’hui, je suis sûr D’avoir
trouvé le plus pur… Tout
se confond dans un petit mot, Qui
résonne parfois un peu faux, Mais
dites-le à votre tour, Vous
le savez bien c’est : « Amour » Qui
si vous le voulez vous prendra par la main, Pour
vous emmener vers les chemins… demain. C’est
ça : « Trouver son étoile » ! Guislaine Laurent |
SUR LES PETITS
BANCS DE L’ECOLE |
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Je sais…. |
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Je sais qu’il est des
matins fous Où l’on croit que Dieu est
présent, Et des soirs aux couleurs
d’aurore Où l’on ne voit plus que
le ciel ! Je sais le sourire en
étoile Qui fait trembler le cœur
de joie, Et l’abandon des doigts
amis Et les regards si pleins
d’amour. Je sais les heures qui
s’envolent Au gré des rires et des
mots… Je sais l’âme plus que
joyeuse Qui s’éblouit de
s’élancer… Mais je sais aussi que
vacillent Les certitudes menacées… Je sais la peur, je sais
la crainte Et le souffle dur de
l’angoisse… Je sais les chutes en
vertige, Quand plus rien, plus rien
ne peut être, Je sais qu’un seul instant
tragique Brise à jamais ce qui
était ! Je sais qu’il est affreux
de naître, Et que les vents cassent
les roses ! Je sais qu’il faut vivre
quand même Cette lente mort
quotidienne ; Jusqu’au jour où,
désagrégée, Corps et âme si
pitoyables, Je vivrai l’instant de
musique Où me prendra la Mort
Vivante. Paule
Delannoy |
L’AMOUR EST UN
JOYAU |
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L’amour est un
joyau S’il n’est le
plus pur Qu’il soit le
plus beau… Et quand vient
le jour Où il nous
fait craquer Qu’il est bon
d’aimer De tout lui
donner… Tel dans un écrin,
le cœur emballé Sait le
reconnaître, l’adorer, l’aimer Celui qui
prend soin de ne pas souiller Ce sentiment
noble, qu’il soit partagé… Celui-là,
gageons, Saura le
garder Même au plus
profond D’un jardin secret… L’amour est un
joyau Et restera c’est
sûr Toujours le
plus beau Plus beau des
cadeaux. « D’une
Sirène, dédié à son Poisson » Joceline Feron |
CŒUR N’EST PAS PENSEES |
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Les yeux fermés, Les oreilles bourdonnent Plus grand qu’une gare Des millions de trains sillonnent Pensées par-ci pensées par-là Neurones en ébullition Problèmes et milliers de
questions L’angoisse s’est installée. Les yeux fermés, Une immense sensation de vide Un cerveau impénétrable Le noir absolu et splendide D’une histoire qui m’accable Fin du système d’information Les pensées ne sont plus en
action Je me sens blasée. Les yeux ouverts, Elle me tend les bras Cette vie dont je ne veux pas Ces gens qui se torturent
l’esprit A se construire une vie C’est dans le cœur que loge le
destin Plus on l’écoute plus la vie est
un festin Je l’écoute toujours et encore Chaque pulsation me rend plus
fort Ma vie n’est pas celle qu’on me
dicte Elle est celle que je vis Savoir aimer. Floriane KUROWIAK Avril 2003 |
LES SDF A LA MAISON |
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Ici l’on squatte, très librement, Les jeunes occupent la maison, Ils le font tous très discrètement, C’est la nouvelle génération. Ils sont là, bien après minuit, Oh… bien ! Ils dorment là jusqu’à midi, Au moins ! Des pas lourds, Un bruit d’eau, Des coups sourds, Un rideau. Puis on déboule dans l’escalier. « On ne mange pas… on file ! » « On se voit quand ? »
crie la Mémé. « Sais pas, tu penses… y a
pas d’heure pile ! » Et je vois de ma fenêtre La jeunesse qui s’égaille, Et les klaxons qui tempêtent, Les voitures qui, vaille que
vaille, Se dégagent et se dépêtrent. A vingt ans Sans argent Sans voiture Mais quand j’étais à la maison N’en avais cure… Je faisais la conversation. Et c’était bon ! Paule Lefebvre |
UN ROSSIGNOL CHANTAIT |
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Là-haut perché dans le pommier Un rossignol chantait Pour sa femelle si jolie Qui pondait dans le nid Qu’ensemble ils avaient construit Pour accueillir leur famille. Là-haut perché dans le pommier Un rossignol chantait Pour sa femelle qui couvait Ses œufs avec amour et fierté. Toc-toc-toc faisaient ses petits Tout en brisant leur coquille. Là-haut perché dans le pommier Un rossignol chantait Pour ses oiselets qui venaient de
naître. Ouvrant tout grand leur bec Réclamant pâtée et graines. Là-haut perché dans le pommier Un rossignol chantait Pour ses oiselets tout apeurés Qui apprenaient à voler Déjà ils ont quitté leur nid Bientôt viendront d’autres
petits. Jeanne Fourmaux |
CE JOUR-LA… |
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Pour Flore et
Léonard Ce jour-là, il pleuvait,
à cette heure Des larmes de cœur, En vagues d’amour… Nos larmes de pleurs En lames de cœur, Perlaient pour toujours. Il plut des sanglots
d’enfants En mémoire d’avenir, Où songe l’espoir du
sang… Il pleuvait l’âme des
soupirs Sans soleil et sans ire, Quand l’amer se fit
souvenir. Les nuages de briser le
ciel, Le ciel de saigner à
l’unisson Et le vent de sécher les
yeux, Il pleuvait ce jour de
fiel Le pouls de tous les
cieux, Au seuil d’une
résurrection. Saint-Hesbaye 2
Mai 1998 |
ROSE D’ESPOIR |
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OBSCURE PENSEE D’UN CIEL
SANS ETOILES QUI PASSE ET QUI
S’ACHEVE Il y a des jours de peur
à midi Qui traînent en de longs
et vieux habits Il y a de nuits bleutées
d’espoir à minuit Qui passent comme un
cortège de bruits. Le soleil éveillé au
creux d’un nuage A posé son œil sur moi. Soleil : topaze
perdue dans un bouquet de feuilles. Le temps comme une image
folle A passé sur nos chagrins
d’amour Et la rose que la brise
cajole A tiédi plus d’un
corsage de velours. Ne t’en va pas, jeunesse Ne t’en vas pas ainsi Ne t’en vas pas jeunesse Reste avec tes cris. LE LONG DE MA JEUNESSE
EST UN SENTIER FLEURI IL A LA COULEUR DE
L’ESPOIR… HERTIA-MAY 1971 |
UN SI DOUX BREUVAGE |
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Il fait bon chaque jour humer
dedans le verre Ce cher fruit de la treille au
parfum généreux. Il enchante la table, et le cœur
amoureux Nous voici devenus l’artiste ou
le trouvère. Sommeillant à la cave il
s’éveille au palais, En robe d’apparat dont le velours
nous charme. Fin prêt à festoyer, il séduit,
il désarme, Monarque incontestable et nous
simples valets ! Comment ne pas chérir ces
illustres cépages, Ces trésors de la vigne aux
multiples vertus, Qui peuvent par ailleurs nous
laisser abattus, Nous rendre violents, avides de
tapages ! Vin, ce bonheur des plats, de
l’huître… à l’ortolan, L’art de te bien choisir est
délicate chose. N’en déplaise à Bacchus, gare à
l’apothéose S’il nous vient à l’esprit
d’épouser le volant… Henri Lachère |
JALOUSE FANTAISIE |
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Un poète, à mi-mots, m’a mis
ma Muse à l’eau Un soir de morte lune où
j’étais matelot Et que je souquais dur pour
rattraper un vers Qui à l’hameçon-ci s’était
pris de travers. Faiseur de pur talent,
admirable génie Il brisa d’un coup net toute
ma litanie Et ce bonheur bonhomme où
bras ballants j’allais En m’inventant des rois pas
beaux dans des palais, De purs ciels de bohême où
nagent les étoiles Du côté de Nogent, du côté de
Maroilles, Et des granges d’amour où
sont blottis des rêves Bleus d’Auvergne ou
d’ailleurs, brûlants comme des sèves. Ce poète dont j’ai d’ailleurs
perdu le nom M’aurait-il prêté sa recette
j’eus dit NON ! A chacun son quatrain… Sans
être Rutebeuf Je peux toujours aller m’en
faire cuire un neuf. Et tout en admettant que cet
autre que moi Sache mieux pratiquer l’art
de servir l’émoi Je reste là muet, en ruminant
mes maux Ainsi qu’un fromager devant
un bris de mots. Jean-François
Sautière . |
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D’HIER ET DE JADIS Qui n’a gardé la souvenance De ce temps révolu des chemins
d’écoliers Où l’on allait cueillir au sein
des noisetiers Ces hannetons de notre
enfance ? « Avis à la
population », Là, c’était une cloche et le
garde champêtre, Nous serinant ému quelques faits
à connaître, Une commère à l’unisson ! C’était : les pieds dans
les galoches ; L’orange de Noël et le
croque-mitaine, La digue et le coulant, une
claire fontaine, Et puis la pêche aux épinoches. Le corbillard bien panaché, Tiré par le cheval en habit de
lumière, Conduisait le défunt à sa
chambre dernière, En un cortège endimanché. Qui n’a gardé la souvenance D’un parfum, d’un bleuet, ce
chant du rossignol, Tant d’amour, d’amitié…
Buvons-le à plein bol Ce lait si tiède de l’enfance. Geneviève Bailly , |
LA COMMUNION DU « TIOT » |
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ROUGE PIVOINE |
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L’hôtel affiche complet. Ce n’est pas
Zoubida qui s’en plaindra, elle aime son travail : de plus, les
pourboires viendront arrondir ses modestes économies en vue de son
merveilleux voyage : dans deux ans, si tout va bien, elle s’envolera,
ivre de bonheur, à destination de son Afrique natale. Pour ces fabuleuses vacances, elle a déjà
tout prévu : elle pense même aux toilettes qu’elle arborera là-bas pour
épater les gens de son village. Juste avant le départ, elle ira s’acheter aux
Galeries Lafayette une robe à beaux ramages, avec d’énormes fleurs, rouges de
préférence. Ce ton vif mettra en valeur le grain de sa peau d’ébène. D’ici
deux ans la mode aura sûrement changé, mais la jeune noire a repéré, au rayon
« femmes fortes », des vêtements qui auraient fait son affaire. Elle est en effet ce qu’il convient
d’appeler une personne bien enveloppée mais ne s’en formalise guère.
D’ailleurs, dans son pays, les hommes préfèrent les femmes potelées ! Aussi, lorsqu’elle voit défiler dans
l’hôtel toutes ces clientes qui n’ont que la peau et les os, cela lui fait
plutôt pitié. Ce qui ne l’empêche pas, durant leur absence, d’aller fouiner
dans leur placard, rien que pour le plaisir d’admirer leurs jolies robes,
humer leur parfum et sentir sous ses doigts la douceur des soieries ou des
velours. C’est son plaisir, et elle ne s’en prive pas : après tout, cela
ne fait de mal à personne ! Et lorsqu’elle a ainsi touché, soupesé,
palpé, caressé, elle referme l’armoire en soupirant. Elle aussi, elle
aimerait porter ces atours ; puis elle se dit que, de toute façon, ses
formes rebondies n’entreraient pas dans ces petites tailles de mannequin ! Cette curieuse manie, c’est bien là son
seul défaut, une faille secrète dans la vie de l’honnête Zoubida, et madame
Derville, sa patronne qui ne se doute de rien, déclare à qui veut l’entendre
que sa femme de chambre est une perle ! Oui, une perle noire que les Vermeulen
apprécient beaucoup. Ce couple de Belges, vieux habitués de l’hôtel, occupe
traditionnellement la chambre 13. Lui, est agent de change à Bruxelles, elle,
toujours fort élégante, se désole d’un embonpoint rebelle à tout régime. Ils
sont fort simples et très gentils pour Zoubida qui s’ingénie, par mille
petits riens, à rendre leur séjour plus agréable. C’est l’heure où la clientèle converge vers
le bar et le restaurant. Les Vermeulen qui aiment la bonne chère se sont
installés à leur table pour un long moment. Zoubida inspecte le couloir du premier
étage et s’engouffre dans la chambre 13. Cette semaine, avec l’invasion des
touristes étrangers, elle n’a pas encore eu le loisir d’explorer la
garde-robe si bien fournie de madame Vermeulen. Elle appelle
« prospection » cet inoffensif rituel qu’elle pratique cependant
avec la plus grande prudence ; et cela l’amuse beaucoup ; en fait
c’est sa seule distraction ! La jeune
femme, abandonnant l’aspirateur - prétexte, court à la penderie, tripote
mousselines et dentelles. Soudain, ses yeux d’agate s’allument ; elle
découvre, rangée à part, une robe ornée de plantureuses pivoines d’un rouge
éclatant : son rêve ! Zoubida
se voit déjà traversant la place du village à petits pas gracieux, le menton
haut perché, la taille ondulante, sûre de son succès. Elle croit entendre le
froufrou de la jupe sur ses mollets nus, et le silence qui
l’accompagne ; ses cousines et les vieilles accroupies sur le seuil de
leur case en seront restées bouche bée ; quant aux hommes, l’œil lourd
de convoitise, ils auront interrompu leurs palabres. Comme elle est belle,
Zoubida, dans sa robe aux ramages écarlates : une fleur parmi les fleurs ! Alors,
peut-être qu’un garçon à la voix chaude viendra lui faire la cour, peut-être
qu’un notable lui parlera mariage… Longuement,
la jeune femme contemple la toilette dont la soie brillante l’aguiche dans la
pénombre du placard ; le désir est le plus fort ! Zoubida dégage la
robe de son cintre et la plaque en souriant sur sa poitrine ; puis,
d’une démarche onduleuse, elle se dirige vers la salle de bain. Devant la
glace, elle esquisse un pas de danse, cambre les reins tandis que les pans de
la jupe virevoltent en cadence. Soudain
son sourire s’est pétrifié ; elle aperçoit dans le miroir la silhouette
de madame Vermeulen qui vient chercher les pilules de son mari. Suffoquée,
la grosse dame, la main sur la bouche, laisse seulement échapper un petit
« oh ! » de réprobation face à la coupable affublée de cette
robe trop voyante qu’elle-même n’a jamais aimée. Zoubida
roule des yeux exorbités : ah ! Si elle pouvait rentrer sous
terre ! Elle sent le rouge de la honte lui envahir le visage ; ses
joues seraient sûrement devenues aussi rouges que des pivoines si sa peau
n’était pas si noire ! Comme un automate, elle remet en place l’objet du
délit et sans un mot disparaît, tête basse. Cachée
dans le réduit aux balais, elle médite sur le sort qui l’attend : Bêtement,
elle a perdu sa place ! Par sa faute, la voilà renvoyée, réduite au
chômage, comme tant de ses pauvres compatriotes ! Il ne faut plus rêver
au merveilleux voyage en Afrique, chez les siens ! Finie, la traversée
triomphale du village dans sa robe à fleurs rouges ! Plus de
prétendants ! Seigneur, que va-t-elle devenir ? Il y a bien le
cousin Youssef qui habite le même quartier, mais Zoubida sait trop bien ce
qu’il attend d’elle. Jamais elle ne mangera de ce pain-là ! La
malheureuse se sent encore plus coupable, plus noire et plus grosse, et
maudit tardivement sa curiosité fatale ! « Zoubida !
Où êtes-vous donc, on vous cherche partout ! » La patronne s’impatiente. Zoubida
osera-t-elle descendre, affronter la colère de madame Derville qui est
peut-être au courant ? Elle traîne les pieds, le cœur en déroute.
Il s’agit seulement de monter un plateau pour un client alité. Ouf ! La
pauvre fille ne perd rien pour attendre ! A trois reprises, madame Derville l’appelle
pour des motifs futiles. A chaque fois Zoubida croit sa dernière heure
arrivée ; la patronne lui semble bien sèche, agressive ; sans doute
se contient-elle en présence des clients qui se pressent dans le hall. « Zoubida,
à quoi pensez-vous aujourd’hui ? Il faut vous réveiller ma fille ! » La femme de chambre aimerait se réveiller
de ce cauchemar, mais la réalité est là qui la tenaille depuis des
heures ! Tantôt Zoubida fait la sourde oreille pour retarder le moment fatal,
tantôt elle souhaite ardemment qu’on en finisse une bonne fois avec ce
supplice intolérable ! « Zoubida,
descendez tout de suite ! » Cette fois, le ton est abrupt, sans
réplique, il faut s’attendre au pire ! « Ce
n’est vraiment pas le moment de bayer aux corneilles, nous avons un
imprévu : les Vermeulen sont repartis à Bruxelles pour une affaire
urgente ; préparez tout de suite le 13 pour ces touristes anglais qui
viennent d’arriver ! » La jeune femme s’empresse de disparaître,
une paire de draps sur les bras. Elle vient encore de l’échapper belle ! En attendant le verdict, elle gagne la
chambre maudite au numéro porte-guigne, symbole de sa disgrâce et de son
renvoi imminent. Dès qu’elle a ouvert la porte, elle a senti
son cœur fondre : la robe aux pivoines est étalée en travers du lit. Au
corsage, madame Vermeulen a épinglé un petit carton sur lequel la jeune
femme, les yeux brouillés, a peine à déchiffrer : « Pour
Zoubida ». En petits caractères suit
l’inscription : « A l’année prochaine ! » Denise DUONG (extrait du recueil de nouvelles «LE CHEMIN DE SAINT JACQUES ») |